Chapitre 8, la décolonisation

publicité
Thème 4 : Colonisation et décolonisation
Chapitre 8 : La décolonisation
L’entre-deux-guerres a vu la montée des nationalismes, tant en Inde, en Indochine, que dans le
Maghreb, avec la volonté d’accéder à l’indépendance par la voie négociée ou par la force. La Seconde
Guerre mondiale ébranle la puissance des métropoles, vaincues par l’Allemagne (France, Belgique,
Pays-Bas) ou dont l’autorité n’est plus incontestable (Royaume-Uni confronté au Japon en 1942). Au
lendemain de la guerre, les nationalismes se réveillent, d’autant plus que les colonies ont participé
elles aussi au conflit, souvent contre la promesse d’évolutions institutionnelles. Le contexte de la
guerre froide, et l’opposition des Etats-Unis et de l’URSS à la colonisation, le nouveau rôle de l’ONU
(« droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »), changent la donne et contraignent les puissances
coloniales à envisager la décolonisation. Celle-ci ne s’est pas faite simplement, comme le montrent
faussement les images introduisant le chapitre dans le manuel (p. 270-271) d’une manière douce et
négociée pour les Britanniques et par une valeureuse guerre d’indépendance contre les méchants
Français par les Algériens, mais par des négociations, des luttes, des violences et un contexte
international défavorable qui ont rendu la décolonisation inéluctable, notamment en Inde, « perle de
l’empire » britannique, et en Algérie, dont le statut n’avait jamais été véritablement défini.
Problématique : En quoi l'indépendance des Indes britanniques et la guerre d'Algérie sont-elles des
étapes importantes du processus de décolonisation ? Quels en sont les caractères propres et les points
communs ?
I.
La fin de l’Empire des Indes
Faire une biographie de Gandhi, Nehru et Jinnah.
A. Un processus d’autodétermination confronté au nationalisme indien :
1) Un processus d’autodétermination dans la tradition britannique
Dans la tradition britannique, les peuples colonisés doivent accéder progressivement à
l’émancipation par un processus plus ou moins long d’acquisition d’institutions parlementaires
indépendantes (système du self-government et des dominions). L’Inde est l’une des plus anciennes des
colonies britanniques, et la pierre angulaire de la politique coloniale depuis le début du XIXe siècle.
Son statut à part fait que dès la fin du XIXe siècle, il existait des institutions représentatives, mais sans
réel pouvoir. Ainsi s’est formé en 1885, le parti du Congrès, qui regroupe les élites hindoues et
musulmanes qui veulent une autonomisation croissante de l’Inde dans le cadre de l’empire. Après
1920, ses principaux dirigeants sont Gandhi et Nehru. En 1906, les musulmans, formant un quart de la
population totale du sous-continent, créent la Ligue musulmane, dont Jinnah devient le leader en 1916.
Devant la pression fournie par les mouvements non-violents de Gandhi (1920 : boycott des produits
anglais, années 1930 : marche du sel) et les violences répétées des nationalistes hindous ou
musulmans, les Britanniques accordent l’India Act : l’Inde dispose désormais d’un gouvernement et
d’un parlement fédéral, les Britanniques conservant les affaires étrangères et la défense.
2) Le mouvement Quit India en 1942
Documents à utiliser : document 3 p. 277, document 5 p. 277, document 2 p. 278 et document 4 p.
279.
Questions :
1. L’Empire des Indes soutient-il l’entrée du Royaume-Uni dans la seconde guerre mondiale ?
La déclaration de l’entrée en guerre de l’Inde aux côtés de la métropole, sans avoir consulté les
Indiens, provoque un réveil des nationalismes et conduit le parti du Congrès à refuser son soutien au
gouvernement britannique à moins d’une reconnaissance de l’Inde comme partenaire. Cela implique
donc l’indépendance.
2. Comment l’Empire des Indes participe-t-il à la guerre au côté du Royaume-Uni ?
Mais la métropole réplique par un refus se réfugiant derrière le motif de l’état de guerre. Très
rapidement l’Inde joue un rôle essentiel dans le conflit : l’équivalent de 4 milliards de dollars sont
fournis à la métropole et à partir de 1942, l’Inde se retrouve en première ligne du front allié en Asie.
Le danger japonais grandissant, la métropole assouplit ses positions et envoie une « mission de Bons
Offices » dirigée par sir Stafford Cripps, connu pour ses prises de positions anti-impérialistes. Cette
1
Thème 4 : Colonisation et décolonisation
Chapitre 8 : La décolonisation
mission est un échec face à l’intransigeance de la Ligue musulmane qui réclame la reconnaissance
d’un Pakistan musulman et celle du Congrès qui réclame un transfert immédiat de pouvoir à une Inde
unitaire.
3. Quelle est la politique menée en Inde à partir de 1942 de la part des leaders nationalistes hindous
et musulmans ? Comment le gouvernement britannique réagit-il à cette politique ?
L’année 1942 voit ainsi se jouer une crise sans précédent entre Indiens et Britanniques. Gandhi inspire
au Congrès la Quit India Resolution, adoptée le 8 août 1942. Les nationalistes y réclament la fin de la
domination britannique. Outre la condamnation du colonialisme et de ses effets désastreux sur le pays,
le Congrès rappelle les principes de liberté défendus par les Alliés et place le Royaume-Uni face à ses
contradictions ; il affirme que la liberté de l’Inde sera le meilleur gage de sa contribution à la victoire
alliée. Les chefs nationalistes sont immédiatement appréhendés ; de graves troubles, durement
réprimés, submergent alors l’Inde ; 100000 arrestations sont opérées.
