Sur la cause de l`électrisation des nuages orageux

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Sur la cause de l’électrisation des nuages orageux
H. Pellat
To cite this version:
H. Pellat. Sur la cause de l’électrisation des nuages orageux. J. Phys. Theor. Appl., 1885, 4
(1), pp.18-25. <10.1051/jphystap:01885004001800>. <jpa-00238333>
HAL Id: jpa-00238333
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Submitted on 1 Jan 1885
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18
SUR LA CAUSE DE
L’ÉLECTRISATION
DES NUAGES
ORAGEUX;
PAR M. H. PELLAT.
A titre
nomènes
hypothétique, Peltier a admis, pour expliquer les phéélectriques dont notre atmosphère est le siège, que le sol
normalement d’une couche d’électricité
négative. La
plus parfaite que
aujourd’hui des phénode
montrer
mènes électriques permet
la justesse de la conception
de Peltier, qui est, non une hypothèse, mais bien une réalité.
On sait, en effet, que par le beau temps le potentiel des couches
d’air va en croissant avec l’altitude, à partir du sol. Or, quand le
potentiel du milieu isolant augmente en s’éloignant de la surface
d’un conducteur, celle-ci est chargée d’électricité négative : par
est recouvert
connaissance
nous avons
le beau temps, le sol
est couvert
d’une couche d’électricité né-
/j’fltive.
La densité électrique de cette couche est très faible du reste, et
il est aisé de voir, par le calcul, que la pression électrique qui en
résulte est insuffisante pour soulever les corps les plus légers (1);
(1) Les observations de sir W. Thomson et
o,oo’15 unité électrostatique pour la variation
tude. En
on en
La
vertu
concl u t,
de 31. Joule, à Aberdecn, ont donné
de potentiel par centimètre d’alti-
de la relation
pour la densité
pression électrique
électrique 03BC
du
sol,
étant donnée par la relation
on a
Cette
pression par
de milligramme.
centimètre carré est moindre
que
le
poids
d’un millionième
Il est vrai que l’accroissement de potentiel par centimètre d’altitude étant très
sa valeur peut, dans certain cas, ètre dix fois supérieure à celle qui a été
admise pour faire ce calcul, ce qui centuplerait le nombre trouvé pour la valeur
de la pression électrique; mais, même alors, cette pression est encore trop faible
pour soulever les corps les plus légers.
variable,
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphystap:01885004001800
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c’est pour cela
qu’on
ne
peut pas
en
constater
directement l’exis-
tence.
Par les temps couverts, le potentiel tantôt augmente, tantôt
diminue avec l’accroissement d’altitude; le sol est tantôt électrisé
négativement, tantôt positivement. Mais, en somme, les potentiels
décroissants étant le cas de beaucoup le moins fréquent, le sol est
bien plus souvent électrisé négativement que positivement. Du
reste, les densités positives observées par les temps couverts sont
presque toujours inférieures aux densités négatives observées par
le beau temps.
De l’ensemble de ces faits, il faut conclure, avec sir W. Thomson, que si, à un moment donné, la surface de notre globe présente
des régions électrisées négativement et d’autres électrisées positivement, ces dernières étant de beaucoup les moins étendues, la
totalité de la surface présente un excès d’électricité négative.
Il paraît bien probable, d’après cela, que les couches d’air voisines du sol doivent être chargées aussi d’électricité négative (1),
ne fût-ce que par suite du phénomène suivant. Il arrive assez fréquemment qu’un nuage se forme près du sol et se trouve avec
lui en communication électrique assez parfaite, pour que la couche
électrique négative qui était primitivement sur le sol passe à la surface inférieure du nuage. Si celui-ci se détache du sol, s’élève, puis
s’évapore, l’électricité négative dont il est chargé se répand dans
l’air et l’électrise.
Or, si l’air est chargé d’électricité négative, il en résulte que la
dV
champ électrique dn augmente avec l’altitude. En effet,
dès que les surfaces équipotentielles sont assez loin du sol pour
que leur forme ne soit plus influencée par ses reliefs, ces surfaces
sont des plans horizontaux et, par conséquent, les lignes de force
valeur du
sont
du
des verticales. Alors la
potentiel (âV)
se
réduit à
somme
d2 V,
dn
en
des trois dérivées secondes
appelan t dn la longueur infi-
en disant qu’il est probable que l’air est électrisé négativevoulons parler que de l’état moyen d’électrisation de l’air. Il est
évident qu’il doit se présenter parfois des masses d’air électrisées positivement;
par exemple, quand un nuage positif s’évapore, son électricité se trouve répandue
dans la couche d’air où s’est produite l’évaporation, et peut la charger positive-
(1)
ment,
ment.
