III LA BIOGRAPHIE DU PROPHÈTE (S)

III LA BIOGRAPHIE DU PROPHÈTE (S)
1) Comment lire la sira
Parmi toutes les sciences religieuses, la "sira" (biographie du
Prophète, prière et paix sur lui) est bien la plus facile à
comprendre, et celle qui donne l'image la plus nette de la religion.
Pour en profiter, il faut lire la sira en entier et en détail, car le
fait de lire le récit intégral permet de ressentir les évènements et
d'être emporté par l'histoire. Au contraire, lire un résumé ou un
commentaire ne permet pas de se plonger dans le récit.
Il faut aussi lire l'histoire du début jusqu'à la fin, car la
première période de la prophétie de Mouhammed, prière et paix sur
lui, permet de comprendre la dernière, et la dernière permet de
comprendre la première. On ne peut pas comprendre et analyser un
évènement en le sortant de sa position dans l'histoire, et une fois
qu'on connait l'histoire en entier on peut comprendre chaque
évènement.
D'autre part, il faut bien faire la différence entre le texte
original et les commentaires des savants. La sira est très riche
d'enseignements et il y a de multiples façons de la regarder et de
l'étudier. Chaque savant analyse la sira à sa manière, et ces
analyses ne sont pas contradictoires, mais le plus souvent
complémentaires. Il est presque impossible qu'un savant excelle dans
toutes les branches de l'Islam, et chacun va comprendre les choses
selon sa spécialité et son expérience. Pour cela, je conseille de ne
pas se limiter au point de vue d'un savant, mais de lire plusieurs
analyses et aussi de lire le récit original qui est la matière
première dans laquelle puisent tous les savants.
Je cite à titre d'exemple des différentes approches de la sira:
- Abou Bakr Aljazairi dans "le Prophète bien-aimé" en déduit le
comportement et les règles légales;
- Al-Bouti dans "Fiqh As-sira" - "Étude scientifique de la sira"
l'analyse en termes de stratégie et dirige son commentaire contre les
orientalistes;
- "Le Prophète de l'Islam: sa vie, son oeuvre" de Hamidullah est un
travail d'historien moderne;
- personnellement, même si j'ai du mal à écrire mon nom à côté de ces
grands auteurs, dans mon fascicule "Militer sur la voie du Prophète",
je recherche la formation reçue par les sahabas et la stratégie de la
transmission de la religion.
Le texte original le plus complet est la sira d'Ibn Hichèm.
Elle n'existe pas encore en français, mais nous pouvons espérer que
cela ne saurait tarder, et elle sera probablement en arabe/français.
Le niveau d'arabe est assez accessible, le lecteur devra seulement
sauter la période antéislamique (entre Ibrahim et Abdelmottalib, le
grand-père du Prophète), les listes généalogiques (remontant des
dizaines d'ascendants), les poèmes (qui étaient les moyens de
propagande et d'archivage) et les listes de noms (comme la liste des
participants à Badr). En attendant la traduction, le lecteur qui a
des bases en arabe prendra l'original et soulignera les mots qu'il ne
comprend pas puis il se les fera expliquer chaque fois qu'il aura

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l'occasion.
En lisant la sira, il faut noter dans un cahier les points de
repères et les idées que nous avons trouvées intéressantes. De cette
manière, on pourra facilement réviser et retenir ce que nous avons
lu. Il est très utile de suivre cette méthode pour tous les lvres que
nous lisons pour ne pas perdre les précieuses connaissances que nous
avons acquises.
2) Que comprendre de la sira?
Ce qui nous intéresse le plus dans la sira est comment allons-
nous suivre du mieux que nous pouvons la voie du Prophète, prière et
paix sur lui.
Nous remarquons que les obligations et les interdictions ont
été très lentes à venir: prière: année 10 de la révélation; règles du
divorce: première année de l'Hégire; zakat et jeûne: 2 H; lois de
l'héritage: 3 H, interdiction de l'alcool: 4 H; imposition du voile:
6 H; pèlerinage: 8 H. Que se passait-il donc au début de l'Islam? Les
sahabas, quand ils passaient des heures et des jours dans la maison
d'Arqam, qu'apprenaient-ils?
Il faut lire ces années de vie mecquoise pour comprendre les
bases de l'Islam, autrement nous risquons de commettre une grave
erreur. Nous risquons de comprendre l'Islam comme obligation,
interdiction et guerre sainte. En vérité, les conclusions que je vais
tirer dans les lignes qui suivent ne peuvent pas donner au lecteur
cette sensation et cette conviction qu'il ressentira en lisant lui-
même.
La première chose qu'ont appris les sahabas est la foi. Non pas
cette foi comme la comprennent la plupart des musulmans: savoir
qu'Allah existe et ne pas adorer les statues, mais celle qui consiste
à placer Allah au-dessus de toute chose dans notre coeur. La parole
de "la ilaha illa Allah" signifie: ne vénérer et ne glorifier
qu'Allah, n'implorer et ne se réfugier que vers Lui, et avoir Allah
comme seul but dans la vie.
Nous sommes impressionnés de voir la force de la foi des
compagnons du Prophète, prière et paix sur lui, cette foi qui leur
permettait de subir les pires tortures sans faiblir, de consentir aux
sacrifices les plus grands de bon coeur, de prier avec concentration
en perdant conscience de leur propre corps, en un mot, cette foi qui
leur a permis de suivre la religion comme ils l'ont fait.
Allah élevé ne s'est pas empressé de leur donner les
obligations et les interdictions jusqu'à ce que la foi soit pure
comme il l'exige. Ceci ne veut pas dire que nous devons négliger les
obligations, mais que nous devons donner la priorité à cultiver notre
foi, et que lorsque nous prêchons l'Islam, nous devons prêcher la foi
avant tout.
Nous comprenons donc que le magnifique édifice établi par Allah
par le biais de son Prophète, prière et paix sur lui, ne peut se
concevoir sans ses bases. Il ne faut pas s'impatienter d'accéder aux
étages supérieurs mais il faut d'abord s'assurer que nous avons les