4. Quels sont les effets réels du mouvement Quit India ?
Les partisans du terrorisme mettent à profit les circonstances pour réapparaître, malgré les appels à la
raison de Gandhi. Dans l’immédiat, Quit India paraît un échec. Mais cet épisode a accéléré la cause de
l’indépendance, d’une part en contribuant à la popularité du parti du Congrès et d’autre part en
révélant l’impossibilité pour le Royaume-Uni de maintenir durablement sa domination par la force.
Gandhi, libéré en 1944, annonce la fin de la désobéissance civile, et entreprend des conversations avec
le leader de la Ligue musulmane ; son combat est désormais d’empêcher la partition de l’Inde,
contraire à sa vision d’une communauté multi-religieuse fondée sur la tolérance. Mais ces entretiens ne
donnent aucun résultat, marquant le fossé qui s’est creusé entre le parti du Congrès et la Ligue
musulmane. De son côté, à l’été 1945, Londres reprend le contact en vue de nouvelles négociations.
3) Deux visions opposées de l’indépendance :
Documents à utiliser : document 2 p. 278 et document 4 p. 279.
Questions :
1. Quel est le point de vue du parti du Congrès et de Gandhi concernant l’avenir de l’Inde
indépendante ?
L’India Act de 1935 accorde aux provinces un régime d’autonomie politique avec des assemblées
élues habilitées à mettre en place des gouvernements locaux. Après les élections provinciales de 1937,
le Congrès refuse de faire une place à la Ligue musulmane dans les nouveaux gouvernements
provinciaux, entraînant un raidissement de cette dernière alors dirigée par Muhammad Ali Jinnah. Ce
riche avocat, entré tôt en politique comme nationaliste modéré dans le cadre du Congrès, puis de la
Ligue musulmane, a essayé de lier les deux partis pour la défense des intérêts musulmans. La Ligue
prétend être considérée par les Britanniques comme l’unique représentante de l’ensemble, pourtant très
diversifié, de l’islam indien. Ni Gandhi, ni le parti du Congrès ne peuvent accepter cette exigence
puisqu’ils ont toujours soutenu qu’eux seuls représentent le mouvement national et le peuple indien
dans son entier, au-delà des particularismes religieux. Jinnah décide de faire de la Ligue musulmane
un parti de masse pour défendre efficacement les intérêts des musulmans et en radicalise les positions.
Pour Gandhi et le parti du Congrès, il n’est pas question dans un premier temps de faire une partition
de l’Inde.
2. Quel est le point de vue de Jinnah et de la Ligue musulmane concernant l’avenir de l’Inde
indépendante ?
En conflit avec Gandhi après 1920, il s’est exilé à Londres dont il est revenu en 1935 pour prendre la
tête de la Ligue musulmane. La Ligue prétend être considérée par les Britanniques comme l’unique
représentante de l’ensemble, pourtant très diversifié, de l’islam indien. Dès le congrès de Lahore, en
1940, la demande d’un État séparé est inscrite dans son programme, ce que Gandhi considère comme
une « invitation à la vivisection de l’Inde ». Jinnah soutient la théorie des « deux nations », une
hindoue et une musulmane, comme deux entités historiquement et culturellement différentes. Les
dirigeants du Congrès comme Nehru prônent, eux, un « nationalisme composite » selon lequel toutes
les personnes vivant sur le sol de l’Inde, quelle que soit leur religion, forment une seule nation. Mais la
Ligue musulmane comme le Congrès proclament tous deux leur volonté d’indépendance.
B. Une indépendance dans la division et le sang
2
Thème 4 : Colonisation et décolonisation
Chapitre 8 : La décolonisation
1) La multiplication des violences au lendemain de la deuxième guerre mondiale
Document à utiliser : document 5 p. 277 et la suite du discours de Clement Attlee du 20 février 1947,
extrait de la revue Hérodote sur la conférence de Simla achevée le 14 juillet 1946, photo de la tuerie de
Calcutta faisant suite à l’ordre du Direct action day de Jinnah.
Document 1 : L’échec de la conférence de Simla, 14 juillet 1946
Pour tenter d'apaiser les dissensions communautaires, Lord Wavell,
vice-roi des Indes britanniques, présente en mai 1945 un plan de
compromis qui vise à la création d'un conseil exécutif dans lequel
hindous et musulmans seraient équitablement représentés. Il convoque
une conférence à Simla, au nord de l'Inde, le 25 juin 1945, pour en
débattre. Ali Jinnah, qui représente la Ligue musulmane, revendique
pour celle-ci le droit de représenter exclusivement les musulmans du
pays. Le parti laïc du Congrès conteste sa prétention. La conférence se
conclut sur un échec le 14 juillet 1946.
Hérodote, 2008.
Tuerie à Calcutta,
1946
16 juillet
Questions :
1. Quels sont les objectifs du Royaume-Uni avant de donner l’indépendance à l’Inde ?
Les Britanniques se rendent à l’évidence que l’indépendance indienne est inéluctable mais souhaitent
obtenir certaines garanties (unité du pays, droits des minorités, accord de sécurité) et un calendrier qui
ne précipiterait pas les événements vers le chaos. En particulier, ils souhaitent assurer à l’Inde des
institutions stables, capables de maintenir la cohésion du pays avant l’indépendance.
