Journal Identification = IPE Article Identification = 1475 Date: April 14, 2016 Time: 2:35 pm
L’Information psychiatrique 2016 ; 92 : 277–84
NEUROSCIENCES
L’imagerie cérébrale en psychiatrie clinique :
du diagnostic différentiel au machine learning
Ali Amad 1, Aïda Cancel 2,3, Thomas Fovet 1
RÉSUMÉ
La neuro-imagerie a connu un essor considérable ces dernières années. De nombreux travaux indiquent que les utilisations
potentielles de la neuro-imagerie en pratique clinique sont multiples tant à visée diagnostique que pronostique ou pour
guider de nouveaux traitements. Dans cet article, nous décrivons l’utilisation actuelle de l’imagerie cérébrale, en pra-
tique psychiatrique notamment pour éliminer un diagnostic différentiel. À partir d’une analyse de la littérature, plusieurs
recommandations sont proposées. Les perspectives offertes par la neuro-imagerie avec le développement des stratégies de
machine learning sont également envisagées. Finalement, les conséquences conceptuelles du développement de l’imagerie
en psychiatrie sont abordées.
Mots clés : neurosciences, imagerie cérébrale, psychiatrie, diagnostic différentiel, imagerie par resonnance magnétique,
support vector machine
ABSTRACT
Brain imaging in clinical psychiatry: differential diagnosis in machine learning. Neuroimaging has grown considerably
over the past decades. Many reported studies have indicated that the potential uses of neuroimaging in clinical practice are
numerous for diagnostic purposes, prognosis or as a guide to new treatments. In this article, we describe the current use of
brain imaging in clinical psychiatric practice, in particular in the search for a differential diagnosis. Based on a review of
the literature, several practical recommendations are proposed. The development of machine learning strategies by using
neuroimaging data is also considered. Finally, the conceptual consequences of the development of psychiatry in imaging
are discussed.
Key words: neuroscience, brain imaging, psychiatry, differential diagnosis, magnetic resonance imaging, support vector
machine
1Université Lille, CNRS, UMR-9193, SCA-Lab, psychic et CHRU de Lille, Pôle de psychiatrie (CURE),
Hôpital Fontan, 59000 Lille, France
2Institut de neurosciences de la Timone, UMR 7289, CNRS, Université Aix-Marseille, Faculté de médecine,
27, boulevard Jean-Moulin, 13005 Marseille, France
3Pôle de Psychiatrie, CHU de Saint-Étienne Hôpital Nord, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France
Tirés à part : A. Amad
doi:10.1684/ipe.2016.1475
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 92, N4 - AVRIL 2016 277
Pour citer cet article : Amad A, Cancel A, Fovet T. L’imagerie cérébrale en psychiatrie clinique : du diagnostic différentiel au machine learning.L’Information psychiatrique
2016 ; 92 : 277-84 doi:10.1684/ipe.2016.1475
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A. Amad, et al.
RESUMEN
La imagen cerebral en psiquiatría clínica : del diagnóstico diferencial al machine learning.En las últimas décadas, la
neuroimaginería ha conocido un auge notable. Numerosos estudios se˜
nalan que las utilizaciones potenciales de la neuroima-
ginería en práctica clínica son numerosas tanto con fines diagnósticos como pronósticos o para guiar nuevos tratamientos.
En este artículo, describimos la utilización actual de la imagen cerebral, en la práctica psiquiátrica especialmente en la
investigación de un diagnóstico diferencial. Partiendo de un análisis de la literatura, se proponen varias recomendaciones.
Las perspectivas ofrecidas por la neuroimaginería con el desarrollo de las estrategias de machine learning están también
consideradas. Finalmente, se abordan las consecuencias conceptuales del desarrollo de la imaginería en psiquiatría.
Palabras claves : neurociencias, imagen cerebral, psiquiatría, diagnóstico diferencial, imagen por resonancia magnética,
support vector machine
Introduction
Depuis la découverte des rayons X en 1895, la neuro-
imagerie a connu un essor considérable puisque les progrès
technologiques ont permis d’évoluer de la simple radiogra-
phie de crâne à la visualisation des structures cérébrales en
haute résolution grâce à l’imagerie par résonnance magné-
tique (IRM). L’apparition de l’IRM fonctionnelle (IRMf)
a également entraîné une véritable révolution, permet-
tant d’appréhender les changements d’activité cérébrale au
cours de tâches données ou au repos.
