Les sujets de dissension (s’indigner, c'est aussi se donner une raison d’être !) :
- Le sentiment qu‟on veut empêcher les musulmans de prier et que la disparité est grande entre le traite-
ment infligé à l‟islam et celui réservé aux autres confessions. Les principales institutions représentatives
de l‟islam en France sont absentes des prisons et les aumôniers musulmans sont en nombre insuffisant.
Les liens que les détenus, quasiment livrés à eux-mêmes, développent entre eux prévalent, ce qui facilite
d‟autant plus la tâche des plus “intégristes”.
- Le ramadan et les prescriptions alimentaires dont le respect marque souvent l‟appartenance à la commu-
nauté musulmane et la différence avec “les autres”. Plus la ferveur est faible et plus on ignore les pré-
ceptes fondamentaux de l‟islam, plus on recherche des signes identitaires visibles. Et la contrainte du
jeûne relègue momentanément au second plan la nécessité de trouver une issue à la prison et à la délin-
quance.
Convertis et prosélytisme
L‟islam répond au besoin de certitudes simples et bien tranchées : il indique clairement ce qui relève du
bien et du mal, le permis et l‟interdit, contrastant en cela avec un christianisme trop compromis avec une
modernité sans absolu qui estompe les frontières entre le vrai et le faux, le bien et le mal. Là où, au sein
des sociétés dépravées, l‟homme se sent détrôné dans sa masculinité et sa virilité, l‟islam restaure la dis-
tinction hommes et femmes et rassure les hommes sur leur supériorité.
Le prosélytisme rend possible une sociabilité au sein de laquelle on se sent utile et grâce à laquelle celui
qui prêche la bonne parole acquiert une importance et une dignité qui manquent tellement en détention.
Ce prosélytisme peut être discret, individualisé et bricolé : on s‟adresse à son compagnon de cellule ou, en
promenade ou au sport, à un autre avec lequel on sent des affinités et on lui propose de le guider dans la
foi. On peut aussi faire circuler le Coran, se prêter des livres ou des cassettes sur l‟islam venus du dehors
dont on discute ensuite… : "J'ai rencontré un frère ici qui m'a remis sur le droit chemin".
Le prosélytisme attire à l‟islam les démunis et exclus dont la perspective d‟intégration est inexistante, en
se fondant sur le rappel des origines islamiques et en les invitant à rejoindre une communauté qui pren-
drait en charge leurs besoins spirituels en donnant un sens à leur existence et une conscience de leur digni-
té en marge de la société. L‟affinité pour l‟islam peut être proportionnelle à leur dépit envers les “Fran-
çais” qualifiés de racistes. Devenir musulman n'est pas difficile : il suffit de prononcer devant témoins une
phrase qui pose l'unicité de Dieu et l'authenticité de Mahomet comme son prophète. De fait, les conver-
sions à l'islam ne sont pas rares en prison.
L’institution pénitentiaire et l’islam
En prison, les problèmes majeurs tiennent à l‟arrivée massive des jeunes des banlieues, au sentiment
d‟impuissance des surveillants face à leur conduite (l‟irruption d‟une subjectivité musulmane représente
quelque chose d‟inadmissible pour les surveillants) et à l‟islam prosélyte qu‟accompagnent parfois des
formes nouvelles de violence et d‟incivilité.
La protestation contre la stigmatisation et le racisme engendre un islam protestataire, ostentatoire et sou-
vent irrespectueux des normes séculières de la société française. Par impuissance, l‟institution péniten-
tiaire y répond de manière défensive et réactive, cherchant souvent à les occulter pour ne pas faire de
vagues, ni provoquer de remous susceptibles de fragiliser davantage l‟équilibre déjà précaire qui règne
derrière les barreaux.
L'institution ne traite pas l'islam sur le même pied que les autres religions. Ex. la viande halal n'est pas
fournie. L‟absence de formation adéquate et un esprit réfractaire à la compréhension des phénomènes
religieux rend l‟institution pénitentiaire incapable de comprendre la nature des enjeux inédits liés à
l‟islam, et d‟en saisir l‟importance, ne serait-ce que pour pouvoir y faire face.
L'administration pénitentiaire a le souci de combler progressivement le déficit qui concerne le culte mu-
sulman pour réaliser l'équilibre entre le nombre de détenus relevant de cette confession et leurs aumôniers
: l'absence d'aumônerie musulmane dans des établissements engendre une revendication forte, des détenus
prennent la place des imams et s'autoproclament représentants de l'islam. Ils font la prière collective du-
rant la promenade, leur tapis à la main, alors que c'est souvent interdit par le règlement. Certains lancent le
cri du muezzin de leur cellule pour annoncer l'heure de la prière…