2. Ces objectifs ont-ils été réalisés au moment où Attlee estime la nécessité d’un transfert du pouvoir
entre les mains des autorités indiennes ?
Sur tous ces points, la politique britannique enregistre une succession d’échecs. Le projet présenté à la
conférence de Simla en juin-juillet 1945 consiste en la création d’un conseil exécutif intérimaire formé
d’Indiens, sur la base d’une égale représentation des hindous et des musulmans, auquel la plupart des
compétences d’État devaient être transférées. La conférence échoue presque immédiatement à cause
des exigences de Jinnah qui réclame le droit de nommer tous les représentants musulmans dans le
nouveau gouvernement. Cet échec marque en fait celui d’une solution unitaire.
Les Britanniques envisagent alors une solution fédérale, mais elle est là encore mise en échec par les
positions radicalement opposées du parti du Congrès, qui n’admet pas l’idée d’un Pakistan et de la
Ligue musulmane, soulignant l’incompatibilité fondamentale des deux sociétés à cohabiter dans un
même ensemble. Ce plan prévoit la création d’une Union indienne, ouverte aux États princiers et dotée
d’un gouvernement fédéral, mais partageant ses prérogatives avec les provinces (y compris un
Pakistan) et les groupes de provinces. Afin de réaliser ce projet, un gouvernement intérimaire devait
être formé et l’élection d’une assemblée constituante organisée au plus tôt. La deuxième conférence de
Simla, en juin-juillet 1946, ne permet pas de trouver un terrain d’entente. Dans une déclaration
provocatrice, Nehru affirme alors que le Congrès n’accepte que la participation à une assemblée
constituante souveraine, qui ne sera liée par aucun plan préalable ; autrement dit la future Constitution
sera dictée par la majorité congressiste de l’assemblée, et sera donc défavorable aux minorités.
3
Thème 4 : Colonisation et décolonisation
Chapitre 8 : La décolonisation
3. Quelles sont les conséquences des dissensions entre hindous et musulmans ?
Les antagonismes religieux atteignent le point de rupture lorsqu’en réponse Jinnah appelle à un
National Action Day qui dégénère à Calcutta du 16 au 18 août 1946, faisant plusieurs milliers de
victimes (photo). Le vice-roi tente alors un dernier effort en suscitant au moins la formation du
gouvernement intérimaire prévu, avec le Congrès seul. Nehru accepte d’en prendre la tête, mais les
tensions ne cessent de s’aggraver. Des heurts sanglants entre communautés se multiplient à Bombay,
Ahmedabad, au Bihar au Bengale et au Pendjab. Lorsque l’assemblée constituante se réunit en
décembre, les députés musulmans refusent d’y prendre part. C’est cette situation de violences et
d’impasse qui inspire la phrase d’Attlee. Il semble désormais évident que la partition est inévitable.
2) Le point de vue des britanniques
Document support : document 5 p. 277 et le texte de Clement Attlee ci-dessus.
Dès la fin de 1946, le désir des Britanniques d’en finir au plus vite avec leur empire des Indes
l’emporte. Le Royaume-Uni ne contrôle plus la situation. Les piliers du régime colonial,
l’administration, l’armée et la police donnent des signes de faiblesse et d’insoumission de plus en plus
nombreux ; les fonctionnaires britanniques souhaitent rentrer, tandis que l’opinion métropolitaine est
lasse et que la majorité au Parlement, et même nombre de conservateurs, ainsi que le gouvernement,
souhaitent se débarrasser au plus vite du fardeau indien. C’est dans ce contexte qu’Attlee déclare
devant la Chambre des communes, à Londres, le 20 février 1947, que les Britanniques évacueront
l’Inde au plus tard en juin 1948 et que le gouvernement de l’Inde sera transféré « à des autorités
établies par une Constitution approuvée par toutes les parties de l’Inde ». Attlee, soucieux de ne pas
réduire sa décision à un aveu d’impuissance, prend soin de la présenter comme un aboutissement de la
politique britannique de self-government. Dans l’idéal, ce processus gradualiste doit pouvoir aboutir au
transfert du pouvoir à des partenaires préparés, en diffusant le modèle britannique de la démocratie
parlementaire. Dans cet extrait, il est fait ainsi allusion à l’August Offer, en 1940 et à la proposition
faite par la mission menée par Sir Stafford Cripps en 1942 de créer une Union indienne, dotée
d’autonomie, à laquelle chaque État ou province pourrait adhérer librement au lendemain de la guerre.
3) La partition de l’Inde et ses conséquences :
Documents à utiliser : document 1 p. 270, document 1 p. 278, documents 3 et 5 p. 279.
Questions :
1. Quel est le représentant britannique qui donne l’indépendance à l’Inde et pourquoi ?
Le nouveau vice-roi, Lord Mountbatten, qui bénéficie de ses récentes victoires en Asie du Sud-Est,
arrive en mars 1947 dans une Inde au bord du chaos avec la difficile mission de mettre fin à la
présence britannique. Ayant tenté en vain de fléchir la position de Jinnah, et les heurts se multipliant,
Mountbatten est vite convaincu de l’inévitable partition à laquelle, de guerre lasse, Nehru et le
Congrès finissent par se rallier. Il y aura deux États, l’Union indienne et le Pakistan.