Malgré ces progrès fulgurants, l’utilisation de l’imagerie
cérébrale en pratique clinique psychiatrique reste assez
limitée. Actuellement, aucun examen de neuroradiologie
ne permet de confirmer le diagnostic positif d’une patho-
logie psychiatrique [1]. Pourtant, de nombreux travaux de
recherche indiquent que les utilisations potentielles de la
neuro-imagerie en pratique clinique sont nombreuses tant à
visée diagnostique que pronostique ou pour guider de nou-
veaux traitements [2, 3]. Dans cet article, nous décrivons
l’utilisation actuelle de l’imagerie cérébrale, en pratique
psychiatrique notamment son rôle dans la recherche d’un
diagnostic différentiel neurologique. Nous envisageons
ensuite les perspectives offertes par la neuroimagerie tout
particulièrement avec le développement des stratégies de
machine learning. Si ces avancées trouvent dans les années
futures des applications pratiques, des bouleversements
devront s’opérer dans la fac¸on de concevoir la patholo-
gie psychiatrique, longtemps définie comme un trouble de
l’« esprit » en l’absence de lésion décelable.
L’imagerie cérébrale en pratique
psychiatrique : situation actuelle
L’utilisation actuelle de la neuro-imagerie dans le
champ de la pratique clinique en psychiatrie correspond
essentiellement à l’identification de diagnostics différen-
tiels. En effet, de nombreuses pathologies associées à
des lésions macroscopiques du système nerveux central
comme les tumeurs cérébrales, les séquelles de trauma-
tisme crânien, les encéphalites et méningo-encéphalites,
les pathologies auto-immunes, les pathologies démyé-
linisantes, l’hydrocéphalie à pression normale ou les
anévrismes peuvent être à l’origine de symptômes psychia-
triques.
Deux types de techniques de neuro-imagerie doivent être
distingués dans cette indication :
la neuro-imagerie structurale, permettant d’obtenir des
images statiques du crâne et du cerveau. Il s’agit de la
tomodensitométrie (ou « scanner ») et de l’IRM ;
la neuro-imagerie fonctionnelle qui permet d’obtenir des
mesures directes ou indirectes de l’activité du cerveau.
Ces méthodes correspondent à la tomographie d’émission
monophotonique (plus communément appelée SPECT,
pour single photon emission computed tomography), la
tomographie par émission de positons (TEP) et l’IRMf.
Imagerie structurale
C’est à l’imagerie structurale que le psychiatre est le plus
souvent confronté dans sa pratique clinique. L’objectif est
alors d’identifier des lésions macroscopiques du cerveau,
visibles en imagerie, pouvant expliquer le tableau clinique
présenté par un patient. L’enjeu est important, notamment
sur le plan de la prise en charge (par exemple, indication
d’une prise en charge chirurgicale en cas de mise en évi-
dence d’une tumeur cérébrale).
