Circulation routière et nuisances environnementales
137
gestion. Derrière des désaccords de méthodes et d’outils, se cachent
souvent des conceptions inconciliables du développement durable/
soutenable ; qui nourrissent des politiques économiques divergentes.
La définition du développement durable retenue par la commission
Bruntdland des Nations-Unies, en 1986, n’a guère clarifié les positions :
« Le développement soutenable n’est pas un état d’équilibre, mais plutôt
un processus de changement dans lequel l’exploitation des ressources, le
choix des investissements, l’orientation du développement technique
ainsi que le changement institutionnel sont déterminés en fonction des
besoins tant actuels qu’à venir ». Certes, cette définition ne met plus
simplement en cause, comme au début des années soixante-dix, la
croissance et le mauvais usage de la technologie ; elle tient plus
globalement la logique économique pour responsable des déséquilibres
écologiques de notre planète. Pourtant elle nourrit toujours des lectures
divergentes, à l’intérieur d’un champ théorique en pleine formation. Il
importe d’en identifier rapidement les principaux courants 2.
En forçant le trait, on distingue deux grandes familles d’approches du
développement soutenable.
L’une est fondée sur le primat de l’économique, la logique du bien-être
économique et de l’optimisation devant fonder le mode de gestion de
l’environnement. Le cœur de cette famille repose sur les principes
utilitariste et individualiste, dans la double tradition néoclassique et de
l’économie du bien-être. L’autre met en avant des principes ou valeurs
irréductibles à la logique économique, qu’ils soient moraux, écologiques
ou sociaux. Le champ du calcul économique se trouve alors borné voire
nié, de même que la légitimité des arbitrages entre environnement et
économie.
Pour la première famille, le développement durable sera une variante
plus ou moins complexe de la maximisation de l’utilité collective (en tant
que somme des satisfactions individuelles) sous contrainte de ressources
environnementales. L’autre famille refusera cette maximisation, soit en
apportant des limites physiques ou sociales à la logique économique —
doit-on limiter l’extension de la colonisation dans la forêt pluviale si la
survie des communautés indigènes est en jeu ? — soit en renversant cette
logique maximisatrice au profit de l’environnement — Ce fut le cas lors de
l’adoption du statut de l’Antartique par exemple — ; la préservation de
l’environnement dans son « état initial », ou du moins dans un état de
reproductibilité maximum, devient alors l’objectif premier du
développement soutenable 3.
2. Pour une présentation systématique et actualisée du champ de l’économie
environnementale, on peut se référer à Sylvie Faucheux et Jean-François Noël, 1995.
3. Encore faut-il définir ce qu’on entend par conservation. Si l’on pense qu’il y a un siècle
la Camargue était une plaine céréalière et que notre civilisation agricole en général s’est
fondée sur une transformation de la nature pour satisfaire les besoins de populations
sédentarisées, c’est davantage en termes de conservation relative qu’il faut parler. Dans des
pays qui ont connu de puissantes dynamiques de dégradation environnementale (l’Ethiopie
ne possède plus que 2 % de son territoire en forêts, contre plus de 30 % au sortir de la seconde
guerre mondiale, avec les conséquences qu’on connaît), la soutenabilité environnementale
exige en revanche toute une action de récupération d’un capital perdu.