Bien
entendu,
nous ne
20
niment
petite comptée
Poisson,
sur
verticale, et, d’après
le théorème de
d2 V
électrique cubique o est négative, la dérivéedn2- de
du champ
à l’altitude étant positive,
dn par rapport
si la densité
la valeur
la
on a
1
croissante.
cette valeur
Ainsi, dans le cas ou l’air est électrisé négativement, le champ
électrique a une valeur plus considérable dans les hautes régions
de l’atmosphère que celle que nous pouvons mesurer à la surface
du sol. Dans les cas, ’probablement beaucoup plus rares, où l’air
serait électrisé positivement et ou les potentiels iraient encore en
croissant avec l’altitude, la valeur du champ électrique dans les
hautes régions serait, au contraire, moindre que près du sol.
Nous nous proposons maintenant de montrer: 1° que, si l’air
n’est pas électrisé, la couche électrique négative placée sur le sol,
quelque faible qu’elle puisse paraître (voit-la note de la page 18), est
bien suffisante pour électriser par influence les nuages et produire
les orages électriques; 2° que, si l’air est électrisé négativement,
ce qui probablement doit avoir lieu le plus souvent, son influence
à celle du sol pour produire une électrisation plus forte
des nuages.
On sait que tout conducteur placé dans un champ électrique,
comme celui de l’atmosphère pour lequel les potentiels vont en
croissant avec l’altitude, est forcément électrisé par influence;
car, si dans une certaine région A le conducteur est à l’état neutre,
c’est que le potentiel uniforme V de celui-ci est le même que le potentiel des couches d’air voisines de A. Alors les parties du conducteur, qui sont au-dessus de A, étant à un potentiel V inférieur à
celui des couches d’air environnantes, se sont électrisées négativement, tandis que les parties qui sont au-dessous de la région
A, étant à un potentiel V supérieur à celui des couches d’air voisines, sont électrisées positivement. C’est là un fait qui a été constaté maintes fois par l’expérience.
Or, si l’air n’est pas électrisé, nous avons vu que le champ
électrique de l’atmosphère possède partout (ou à très peu près)
la même valeur que près du sol, et la densité électrique p de celuiest
s’ajoute
21
dn
4 R03BC. UISqU’l
par la formule dit
existe entre la valeur du champ et la densité électrique du sol
une
dépendance absolue, on peut considérer le champ comme
créé par la présence de la couche électrique du sol et dire que
c’est celle-ci qui, par influence, électrise ce conducteur. La valeur
de ce champ électrique est connue du reste par l’observation : elle
est très variable; mais, pour fixer les idées, admettons, ce qui est
souvent au-dessous de la vérité, que le potentiel croît d’une unité
électrostatique C.G.S. par mètre d’élévation en altitude.
Un nuage est un corps assez conducteur pour que son potentiel
soit peu différent d’un point à un autre. Si donc un nuage vient
à prendre naissance dans un ciel primitivement pur, ce nuage est
forcément électrise, positivement en bas, négativement en haut.
Qu’un coup de vent vienne à séparer sa partie supérieure de sa
partie inférieure, et voilà deux nuages chargés d’électricité contraire.
Cette explication de l’électrisation des nuages orageux par influence n’est certes pas nouvelle; mais nous allons la compléter em
montrant que la grandeur de l’électrisation ainsi obtenue est parfaitement suffisante pour donner lieu aux phénomènes des orages
ci
est
reliée à
ce
champ
r
-
-
électriques.