Pourtant, les données disponibles dans la littérature
internationale sur le sujet sont excessivement rares et peu
d’études ont été menées avec une méthodologie rigoureuse
pour explorer cette problématique. Les travaux ayant été
publiés dans le domaine sont majoritairement rétrospec-
tifs et explorent la fréquence des anomalies identifiées par
l’imagerie structurale (scanner et IRM) au sein de popu-
lations présentant, au premier plan, des symptomatologies
psychiatriques. Les résultats mettent en évidence des ano-
malies en imagerie structurale (scanner et IRM) chez 1 à
60 % des patients présentant un diagnostic de trouble(s)
psychiatrique(s), avec modification du diagnostic initial
dans1à20%dessituations [4-12]. Une étude rétrospec-
tive de 1992 sur 731 patients s’est également intéressée au
taux de pathologies non psychiatriques dépistées après la
demande d’une IRM par le psychiatre chez des patients
admis en hospitalisation psychiatrique [13]. Les demandes
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L’imagerie cérébrale en psychiatrie clinique : du diagnostic différentiel au machine learning
d’IRM étaient majoritairement réalisées dans des situations
de premier épisode psychiatrique et, dans de rares cas,
lors de modifications symptomatiques chez des patients
présentant un trouble psychiatrique chronique. Au total,
17 % des examens par IRM cérébrale mettaient en évi-
dence des anomalies macroscopiques. De manière tout à
fait intéressante, dans certains cas, aucune atypicité de la
symptomatologie psychiatrique ni de signes neurologiques
de localisation n’avaient été identifiés. Ce travail retrouvait
par exemple chez les patients présentant une symptomato-
logie maniaque : une fréquence de 6 % pour les tumeurs
cérébrales et de 7 % pour les lésions ischémiques. C’est
le diagnostic de confusion qui était le plus souvent associé
à l’identification de lésions (13 % de lésions de la sub-
stance blanche et9%delésions ischémiques chez les
patients confus ; au total une lésion était identifiée dans
26 % des cas). Venaient ensuite les troubles anxieux et
les symptômes dépressifs, pour lesquels une lésion macro-
scopique était mise en évidence dans 25 % des cas. De
fac¸on intéressante, les symptômes psychotiques étaient les
moins fréquemment associés à des anomalies anatomiques
[13].
Plus récemment, Erhart et al. ont réalisé une étude
rétrospective sur 253 patients souffrant de pathologies psy-
chiatriques (à l’exception de la démence) et ayant bénéficié
d’une IRM cérébrale. Les résultats mettent en évidence une
fréquence de lésions ischémiques de 30 %, d’atrophie céré-
brale de 20 % et de modifications de la substance blanche de
8%.Defac¸on intéressante, les auteurs montrent également
dans ce travail que la découverte de lésions macroscopiques
en IRM entraîne une modification de la prise en charge dans
15 % des cas [14].
Finalement, Mueller et al. ont récemment montré, dans
une étude rétrospective sur 435 patients, que l’imagerie
structurale (scanner ou IRM) identifiait des anomalies
dans 2,9 % des cas quand les examens étaient systémati-
quement demandés. Par contre, la fréquence d’anomalies
retrouvées atteignait 20 % quand la demande était moti-
vée, c’est-à-dire justifiée par l’un des éléments cliniques
suivant : âge de début inhabituel pour une maladie don-
née, présence de symptômes cognitifs et/ou confusionnels,
évolution symptomatique inhabituelle (ex : résistance au
traitement), survenue d’une modification brutale de la per-
sonnalité, et association à des symptômes neurologiques
[15].
Au total, l’analyse de cette littérature montre d’une part,
que les liens entre un type de lésion cérébrale ou sa locali-
sation et la symptomatologie psychiatrique qui en découle
restent très mal connus, d’autre part que l’imagerie céré-
brale est manifestement plus rentable lorsque la demande
est argumentée et motivée.
À partir de ces observations, plusieurs recommandations
peuvent être proposées (tableau 1). D’abord, en l’absence
de contre-indication et quand cela est techniquement pos-
sible, l’IRM doit être préférée dans la plupart des cas.
Tableau 1. Indications de réalisation d’un examen d’imagerie cérébrale
structurale en psychiatrie.
Imagerie structurale
Préférer l’IRM en l’absence de contre-indication et quand cela
est techniquement possible
Situations cliniques
– Âge de début inhabituel pour une maladie donnée
– Premier épisode psychotique
– Évolution symptomatique inhabituelle (ex : situation
de résistance aux traitements de première ligne)
– Symptomatologie atypique
– Modification brutale de la personnalité
– Présence de signes de focalisation neurologiques
– Bilan avant un traitement par électro-convulsivo-thérapie
En pratique, l’examen clinique complet doit être la règle
avant toute demande d’imagerie cérébrale. Celui-ci per-
mettra de mettre en évidence des signes neurologiques
associés ou des signes atypiques. La demande d’imagerie
pourra ainsi être argumentée et l’examen d’imagerie opti-
misé par le neuroradiologue (par la réalisation de séances
spécifiques par exemple) pour une meilleure interprétation.
