Agrégation de sciences économiques et sociales / Préparations ENS 2004-2005 4
développement. L’accroissement du nombre de ces communautés entraîne un recouvrement de plus en
plus faible et donc une individualisation croissante. Plus les cercles se croissent, plus l’individu peut être
saisi en tant que tel : « les liens existent en fonction des personnes » (Simmel, 1908) et la combinaison
des cercles diffère d’un individu à un autre faisant ainsi l’individu, d’où la fameuse formule de Simmel :
« Les individus font la société, les sociétés font l’individu » (Simmel, 1908).
Les communautés d’intérêts semblent homogènes du point de vue des intérêts partagés mais sont formées
d’individus provenant de cercles sociaux divers et hétérogènes (dualité simmelienne). Le syndicat des
cheminots donne un exemple concret. Les métiers qui le composent sont différents (conducteurs,
contrôleurs, guichetiers…) mais l’intérêt est commun (défense des intérêts salariaux).
Ce passage de communautés traditionnelles à communautés d’intérêt, impulsé par une division accrue du
travail, vaut pour une société mais aussi pour un individu suivant son passage de l’enfance à l’âge adulte.
Empiriquement, il semblerait que la décadence ou la dégénérescence aient pour effet de revenir à des
communautés traditionnelles, pour une société comme pour un individu. La taille des cercles, leur nombre
et leur croisement diminuent.
La liberté et l’échange
Les contraintes (circonscription plus forte) qui proviennent de cercles larges, multiples et partiellement
disjoints conduisent à plus de libertés car le choix est large entre une multiplicité d’affiliations (cercles
nombreux) et les individus deviennent interchangeables : « dans les pays où la liberté politique est
grande, la vie associative est particulièrement développée », comme l’avait déjà affirmé A. de
Tocqueville (Simmel, 1908).
C’est la transformation de la structure des cercles sociaux qui permet cet accroissement de liberté et cette
interchangeabilité (cercles croisés). « L’individualité de l’être et de l’action croît proportionnellement à
l’extension du milieu social de l’individu » (Simmel 1908). Par conséquent, dans les sociétés modernes,
l’individu dépend davantage de la société globale, mais beaucoup moins de tel ou tel de ses cercles
d’appartenance. Le foisonnement des cercles sociaux compense ainsi l’abandon de l’individu à lui-même
et la privation des secours du groupe restreint.
La théorie de l’échange a trois traits principaux (Cook, 1982) :
- Théorie de l’action orientée en finalité.
- Les réseaux d’échange supportent un flux de ressources.
- Le réseau est une structure de dépendance entre acteurs.
Le cas urbain
L’urbain rend impossible l’interconnaissance rurale et pousse l’individu à se méfier de ses voisins.
Parallèlement, la multiplicité des cercles sociaux implique un possible changement intempestif et continu
de cercles sociaux. Cette effervescence sociale propre à l’urbanisation implique une « Stimulation
nerveuse ».
« Les liens traditionnels de l’association humaine sont affaiblis ; mais en même temps, la vie urbaine
implique un degré beaucoup plus fort d’interdépendance entre les hommes et une forme plus complexe,
fragile et inconstante d’interrelations mutuelles. » (Louis Wirth, 1938) L’urbanisation fabrique des liens
sociaux qui n’ont cependant pas la même force intégratrice que ceux des communautés rurales. Il y a un
risque de désorganisation de la personnalité, de dépression mentale, de suicide, de délinquance, de crime,
de corruption et de désordre en ville plus que dans le monde rural.
Pour Simmel, la ville crée une distance physique mais pas forcément une distance sociale puisque les
cercles sociaux sont plus variés que dans les communautés rurales. Fischer montrera que les différences
de désordres mentaux entre urbains et ruraux sont peu significatives (1972) tandis que Kadushin établira
que les réseaux de relations étendus s’accompagnent de densité sociales faibles évitant le stress et d’autres
désordres de par le soutien émotionnel et affectif apporté par une multitude de cercle sociaux spécialisés
(1982).