2. Quand a été prise la photographie et quelles sont les décisions prises à ce moment là ?
Cette photographie a été prise à la conférence de New Delhi en juin 1947, lors de laquelle le plan de
partition de l’Inde est accepté par les différentes parties ; le plan de transfert du pouvoir à deux
nouveaux dominions indépendants est annoncé le 3 juin. Lord Mountbatten est assis au centre entre
Nehru, représentant du parti du Congrès à sa droite et Jinnah, leader de la Ligue musulmane à sa
gauche ; le personnage en retrait est le chef de cabinet du vice-roi, Lord Ismay.
3. La photographie laisse supposer que l’indépendance a été négociée mais pour autant, est-elle
exempte de violence ? Quelles sont les conséquences de l’indépendance de l’Inde ?
Si cette photographie illustre une indépendance négociée, cette dernière est marquée par un contexte
de violence et une mise en œuvre à marche forcée, largement improvisée. Il est finalement décidé qu’il
sera procédé à une partition du pays. Les 14 et 15 août, les indépendances sont effectives. Voient alors
le jour deux dominions indépendants : l’Union indienne à majorité hindoue dont Nehru devient le
Premier ministre et le Pakistan à majorité musulmane dont Jinnah devient le lieutenant général. Le
Pakistan est lui-même divisé en deux zones séparées par 1700 km de territoire indien. Les frontières
4
Thème 4 : Colonisation et décolonisation
Chapitre 8 : La décolonisation
sont établies par une commission qui se trouve confrontée à une situation très délicate. Les nouvelles
frontières coupent en effet, dans de nombreux cas, des districts, des villages, des familles voisines
depuis des siècles. Le Pendjab et le Bengale sont divisés en deux : le Bengale oriental devient la partie
est du Pakistan (il gagnera son indépendance et deviendra Bangladesh en 1971). Les Etats princiers se
rallient à l’un ou à l’autre des deux nouveaux Etats, à l’exception provisoire de trois d’entre eux
(Cachemire, Hyderabad et Junagadh), dans lesquels la population est divisée sur le plan religieux et où
le souverain pratique une religion différente de celle de la majorité de ses sujets. L’indépendance est
célébrée dans la joie, mais dès le lendemain, des régions entières sombrent à nouveau dans la guerre
civile. Les partages territoriaux en sont la première raison. Des masses d’hindous et de musulmans
abandonnent alors leurs maisons pour se réfugier en Inde ou au Pakistan. On estime que la partition a
causé 300000 à 500000 morts et 10 à 15 millions de personnes déplacées de part et d’autre de la
frontière.
II.
La Guerre d’Algérie, une guerre coloniale française :
A. L'échec de l'assimilation et la montée du nationalisme
1) Proclamation du FLN
Document 1 : La proclamation du FLN (Front de Libération nationale)
L’heure est grave. Devant cette situation qui risque de devenir irréparable, une équipe de jeunes
responsables et militants conscients […] a jugé le moment venu de sortir le mouvement national de
l’impasse où l’ont acculé les luttes de personnes et d’influence pour le lancer aux côtés des frères
marocains et tunisiens dans la véritable lutte révolutionnaire. […] Notre action est dirigée uniquement
contre le colonialisme, seul ennemi obstiné et aveugle qui s’est toujours refusé à accorder la moindre
liberté par les moyens de la lutte pacifique. Ce sont là des raisons suffisantes qui font que notre
mouvement de rénovation se présente sous l’étiquette de FRONT DE LIBERATION NATIONALE.
[…]
But : l’indépendance nationale par :
- La restauration de l’Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes
islamiques
- Le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions. […]
Moyens de lutte : conformément aux principes révolutionnaires et compte tenu des situations
intérieure et extérieure, la continuation de la lutte par tous les moyens jusqu’à la réalisation de notre
but.
Tract du FLN, 31 octobre 1954.
Questions :
1. A l’aide de votre livre et des connaissances déjà acquises dans les chapitres précédents, expliquez
quel est le contexte lorsque ce tract est délivré ?
La situation sociale en Algérie s’est aggravée, les disparités entre les deux communautés se sont
creusées. La communauté algérienne musulmane est parcourue par des groupuscules nationalistes,
comme celui de Messali Hadj, et le contexte international leur semble favorable (montée du
nationalisme arabe en Egypte avec Nasser, fin de la guerre d’Indochine, opposition des deux Grands à
la colonisation). C’est dans ce contexte qu’intervient cette proclamation, la veille des attentats de la
Toussaint rouge. Dans la nuit du 30 octobre au 1er novembre 1954, trente attentats presque simultanés
contre des objectifs militaires ou de police sont perpétrés. Ils font sept morts. C’est la première action
du FLN dont le nom dit clairement le projet indépendantiste, précisé par des tracts diffusés cette nuitlà.
Ajout du professeur : Les fondateurs du FLN ont une trentaine d’années. Issus des classes moyennes,
ils ont fréquenté l’école française, sans être des intellectuels. Tous sont issus d’une organisation, le
Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), qui compte dans ses rangs plus de
20000 militants. Ce parti est déchiré depuis 1953 par des dissensions qui pour les membres fondateurs
du FLN ont plongé le mouvement national dans « l’impasse ». Les fondateurs du FLN ne croient plus
à l’action politique (grèves, pétitions, manifestations) et préconisent le recours à la lutte armée pour
sortir de la domination coloniale.
