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création de la banque Misr et de plusieurs entreprises locales. En outre, dès
l’abrogation du protectorat, les étrangers sont soumis à l’obligation d’obtenir
un visa pour se rendre en Égypte et, à partir de 1927, ils se voient interdire
l’accès à certaines professions libérales, à moins qu’ils n’aient passé avec
succès un examen devant un jury égyptien5. Toutes ces mesures, destinées
à contrôler le nombre et les activités des étrangers, mais aussi à préserver
des emplois pour les Égyptiens, supposaient naturellement une dénition
claire de la nationalité égyptienne. Il faut pourtant attendre 1929 pour
qu’une loi apporte sur ce point les précisions indispensables6. Néanmoins,
à cette époque, l’obtention de la nationalité égyptienne n’est obligatoire que
pour entreprendre une carrière politique ou briguer un poste dans
l’administration.
Au tout début des années 1930, la persistance de la domination occiden-
tale, les effets de la crise économique mondiale et le nombre croissant de
jeunes diplômés sans emploi exacerbent les sentiments nationalistes et
renforcent dans l’opinion publique la conviction qu’il est urgent de soutenir
l’économie nationale, d’obtenir l’abolition du régime des capitulations et
de restreindre le plus possible le rôle des étrangers. Des associations se
créent et lancent de vastes campagnes pour stimuler l’industrie et boycotter
les produits occidentaux. Ces projets ambitieux, parfois initiés, mais
toujours soutenus avec enthousiasme par la jeunesse, ne connurent qu’un
succès éphémère. Ils n’en ont pas moins contribué à « promouvoir une
conscience économique nationale », selon l’expression de l’intellectuel copte
Salâma Mûsâ7.
Plus tard, au cours des années 1940, furent votées des lois de plus en
plus contraignantes pour les étrangers : en 1942, l’arabe devient la langue
ofcielle dans tous les documents administratifs et commerciaux ; en 1947,
5. L’Égypte indépendante 1937, p. 117-118.
6. Les Égyptiens étaient sujets ottomans jusqu’au 18 décembre 1914, date à laquelle la Grande-
Bretagne, en établissant son protectorat sur l’Égypte, mettait fin à la suzeraineté ottomane.
Cependant, grâce à l’autonomie reconnue au pays par les sultans depuis 1840, il existait un statut
d’indigénat conférant des droits et prérogatives, dans quelques domaines bien déterminés, aux
individus considérés comme Égyptiens à partir de critères pouvant varier en fonction du domaine
envisagé. La nationalité, définie selon des normes identiques pour tous et qui reconnaît les mêmes
droits à ceux à qui elle a été accordée, ne pouvait donc se substituer purement et simplement à
l’indigénat. La loi n° 19 du 27 février 1929 est publiée intégralement dans Égypte / Monde arabe
n° 11 (1992), p. 162-167. Pour plus de précisions sur le statut d’indigénat et les différentes étapes
de l’élaboration de la loi sur la nationalité : Abecassis / Le Gall-Kazazian 1992, p. 16-22.
7. Mûsâ [1947], 1961, p. 134. Salâma Mûsâ a créé en 1930 l’une de ces associations dont le
nom lui-même, al-Misrî li-l-Misrî (L’Égyptien pour l’Égyptien), indique clairement le programme.
En 1932, un autre mouvement, le Mashrû‘ al-qirsh (Le Projet de la Piastre) se donne pour objectif
de développer l’industrie au moyen d’une large souscription publique. De ce projet est né le
mouvement Jeune-Égypte qui s’est illustré par son nationalisme exacerbé et son caractère
paramilitaire. Sur ces associations, voir deux articles très documentés : Monciaud 1995 et 2002.