Bon usage des médicaments en cas de vague de chaleur

Mise au point
Bon usage des médicaments en cas de
vague de chaleur
Juin 2013
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Mise au point sur le bon usage des médicaments
en cas de vague de chaleur
MESSAGES CLES
Les principales populations vulnérables en situation de forte chaleur sont les personnes âgées,
les nourrissons et les enfants, les personnes atteintes d’une pathologie chronique nécessitant un
traitement médicamenteux, en particulier lorsqu’elle est sévère, et les personnes dépendantes.
L’isolement social accroît encore leur fragilité.
En cas de vague de chaleur, les médicaments à prendre en considération sont ceux
susceptibles :
- d’aggraver un syndrome d’épuisement-déshydratation ou un coup de chaleur par :
troubles de l’hydratation et/ou troubles électrolytiques,
altération de la fonction rénale,
profil cinétique susceptible d’être affecté par la déshydratation,
perturbation de la thermorégulation centrale ou périphérique ;
- d’induire une hyperthermie ;
- d’aggraver indirectement les effets de la chaleur (voir tableaux annexes 1 et 2).
L’adaptation d’un traitement médicamenteux en cours doit être considérée au cas par cas. En
aucun cas il n’est justifié d’envisager systématiquement une diminution ou un arrêt des
médicaments pouvant interagir avec l’adaptation de l’organisme à la chaleur.
Il est recommandé aux professionnels de santé de :
1. procéder à une évaluation complète de l’état d’hydratation (clinique, apports hydriques,
poids, fréquence cardiaque, tension artérielle, bilan ionogramme complet avec créatininémie et
clairance de la créatinine) avant de prendre toute décision thérapeutique ;
2. contrôler régulièrement l’état d’hydratation et les facteurs de risque ;
3. dresser la liste des médicaments pris par le patient et identifier ceux qui pourraient altérer
l’adaptation de l’organisme à la chaleur (voir tableaux) ;
4. réévaluer l’intérêt de chacun des médicaments et supprimer tout médicament qui apparaît
soit inadapté, soit non indispensable ; en particulier ceux susceptibles d’altérer la fonction
rénale ;
5. éviter la prescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (aspirine, AINS classiques,
inhibiteurs de la COX-2), particulièrement néphrotoxiques en cas de déshydratation ;
6. en cas de fièvre, éviter la prescription de paracétamol (inefficacité pour traiter le coup de
chaleur et possible aggravation de l’atteinte hépatique souvent présente) ;
7. en cas de prescription de diurétique, vérifier que les apports hydriques et sodés sont
adaptés ;
8. recommander au patient de ne prendre aucun médicament sans avis médical, y compris
les médicaments délivrés sans ordonnance.
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1- Complications liées à une défaillance de la thermorégulation
En cas de vague de chaleur, deux complications sont à craindre, le syndrome d’épuisement-
déshydratation et le coup de chaleur.
- le syndrome d’épuisement-déshydratation est la conséquence de l’altération du métabolisme
hydrosodé provoquée notamment par la perte sudorale ; il apparaît en quelques jours. Les signes
cliniques sont peu spécifiques, il s’agit de céphalées, nausées et vomissements, vertiges, pertes de
connaissance, faiblesse musculaire accompagnée de crampes, hypotension, tachycardie et
dyspnée.
- le coup de chaleur résulte d’une défaillance aiguë de la thermorégulation et constitue une urgence
médicale extrême car il est à la fois d’apparition très rapide (1 à 6 heures) et d’évolution fatale (en
moins de 24 heures) s’il n’est pas rapidement pris en charge. Il associe une hyperthermie majeure
et brutale (> 40°C) à des troubles neurologiques graves (délire, hallucinations, convulsions, coma).
A ces signes peuvent s’ajouter un arrêt de la sudation, une hyperventilation, une tachycardie et une
hypotension artérielle.
De nombreux facteurs de risque individuels parmi lesquels l’âge extrême (nourrisson, enfant,
personne âgée), les pathologies chroniques, en particulier lorsqu’elles sont sévères, et les
médicaments qui leur sont associés, peuvent altérer l’adaptation de l’organisme en cas de forte
chaleur. La personne âgée est particulièrement vulnérable en raison d’une altération de la capacité à
percevoir la soif, d’un risque d’altération du métabolisme hydrosodé et de la fonction rénale et d’une
diminution des capacités de thermorégulation par la transpiration. L’existence d’une dépendance (à
l’extrême le confinement au lit) est un facteur de risque majeur. L’isolement social potentialise tous ces
facteurs de risque.
Sur la base de leurs propriétés pharmacologiques, certains médicaments pourraient contribuer à
l’aggravation des états pathologiques graves induits par la chaleur.