5
Thème 4 : Colonisation et décolonisation
Chapitre 8 : La décolonisation
2. Quelles les idées exposées par le FLN dans ce tract ? Quels sont les buts du FLN ?
La proclamation du FLN expose les motifs de la guerre puis définit les buts et les moyens de la lutte.
Elle fait fonction de véritable déclaration de guerre et encourage la réalisation de l’union de tous les
Algériens dans et par la lutte armée contre le « colonialisme ». Le but du FLN est formulé clairement
dans la partie médiane du texte.
3. Le tract ne fait-il pas apparaître des contradictions ?
Si le rejet de la souveraineté française au profit d’une souveraineté algérienne absolue est très clair, on
ne peut pas en dire autant des principes d’organisation interne du nouvel État. Il paraît en effet
contradictoire de « restaurer » l’État « algérien » de 1830 (accaparé par une oligarchie turque) en le
qualifiant de « démocratique et social » ; de même, une autre contradiction apparaît entre les «
principes islamiques » et l’absence de distinction entre les confessions religieuses. Les « moyens de
lutte » sont résumés en une phrase, extrêmement laconique. On peut en déduire que les « principes
révolutionnaires » consistent en un pragmatisme absolu, faisant de l’efficacité le seul critère du choix
des moyens
2) « L'Algérie c'est la France »
Document à utiliser : document 3 p. 281.
Questions :
1. Quelle est l’attitude de la France à l’égard de l’Algérie ?
L’attitude de la France à l’égard de l’Algérie est l’intransigeance, au titre que « l’Algérie, c’est la
France ». Il n’est pas question de reconnaître un quelconque état de guerre. Pierre Mendès-France,
président du conseil, proclame devant l’Assemblée nationale sa volonté de maintenir à tout prix l’unité
de la République française.
2. A l’aide du texte de Pierre Mendès France, du texte ci-dessous et de votre livre, identifiez la
manière dont la France conçoit la question algérienne et les nationalistes algériens. Comment agit
la France face à ces nationalistes ?
Pour évoquer les attentats de la Toussaint, F. Mitterrand emploie le terme de « terrorisme individuel »,
refusant ainsi d’y voir les prémices d’un combat organisé pour l’indépendance. Tout au long de la
guerre, d’ailleurs, les Français choisissent de parler d’ « événements » ou d’ « opérations de maintien
de l’ordre », affirmant qu’il n’y a à leurs yeux pas de guerre en Algérie, c’est-à-dire pas de conflit
impliquant une remise en cause de la souveraineté française sur le territoire algérien.
Tout au plus, ils vont considérer les nationalistes algériens comme des « rebelles », des « hors-la-loi »,
en révolte contre l’ordre, identifié à la loi française. La dimension politique de cette « rébellion » est
ainsi absente des mots. Les individus qui y participent sont renvoyés exclusivement à leurs actions : «
terroristes » ou « fellagha » (=« coupeurs de route ») ou « bandits de grand chemin ».
3. Comment les membres du FLN se considèrent-ils pendant cette guerre ? Ont-ils une vision
identifique à celle des français ?
De leur côté, les Algériens musulmans emploient d’autres termes aux connotations politiques et
militaires : « djoundi » (= « combattants », « maquisards »), les hommes de l’Armée de Libération
nationale (ALN) sont présentés comme de vrais soldats. Les terroristes et autres membres du FLN ne
6
Thème 4 : Colonisation et décolonisation
Chapitre 8 : La décolonisation
sont pas distingués : ce sont des militants, qui peuvent devenir des « martyrs » (« chouhada »). La
connotation religieuse n’est pas absente du lexique du FLN comme en témoigne l’emploi des termes «
moudjahid » (combattant de la foi) ou « djihâd » (guerre sainte).
B. La montée de l'intervention française
1) Opérations de police
Très vite, F. Mitterrand met à disposition du gouvernement général de l’Algérie plusieurs compagnies
de CRS et le gouvernement se montre très ferme dans sa volonté répressive. Le 5 novembre, le
MTLD, suspecté d’être à l’origine des attentats est dissout, ses responsables arrêtés, des centaines de
militants plongent dans la clandestinité. Des renforts militaires sont acheminés vers l’Algérie, qui
portent les effectifs à 83000 hommes. La France se lance alors dans une politique de « pacification »
qui se double de tentatives de réformes administratives, économiques et sociales, tendant à faire de
l’Algérie une province à la personnalité originale, mais de plus en plus française. Tandis que les
réformes n’arrivent pas à convaincre, la France augmente sans cesse sa présence militaire et donne à
l’armée des pouvoirs de plus en plus étendus. De 100000 hommes sur le terrain en juin 1955, l’effectif
atteint 381000 en août 1956. En mai 1955, des réservistes français d’Algérie sont rappelés sous les
drapeaux. Après l’offensive sanglante lancée par l’ALN dans le Constantinois le 20 août 1955, cette
mesure est étendue aux rappelés métropolitains de la classe 53-2 qui avaient fini leurs 18 mois de
service et que l’on mobilise pour une durée de six mois. En 1956, le gouvernement Guy Mollet
rappelle les réservistes des classes plus anciennes, soit 88000 hommes. En fait, le gros des forces en
Algérie, plus de 80 % des effectifs, est composé d’appelés.