Les éléments cliniques indispensables au neuroradiologue
sont : type de lésion et localisation suspectées, exposition
à des toxines, processus pathologique spécifique suspecté,
etc. Pour que l’examen d’imagerie se déroule dans les
meilleures conditions, les neuroradiologues doivent aussi
être informés de l’état clinique du patient et certaines situa-
tions particulières doivent être repérées : état d’agitation
probable pendant l’examen, claustrophobie, idées déli-
rantes, tremblements importants, obésité. Dans certains cas,
le patient qui devra être bien informé, en amont, des moda-
lités de déroulement de l’examen (bruit, durée, etc.), peut
être accompagné par un membre de l’équipe soignante
de psychiatrie. Une prémédication (traitement anxiolytique
notamment) peut être nécessaire.
Imagerie fonctionnelle
L’imagerie fonctionnelle peut s’avérer pertinente dans
certaines situations cliniques. Les techniques les plus uti-
lisées sont tout particulièrement les méthodes d’imagerie
nucléaire comme la SPECT et la TEP. L’imagerie nucléaire
regroupe un ensemble de techniques utilisant des traceurs
radioactifs à demi-vie courte pour évaluer la perfusion céré-
brale régionale et la consommation cérébrale régionale de
glucose ou d’oxygène. Pour cela, le rayonnement émis par
un traceur radioactif injecté au patient est détecté par une
caméra, ce qui permet de former une image des régions
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A. Amad, et al.
cérébrales captant ce traceur. Outre ces techniques
d’imagerie nucléaire métabolique, des méthodes existent
également pour étudier les différents neurotransmetteurs,
notamment en SPECT. Ces dernières apparaissent lar-
gement sous-utilisées dans les situations de pathologies
résistantes et complexes [16]. Elles pourraient également
être employées pour différencier le syndrome extra-
pyramidal secondaire aux neuroleptiques d’une maladie
de Parkinson plus ou moins évoluée, ce qui correspond
à une problématique fréquente en pratique clinique. Dans
cette indication, l’examen est la SPECT à 123I-ioflupane
communément appelée DaTSCAN qui permet d’acquérir
des informations sur la transmission dopaminergique. En
pratique, cet examen permet également d’éliminer une
maladie à corps de Lewy [17].
Au-delà des apports de l’imagerie à la pratique courante
que nous venons de décrire, de nouvelles méthodes se déve-
loppent pour assister le psychiatre dans son travail clinique.
Le machine learning, décrit ci-dessous, a ainsi été rendu
possible grâce à l’amélioration de la puissance de calcul
des ordinateurs, permettant de réaliser des opérations sur
les centaines de milliers de voxels (un voxel est un pixel en
3D) qui constituent une image IRM.
Méthodes d’apprentissage
automatique ou « machine learning »
Description des méthodes
d’apprentissage automatique
L’apprentissage automatique consiste à faire
« apprendre»àunordinateur des capacités qui n’auront
pas été préalablement programmées. Dans la recherche
en imagerie médicale, il s’agit le plus souvent d’un
apprentissage supervisé, c’est-à-dire qu’un logiciel sera
entraîné à classer des sujets en fonction d’un modèle donné
par un expert clinicien.
Ainsi, dans une première phase, l’expert classe les
sujets en plusieurs groupes (par exemple : groupe de sujets
malades et groupe de sujets non malades) et implémente
dans l’algorithme d’apprentissage automatique les données
d’imagerie associées à l’étiquette de groupe (dans notre
exemple il associe chaque image soit au groupe malade,
soit au groupe non malade). Cette phase de classement de
l’information par l’expert est donc utilisée pour constituer
un modèle. Ce modèle servira par la suite à « apprendre » au
logiciel à classer les sujets selon les groupes prédéterminés
par l’expert.
Il existe différentes méthodes d’apprentissage automa-
tique mais la plus utilisée actuellement est le SVM ou
Support Vector Machine [18, 19]. Les données d’imagerie
sont rapportées dans un espace à multiples dimensions et
il s’agit alors de définir dans cet espace un plan permet-
tant de séparer les deux groupes de sujets. Ce plan est
Données des différents groupes
ex: Malades
Non malades
Hyperplan optimum
Variable 2
(ex: donn
ées du voxel 2
)
Variable 1
(ex: donn
ées du voxel 1
)
çç
ç
ç
ç
ç
ç
ç
çç
ç
ç
ç
ç
ç
Figure 1. Principe de classification en SVM (Support Vector Machine).