Pour le montrer, prenons un exemple : considérons de nouveau
les deux nuages électrisés, dont nous venons d’indiquer la formation. Tant qu’ils se touchaient, ils étaient à peu près au même
potentiel; en s’éloignant, même sans changer d’altitude, lenr potentiel devien différent : le nuage le plus haut, qui est négatif, prend
un
potentiel de plus en plus inférieur à celui du nuage le plus bas,
qui est positifs. Mais cette différence de potentiel peut devenir
considérable si le nuage supérieur s’abaisse et si le nuage inférieur
s’élève. En effet, les causes lointaines qu i font varier les potentiels des couches d’air, et qui, dans l’hypothèse de l’air non électrisé, se réduisent à la couche électrique du sol, éprouvent peu de
modifications par la présence des deux nuages. Ceux-ci vont donc
subir dans leur mouvement une variation de potentiel, à peu près
égale à la différence de potentiel des couches entre lesquelles sc
produit le mouvement; c’est-à-dire que, avec le nombre admis plus
haut, le potentiel du nuage négatif va diminuer, le potentiel du
22
positif augmenter d’une unité par mètre de variation
Supposons que cette variation d’altitude soit de 500m
pour chaque nuage : c’est une différence de 1000 unités électrostatiques C.G.S. qui, par ce seul fait, se produit entre eux.
Or les nuages peuvent, par les temps d’orage, éprouver des
déplacements en altitude bien supérieurs à 5oom; d’autre part, le
nombre admis pour la valeur du champ (une unité par mètre) est
souvent dépassé près de la surface du sol ; enfin rappelons que si
l’air est électrisé négativement, comme cela nous paraît probable,
la valeur du champ électrique est plus grande dans les régions
élevées que près du sol (’ ).
Ainsi, sous l’influence des causes que nous venons de signaler,
des nuages chassés par les vents violents d’un orage et enveloppés
par un air isolant pourraient acquérir des différences de potentiel
de plusieurs milliers d’unités électrostatiques.
Nous allons voir maintenant qu’il n’en faut. probablement pas
tant pour obtenir des éclairs de quelques kilomètres de longueur.
Reportons-nous, pour cela, à de très remarquables expériences
de 31. Mascart sur la différence de potentiel nécessaire pour obtenir une étincelle entre deux boules (2). Nous avons représenté sur
la fig. i la courbe qui résume ces expériences; les différences de
potentiel, exprimées en unit,és électrostatiques C.G.S., ont été
portées en abscisses et les longueurs d’étincelle correspondantes,
nuage
d’altitude.
(’ ) Nous tenons à faire remarquer que si, contrairement à ce qui nous parait
probable, l’air était normalement chargé d’électricité positive, la valeur du champ
allant en diminuant avec l’altitude et d’une manière inconnue, il pourrait se faire
que ce champ ne fût plus suffisant pour produire les différences de potentiel
nécessaires à la longueur de l’éclair. Il faudrait alors chercher ailleurs l’explication de l’électrisation des nuages orageux. L’exactitude des considérations que
nous présentons sur la cause de ces phénomènes est donc subordonnée à l’exactitude d’une proposition qu’on peut regarder comme probable, mais non comme
certaine, à savoir que l’air a une charge électrique presque nulle ou une charge
négative. Nous pensons que des recherches dirigées dans le but de déterminer
l’électrisation de l’air pourront confirmer ou infirmer cette proposition ; mais
nous ne croyons pas que celles qui ont été tentées jusqu’à présent puissent trancher la question.
Le moyen qui nous semblerait le plus propre à éclaircir ce point serait précisément de
voir si la valeur du
champ électrique
quand l’altitude augmente.
lB1:ASCART, Traité d’Électricité statique,
dV augmente,
diminue
dn
constante
(2)
t.
11, § 479,
p.
8,.
ou
reste
23
exprimées
en
centimètres,
ont
été
Fig.
courbe
se
relève
respondant
portées
en
ordonnées. Cette
1.
rapidement et paraît présenter une asymptote corou 600 unités de différence de potentiel,
à la valeur 5oo
24
c’est-à-dire qu’en approchant de cette valeur l’étincelle électrique
aurait une longueur tendant vers l’infini. En admettant même que
la longueur de l’étincclle ne devienne de plusieurs kilomètre-; qne
pour des différences de potentiel notablement supérieures à 5oo
ou 600 unités (i), on voit, malgré cela, que les causes indiquées
ci-dessus pour l’électrisation des nuages, pouvant donner des déférences de plusieurs milliers d’unités, sont Lien .suffisantes pour
expliquer la grande longueur de l’éclair.
Pour que la décharge se produise sous forme d’une étincelle
brillante et sonore et non sous forme d’une aigrette silencieuse et
à peine visible; il faut que les conducteurs présentent des charges
électriques notables; inais la charge, pour despotentiels déterminés,
ne
dépend que de la capacité électrique, et, il est facile de voirque
la capaci té électrique des nuages peut être supérieure à celle de nos
plus puissantes batterie.
