La recherche sur les embryons humains : Un régime clarifié par la

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BULLETIN
Sciences de la vie
2 août 2011
La recherche sur les embryons humains : Un régime clarifié par la
Loi du 7 juillet 2011
Par : Sylvain Beaumont et Sandra Tripathi
Une loi issue d'un intense débat moral et éthique
La loi n°211-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique vient d'être promulguée[1].
Ce texte est le fruit d'un processus législatif tout à la fois intense et rapide[2].
Cette loi aborde plusieurs domaines majeurs de la bioéthique, notion qui se définit généralement comme tout ce qui a trait aux relations
entre le corps humain et la science et notamment la médecine.
Ce texte précise ainsi les conditions régissant :
•
l'information devant être dispensée à la famille d'une personne dont une anomalie génétique grave a été diagnostiquée,
•
le don croisé d'organes,
•
la collecte de sang de cordon et de sang placentaire lors d'un accouchement ainsi que la possibilité de dédier ce don à l'enfant né ou à
ses frères ou sœurs en cas de nécessité thérapeutique avérée,
•
l'instauration d'un délai de réflexion minimal d'une semaine avant la décision de pratiquer une interruption volontaire de grossesse dans
le cadre d'une interruption pratiquée pour motif médical, c'est-à-dire au-delà du délai légal de la douzième semaine de grossesse,
•
les différentes techniques de procréation médicalement assistée afin de s'assurer de leur efficacité et de leur sécurité pour la femme et
l'enfant à naître et la possibilité de transférer des embryons d'un couple à un autre.
Cette loi aborde surtout la question du régime juridique applicable à la recherche sur les embryons humains et les cellules souches
embryonnaires, sujet hautement sensible en matière de bioéthique puisqu'il touche aux origines de la vie.
Les débats parlementaires donnent la mesure des principes moraux et éthiques qui ont alimenté la réflexion du législateur avec, d'une part
la volonté de ne pas traiter l'embryon comme un simple matériau de laboratoire ou une chose mais plutôt comme une vie humaine
potentielle et, d'autre part la nécessité de satisfaire aux besoins de la recherche médicale.
Ils révèlent également les divergences qui ont pu intervenir entre l'Assemblée Nationale et le Sénat à propos du régime juridique le plus
adapté à la recherche sur des embryons humains entre un régime d'interdiction de principe assortie de dérogations et un régime
d'autorisation encadré. Finalement c'est la solution de l'interdiction de principe de la recherche sur les embryons humains avec un système
de dérogations permanentes qui a été retenue, afin de conserver un interdit symbolique fort et d'être en cohérence avec le principe du
respect de l'être humain dès le commencement de sa vie posé par l'article 16 du Code civil.
Par ailleurs, il y avait urgence à légiférer en la matière. En effet, la première loi sur la bioéthique, n°2004-800 en date du 6 août 2004, avait
instauré un régime dérogatoire prévoyant la possibilité de pratiquer, à titre exceptionnel et selon certaines conditions très strictes, des
recherches sur des embryons humains qui est arrivé à expiration le 6 février 2011.
Enfin, force est de constater que l'enjeu économique de la recherche sur des embryons humains, notamment pour l'industrie
pharmaceutique, a été évoqué durant les travaux parlementaires mais ne constitue pas, loin s'en faut, une préoccupation majeure dans ce
débat essentiellement éthique. C'est ainsi que le rapport établi par la commission chargée d'examiner le projet de loi au sein de
l'Assemblée nationale indique[3] que « si elles ne doivent pas être ignorées, les considérations économiques de l'industrie pharmaceutique,
la crainte de connaître une fuite des cerveaux à l'étranger ou de prendre un retard dans la compétition scientifique nationale, ne sauraient
toutefois être un argument pour affaiblir des principes éthiques forts et légitimer tout type de recherche sur l'embryon ».
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Une recherche très encadrée
L'interdiction absolue de création d'embryons transgéniques ou chimériques
La loi du 7 juillet 2011 pose deux séries d'interdictions en matière d'embryons.
La première, qui résulte d'un amendement du Sénat, édicte à l'article L2151-2 du Code de la santé publique la prohibition absolue et sans
aucune dérogation possible de la création d'embryons transgéniques (par une manipulation du patrimoine génétique) ou chimériques (en
mélangeant des cellules animales et des cellules humaines).
Il s'agit ici, selon le législateur français, de bannir des procédés qui franchissent des interdits fondamentaux sur la manipulation du vivant.
La loi française n'est pas la seule à avoir légiféré en la matière. D'autres états ont déjà explicitement prohibé la création d'embryons
chimériques.
Ainsi au Canada, cela ressort de la loi sur la procréation assistée du 22 avril 2004 qui prohibe à son article 5 la création et la
transplantation d'une chimère définie à son article 3 comme un embryon dans lequel a été introduite au moins une cellule provenant d'une
autre forme de vie.
En revanche, le Royaume-Uni autorise la création des embryons chimériques à des fins de recherche et notamment les cybrides
(embryons créés en introduisant le noyau d'une cellule humaine dans un ovocyte animal, un choc chimique ou électrique déclenchant
ensuite le développement embryonnaire). Le régime juridique applicable à ces embryons chimériques également qualifiés d'hybrides est
posé par le Human Fertilization and Embryology Act 1990 tel que modifié par le Human Fertilization and Embryology Act 2008, promulgué
le 13 novembre 2008. La législation britannique permet d'utiliser des embryons chimériques à des fins de recherche uniquement pendant
une durée limitée de 14 jours à compter de la date à partir de laquelle le processus de création de l'embryon chimérique a débuté. Elle
pose par ailleurs des garde-fous en prohibant expressément la transplantation de tout embryon chimérique dans une personne de sexe
féminin.