Le logiciel apprend à classer les sujets selon les groupes prédéterminés
par l’expert en définissant un « hyperplan », représenté ici par la droite qui
sépare de manière optimale les variables (dans cet exemple, les données
du voxel 1 et les données du voxel 2) de chaque groupe.
appelé hyperplan, ou encore fonction de décision. Ainsi,
dans notre exemple présenté en figure 1, le logiciel ana-
lyse les voxels de l’ensemble des images IRM classées par
l’expert pour déterminer l’hyperplan qui sépare les voxels
de chaque groupe de sujets, malades ou non malades.
Après cette phase d’apprentissage, le modèle utilisera cet
hyperplan pour déterminer à quel groupe sont associées les
données de prochains sujets. Dans notre exemple, le modèle
sera ainsi capable de discriminer, sans l’intervention de
l’expert, si les données d’un sujet sont associées au groupe
malade ou non malade.
En ce qui concerne les études de validation de méthodes
de machine learning en clinique, elles nécessitent une phase
d’apprentissage supervisée par l’expert, et une phase de
validation du modèle, à partir d’un échantillon différent.
C’est à partir de la capacité du modèle à classer correcte-
ment les sujets de l’échantillon de validation que se mesure
la capacité de discrimination du modèle (sensibilité et spé-
cificité du classificateur).
Utilisation de méthodes d’apprentissage
automatique en imagerie cérébrale
Le machine learning a d’abord été utilisé dans des études
explorant la capacité d’un modèle à établir un diagnostic,
en comparant l’imagerie IRM de sujets malades à celle de
sujets sains pour la phase d’apprentissage. La méthode de
SVM permet une classification de qualité pour de nom-
breuses pathologies neurologiques et psychiatriques [20].
Ainsi, les modèles en SVM ont montré une précision de
la classification allant de 83 % à 100 % pour la mala-
die d’Alzheimer ; de 71 % à 100 % pour les MCI (Mild
Cognitive Impairment);de72%à97%pour la maladie
de Parkinson ; de 68%à86%pour l’épisode dépressif
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L’imagerie cérébrale en psychiatrie clinique : du diagnostic différentiel au machine learning
caractérisé ; de 59%à85%pour l’épisode dépressif carac-
térisé résistant au traitement médicamenteux ; de 79 % pour
le trouble bipolaire ; de 68%à90%pour les troubles du
spectre autistique et de 81%à92%pour la schizophrénie
(pour une revue de la littérature sur l’utilisation du machine
learning dans le diagnostic de la schizophrénie, voir [21]).
Ces résultats indiquent une grande capacité de discrimina-
tion des modèles SVM entre sujets malades et sujets non
malades. Cependant les études actuellement disponibles
concernent le plus souvent des sujets à un stade relative-
ment avancé de la pathologie, au cours duquel les anomalies
IRM sont plus marquées qu’en début d’évolution du trouble
et pour lequel l’apport potentiel du machine learning àla
clinique apparaît moins intéressant.
Compte tenu de ces observations, plusieurs travaux ont
évalué l’intérêt du machine learning chez des sujets à risque
de développer des pathologies neurologiques ou psychia-
triques. En effet, chez des sujets présentant des prodromes
ou dans des groupes de sujets à risque, le machine learning
pourrait apporter une prédiction individuelle du risque de
transition vers la pathologie cible à partir d’images IRM
anatomiques. Plusieurs résultats sont d’ores et déjà dispo-
nibles : la méthode de SVM a démontré une précision de
classification pour la transition vers la maladie d’Alzheimer
chez les sujets sains de 94,3%;versunMCIchez les sujets
sains de 81,8%à91,4%;verslamaladie d’Alzheimer
chez des sujets MCI de 60 % à 98,4 % et vers les patho-
logies psychiatriques chez des sujets à risque de 82 % à
92,3 %. Des études en SVM ont également montré des
résultats intéressants pour la prédiction du cours évolutif
de la schizophrénie une fois le diagnostic posé, avec une
précision de la classification entre type épisodique ou conti-
nue de 67 à 70 %. En ce qui concerne le premier épisode
psychotique, une seule étude, à ce jour, a utilisé la SVM
pour prédire l’évolution clinique (à 6 ans), avec une sen-
sibilité de 71 % et une spécificité variant de 61%à68%
[22].
