L`éducation thérapeutique du patient en rhumatologie pédiatrique

Inflammation
38 | La Lettre du Rhumatologue No 394 - septembre 2013
Actualités sur la
RHUMATOLOGIE
PÉDIATRIQUE
Léducation thérapeutique
du patient en rhumatologie
pédiatrique
Patient education in pediatric rheumatology: the French touch
Séverine Guillaume*, Isabelle Marie*, Annick Dorlé*, Christine Terrolle*, Rolande Guastalli*
* Service de rhumatologie pédia-
trique, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-
Bicêtre.
L’
éducation thérapeutique du patient (ETP) en
rhumatologie pédiatrique ne déroge pas aux
principes appliqués à l’ETP en rhumatologie
adulte et à l’ETP en général. Le rapport Bachelot édité
en 2008 par la Haute Autorité de santé (HAS) stipule
que “l’ETP est un processus de renforcement des capacités
du malade et/ou de son entourage à prendre en charge
l’affection qui le touche, sur la base d’actions intégrées au
projet de soins. Elle vise à rendre le malade plus autonome
par l’appropriation de savoirs et de compétences afin qu’il
devienne l’acteur de son changement de comportement,
à l’occasion d’événements majeurs de la prise en charge
(initiation du traitement, modification du traitement, évé-
nements intercurrents…) mais aussi plus généralement
tout au long du projet de soins, avec l’objectif de disposer
d’une qualité de vie acceptable par lui”.
En pratique, l’ETP doit permettre aux enfants atteints
de rhumatismes chroniques inflammatoires de mieux
vivre avec leur maladie. Cela passe par une bonne
compréhension de ce qu’est cette maladie, des béné-
fices qu’ils tirent de leurs traitements et des risques
que ceux-ci comportent, et par une juste apprécia-
tion des difficultés que leur pathologie leur impose
pour envisager les solutions adéquates dans les
situations de la vie de tous les jours, que ce soit sur
le plan psychique, relationnel et social, ou scolaire.
Quelles sont les particularités
pédiatriques de l’ETP dans
les rhumatismes chroniques
inflammatoires juvéniles ?
La première particularité est que les soins en pédia-
trie font intervenir non seulement le patient mais
aussi ses parents ; ils mettent en jeu une relation
triangulaire enfant/famille/soignants. Cette relation
repose sur la confiance, l’écoute, et l’échange entre
les soignants et un patient dont la capacité de com-
préhension varie avec le temps, d’une part, et entre
les soignants et ses parents, d’autre part.
Le deuxième point est que les préoccupations des
jeunes patients sont souvent différentes de celles de
leurs parents, et la pratique montre que les enfants
se soucient davantage d’être ou de paraître normaux
par rapport à leurs semblables et à leurs activités,
alors que les parents s’inquiètent plus durablement
des souffrances physiques et de l’avenir de leurs
enfants.
Ces considérations impliquent donc une prise en
charge à 2 niveaux et en parallèle : celui, évolutif,
des enfants eux-mêmes, et celui de leurs parents. Il
nous paraît ainsi fondamental que l’ETP en pédia-
trie puisse s’adresser séparément aux enfants et aux
parents, non seulement par des questionnaires dif-
férents mais aussi par des ateliers spécifiques.
Enfin, les maladies inflammatoires chroniques en
rhumatologie pédiatrique ont comme troisième
particularité de s’associer plus fréquemment que
chez l’adulte à des atteintes oculaires graves. L’ETP
en rhumatologie pédiatrique couvrira donc les pro-
blèmes ophtalmologiques souvent rencontrés chez
ces enfants.
Comment organiser une ETP
en rhumatologie pédiatrique ?
Organiser et mettre en œuvre une ETP demande
beaucoup de temps. Cela commence par l’éla-
boration d’un dossier de demande d’agrément.
Points forts
La Lettre du Rhumatologue No 394 - septembre 2013 | 39
»
La pratique pédiatrique est fondée sur une relation triangulaire enfant/soignants/parents où le parler-vrai”
a toute sa place dans les échanges avec l’enfant.
»
Les questionnements de l’enfant diffèrent de ceux de ses parents ; c’est la principale raison qui nous
fait envisager une éducation thérapeutique du patient (ETP) spécifique pour les enfants et une autre pour
leurs parents.
»
L’ETP fondée sur les échanges et la confiance devrait occuper une place croissante dans l’arsenal
thérapeutique en France.
Mots-clés
Éducation
thérapeutique
dupatient
Enfant(s)
Pathologie
rhumatologique
inflammatoire
chronique
Rhumatologie
pédiatrique
Highlights
»
Pediatric diseases manage-
ment is based on a tripartite
relationship between the child,
the carer and the parents,
where saying the truth to the
child is central.
»
The child’s interrogations are
different from those of his/her
parents; this is why we built
an age-adapted education
program specific for children
and another specific for their
parents.
»
Patient education based on
positive interactions and con-
fidence should have a growing
place in the therapeutic arsenal
in France.
