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Provoquée par l'invasion allemande de la Pologne, le 1er septembre 1939,
la Seconde Guerre mondiale se termine le 8 mai 1945 en Europe et le
2 septembre de la même année dans le Pacifique. Bien que le conflit
se soit poursuivi de façon ininterrompue six années durant, nous pou-
vons le diviser en deux grandes phases, ce qui nous permet d'en appro-
fondir l'étude. Il est en effet devenu habituel pour les historiens de
procéder ainsi à l'analyse de ce conflit mondial en en distinguant les deux
grandes périodes. La Seconde Guerre mondiale perd du coup ce carac-
tère linéaire qui pouvait lui donner l'allure d'une suite de batailles menant
à la défaite des puissances de l'Axe. En faisant de 1942 l'année charnière
entre les deux moitiés du conflit, les historiens peuvent apprécier toutes
les subtilités de la guerre, que ce soit, par exemple, le rôle important
des forces potentielles dans un conflit de longue durée, ou encore
l'efficacité ou au contraire l'inefficacité d'une même stratégie militaire
suivant les particularités de la situation du moment.
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138 CHAPITRE 6
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La Seconde Guerre mondiale 1939-1945
Les succès de l'axe 1939-1942
Depuis la naissance du IIIeReich et plus précisément depuis que la politique étran-
gère de Hitler affiche ouvertement sa volonté de contrevenir aux ententes du trai-
té de Versailles, les démocraties européennes sont sur le qui-vive. En vérité, il serait
plus juste d'affirmer qu'elles ont choisi de se retrancher derrière une stratégie défen-
sive. Comme nous l'avons vu au chapitre précédent, les démocraties sont paraly-
sées par des problèmes internes et externes. Bref, le défi de l'heure n'est pas pour
elles de contrer les projets allemands; plus humblement, les démocraties s'en re-
mettent à la Providence, priant pour que l'Allemagne en reste là!
Conscient de cet état d'esprit, Hitler mise sur le manque de communication
et de préparation des Alliés (France et Royaume-Uni). Il va fonder sa stratégie sur
l'effet de surprise et sur une force de frappe des plus impressionnantes.
Une même guerre...
mais deux stratégies
Plus que par une supériorité matérielle, les premiers succès de l'Allemagne nazie
s'expliquent par une conception révolutionnaire de l'art de la guerre: le Blitzkrieg
ou «guerre éclair». Alors que les Alliés souhaitent protéger la paix, l'Allemagne nazie,
comme le souligne Edward Mead Earle, «n'avait tracé aucune ligne de démarca-
tion entre la guerre et la paix et considérait la guerre, et non la paix, comme l'état
normal d'une société1». De cet état de fait naissent deux stratégies opposées: une
stratégie défensive pour les Alliés et une stratégie offensive pour l'Allemagne.
Les Alliés: une stratégie à l'ancienne
Pour les Alliés, il est à peine question de mettre sur pied une force de dissuasion;
l'important est d'abord et avant tout d'assurer la défense nationale, et cet objectif
appelle une stratégie particulière. Comme c'est la défense et la sécurité nationales
qui priment, la stratégie militaire alliée va insister sur le déploiement des forces.
De cette façon, la France n'offrira pas à ses adversaires le loisir d'exploiter des points
morts dans son système de défense. Selon les stratèges français, chaque point de
la frontière devra donc être protégé. Si une telle stratégie défensive est justifiée et
peut s'avérer efficace dans un contexte de guerre classique, elle devient, en revanche,
partiellement — sinon totalement — inopérante dans une guerre telle que la con-
çoivent Hitler et ses généraux.
Le Blitzkrieg allemand ou la guerre éclair
Basée sur l'offensive, la stratégie allemande ne peut être efficace que si elle renou-
velle de fond en comble la pensée militaire traditionnelle.
Face à un ennemi ayant déployé ses forces, la meilleure manière de rompre le
front est, selon les stratèges du Blitzkrieg, de concentrer les siennes sur un point
précis: le Schwerpunkt (littéralement, «centre de gravité»). Il faut de plus
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1. Edward Mead Earle, «Hitler: la guerre selon les nazis», cité dans Edward Mead Earle (dir.),
Les maîtres de la stratégie, tome II, Paris, Bibliothèque Berger-Levrault, coll. «Stratégies», 1982,
p. 280.
