détails géométriques et de la composition de l’échantillon.
Si νest un entier, on parle de l’effet Hall quantique entier
(EHQE) et de l’effet Hall quantique fractionnaire (EHQF)
au cas où νest fractionnnaire. Ce dernier fut découvert par
Tsui, Störmer et Gossard peu après la première observation
de l’EHQE. Cette quantification, mesurée à 10−9près, a
permis la meilleure définition de la constante universelle
h/e2, qui est désormais utilisée comme unité de la résis-
tance. La découverte de ces effets, qui a ouvert un nouveau
domaine de recherche, autant théorique qu’expérimental, a
été recompensée par deux Prix Nobel : en 1985, cette dis-
tinction fut attribuée à K.V. Klitzing pour la découverte de
l’EHQE, et Tsui, Störmer et Laughlin partagèrent ce prix en
1998 pour leurs travaux respectivement expérimentaux et
théoriques sur l’EHQF.
L’effet Hall quantique entier
L’EHQE est une manifestation de la quantification, dite
de Landau, de l’énergie d’une particule chargée dans un
champ magnétique. Cette quantification est semblable à
celle de l’énergie d’un électron dans un atome, et le modèle
de Bohr – malgré ses failles – peut servir à comprendre la
quantification de Landau. Tandis que la mécanique classique
prédit qu’un électron dans un champ magnétique décrit une
trajectoire circulaire avec un rayon arbitraire, le rayon cyclo-
tron RCne peut avoir que des valeurs particulières en méca-
nique quantique, RC=lB√2n+1, où lB=√/eB est la
longueur magnétique et nun entier. On trouve donc que la
surface délimitée par la trajectoire d’un électron doit être un
multiple de la surface minimale σ=2πl2
Bpour le cas d’un
champ magnétique homogène. Le produit du champ Bet de
la surface minimale est φ0=Bσ=Bh/eB =h/e. Ce flux
s’appelle quantum de flux ; chaque état électronique est donc
associé à un quantum de flux.
Comme le rayon de la trajectoire circulaire de l’électron
détermine son énergie cinétique, la quantification du rayon
cyclotron a pour conséquence la quantification de cette éner-
gie. On trouve que l’énergie cinétique ne peut prendre que
des valeurs En=ωC(n+1/2), où ωC=eB/mavec la
masse de l’électron m. Ces niveaux, décrits par le nombre
quantique n, sont appelés niveaux de Landau. Comme l’éner-
106
Effet Hall quantique et quantification de Landau
Au lieu d’une dépendance linéaire en fonction du champ
magnétique (effet Hall classique, courbe verte dans la figure 1),
la résistance de Hall montre à basse température des paliers
quantifiés à des valeurs RH=h/νe2où h/e2est le quantum de
résistance et νun nombre. A faible champ magnétique, on
observe l’EHQE (courbe bleue dans la figure 1) avec νentier.
Pour des champs plus forts, on trouve l’EHQF (courbe rouge
dans la figure 1), avec νfractionnaire, symétrique autour de
ν=1/2. La variation observée de RHavec Best monotone.
Mais l’agrandissement de la figure 1 montre la réentrance de
l’EHQE observée par Eisenstein et coll. en 2002. Cette réen-
trance est la première observation d’un comportement non
monotone de la résistance de Hall.
L’énergie cinétique d’un électron, en dimension 2, dans un
champ magnétique, est quantifiée en niveaux équidistants
(niveaux de Landau). Son spectre est celui d’un oscillateur
harmonique, En=ωC(n+1/2), un exemple standard des
cours de mécanique quantique. Or, en raison de la symétrie de
translation, les niveaux de Landau sont hautement dégénérés:
l’énergie de l’électron ne dépend que du rayon de sa trajectoi-
re, mais non de l’endroit où est centrée cette trajectoire.
Comme chaque état d’un niveau occupe une surface σ, propor-
tionnelle à 1/B, la dégénérescence d’un niveau, égale à S/σ
(où Sest la surface de l’échantillon), est énorme, (de l’ordre de
1011 par cm2sous 15 Teslas).
En fait la quantité νde l’expérience est égale au nombre de
niveaux exactement remplis ! Si tous les états d’un niveau sont
complètement remplis (figure 2, gauche), il faut fournir une
énergie minimale de ωCpour ajouter un électron supplémen-
taire (figure 2, droite). Un électron est, par exemple, promu
dans un niveau supérieur quand on abaisse le champ magné-
tique, car on diminue ainsi le nombre d’états par niveau. Si les
énergies thermique et électrique sont faibles devant ωC, cette
particule est piégée par les états localisés d’impuretés et ne
contribue donc pas au transport électronique. La résistance de
Hall reste accrochée à sa valeur initiale : grâce aux impuretés,
on a un palier quantifié!
Encadré 1