C’est donc la connaissance de l’ensemble des facteurs de risque, y compris le traitement
médicamenteux déjà en place, qui permettra de proposer les mesures de prévention et de suivi
adaptées à mettre en œuvre en cas de vague de chaleur.
2- Données de la littérature sur les risques induits par les médicaments sur
l’adaptation de l’organisme à la chaleur
Le rôle des médicaments parmi les facteurs de risque de coup de chaleur ou de syndrome
d’épuisement-déshydratation est évoqué dans de nombreux articles1,2,3,4,5. Toutefois, la littérature
contient peu d’études spécifiques sur l’interaction entre les conditions climatiques et les traitements
médicamenteux.
Des études épidémiologiques sur les facteurs de risque de décès6,7, conduites à la suite de l’épisode
caniculaire survenu en France en août 2003, montrent que des traitements médicamenteux pourraient
favoriser la survenue d’un coup de chaleur, mais ne permettent pas de conclure à l’existence d’un lien
de causalité entre la prise d’un médicament et le décès.
1 Kilbourne EM, Choi K, et al. Risk factors for heatstroke: a case-control study. JAMA (1982); 247: 3332-3336
2 Basu R, Samet JM. Relation between elevated ambient temperature and mortality: a review of the epidemiologic evidence.
Epidemiol Rev (2002) 24: 190-202
3 Besancenot JP. Vagues de chaleur et mortalité dans les grandes agglomérations urbaines. Environnement Risques et Santé
(2002) 1: 229-240
4 Martinez M, Devenport L et al. Drug-associated heat stroke. South Med J (2002) 95: 799-802
5 Cusak L, de Crespigny C et Athanasos P. Heatwaves and their impact on people with alcohol, drug and mental health
conditions : a discussion paper on clinical practice considerations. JAN (2011) 67: 915-922
6 Institut de veille sanitaire. Etude des facteurs de décès des personnes âgées résidant à domicile durant la vague de chaleur
d’août 2003 (2004) ; Etude des facteurs de décès des personnes âgées résidant en institution durant la vague de chaleur
d’août 2003 (2005)
7 Misset B, De Jonghe B, et al. Mortality of patients with heatstroke admitted to intensive care units during the 2003 heat wave in
France. A national multiple-center risk factor study. Crit Care Med (2006) 34: 1087-1092.
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Deux études ont été réalisées à partir des données de l’Assurance maladie. Une étude française cas-
témoin rétrospective8 dans la population des 70-100 ans décédés pendant la vague de chaleur de
2003 comparés à ceux décédés pendant les jours précédant cette vague de chaleur, montre que la
prise d’un psychotrope, en particulier antidépresseur ou neuroleptique, est associée à une
augmentation du risque de décès chez le sujet âgé pendant une vague de chaleur. Une étude
épidémiologique9 sur la consommation de psychotropes chez les personnes âgées de 75 ans et plus
pendant la canicule de 2003 révèle des taux de décès et des risques relatifs de décès plus élevés
chez les consommateurs de psychotropes, notamment neuroleptiques, en particulier en association à
un diurétique.
Une étude rétrospective a été réalisée par le Centre Régional de Pharmacovigilance de Toulouse10 sur
les effets indésirables graves observés chez des sujets de plus de 70 ans et recensés dans la base
nationale de pharmacovigilance. Elle compare les étés 2003 et 2006 au cours desquels est survenue
une vague de chaleur aux étés de référence 2004 et 2005. Les effets indésirables graves liés à la
chaleur sont significativement plus fréquents en 2003 et 2006 comparés à la période de référence.
L’augmentation des décès associés à un médicament, observée pendant l’été 2003, n’est pas
retrouvée pendant l’été 2006. Cette différence pourrait être la conséquence de la prise de conscience
générale des risques liés à la chaleur et de la mise en place de mesures sanitaires suite à l’épisode
caniculaire de 200311. Les médicaments les plus souvent imputés dans ces effets indésirables graves
sont : les diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, les antidépresseurs
sérotoninergiques, les inhibiteurs de la pompe à proton, la digoxine, les benzodiazépines, les
hypoglycémiants oraux, les sartans, les antagonistes calciques et les -bloquants10.
3- Médicaments à prendre en considération dans l’analyse des facteurs de risque
D’un point de vue théorique, sur la base de leurs propriétés pharmacodynamiques et de leur profil
pharmacocinétique, un certain nombre de médicaments doivent être pris en considération dans
l’analyse des facteurs de risque chez les sujets susceptibles d'une moindre adaptation à la chaleur.