CHAPITRE 6
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La Seconde Guerre mondiale 1939-1945 139
organiser des manœuvres de diversion pour tromper l'adversaire sur l'endroit pré-
cis où vont avoir lieu les opérations décisives.
Pour atteindre cet objectif il faut concentrer toutes les forces disponibles. Ainsi,
tous les effectifs militaires sont mis à contribution pour rompre le front: avions,
chars, artillerie lourde, infanterie. Il faut en outre recourir à une utilisation révo-
lutionnaire des armes, anciennes mais surtout nouvelles. Même si la Première
Guerre mondiale est aujourd'hui encore synonyme de «guerre de tranchées»,
il n'en demeure pas moins qu'elle permit aux militaires d'essayer de nouvelles
armes. Cela dit, certaines d'entre elles ne sont pas encore exploitées à leur plein
potentiel. Il reste un pas à franchir. Les stratèges allemands s'emploient donc à
repenser l'utilisation de ce nouvel arsenal. Leur réflexion de départ peut se résu-
mer ainsi: plutôt que de faire reposer l'attaque sur l'infanterie, ne serait-il pas
plus efficace d'utiliser à fond les armes modernes? Les résultats auxquels par-
viennent les stratèges allemands bouleversent l'art de la guerre. Premier pion de
l'échiquier dans la stratégie classique, l'infanterie se voit attribuer un rôle secon-
daire dans le Blitzkrieg. C'est plutôt à l'aviation que revient l'honneur d'ouvrir
les hostilités. Une fois l'attaque aérienne complétée par des tirs d'artillerie
lourde, les chars d'assaut se portent à leur tour à l'attaque. Finalement, l'infan-
terie s'avance. Surprise par une attaque menée de la sorte, la défense ennemie
se trouve désordonnée et ne peut pas véritablement répliquer.
Profiter de la faiblesse
et de la surprise des Alliés
C'est avec la campagne polonaise que la Wehrmacht va, pour la première fois, avoir
l'occasion d'appliquer la stratégie du Blitzkrieg. Le ler septembre 1939, Hitler lance
ses troupes à la conquête de la Pologne, violant ainsi directement le traité de non-
agression germano-polonais signé le 26 janvier 1934. Sans être inévitable, la
guerre contre la Pologne était au moins prévisible: le second point du protocole
secret du pacte germano-soviétique du 23 août 1939 envisageait en effet la possi-
bilité d'«une modification territoriale et politique dans les régions appartenant à
l'État polonais» (voir p. 135). Il était donc à prévoir que l'URSS participe au conflit
polonais. Toujours est-il que les troupes allemandes entrent en Pologne et remportent
la victoire en moins de trois semaines, après une attaque foudroyante. Pour sa part,
l'URSS pénètre en Pologne orientale le 18 septembre 1939, arguant du danger que
fait peser sur sa sécurité la perte de la souveraineté polonaise. Pour Hitler, la vic-
toire est totale et confirme que la guerre éclair fonctionne à merveille.
Les Alliés réagissent sans attendre: le 3 septembre, la France et le Royaume-
Uni déclarent la guerre à l'Allemagne. Mais s'il y a déclaration de guerre, il n'y a
pas pour autant participation au conflit germano-polonais! La France, par
exemple, se contente de procéder à une opération de «nettoyage » dans la Sarre.
En fait, les Alliés s'attardent aux préparatifs de guerre. Le 12 septembre, ils créent
le Conseil suprême de guerre interallié qui sera chargé de diriger la coalition
franco-britannique. La «drôle de guerre» se met en place. De la mi-octobre 1939
au 10 mai 1940, l'état de guerre persiste sans qu'il y ait de véritable affrontement
entre les belligérants. L'Allemagne prépare sa prochaine attaque et les Alliés, leur
riposte. De son côté, l'URSS profite de la situation pour envahir, le 30 novembre
1939, la Finlande qui finira par capituler le 12 mars 1940.
