Australie : un médecin condamné pour une naissance La création d

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Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité bioéthique
N°43 : juillet 2003
Australie : un médecin condamné pour une naissance
Une stérilisation inefficace
Il y a 11 ans, une femme australienne
avait demandé une ligature de ses
trompes pour ne plus avoir d'enfant.
Quelques années plus tard, malgré la
ligature de ses trompes, elle attend un
enfant. Le couple porte plainte et
réclame des dommages et intérêts.
La Haute Cour d'Australie vient de
rendre sa décision : le médecin qui a
pratiqué l'opération doit 208 000 $ au
couple : 103 000 $ pour le "dommage"
de la naissance et 105 000 $ pour
l'éducation de l'enfant.
Suite à cette décision, les médecins
australiens ont manifesté en menaçant
de ne plus pratiquer certaines
interventions. De son côté "l'Australian
Medical Association" tire la sonnette
d'alarme et s'inquiète en particulier de
voir que les médecins sont chargés
d'assumer l'éducation des enfants...
D'autres voix se sont élevées pour
dénoncer cette décision de justice :
notamment celle de Barbara Mc Donald
de l'Université de Sydney regrettant
que cet arrêt puisse assimiler une
naissance à un préjudice. Pour elle,
"une telle décision de justice ouvre la
porte à des actions judiciaires au sein
des couples". Si une femme oublie de
prendre un contraceptif, sera-t-elle
poursuivie par son "partenaire" ?
Un cas similaire en Italie
En Italie, le quotidien La Stampa avait
révélé en septembre 2002 une affaire
similaire. Une femme qui souhaitait se
"mettre à l'abri" d'une grossesse, avait
décidé de se faire ligaturer les trompes.
Or, l'intervention avait échoué et
l'enfant "inattendu" était né le 31
décembre 1996.
La Cour de Venise avait condamné le
médecin, Ruggero Pasqualeto, à payer
près de 92 782 € pour le dommage
subi et 11.492 € pour couvrir les frais
du procès. La sentence, jugée sévère,
avait tenu compte du fait que, au lieu
de pratiquer une ligature des trompes
classique, le médecin avait utilisé un
procédé inhabituel, théoriquement
moins traumatisant, mais dont le
résultat avait été mal suivi et qui s’était
avéré
défaillant.
Lors du procès le défenseur du
médecin n’avait pas craint de prétendre
que si la femme ne désirait vraiment
pas cet enfant elle aurait pu avorter.
Argument contesté par le président de
l’Ordre des médecins italiens qui avait
déclaré ensuite dans une interview que
recourir à l’avortement comme
alternative à une intervention de
stérilisation
inefficace
était
inacceptable. Quoiqu’il en soit, c'était la
première fois qu’un tel verdict était
porté.
Nouvelles "affaires" Perruche ?
Ces arrêts sont apparemment proches
de "l’affaire Perruche", en ce sens
qu’un tribunal reconnaît qu’une
naissance indésirable peut être
indemnisée. Toutefois rappelons que
dans l'arrêt Perruche c'était l'enfant qui
demandait réparation du fait de sa
naissance...
La création d'un embryon bi-sexué
Du 29 juin au 2 juillet la Société
européenne de reproduction humaine
et d'embryologie réunissait 4 000
"spécialistes de la fertilité", à Madrid.
Beaucoup de chercheurs y ont
présenté leurs travaux, certains de ces
travaux posant de graves problèmes
éthiques.
Foetus pour traiter l'infertilité ?
Une équipe israelo-hollandaise (hôpital
de Kfar Saba - université d'Utrecht) a
annoncé que les tissus ovariens de
foetus avortés entre la 22ème et la
33ème semaine pouvaient, après mise
en culture, donner des ovules. Selon
leurs expériences, après 4 semaines
en culture, ces follicules ovariennes du
fœtus ont pu passer au stade mature.
Le responsable des recherches, le Dr
Tal Biron-Shental, reconnaît que
l'utilisation de tissu ovarien issu de
foetus avortés porte à la controverse.
Qui voudrait avoir comme mère un
foetus avorté ? Mais pour elle, cette
technique pourrait être une nouvelle
source d'ovocytes en plus des stocks
disponibles pour les fécondations in
vitro.
Le porte parole de la Human
Fertilization and Embryology Authority
(HFEA) a déclaré que l'utilisation de
tels tissus comme source de traitement
contre l'infertilité était inacceptable.
Un embryon bisexué
Le plus controversé de ces travaux fut
sans doute celui présenté par le Centre
de Reproduction Humaine de Chicago :
la création d'un embryon bisexué.
Plus exactement, les chercheurs ont
injecté des cellules masculines dans un
embryon féminin aboutissant à la
formation d'un embryon bisexué.
L'embryon ainsi transformé a été détruit
à quelques jours. Le Dr Norbert
Gliecher, directeur de la recherche, a
expliqué que le but de cette expérience
serait thérapeutique puisqu'il s'agirait
Gènéthique - n°43 - juillet 2003
d'injecter chez un embryon malade les
cellules d'un embryon sain...
Cette annonce a suscité beaucoup de
réactions chez les scientifiques. Le Pr
australien Alan Trounson, connu
pourtant pour ses expériences
controversées sur les embryons
humains, a exprimé son opposition : "je
ne trouve aucune logique à ce qu'ils
veulent faire, cela me semble
complètement défectueux".