Ainsi, pour expl iquer les phénomènes électriques de l’atmosphère,
il n’y a pas besoin de chercher d’autres causes que la présence certaine d’une couche électrique négative à la surface du sol (2).
(1) Le sujet même que nous traitons nous fait penser que la décharge ne peut
avoir lieu à de très grandes distances que pour des différences de potentiel notablement supérieures à celles qu’on pourrait déduire par extrapolation des expiéiiences de 1B1. Mascart. On sait, en efrel, que l’énergie d’une décharge est représentée par 1 2QV, en désignant par V la différence de potentiel initial entre les deux
conducteurs et par Q la quantité d’électricité qui s’écoule. Or, si deux nuages se
déchargeaient l’un sur l’autre dès que leur différence de potentiel Y atteint 5oo ou
600 unités, il faudrait, pour trouver l’énergie d’un coup de fotidle, supposer à la
quantité d’électricité qui s’écoule, Q, une valeur extrêmement grande et qui néces
sitcrait, pour les nuages, une capacité électrique plus considérable que celle
qu’ils peuvent avoir. Nous pensons donc que l’éclair ne sc produit que pour des
différences de potentiels plus grandes que fioo unités, mais non pas tellement plus
grandes qu’elles ne puissent très bien avoir pour origine les seules causes que
nous indiquons dans le texte.
(2) Quelques auteurs ont pensé qLl’ll était nécessaire d’admettre l’existence d’une
couche d’électricité positive aux limites de notre atmosphère, pour expliquer ces
phénomènes électriques, et, en particulier, le phénomène de l’aurore horéale. Mais,
même en admettant, ce qui parait probable du reste, que l’aurore boréale est duc
à des décharges silencieuses entre les cristaux de glace dont une atmosphère froide
est chargée, il n’y a pas besoin, pour expliquer cet écoulement d’électricité, de
supposer autre close que ce fait bien certain de l’existence habituelle d’un excès de
potentiel des régions élevées sur le sol ; les régions supérieures s’électrisent négativement par ces décharges aux dépens de l’électririté de la surface du sol.
Si la limite de l’atmosphère était conductrice, l’existence de l’électricité posi-
25
Mais d’où vient cette couche d’électricité négative?
Nous pensons qu’elle a toujours existé. Si la Terre, lors de sa
formation, a reçu un excès d’électricité négative, elle ne peut le
perdre, puisqu’elle est parfaitement isolée dans l’espace.
Mais cet excès d’électricité négative ne doit-il pas se répandre
dans l’atmosphère et disparaître du sol?
Nous l’avons déjà dit, nous croyons qu’il est en partie répandu
dans l’atmosphère, mais en partie seuletment, une cause ramenant
à chaque instant au sol l’électricité négative : cette cause est la
pluie. Supposons, en effet, qu’un nuage se forme au milieu d’un
air chargé d’électricité négative ; ce nuage recueille cette électricité eu, s’il se résout complètement en pluie, les gouttelettes d’eau
la ramènent au sol. Ce retour de l’électricité négative peut se produire même si le sol est déjà électrisé négativement, la pesanteur
triomphant de la répulsion électrique.
En résumé, nous pensons que tous les phénomènes électriques
de l’atmosphère s’expliquent d’une manière simple., en considérant
la Terre comme un globe électrisé négativement.
tive dans les hautes régions serait non probable, mais bien certaine; en" effet, les
tubes de forces partant du sol aboutiraient à cette surface conductrice, et, comme
entre deux conducteurs un tube de force renferme autant des deux électricités, et
que ces tubes contiennent l’électricité négative en bas, ils contiendraient nécessairement de l’électricité positive en haut. Mais rien ne ressemble moins à un corps
conducteur que l’air de plus en plus dilué qui existe dans les hautes régions de
l’atmosphère; il est bien probable que les tubes de force qui partent du sol, ou
se perclent dans l’espace ou aboutissent à des conducteurs extra-terrestres sui,
lesquels se trouve l’électricité positive. Aussi l’existence d’une couche d’élecuricité positive aux limites de notre atmosphère nous pacait peu probable et, en tout
cas, nullement prouvée.
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