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140 CHAPITRE 6
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La Seconde Guerre mondiale 1939-1945
L'errance des Alliés:
de la débâcle française
à l'isolement britannique
Plus la «drôle de guerre» se prolonge, plus Hitler s'inquiète des futurs succès mili-
taires de l'Allemagne nazie. C'est qu'il est conscient qu'une guerre longue profite-
rait aux Alliés. Bien qu'il soit pour l'instant favorable à l'Allemagne, le rapport de
force pourrait en effet s'inverser. Les Alliés pourraient mettre en place une struc-
ture de guerre dont les forces seraient nettement supérieures à celles de l'Allemagne.
Aussi, anéantir la France présente-t-il aux yeux de Hitler un double avantage: ter-
rasser l'«ennemi héréditaire» de l'Allemagne et, ce faisant, priver le Royaume-Uni
de son principal allié.
La campagne de France
Les stratèges allemands vont tergiverser longuement avant de s'entendre sur la ver-
sion définitive de leur plan d'invasion: le Fall Gelb (ou «plan jaune»). Doit-on une
fois encore adopter le plan Schlieffen et porter l'attaque à l'Ouest en passant par
la Belgique? La France se laissera-t-elle surprendre une nouvelle fois par les ma-
nœuvres de 1914? Mieux vaut, semble-t-il, trouver une autre stratégie ou, plus sim-
plement, modifier quelque peu le plan d'origine. Le général Erich von Manstein
va imaginer un plan d'invasion modifié qui reposera sur le débordement de la ligne
Maginot par les Ardennes.
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Défilé de troupes de l'armée allemande aux Champs-Élysées à la suite de la défaite de la France (4 juillet 1940).
CHAPITRE 6
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La Seconde Guerre mondiale 1939-1945 141
Après une dizaine d'annulations de l'ordre d'attaque, dues pour la plupart à
de mauvaises conditions météorologiques, les troupes se mettent finalement en
branle le 10 mai 1940 au matin (voir la carte 6.1). L'application du «plan jaune»
se fait à la lettre. Trois groupes d'armées sont impliqués dans l'opération : le
groupe B fait une percée au nord en Belgique, le groupe C au sud, alors que le
groupe A s'engage dans le massif boisé des Ardennes (que les stratèges français
décrivent comme «une barrière naturelle infranchissable»). Contrairement à la
manœuvre de 1914, l'offensive de rupture de 1940 a lieu non pas en Belgique mais
plutôt dans les Ardennes. Les Allemands bénéficient au surplus d'une chance inat-
tendue qui contribue à la réussite du projet: le commandement allemand réussit
à localiser l'emplacement des unités françaises grâce à des écoutes radiophoniques
et au décryptage du code français.
L'opération se déroule sans complication aucune pour l'Allemagne. Les Alliés
répondent aux premières attaques en Belgique en y déplaçant leurs troupes et, ce
faisant, laissent la voie libre à leurs adversaires dans les Ardennes. La pénétration
allemande s'y fait rapidement, ce qui permet à la Wehrmacht de prendre à revers
les forces franco-britanniques engagées en Belgique. C'est la débandade: la déroute
des forces alliées est totale et la reddition, plus que rapide. Le 15 mai, les forces
hollandaises capitulent; le 28, c'est au tour des forces belges. Finalement, la France
signe l'armistice avec l'Allemagne le 22 juin 1940.
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CARTE 6.1
La campagne de
France (mai-juin 1940).
MER DU NORD
P
a
s
d
e
C
a
l
a
i
s
Somme
Seine
Marne
Rhin
Moselle
Oise
Oise
Escault
Aisne
Sambre
Moselle
Meuse
Meuse
BELGIQUE
FRANCE
LUXEMBOURG
PAYS-BAS
ALLEMAGNE
SUISSE
ROYAUME-UNI
LIGNE
MAGINOT
ARDENNES
Reims
Gand
Bruges
CharleroiNamur
Dinant
Maastricht
Aix-la-Chapelle
Düsseldorf
Cologne
Coblence
Rotterdam
Douvres
Dunkerque
Arras
Amiens
Abbeville
Sedan
Lille
Trèves
Paris
Bruxelles
Amsterdam
040 120 km
N
S
E
O
Groupe d’armées du général von Rundstedt
Groupe d’armées du général von Bock
Groupe d’armées du général von Leeb
Schwerpunkt (centre de gravité des opérations)
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