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bonnes bases.
Le lecteur doit se demander: comment puis-je acquérir cette foi
qu'avaient les compagnons? ou du moins comment puis-je être sur la
voie pour l'acquérir? La question qui se pose alors est: quels sont
les moyens par lesquels les sahabas ont acquis la foi à la Mecque?
Nous pouvons regrouper ces moyens en trois ordres:
- Le premier est la création d'une ambiance de foi: discussions
durant des heures à la maison d'Arqam, prières et invocations
nocturnes durant des heures, prêche des mécréants. Notons le rôle
essentiel du Coran dans ces trois activités: discussions entre le
Prophète et les sahabas axées sur le Coran, lecture nocturne du Coran
la nuit, et prêche par les versets du Coran.
- Le second est le groupe. Le Prophète, prière et paix sur lui
et les sahabas étaient très étroitement unis, spirituellement et
matériellement. Pour évoluer, le musulman doit être dans un groupe
solidaire avec un objectif commun. En fréquentant les gens plus
avancés que nous, nous progressons très rapidement.
- Le troisième est les épreuves. Une fois le programme établi
et le groupe formé, Allah ne manquera pas d'envoyer les épreuves.
Nous devons savoir comment les compagnons ont réagi face aux
épreuves. Leur réaction n'était pas l'abandon de la religion ni la
haine ou le désir de vengeance, mais la pitié pour les mécréants, la
supplication d'Allah et la patience jusqu'à ce que ce bas monde soit
totalement sorti de leur coeur.
Allah élevé a fait passer le Prophète et ses compagnons par
cette voie avant de leur donner les cinq piliers (sauf l'attestation
de foi), les interdits (sauf l'idolâtrie et la transgression) et les
lois. Ensuite ces choses ont été révélées progressivement, mais sans
diminuer les trois notions précédentes.
À Médine, la mosquée a remplacé la maison d'Arqam, le groupe
s'est élargi, et les épreuves ont changé de nature (guerres,
pauvreté, trahisons...).
3) Les erreurs à éviter
Je ne veux pas ici faire l'analyse intégrale de la sira, à
laquelle j'ai consacré un livre - "militer sur la voie du Prophète".
Je me suis cependant permis ce développement pour expliquer
l'importance de la sira. Si nous voulons apprendre l'Islam pour
l'appliquer et obtenir la satisfaction d'Allah, comprenons la voie du
Prophète pour la suivre. Même si nous ne pouvons pas la suivre
entièrement, connaissons-la pour ne pas tomber dans un autre chemin!
Dès lors que nous comprenons la vie du Prophète, prière et paix sur
lui, son personnage et ses compagnons, à toute question touchant
notre vie, nous pouvons répondre: comment aurait fait le Prophète,
prière et paix sur lui? Et en voici quelques exemples:
Un jour, un jeune affirmait avec grande ferveur à un imam que
l'Islam nous interdit d'avoir des arrangements avec les mécréants,
que nous ne devons pas reconnaître leurs lois et que nous ne devons
pas tenir compte d'eux. L'imam répondit: "Et le pacte de Houdèybiya,
qu'est ce qu c'est?!" et le jeune fut stupéfait.