2) La pratique de la guerre et les violences qui en découlent : attentats contre torture :
Documents à utiliser : la torture en Algérie (document 1), les attentats de l’OAS (document 2) et le
bilan humain de la guerre d’Algérie (document 3)
Document 1 : la torture en Algérie :
21 avril 1959. Des fuyards sont aperçus partant du petit village. Rassemblement de toute la population
des villages alentour. Soudains des cris perçants de femmes. Dans une baraque, un attroupement de
militaires se forme. Je m’approche. Le capitaine donne des ordres à un rallié qui torture une vieille
femme d’une soixantaine d’années environ. […] Un sergent appelé lui fait avaler de l’eau par un tube
placé dans la bouche. De tout son poids, le rallié appuie sur son ventre. La femme pousse des cris
atroces de douleur. […] Elle gémit, n’en peut plus. Sans doute, n’a-t-elle pas parlé. Peut-être ne saitelle rien ou, si elle sait, pourquoi le dirait-elle ? […] Dehors, un homme, âgé approximativement de 50
ans, est tenu collé au mur, les bras en l’air. Un autre rallié lui assène des coups de marteau sur son
crâne aux cheveux blancs. Ce qui me dégoûte le plus, c’est le capitaine qui le regarde avec un air
indifférent et même de contentement. […] Beaucoup de gars sont écœurés, cependant d’autres rient.
Le capitaine laisse faire, reste impassible, indifférent, raciste jusqu’au dernier degré : « Avec ces gens,
c’est comme cela qu’il faut y aller ».
Témoignage de A. Nallet (habitant de l’Ain), favorable à la paix en Algérie mais appelé de mai 1957 à
août 1959. Cité par B. Stora et T. Quemeneur, Algérie, 1954-1962, les Arènes, 2010.
Document 2 : Les attentats de l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) :
7
Thème 4 : Colonisation et décolonisation
Chapitre 8 : La décolonisation
Document 3 : Le bilan humain de la guerre d’Algérie
Questions :
1. Quelles sont les différentes formes de violence exercées pendant la guerre d’Algérie ?
Les actes terroristes du FLN touchent également les populations musulmanes comme les populations
civiles européennes. Les documents témoignent aussi des violences exercées par les forces de police
métropolitaines sur les Algériens immigrés, suspectés de connivence avec le FLN.
2. Quelle violence pratiquée par l’armée française est évoquée dans le document 1 ? Dans quel but
cette pratique est-elle faite ? Toutes les personnes du contingent y adhèrent-elles ? Quelles sont les
critiques d’Albert Nallet concernant cette pratique et l’attitude des hommes face à elle ?
Le document 1 illustre la pratique de la torture. Albert Nallet, jeune ouvrier, s’engage en faveur des
mouvements pour la paix en Algérie dès 1954. Il est pourtant appelé en Grande Kabylie du 3 mai 1957
au 6 août 1959 et tient quotidiennement son journal pour témoigner et dire la vérité. La torture est
d’abord utilisée par la police, puis massivement par l’armée. Ceux qui la justifient mettent en avant la
recherche d’informations sur les troupes armées ou sur les réseaux de soutien aux nationalistes dans la
population. Les coups, les décharges électriques, les étouffements, l’eau injectée de force dans la
bouche sont autant de méthodes utilisées fréquemment, de même que la pendaison par les pieds et les
poings. Le viol, aussi bien sur les femmes et les hommes est aussi pratiqué. Accomplies par des
militaires de carrière ou du contingent, les tortures sont parfois l’occasion de défoulements ; la
8
Thème 4 : Colonisation et décolonisation
Chapitre 8 : La décolonisation
vengeance, la peur de l’ennemi ou le racisme (« avec ces gens, c’est comme cela qu’il faut y aller ») y
trouvent un terrain d’expression propice. Mais la torture est aussi pratiquée sans haine particulière, par
des soldats persuadés d’accomplir ainsi leur mission qui est de gagner la guerre. Le texte montre
qu’elle perturbe certains militaires qui parfois s’en ouvrent à leurs proches, à leur journal ; mais la
plupart se taisent. Officiellement, la torture n’existe pas.
3. Quelles actions de la part des Européens sont mentionnées dans le document 2 ? Qui en sont les
auteurs ? Pourquoi agissent-ils ainsi ?
Enfin, le document 2 témoigne des actes terroristes perpétrés par l’OAS, née en 1961. L’organisation
terroriste à deux modes d’action : les explosions au plastic et les assassinats individuels. Les
plasticages ponctuent le quotidien des habitants des villes algériennes pendant plus d’un an. En
métropole, les attentats culminent en janvier et février 1962. L’approche du cessez-le-feu puis celle de
l’indépendance intensifie la violence : l’OAS opte pour une politique de la « terre brûlée » qui prétend
rendre l’Algérie aux Algériens dans l’état de 1830.
C. Les divisions
1) Entre Algériens
La guerre a aussi vu les Algériens musulmans s’opposer entre eux. L’affrontement est très dur des
courants nationalistes algériens du FLN et du MNA (Mouvement national algérien), fondé par Messali
Hadj. Ces deux mouvements, qui partagent le même objectif final, l’indépendance, sont condamnés à
l’affrontement dès lors que chacun affirme être le représentant exclusif de cette aspiration.