Utilisation à visée thérapeutique
Plus récemment, la SVM a été utilisée en prédiction de la
réponse thérapeutique. Ces modèles utilisent, pour la phase
d’apprentissage, les données d’imagerie recueillies avant
la mise en place d’un traitement, puis le suivi des sujets
permet de constituer les groupes de sujets répondeurs ou
non répondeurs.
Les études SVM ont montré une précision de la clas-
sification pour la réponse au traitement dans l’épisode
dépressif caractérisé allant de 65,22 % à 88,9 %. Concer-
nant la schizophrénie, si de nombreuses études ont exploré
les altérations cérébrales en fonction du pronostic et les
marqueurs d’imagerie permettant de distinguer les patients
selon l’absence de rémission, le machine learning et la
SVM n’ont pas encore été utilisés pour prédire l’absence
de rémission dans cette pathologie [23].
Perspectives
Malgré les résultats très encourageants du machine
learning en psychiatrie et en neurologie, l’impact de ces
techniques sur la pratique clinique psychiatrique a été,
jusqu’à présent, très limité. En effet, les modifications
anatomiques et de connectivité dans les pathologies psy-
chiatriques sont généralement discrètes dans les stades
précoces de la maladie, y compris dans les pathologies où
des modifications morphologiques cérébrales sont les plus
marquées, comme la schizophrénie [24, 25]. Les capacités
de discrimination du machine learning restent malheu-
reusement encore insuffisantes par rapport aux capacités
diagnostiques des psychiatres et son utilisation à visée diag-
nostique, pronostique ou thérapeutique est donc limitée
par un manque de précision. Cependant les performances
du machine learning pourraient être grandement amélio-
rées dans les années futures par l’utilisation de plusieurs
modalités d’imagerie dans le modèle (IRM structurale,
IRM fonctionnelle, DTI, EEG etc.) ou par l’adjonction
de facteurs biologiques autres aux données d’imagerie
(génétique, expression génique, dosages sanguins de fac-
teurs associés aux pathologies etc.). Ainsi, si des données
suggèrent que les approches d’imagerie multimodales aug-
menteraient la sensibilité et la spécificité des modèles de
machine learning [26], il semble licite d’espérer intégrer à
l’avenir ces modèles dans la pratique clinique.
Outre ces nouvelles possibilités offertes en matière
de prédiction, l’imagerie cérébrale apporte également des
perspectives pour la prise en charge des pathologies
psychiatriques à la fois grâce au développement de nou-
velles techniques (comme le neurofeedback guidé par
IRM fonctionnelle) mais surtout par le développement de
la neuronavigation qui permet actuellement d’optimiser
les traitements non médicamenteux comme la stimulation
magnétique transcrânienne répétée (SMTr).
Imagerie et thérapeutique
Malgré des avancées majeures, ces dernières années,
dans la compréhension des mécanismes physiopatho-
logiques sous-tendant les troubles psychiatriques, les
évolutions en ce qui concerne la prise en charge de ces
pathologies fréquentes et invalidantes restent minimes [27].
Dans le domaine de la neuropharmacologie par exemple,
il est important de souligner qu’aucune avancée majeure
n’a été réalisée ces trois dernières décennies, et cette ten-
dance devrait se poursuivre puisque les investissements de
l’industrie pharmaceutique pour la recherche de nouvelles
molécules en santé mentale sont actuellement largement
diminués [28].
C’est dans ce contexte que se sont développées plusieurs
techniques non médicamenteuses de neuromodulation :
stimulation cérébrale profonde [29], SMTr [30], stimula-
tion du nerf vague [31] ou stimulation transcrânienne à
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