Keywords
Patient education
Child/children
Chronic inflammatory
rheumatic disease
Pediatric rheumatology
Si le programme d’ETP reçoit son autorisation,
accordée par l’agence régionale de santé, celle-ci
ouvre en principe la voie à l’attribution d’une enve-
loppe budgétaire pour aider au développement du
projet éducatif.
Le dossier décrit l’équipe menant le projet, le plus
souvent une équipe multidisciplinaire d’origine
plurielle – médicale, paramédicale et associative –
formée à l’ETP ; il décrit également les lieux choisis
pour l’ETP, au mieux déconnectés des lieux habi-
tuels des consultations médicales ; il détaille enfin
l’organisation et le contenu des entretiens et des
ateliers éducatifs, ainsi que les moyens d’évaluation
des bénéfices apportés par l’ETP.
Quelles sont
les différentes étapes de l’ETP
en rhumatologie pédiatrique ?
Les étapes d’une ETP s’inscrivent dans la durée. L’ETP
commence dès l’annonce du diagnostic. Celle-ci
doit comprendre un temps d’écoute, un temps
d’information et un temps de réponse aux ques-
tions soulevées par l’annonce. Il s’agit forcément
d’une consultation plus longue que la moyenne,
qui se déroule dans une attitude d’écoute et de
respect. Elle est le garant d’une relation de qualité
et durable entre les soignants et les familles. Lexpé-
rience montre que, au mieux, 20 % des informations
délivrées seront retenues ; aussi nous paraît-il impor-
tant de proposer, environ 15 jours après l’annonce
du diagnostic, une consultation de post-annonce,
durant laquelle des soignants médecins ou non
médecins reviendront sur les aspects les plus impor-
tants de l’annonce. Ce temps pourra également être
celui du diagnostic éducatif, qui permet de définir
les notions à revisiter parmi les thèmes classique-
ment abordés en ETP : connaissance de la maladie,
connaissance du traitement, vie quotidienne avec
la maladie et difficultés psychologiques induites,
aspects sociaux et scolaires.
Le diagnostic éducatif peut être proposé à tout
moment de la prise en charge du patient. Il identifie
les besoins des patients dans les différents domaines
mentionnés ci-dessus. D’autres thèmes pourront
être proposés en fonction des besoins des enfants
et de leurs familles, et les programmes se doivent
d’être souples et adaptables au gré des nécessités.
Il pourra ainsi être proposé un ou plusieurs ate-
liers individuels ou collectifs traitant des domaines
à approfondir.
Les ateliers collectifs ont l’avantage de briser l’iso-
lement des enfants malades et de leurs parents en
permettant des échanges directs et fructueux non
seulement avec les animateurs, mais surtout entre
les enfants et entre les parents. Les enfants sont
reçus par groupes de maladie et d’âge homogènes
et sont pris en charge séparément des parents. Les
parents sont reçus dans un autre groupe ; ils sont
écoutés, informés et sollicités. L’ambiance et les
lieux sont conviviaux. Les techniques éducatives sont
interactives, permettant à tous les participants de
prendre la parole. Une synthèse générale est faite
pour chaque atelier, et les participants reçoivent un
document didactique en fin de séance.
Une évaluation des informations acquises sera réa-
lisée à M6 et à M12 pour chaque atelier.
Quels sont
les thèmes abordés ?
Comme cela a été signalé dans le paragraphe pré-
cédent, les thèmes abordés recoupent ceux qui sont
traités en ETP en général, à savoir la connaissance de
la maladie, la connaissance des traitements, la vie
quotidienne, et les aides concernant les démarches
sociales et scolaires. Lorsque d’autres besoins sont
exprimés par les patients ou leurs familles, ils sont
traités de manière spécifique selon des thèmes
dédiés. Ladaptabilité de l’ETP est une qualité essen-
tielle.
Les questions de sécurité des malades au sens large
doivent impérativement être traitées et assimilées ;
elles sont présentes dans chacun des thèmes et
doivent être soulignées. Toutes les notions visant
à rendre les patients autonomes vis-à-vis du corps
médical seront abordées, en particulier ce qui relève
de l’auto-soin. Ces méthodes relèvent des parents
lorsque les enfants dépendent totalement d’eux, mais
doivent être progressivement enseignées aux adoles-
cents pour qu’ils s’affranchissent de la tutelle paren-
tale en ce qui concerne les soins liés à leur maladie.
Inflammation
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octobre - novembre - décembre 2013
01
Société française
de Médecine Physique
et de Réadaptation
Association régie selon la loi de 1901 (J.O. :15.07.87 N°28)
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Actualités sur l’arthrose
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Au sommaire du premier numéro…
40 | La Lettre du Rhumatologue No 394 - septembre 2013
Actualités sur la
RHUMATOLOGIE
PÉDIATRIQUE
Quelques exemples
de difficultés spécifiques
à certaines tranches d’âge
Avant 7 ans, les maladies chroniques de l’appareil
locomoteur engendrent avant tout une distorsion
de l’appréciation de la douleur. Cette dernière est
souvent intégrée à la vie quotidienne et considérée
comme “normale” ; rarement, ces maladies induisent
des troubles du schéma corporel. Les atteintes
oculaires sont aussi beaucoup plus fréquentes chez
les enfants de moins de 7 ans. Chez eux, un sen-
timent d’injustice est souvent exprimé parce que
les soins oculaires sont pluriquotidiens, rappelant
sans cesse la maladie au jeune patient, et parce que
le pronostic visuel est parfois engagé malgré une
observance thérapeutique optimale.
