GYNECO-OBSTETRIQUE Revue Marocaine du Cancer 2010 ; 4 : 24-26 Article Original CONTRACEPTION ET CANCER COLORECTAL H. BOUFETTAL1, M. NOUN1, S. HERMAS1, N. SAMOUH1, R. BOUFETTAL2, S. RIFKI JAI2, F. CHEHAB2 1. Service de Gynécologie-Obstétrique “C” ; 2. Service de Chirurgie Générale “III”, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc RESUME ABSTRACT Le cancer colorectal représente la deuxième cause de mortalité par cancer chez la femme non tabagique. Différentes constatations sont en faveur d’une protection de ces pathologies par la substitution hormonale oestroprogestative. Plusieurs études épidémiologiques se sont intéressées à la pathologie maligne colorectale. Cinq études sur le risque d’adénomes colorectaux chez les femmes ménopausées traitées ont été recensées. Les études épidémiologiques suggèrent une réduction de 20 à 30% du risque de cancers et d'adénomes colorectaux chez les femmes ménopausées sous traitement hormonal. Cette constatation est renforcée par le résultat d'études expérimentales. CONTRACEPTION AND COLORECTAL CANCER Mots clés : contraception hormonale, cancer du côlon, cancer du rectum, polypes adénomateux du côlon et du rectum, prévention Key words : hormonal contraception, colon cancer, rectum cancer, adenomatous polyps of the colon and rectum, prevention Colorectal cancer is the second leading cause of cancer death among not smoking women. Various findings are in favor of protection of these diseases by hormone oestroprogestative. Several epidemiological studies have concerned substitute colorectal malignancy. Five studies on the risk of colorectal adenomas in postmenopausal women treated were identified. Epidemiological studies suggest a reduction of 20 to 30% of cancer risk and colorectal adenomas in women with menopausal hormone therapy. This finding is reinforced by the results of experimental studies. Correspondance : Dr. H. BOUFETTAL. 53, rue Allal Ben Abdellah, 20000, Centre ville, Casablanca, Maroc. E-mail : [email protected] INTRODUCTION cadre de la contraception hormonale ou comme traitement hormonal substitutif de la ménopause, est susceptible de réduire le risque de cancers colorectaux [2-10]. A ces constatations épidémiologiques s’ajoutent des constatations biologiques [2, 7]. Le cancer colorectal est le quatrième cancer dans le monde. Il représente la deuxième cause de mortalité par cancer chez la femme non tabagique. Son incidence est en augmentation : 25 000 nouveaux cas par an aux USA. Sa mortalité a doublé entre 1991 et 1996. La probabilité d’être atteint d’un cancer colorectal au cours de la vie est de 5%. Le cancer du côlon représente à lui seul 65% des localisations [1]. PREUVES SCIENTIFIQUES • Effet protecteur de la contraception contre le cancer colo-rectal Les effets non contraceptifs de la contraception orale sont mal connus des femmes et du corps médical, trop imprégnés des seuls effets délétères, notamment thrombo-emboliques. La pilule assure cependant une prévention efficace des troubles du cycle : elle améliore la régularité des cycles, diminue le volume des règles et rend la dysménorrhée primaire moins fréquente et moins sévère. Mais la pilule a aussi un rôle favorable sur le cancer colorectal. En effet, les oestrogènes entraînent une réduction du risque d’environ 40% [1, 2]. Un effet protecteur du traitement hormonal oestroprogestatif contre le cancer colorectal a récemment été suggéré par l’étude WHI [11]. En ce qui concerne la pilule, la plus grande étude cas-témoins [12] a observé que les utilisatrices réduisent leur risque de cancer colorectal à 60% de celui des non utilisatrices [RR=0,63 (IC 95% : 0,45-0,87)]. Martinez [4], en reprenant la Nurses Health Study, montre des chiffres comparables avec un risque relatif de 0,6 [IC 95% : 0,4-0,89], soit une réduction du risque de 40%. En 1980, les premiers auteurs à avoir formulé l’hypothèse d’un effet protecteur des oestrogènes exogènes dans la pathologie maligne colorectale ont été Mc Michael et Potter [2]. Depuis, de nombreuses études épidémiologiques suggèrent que le traitement hormonal oestroprogestatif, prescrit dans le Une revue récente confirme la diminution de l’incidence du cancer colorectal avec un risque relatif de 0,84 en moyenne en fonction des études [13]. 24 Contraception et cancer colorectal H. BOUFETTAL et coll. Le mécanisme de l’action préventive est aussi lié à l’impact des oestrogènes sur la synthèse et l’excrétion de la bile et, plus particulièrement, à la diminution de la concentration des acides biliaires au niveau du côlon. L’effet protecteur des oestrogènes sur la muqueuse colique pourrait s'exercer par une modification du métabolisme biliaire. Les acides biliaires secondaires sont connus pour avoir une action carcinogène, initiatrice et promotrice, au niveau de la muqueuse colique [6, 10]. Les oestrogènes diminuent la synthèse et l’excrétion des acides biliaires secondaires [10]. Les patients atteints d'un cancer colique présentent une augmentation de l’excrétion fécale des acides biliaires [6, 10]. Ce mécanisme protecteur n'est probablement pas exclusif car l’absorption des acides biliaires s’effectue préférentiellement au niveau du côlon droit. Or il n’est pas démontré que l’effet protecteur des oestrogènes s’exerce principalement au niveau du côlon droit [7-10]. Fernandez a montré sur 4 études de cohortes et 8 études cas témoins un RR de 0,63 (IC : 0,45-0,87) [3]. Franceshi sur une méta-analyse, a montré un effet protecteur avec diminution du risque