L’élimination physique de l’organisation rivale devient donc un impératif, tant en Algérie que dans
l’immigration algérienne en métropole. En outre, pour détacher les populations musulmanes de
l’emprise française et obtenir leur assistance ou pour punir ceux qui contreviennent à leurs ordres, le
FLN et son bras armé, l’ALN, utilisent souvent la force sous forme d’assassinats ou de mutilations «
pour l’exemple». Dans ses rangs, le FLN a recours à l’élimination physique et à la torture contre les
traîtres réels ou supposés.
Se pose également la question des harkis, ces Algériens musulmans engagés comme supplétifs dans
l’armée française. Devenus victimes de représailles allant parfois jusqu’au massacre, environ 25000
d’entre eux se réfugient en France entre juin 1962 et juillet 1963.
2) Entre Français sur la question de l'autodétermination : le rôle de de Gaulle
Le 16 septembre 1959, de Gaulle invite les Algériens à s’autodéterminer. Trois options sont proposées
: la sécession, la francisation ou bien l’association, cette dernière ayant la faveur du chef de l’Etat. Le
26 décembre 1959, après une discussion mouvementée avec un membre de son cabinet militaire, le
général de Gaulle consigne les raisons de sa politique. Il fait le constat de l’échec de la politique
coercitive de la France qui s’avère impuissante (malgré l’« écrasante supériorité militaire ») à faire
taire les aspirations des Algériens à l’indépendance et à les rallier à la cause de l’Algérie française.
Pour lui, le processus de décolonisation est un phénomène inéluctable, quels que soient les territoires
concernés. Peut-être peut-on voir également derrière ses propos le poids de la condamnation onusienne
qui pèse sur la France concernant les événements algériens. Le tournant de l’autodétermination est
fondamental car l’indépendance est désormais envisageable. À partir de 1960, de Gaulle use d’ailleurs
de formules confortant cette idée : « Algérie algérienne » en mars, « République algérienne » en
novembre et même, en avril 1961, « État algérien souverain ».
En Algérie, la politique d’autodétermination proposée par de Gaulle provoque la stupeur tant elle
signifie pour les Français d’Algérie que les voies vers l’indépendance sont désormais ouvertes. Les
chefs militaires pensent qu’ils sont trahis. Des contacts s’engagent avec les activistes d’Alger. Le
général Massu confie à un journaliste allemand : « l’armée fera intervenir sa force si la situation le
demande. Nous ne comprenons plus la politique du président de Gaulle ». Son limogeage, peu après,
mobilise les groupes d’opposition. À leur appel, les partisans de l’Algérie française élèvent des
barricades dans le centre d’Alger au soir du dimanche 24 janvier. L’épisode prend le nom de
« semaine des barricades » (jusqu’au 1er février 1960).
Pourtant, les premiers pourparlers entre le FLN et le gouvernement français s’ouvrent à Melun le 25
juin 1960. C’est un échec, mais le virage est confirmé par le discours de de Gaulle du 4 novembre
1960 qui affirme que « l’Algérie aura son gouvernement, ses institutions et ses lois ». Il annonce un
référendum sur le principe de l’autodétermination en Algérie qui a lieu le 8 janvier 1961. Le « oui »
9
Thème 4 : Colonisation et décolonisation
Chapitre 8 : La décolonisation
obtient 72,25 % des suffrages en métropole, 69,09 % en Algérie, où le « non » l’emporte seulement
dans les centres urbains européens. Le succès de ce référendum démontre aux jusqu’au-boutistes de
l’Algérie française qu’il faut réagir rapidement alors que la France annonce l’ouverture de nouvelles
négociations. Ils créent alors l’OAS. Le 11 avril, le chef de l’État confirme sa nouvelle orientation : «
la décolonisation est notre intérêt, et par conséquent notre politique ». Chez les militaires, le
mécontentement grandit et aboutit au putsch des généraux le 22 avril 1961. Le putsch échoue et l’OAS
prend la relève. Elle sème la terreur pour casser le mécanisme des négociations engagées le 20 mai
1961 à Évian. S’ouvre alors une période de tous les dangers. Le FLN, qui veut aborder la négociation
en position de force multiplie les actions, causant 133 morts entre le 21 mai et le 8 juin alors que
l’OAS enchaîne les actions terroristes.
Cependant, face à cette situation, des violences policières à l’encontre des Algériens musulmans en
métropole apparaissent. La guerre y est portée par la fédération de France du FLN, qui assure son
pouvoir sur l’immigration. En riposte aux attentats contre la police, Maurice Papon couvre le massacre
du 17 octobre 1961. Les morts se comptent par dizaines et les blessés, par centaines. Les arrestations
sont massives : 11538, soit la moitié des manifestants. Les violences sont alors commises à froid et
s’expliquent par l’état d’esprit de la police, travaillée par l’extrême-droite. Cette dernière profite de
l’exaspération des policiers face à la multiplication, depuis septembre, des attentats dont ils sont
victimes de la part des groupes de choc du FLN. Leurs représentants réclament à leur préfet, M.
Papon, des mesures de protection. Les « Français musulmans d’Algérie » sont alors soumis à un
couvre-feu que le FLN appelle à boycotter le soir du 17 octobre 1961. Les 20000 manifestants, qu’ils
aient suivi ou non le « mot d’ordre du FLN », éventuellement sous la contrainte, protestent aussi
contre la situation qui est la leur depuis que la lutte contre le FLN s’est intensifiée à la fin de l’été et
s’est traduite par une « chasse à l’Arabe » se déclinant en contrôles de papiers, arrestations et gardes à
vue abusives, accompagnées de brimades ou de coups. Avant même le 17 octobre, le nombre
d’Algériens victimes d’homicides, retrouvés sur la voie publique ou dans la Seine, s’élève
anormalement. Ils sont souvent imputés au FLN mais les policiers, agissant en dehors de leur service,
en sont aussi responsables.