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Le Prophète détestait-il ceux qui luttaient contre lui? Non, il
priait pour leur pardon et leur guidée. Les gens qu'il a condamnés et
contre lesquels il a prié se comptent sur les doigts.
Le Prophète parlait-il aux musulmans de manière à les
repousser? Non, il avait la sagesse pour parler à chacun de manière à
l'attirer vers lui et vers l'Islam.
À quelles conditions le Prophète a-t-il fait la guerre? Après
avoir eu un état, il se défendait en cas de légitime défense. Avant
l'état, il supportait les offenses et priait pour la guidée des gens.
Après la bataille des coalisés, l'an 5 de l'Hégire, le Prophète,
prière et paix sur lui, passa à la guerre offensive: prêcher puis
proposer l'impôt puis la guerre. Les qualités des musulmans étaient
alors très élevées et leur puissance militaire respectable.
Quand on entend un savant dire: les écoles mixtes sont "haram"
(interdites) car elles renferment la tentation, que doit-on penser
d'une telle fatwa (décret juridique)? D'un point de vue strictement
jurisprudentiel, cette affirmation peut se justifier, mais il faut
alors aussi dire que le métro est interdit, les supermarchés et la
France toute entière. Mais lorsque nous regardons les choses d'un
point de vue dynamique, la religion et les musulmans sont en
formation et en progression, la bonne question consiste alors à dire:
"quel est le pas suivant à l'étape où nous sommes pour faire avancer
l'Islam?" En revenant à la vie du Prophète, nous constatons qu'en
matière de pudeur et de mixité, le Prophète n'a pas choqué les
habitudes païennes. Le voile n'a été imposé que la sixième année de
l'hégire et pendant les dix-neuf premières années de l'islam les
normes de pudeur étaient celles de la société antéislamique. Si nous
prenions en France la décision de boycotter les écoles mixtes coûte
que coûte, ce serait une décision tout à fait déplacée et aboutirait
à un désastre plutôt qu'autre chose. La solution à la mixité est de
faciliter le mariage des célibataires et des jeunes, il faut
réfléchir et agir dans ce sens et non en s'excluant de la société.
Conclusion
L'apport essentiel de la sira est la dynamique de l'islam qui
nous permet de comprendre quelle attitude nous devons adopter face à
la situation que nous vivons et à l'étape où nous sommes et de ne pas
être figés dans notre compréhension et notre attitude.
Ainsi, la sira fournit les "asbab annouzoul" - "causes de la
révélation" qui conditionnent la compréhension du Coran et du hadith
et qui les remettent dans un contexte général et une dynamique
globale.

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IV L'EXPLICATION DU CORAN
Introduction
Il y a trois niveaux d'explication (tafsir) du Coran:
- L'explication des mots et des expressions.
- L'explication du contexte: l'histoire à laquelle le Coran
fait allusion, la cause de la révélation, le commentaire du Prophète
sur le verset, les hadiths portant sur le même sujet et le
commentaire des compagnons spécialisés dans l'explication du Coran,
ainsi que le commentaire de leurs principaux élèves.
- L'analyse profonde: pourquoi Allah a-t-il révélé ces versets?
Pourquoi cette expression ou ce terme plutôt qu'un autre? Que devons-
nous en retenir? etc...
1) Les mots et les expressions
Rappelons en préliminaire le rôle important de la lecture et de
l'apprentissage du Coran vus au chapitre 2. En effet, il n'est pas
possible de fixer le sens du Coran si on n'a pas avec lui un contact
étroit.
Ensuite il faut passer les trois étapes une par une. Il est en
effet dangereux d'essayer de passer à la troisième sans avoir
maîtrisé les deux premières. Il nous arrive parfois de vouloir
méditer sur le Coran, mais sans la connaissance de base on risque de
se tromper gravement. Les exemples de ce genre sont innombrables dans
la vie courante. Le pire, est lorsqu'on enseigne aux gens ce qu'on a
soi-même compris mais qui s'éloigne de l'explication du Prophète et
de ses compagnons. Je ne veux pas interdire à quiconque de méditer
sur le Coran, mais avant de prendre ses idées pour des découvertes,
il faut prendre la peine de vérifier dans le tafsir si elles sont
compatibles, ou au moins consulter un savant.
Pour passer la première étape, il est évident qu'il faut déjà
avoir avancé dans l'arabe pour essayer de comprendre le Coran.
Le premier niveau peut être acquis par la traduction du Coran
en français. Celui qui ne connaît pas l'arabe ne pourra pas
l'apprendre avec un Coran traduit car il ne pourra pas faire
correspondre les mots. Si le lecteur a un niveau d'arabe qui lui
permet de comprendre 70% du Coran, il pourra comprendre les
expressions qui lui manquent en regardant la traduction française.
Mais pour ce lecteur, il vaut encore mieux lire une explication du
Coran en arabe et souligner les mots du tafsir qu'il ne comprend pas
pour les demander quand il pourra.
Le livre le plus reconnu en arabe à ce niveau est le tafsir
Jèlèlèyn. Une façon pratique pour apprendre les mots du Coran est de
lire le Coran dans le tafsir Jèlèlèyn et de regarder l'explication en
marge chaque fois qu'on ne comprend pas un mot. On pourra commencer
par le Coran que nous connaissons en le révisant avec le livre.
Ainsi, chaque fois que nous le relisons, nous nous rappelons le sens
de chaque mot, jusqu'à ce que nous assimilons tous les termes. Puis
en lisant le Coran du début à la fin (voir chapitre II), nous