dans 3 études de cohortes et 5 études cas contrôle parmi 11 [3, 14]. Paganini-Hill [15] montre au travers des résultats d'une cohorte de 7701 femmes suivies pendant quatorze ans, une diminution significative des cancers colorectaux chez les utilisatrices d’oestrogènes, plus prononcée si l’utilisation est récente. Le risque ne semble pas être différent suivant les doses utilisées, ni la voie d’administration d’oestrogènes conjugués équins. La mortalité par cancers colorectaux est également diminuée mais d’une manière non significative [1]. • Protection des adénomes colorectaux Potter et al. [16] comparent 174 femmes ménopausées traitées ayant des polypes colorectaux avec 289 témoins à colonoscopie normale et 183 autres témoins, parmi la population. Ils retrouvent un Odds ratio, respectivement, de 0,39 (95% IC, 0,23-0,67) et de 0,61 (95% IC, 0,34-1,07) et ceci après 5 ans de traitement hormonal. Les oestrogènes entraînent alors une réduction du risque d’environ 40% par diminution des acides biliaires au niveau du côlon [1, 3, 14]. Une régulation intracrine par la muqueuse colique de l’action des oestrogènes est probable. La prolifération cellulaire de certaines lignées de cancers coliques est inversement associée à l’activité de la 17 bêta-hydroxystéroïde déshydrogénase [10]. Cette dernière est également régulée par les progestatifs. En fin, les oestrogènes réduisent la concentration sérique de l’IGF 1, qui est un agent mitogène. Elles entraîneraient une hyperméthylation de la région promotrice du gène RE qui entraîne la régulation de croissance muqueuse (le gène RE joue un rôle suppresseur de la tumeur) [8-10]. Peipins et al. [17] montrent une diminution significative du risque d’adénomes colorectaux chez les femmes ménopausées, traitées versus non traitées (OR = 0,39 : 95% IC, 0,15-0,97). Dans cette étude, le diagnostic était porté par colonoscopie sur 74 cas contre 137 témoins. Chen et al. [18], dans une étude rétrospective trouve une moindre incidence des adénomes colorectaux chez les femmes traitées versus non traitées (OR = 0,57, 95% IC, 0,35-0,94). Cette protection paraît corrélée à la durée d’utilisation. Audelà de cinq ans de traitement, l’odds ratio est de 0,49 (95% IC, 0,25-0,97). En conclusion, les oestrogènes semblent réduire de 20 à 30% le risque de cancers colorectaux [6, 10]. Ils seraient également protecteurs sur les états précancéreux représentés par les polypes adénomateux colorectaux. Bien que différentes hypothèses expérimentales argumentent cet effet protecteur, d’autres études épidémiologiques sont nécessaires. MECANISME D’ACTION PROTECTEUR Le traitement hormonal oestroprogestatif pourrait être utilisé chez les femmes ayant un antécédent personnel de cancer du côlon [7-10]. La plupart des études épidémiologiques semblent accorder un rôle favorable aux oestrogènes sur l’incidence et la mortalité de la pathologie maligne colorectale. Mais, aucune étude n’est menée avec des oestrogènes administrés par voie transdermique ou percutanée. Les femmes souhaitant un traitement hormonal oestroprogestatif et leur médecin doivent considérer cette probable protection dans les risques et bénéfices carcinologiques liés à l’utilisation d’hormones exogènes à la ménopause. Le mécanisme protecteur du cancer colo-rectal est lié principalement à l’action anti-néoplasique des oestrogènes. La muqueuse colique saine et les tumeurs coliques possèdent des récepteurs aux hormones stéroïdiennes dont les récepteurs aux oestrogènes [6, 10]. De ce fait, ces derniers diminuent la croissance des cellules néoplasiques coliques et inhibent la multiplication des cellules du côlon. In vitro, la croissance de lignée d'adénocarcinomes coliques humains est inhibée par l’oestradiol [10]. CONCLUSION Au total, la contraception offre de nombreux avantages [710]. Certes, le principal reste celui de la prévention des grossesses non désirées, et notamment des grossesses extrautérines. Mais les autres bénéfices méritent d’être mieux connus des femmes et du corps médical, notamment la prévention du cancer du côlon et du rectum, ce qui ne peut que retentir favorablement sur l’observance de la contraception orale. Les bénéfices non contraceptifs de la contraception Un autre mécanisme protecteur est représenté par l’action des oestrogènes sur un gène récepteur des oestrogènes qui possède un rôle suppresseur de la tumeur. 25 Revue Marocaine du Cancer 2010 ; 4 : 24-26 orale ne sont pas suffisamment soulignés. Des enquêtes ont montré que 80 à 95% des femmes ignorent ces bénéfices de la pilule, qu’il s’agisse des effets protecteurs contre le cancer de l’ovaire, de l’endomètre ou colo-rectal, l’anémie, les kystes ovariens fonctionnels, les salpingites ou les maladies bénignes du sein [2-8]. 9. REFERENCES 12. Hannaford P, Elliott A. Use of exogenous hormones by women and colorectal cancer : evidence from the Royal College of General Practitioners’ Oral Contraception Study. Contraception. 2005 ; 71 : 95-8. 1. 2. 3. 4. 10. Quereux C, Gabriel R. Bénéfices non contraceptifs de la contraception orale. Gynecol Obstet Fertil 2003 ; 31 : 1047-51. 11. Harman SM. Estrogen replacement in menopausal women: Recent and current prospective studies, the WHI and the KEEPS. Gend Med 2006 ; 3 : 254-69. Viguier J, Bourlier P, Karsenti D, de Calan L, Danquechin Dorval E. Cancer du côlon. Encycl Méd Chir, Gastro-Entérologie 2003 : 9-068-A-10, 18. 13. Serfaty D, Boutet G, Lansac J, Lopès P. 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