En effet, certains médicaments, en interagissant avec les mécanismes adaptatifs de l’organisme
sollicités en cas de température extérieure élevée, peuvent contribuer à l’aggravation du syndrome
d’épuisement et du coup de chaleur. Certains médicaments peuvent provoquer à eux seuls des
hyperthermies dans des conditions normales de température, d’autres peuvent indirectement aggraver
les effets de la chaleur.
Médicaments susceptibles d’aggraver le syndrome d’épuisement-déshydratation et le coup de
chaleur
Médicaments provoquant des troubles de l’hydratation et/ou électrolytiques, notamment :
- diurétiques, en particulier les diurétiques de l’anse (furosémide, bumétanide) et les diurétiques
thiazidiques et distaux au long cours.
Médicaments susceptibles d’altérer la fonction rénale, notamment :
- tous les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comprenant les AINS classiques ou
« conventionnels », les salicylés à des doses supérieures à 500 mg/j et les coxibs
- inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC)
- antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II)
- aliskirène
8 Nordon C, Martin-Latry K et al. Risk of death related to psychotropic drug use in older people during th european 2003
heatwave : a population-based case-control study. Am J Geriatr Psychiatry (2009) 17: 1059-1067
9 Galula G, Surroca M et al. Consommation de psychotropes chez les personnes âgées décédées lors de la canicule d'août
2003 en Ile-de-France. La Revue du Praticien - Médecine Générale (2006) 20: 729-733
10 Sommet A, Durrieu G et al. A comparative study of adverse drug reactions during two heat waves that occured in France in
2003 and 2006. Pharmacoepidemiology and Drug Safety (2012) 21: 285-288.
11 Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Numéro thématique – Eté 2006 : premier épisode caniculaire majeur après la
catastrophe de 2003. (2007) n°22-23.
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- certains antibiotiques (notamment les sulfamides)
- certains antiviraux (notamment l’indinavir)
- certains antidiabétiques (gliptines et agonistes du récepteur GLP-1)
- en règle générale tous les médicaments connus pour leur néphrotoxicité (par exemple, avec des
conséquences différentes, les aminosides, la ciclosporine, le tacrolimus, les produits de contraste
iodé...)
Médicaments ayant un profil cinétique susceptible d’être affecté par la déshydratation (modification
de leur distribution ou de leur élimination), notamment :
- sels de lithium
- anti-arythmiques
- digoxine
- anti-épileptiques
- certains hypoglycémiants oraux (biguanides et sulfamides hypoglycémiants)
- hypocholestérolémiants (statines et fibrates)
Par ailleurs, la pharmacocinétique des dispositifs transdermiques peut être modifiée en raison de la
vasodilatation sous-cutanée, et de l’hypersudation susceptible d’entrainer un décollement.
Médicaments susceptibles d’empêcher la perte calorique de l’organisme :
- En perturbant la thermorégulation centrale :
neuroleptiques et médicaments sérotoninergiques
- En perturbant la thermorégulation périphérique :
Médicaments à propriétés atropiniques, par limitation de la sudation, notamment :
antidépresseurs imipraminiques
antihistaminiques H1 de première génération
antiparkinsoniens atropiniques (trihexyphénidyle, tropatépine, bipéridène…)
certains antispasmodiques, en particulier ceux à visée urinaire (oxybutynine, toltérodine,
trospium …), ou à visée digestive (tiémonium, dihexyvérine, scopolamine…)
neuroleptiques, y compris les antipsychotiques dits atypiques
scopolamine
disopyramide (anti-arythmique)
atropine et collyres atropiniques
certains bronchodilatateurs (ipratropium, tiotropium)
néfopam (antalgique)
mémantine (anti-Alzheimer)
pizotifène (antimigraineux faiblement atropinique)
Vasoconstricteurs périphériques, par limitation de la réponse vasodilatatrice, notamment :
agonistes « -adrénergiques » et amines sympathomimétiques utilisés :
dans le traitement de la congestion nasale par voie systémique (pseudoéphédrine,
néosynéphrine, phénylpropanolamine …)
dans le traitement de l’hypotension orthostatique (étiléfrine, heptaminol, midodrine …)
antimigraineux sérotoninergiques (dérivés de l’ergot de seigle, triptans)
Médicaments susceptibles de limiter l’augmentation du débit cardiaque réactionnelle à une
augmentation du débit sanguin cutané, notamment :
par déplétion : les diurétiques
par dépression du myocarde : les bêta-bloquants
- En augmentant le métabolisme basal induisant la production endogène de chaleur :
Hormones thyroïdiennes, en particulier quand le traitement n’est pas équilibré
Médicaments susceptibles d’induire une hyperthermie
Bien qu’ils n’aient jamais été retenus comme facteurs déclenchant d’un coup de chaleur en cas de
vague de chaleur, les médicaments connus pour favoriser des dysrégulations thermiques quelles que
soient les conditions de température :
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