Les conditions régissant la recherche sur l'embryon humain
Après avoir rappelé le principe selon lequel la recherche sur « l'embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de
cellules souches » est interdite, l'article L2151-5 du Code de la santé publique énonce deux séries de conditions cumulatives devant être
réunies pour qu'une telle recherche puisse, à titre dérogatoire, être autorisée.
La première série de conditions posée à l'article L2151-5 II du Code de la santé publique concerne l'enjeu scientifique et médical de la
recherche envisagée qui doit impérativement remplir les critères suivants :
•
la pertinence scientifique du projet de recherche est établie,
•
la recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs,
•
il est expressément établi qu'il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d'une recherche ne recourant pas à des
embryons humains,
•
le projet de recherche et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur
l'embryon.
Il est précisé, par ailleurs, sans que cela s'analyse véritablement comme un critère légal mais plutôt comme une profession de foi que « les
recherches alternatives à celles sur l'embryon humain et conformes à l'éthique doivent être favorisées ».
La seconde série de conditions posée à l'article L2151-5 III du Code de la santé publique porte sur l'origine de l'embryon humain et les
circonstances dans lequel le consentement éclairé des donneurs d'embryons humains doit être recueilli.
Ainsi :
•
seuls des embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l'objet d'un projet
parental peuvent faire l'objet d'un projet de recherche,
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•
le couple (ou le membre survivant de ce couple) dont les embryons surnuméraires sont issus doit donner son consentement écrit à la
recherche envisagée après avoir été informé des possibilités d'accueil des embryons par un autre couple ou de l'arrêt de leur
conservation. Ce consentement lorsqu'il a été donné peut être révoqué sans motif par le couple concerné (ou le membre survivant de
ce couple) tant que la recherche n'a pas débuté.
L'autorité de régulation en ce domaine est l'Agence de la biomédecine qui autorise les protocoles de recherche concernés après avoir
vérifié qu'ils remplissent les conditions exposées ci-dessus (article L2151-5 IV du Code de la santé publique). Elle peut cependant être
désavouée par les ministres de la santé et de la recherche qui disposent d'un véritable droit de véto et peuvent décider d'interdire ou de
suspendre la réalisation d'un protocole de recherche autorisé par l'Agence de la biomédecine s'ils considèrent que les conditions légales
ne sont pas remplies.
Par ailleurs, l'article L2151-5 V du Code de la santé publique rappelle à toutes fins utiles que les embryons sur lesquels une recherche a
été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation.
Pour finir, une clause de conscience est expressément édictée à l'article L2151-7-1 du Code de la santé publique, selon laquelle « aucun
chercheur, aucun ingénieur, technicien ou auxiliaire de recherche quel qu'il soit, aucun médecin ou auxiliaire médical n'est tenu de
participer à quelque titre que ce soit aux recherches sur des embryons humains ».
L'importation ou l'exportation de cellules souches embryonnaires
Tant l'importation que l'exportation de cellules souches embryonnaires à des fins de recherche est soumise aux termes de l'article L2151-6
du Code de la santé publique à l'autorisation préalable de l'Agence de la biomédecine.
L'innovation de la loi du 7 juillet 2011 est de supprimer la condition existant sous l'empire de la loi de 2004 et qui conditionnait une
autorisation d'exportation de cellules souches embryonnaires à la participation pour l'organisme de recherche français concerné à un
programme de recherche international.
On relève cependant que les conditions posées par la loi du 7 juillet 2001 pour accorder une autorisation d'importation ou d'exportation ne
sont pas suffisamment détaillées. L'article L2151-6 du Code de la santé publique se contente, en effet, de préciser que cette autorisation
ne sera accordées que pour autant que les cellules souches ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus par les
articles 16 à 16-8 du Code civil.
Il s'agit des dispositions énonçant toute une série de règles destinées à garantir le respect du corps humain et notamment de celles
rappelant que le corps humain, ses éléments ou ses produits sont et ont vocation à demeurer hors du commerce, à l'image de l'article 16-1
du Code civil prévoyant que le « corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial » ou encore de
l'article 16-5 du Code édictant que « les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments
ou à ses produits sont nulles ».
Il est à espérer que ces conditions seront davantage explicitées dans le décret d'application de la loi qui n'a pas encore été publié à ce
jour.
La loi du 7 juillet 2011 met en place un régime juridique cohérent pour traiter de la question épineuse de la recherche sur des embryons
humains.
Cette problématique pouvant elle-même évoluer dans le temps, à raison des progrès de la science, le législateur a prévu de se pencher de
nouveau sur l'ensemble des domaines abordés dans cette loi dans un délai maximal de sept ans à compter de son entrée en vigueur.
Il se donne ainsi sept ans de réflexion pour relancer un débat qui n'a pas fini de se poser compte tenu de l'état d'avancement des
techniques médicales et scientifiques.
[1] JO du 8 juillet 2011.
[2] Le projet de loi a été déposé en octobre 2010.
[3] Rapport n°3111 en date du 26 janvier 2011 (page 33).
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Le présent document est un instrument d'information et de vulgarisation. Son contenu ne saurait en aucune façon être interprété comme un exposé complet
du droit ni comme un avis juridique de Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. ou de l'un des membres du cabinet sur les points de droit qui y sont
discutés.
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