3) Conséquences : rapatriés, Harkis...
À la fin de l’année 1961, les négociations buttent sur la question saharienne et doivent être suspendues
; le climat de violence s’exacerbe. Quand s’ouvre la nouvelle conférence d’Évian, le 7 mars 1962, les
commandos de l’OAS renchérissent de violence. Un accord de cessez-le-feu, prenant effet le 19 mars à
12 h est signé à Évian, le 18 mars 1962, entre les représentants français et les émissaires du GPRA
(Gouvernement provisoire de la République algérienne). Mais la signature des accords d’Évian ne
marque pas la fin de la guerre d’Algérie. L’OAS entame alors une politique de la « terre brûlée »,
tandis que les Européens d’Algérie fuient le pays.
Le 1er juillet, le référendum en Algérie donne 99,7 % de « oui » pour l’indépendance, reconnue par la
Ve République deux jours plus tard. La proclamation de l’indépendance donne lieu dans tout le pays à
des explosions de joie. Mais à Oran, le 5 juillet 1962 est marqué par des fusillades et des violences
tournées contre les Européens, faisant environ cent morts dont une vingtaine d’Européens et 161
blessés. L’été 1962 est aussi celui des règlements de comptes dont sont notamment victimes ceux qui
ont pris les armes au nom de la France, anciens combattants musulmans et harkis.
Après la proclamation de l’indépendance le 3 juillet, les tensions idéologiques internes au FLN
laissent la place à une course pour le pouvoir et il faut attendre septembre 1962 pour que l’Algérie se
dote d’institutions propres.
Depuis 1959, près de 100000 personnes sont progressivement arrivées en France. Elles sont 865000 à
débarquer dans les quatre ports méditerranéens de Marseille, Sète, Toulon et Nice entre avril et
septembre 1962, prises entre le déchaînement de violence de l’OAS et l’imminence d’une
indépendance inquiétante, convaincues de n’avoir le choix qu’entre « la valise et le cercueil ». L’exil
de 1962 est un événement tragique pour tous ceux qui l’ont vécu, tant la perte de la terre natale est
ressentie comme un profond déracinement. La détresse qui l’accompagne est le fruit d’une très longue
période de tensions ; elle s’amplifie encore avec la découverte d’un pays dont ils sont certes citoyens,
mais qu’ils ne connaissent guère, d’où d’ailleurs l’étrangeté du qualificatif « rapatrié » appliqué aux
Européens d’Algérie, le plus souvent nés en Algérie, parfois de parents ou de grands-parents euxmêmes nés là-bas. L’administration est prise de court par cette arrivée massive, mais les situations se
10
Thème 4 : Colonisation et décolonisation
Chapitre 8 : La décolonisation
régularisent peu à peu ; les rapatriés reçoivent des subventions et on leur accorde des prêts spécifiques
pour faciliter leur insertion en métropole. Ils s’installent alors dans la société et l’économie françaises,
en particulier dans les régions du sud de la France.
Officiellement, la guerre d’Algérie a tué près de 25000 soldats français, 4500 soldats algériens
engagés aux côtés des forces françaises et 4500 civils européens. Les chiffres sont beaucoup plus
imprécis à propos des victimes algériennes tuées par les forces de l’ordre françaises. Le FLN
revendique un million de « martyrs » tandis que les autorités françaises estiment les pertes militaires
de l’ALN autour de 150000 personnes et les pertes civiles autour de 20000, en y incluant les victimes
algériennes de l’OAS mais sans tenir compte des plus de 13000 disparus recensés au 19 mars 1962. Il
faudrait également ajouter à ces chiffres les Algériens victimes de règlements de compte entre partis
nationalistes. Ainsi, le bilan des morts algériens est difficile à établir avec précision mais les historiens
proposent une fourchette située entre 200 et 400000 morts. Ces pertes, rapportées à la population de
l’Algérie pendant la guerre (près de dix millions de personnes), sont donc, quel qu’en soit le total
exact, particulièrement élevées. Quant aux harkis, tués pendant la guerre ou après l’indépendance, les
estimations s’échelonnent de 30000 à 150000.
Conclusion : cartes p. 274-275
Les indépendances de l’Inde et de l’Algérie ont des points communs, en ce sens que les deux
puissances coloniales, démocratiques, ont favorisé en leur sein la montée de nationalismes portés par
les idées libérales et démocratiques. Même si elles ont fini par l’autodétermination et un processus
négocié, elles ont été accompagnées de violences et de divisions. Même si l’image traditionnelle de
l’indépendance de l’Inde est celle d’une négociation, elle tient à la personnalité de Nehru et au rôle
qu’il compte jouer dans l’émergence du Tiers-Monde et des pays non-alignés. Alors que celle de
l’Algérie tient à l’incompréhension existant entre les deux rives de la Méditerranée, que de Gaulle a
voulu arrêter à partir de 1959. Ces deux indépendances sont des étapes importantes de la
décolonisation (carte). Celle de l’Algérie a accompagné aussi un changement radical dans la manière
dont la République est envisagée en France.
11
Téléchargement