Lorsque l’enfant a entre 7 et 12 ans, il est souvent
nécessaire de revenir sur les notions de chronicité,
de récurrence ou de poussée, de “rémission” et
non de “guérison” de la maladie. Cet apprentis-
sage se fait souvent dans la désillusion, la décep-
tion, la tristesse et la solitude ; ces émotions ont
pourtant besoin d’être exprimées et partagées,
et le rôle des soignants dans l’accompagnement
du patient à ce moment-là est particulièrement
important.
L’adolescence est le temps de toutes les ambiva-
lences, en dehors même de toute maladie chro-
nique ; c’est la période durant laquelle l’enfant
exprime un rejet des contrôles parentaux tout en
sollicitant leur tutelle. Dans la maladie chronique,
les soignants et les parents sont confrontés à un
rejet des traitements médicaux et non médicaux,
à un rejet du suivi médical et à une négation de
la maladie, particulièrement lorsque la douleur
est chronique ; l’adolescent ne veut pas parler de
sa maladie mais la revendique dans son compor-
tement. De manière plus générale, il y a un rejet
des contraintes liées à la maladie. Cette attitude
comporte un risque important de rupture théra-
peutique et de suivi, ce d’autant que l’adolescence
coïncide souvent avec le moment où nos patients
doivent passer d’une prise en charge pédiatrique
à une prise en charge en secteur de soins adultes
(transfert). L’une des solutions internationale-
ment reconnues (1, 2) est la mise en place d’un
programme de transition, qui doit commencer dès
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publication : Claudie Damour-Terrasson - Rédacteur en chef : Pr Bernard Combe
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30 OCT.
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La Lettre du Rhumatologue No 394 - septembre 2013 | 41
Actualités sur la
RHUMATOLOGIE
PÉDIATRIQUE
le début de l’adolescence, vers l’âge de 12 ans,
et aboutir en fin d’adolescence à une bonne
autonomie du jeune adulte dans la gestion de sa
maladie.
Les parents doivent être aussi secondés, car ils sont
en proie à un sentiment de culpabilité parfois para-
lysant, le plus souvent compensé par une attitude
– très répandue – de surprotection. Ils doivent être
épaulés aux différents âges de leur enfant pour
accepter sa maladie et l’aider à vivre une vie proche
de la vie “normale”, au mieux totalement normale.
Deux éléments reviennent souvent chez les parents
d’enfants souffrant d’arthrite juvénile idiopathique :
la difficulté à supporter la souffrance physique de
leur enfant et l’angoisse du futur. L’ETP doit per-
mettre d’aider les parents à surmonter ces diffi-
cultés. Enfin, l’ETP sera le moment le plus adéquat
pour dépister des problèmes liés à la maladie au
sein de la fratrie de l’enfant malade.
Ces quelques remarques soulignent le rôle essen-
tiel de l’ETP dans la médecine d’aujourd’hui, qui se
veut rationnelle mais au service du patient ; l’ETP
est le temps de la parole donnée aux familles et des
échanges dans un esprit de construction, de préven-
tion et d’amélioration constante de notre pratique
médicale et paramédicale.
S.Guillaume déclare
ne pas avoir de liens d’intérêts.
1. Lal SD, McDonagh JE, Baildam E et al. Agreement
between proxy and adolescent assessment of disabi-
lity, pain, and well-being in juvenile idiopathic arthritis.
J Pediatr 2011;158(2):307-12.
2. Shaw KL, Southwood TR, McDonagh JE. Growing up and
moving on in rheumatology: parents as proxies of adoles-
cents with juvenile idiopathic arthritis. Arthritis Rheum
2006;55:189-98.
Pour en savoir plus...
•McDonagh JE, Southwood TR, Shaw KL. Growing up and
moving on in rheumatology: development and prelimi-
nary evaluation of a transitional care programme for a
multicentre cohort of adolescents with juvenile idiopathic
arthritis. J Child Health Care 2006;10:22-42.
•McDonagh JE, Southwood TR, Shaw KL. The impact of a
coordinated transitional care programme on adolescents
with juvenile idiopathic arthritis. Rheumatology (Oxford)
2007;46:161-8.
•McDonagh JE, Shaw KL. Health care transition counseling
for youth with arthritis: comment on the article by Scal
et al. Arthritis Rheum 2009;61:1140-2.
•Stinson JN, Feldman BM, Duffy CM et al. Jointly managing
arthritis: Information needs of children with juvenile idio-
pathic arthritis (JIA) and their parents. J Child Health Care
2012;16(2):124-40.
Références bibliographiques
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