manuels. Si je résume ce que l'élève retient: c'est un marchand caravanier qui reçoit la
visite de l'ange Gabriel vers 610, il fonde la première communauté musulmane et
instaure le monothéisme définitivement en 630 avec la prise de la Mecque aux païens
arabes. Tout semble se passer sans obstacle majeur: l'islam s'étend par la conquête et
tout le monde se soumet de bonne grâce! Un manuel [Belin] s'abstient même de le
présenter comme un chef d'État, commandant des armées de l'islam. Pourtant la figure
du prophète, modèle parfait et indépassable de l'homme musulman, mériterait qu'on
regarde de plus près son style de vie, d'autant que sa vie privée étant publique, elle fut
racontée par ses disciples et se trouve exposée à titre d'exemple à suivre dans le Coran et
la Hadith. Elle est connue de tous les Musulmans pratiquants, mais l'élève lui ne saura
pas ce que le Musulman sait de la vie modèle de Mohamed. À moins que cette absence
d'information biographique du prophète de l'islam ne s'explique par un hiatus entre nos
canons occidentaux de l'homme de foi et d'État irréprochable et probe et la perception
musulmane de la vie parfaite du prophète? Mais tout est question d'interprétation, la vie
de Mohamed, fort humaine par ses sombres aspects, serait à replacer dans son contexte,
précisément pour contrer le discours de l'islam politique, producteurs de jihadistes,
martelant que le Coran par son immanence ne doit en aucun cas être interprété et
invitant leurs coreligionnaires à «vivre comme le Prophète». Il serait salutaire de ne pas
rester dans les non-dits par souci de ne pas heurter les susceptibilités supposées de
certains élèves et leurs familles, et affronter les faits pour les replacer dans le champ
rationnel de la pensée au lieu de les abandonner à l'idéologie.
Les périodes conquérantes et guerrières sont-elles justement évoquées?
La représentation des conquêtes par Mohamed puis ses
successeurs est révélatrice de la complaisance avec laquelle on
traite la dimension politico-juridique de l'histoire de l'islam.
La représentation des conquêtes par Mohamed puis ses successeurs est révélatrice de la
complaisance avec laquelle on traite la dimension politico-juridique de l'histoire de
l'islam. Toutes les précautions sont prises pour équilibrer le récit et éviter une
présentation violente des conquêtes islamiques. Mais la succession des omissions ou des
raccourcis des manuels conduisent à des contre-vérités historiques. Par exemple, quand
on lit qu'en 630 Mohamed et ses partisans «reprennent la ville de la Mecque» [Bordas],
l'usage du verbe reprendre laisse penser que la ville leur aurait appartenu, qu'il ne
s'agirait que d'une légitime reconquête. Or Mohamed n'a jamais dirigé les Mecquois
avant 630, il avait même dû fuir la ville en 622 avec ses 70 disciples car il y troublait