Les chiffres du rapport de la Cour des comptes sur le handicap mental...
Le 26 juin 2003 la Cour des comptes a
rendu un rapport intitulé "La vie avec
un handicap" au président de la
République. Elle y dresse entre autres
un constat sévère sur les actions
menées en faveur des personnes
handicapées, sur l'utilisation des
finances publiques et dénonce
notamment l'absence de politique
publique de recherche thérapeutique
sur le handicap mental.
Des structures inadaptées
Ce rapport fait ressortir le manque de
solutions pour les personnes atteintes
de déficience mentale à tout âge de
leur vie.
- S’agissant des demandes de places
dans les établissements pour
enfants handicapés, « les listes
d’attente de très loin les plus longues
concernent les enfants déficients
intellectuels. Aucune mesure explicite
n’a cependant été prévue pour cette
catégorie de personnes handicapées ».
- L’intégration scolaire en milieu
ordinaire ne constitue pas une véritable
priorité pour l’éducation nationale
« compte tenu notamment d’une
certaine réticence du personnel
enseignant ». Par conséquent plus de
30 % des enfants handicapés mentaux
accueillis en établissements médicosociaux ne sont pas scolarisés du tout
et 90 % de ceux qui sont scolarisés ne
le sont pas par l’éducation nationale
mais par les affaires sociales.
- Dans l’expérimentation des « sites
pour la vie autonome » qui devraient
conduire les personnes handicapées
adultes à accéder à l’autonomie la plus
large dans le milieu ordinaire, la Cour
relève que « la déficience intellectuelle,
en tant que telle, n’a pas fait partie du
protocole défini par le comité national
de suivi… La manière dont cette action
est conduite privilégie de fait les
personnes en situation de déficience
motrice ou sensorielle pour lesquelles
la compensation paraît a priori possible
et écarte ab initio les personnes en
situation de déficience intellectuelle qui
forment pourtant 70 % de la population
accueillie dans les institutions ».
- Les réflexions sur le vieillissement
des personnes handicapées sont
menées « sous la pression des faits »
et « aucune disposition législative et
réglementaire de portée générale n’a
encore été prise dans ce domaine ».
En témoigne, de 2001 à 2003,
l’inscription budgétaire de la création de
127 places seulement pour les
personnes handicapées vieillissantes !
Comme le note la Cour, « il est
impossible d’évaluer le besoin, mais
l’on peut douter que la création de 127
places suffise à le satisfaire ». Notons
que pour le seul exemple de la trisomie
21, l'espérance de vie des personnes
atteintes de cette maladie était de 9
ans en 1929, 55 ans en 1986 et tend à
rejoindre celle de l'ensemble de la
population depuis quelques années...
Des chiffres sévères...
Les chiffres présentés par la Cour pour
1999 révèlent l’absence de recherche
thérapeutique sur la trisomie 21.
C'est la première fois que des chiffres
officiels dénonçant cet état de fait, sont
publiés.
Pour l'année 1999 :
- le coût du dépistage de la trisomie
21 s'élève à 100 millions d’euros,
- 85 434 caryotypes fœtaux ont été
faits pour dépister 1 405 enfants
trisomiques,
- 357 enfants trisomiques sont nés
vivants,
Par ailleurs il n'y a aucun projet de
recherche
publique
à
visée
thérapeutique pour les personnes
trisomiques.
La direction générale de la santé a
même indiqué à la Cour que « si l’on
exclut les équipes de chercheurs qui
travaillent sur le dépistage de la
trisomie 21 proprement dit et les
facteurs épidémiologiques associés à
cette
pathologie »,
elle
n’a
« connaissance d’aucune
équipe
dédiée spécifiquement à la relation
entre trisomie 21 et retard mental »,
précisant que « les seules recherches
cliniques sur la trisomie 21 sont
menées et diffusées par une fondation
privée et trois équipes hospitalières ».
Commentaires des associations
Cette absence de recherche :
- est contraire à l’intention affichée
par le Pr. Jean-François Mattei, dans
son rapport de décembre 1996, d’éviter
toute dérive eugénique ;
- signifie que l’espoir thérapeutique
est interdit, non seulement pour les
enfants trisomiques qui naîtront, mais
aussi pour tous les adultes concernés,
dont l’espérance de vie a doublé ;
- constitue un grave préjudice pour
les 50 000 personnes trisomiques en
France. Quels patients accepteraient
que l'Etat investisse 100 millions
d'euros par an pour les dépister et les
"éradiquer" en les privant de toute
recherche thérapeutique ? Imagine-t-on
un tel rapport sur le cancer ou le sida ?
- conduira à de nouveaux arrêts
Perruche : il ne suffit pas d’écrire dans
la loi que «nul ne peut se prévaloir d’un
préjudice du seul fait de sa
naissance », encore faut-il que la
solidarité nationale existe.
En cette année européenne des
personnes handicapées, et dans le
cadre de la priorité du Président de la
République,
des
associations
réclament qu’un effort très sensible soit
consenti pour améliorer la prise en
charge médicale et la recherche en
faveur des personnes trisomiques.
Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune - 31 rue Galande 75005 Paris
Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné - Rédacteur en chef : Aude Dugast
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