ÉTATS-UNIS - U. R. S. S. (1945-1949) ÉTATS-UNIS - U. R. S. S. (1945-1949) « De Stettin dans la Baltique à Trieste dans l’Adriatique, un rideau de fer est tombé sur le continent. Derrière cette ligne se trouvent toutes les capitales des anciens États d’Europe centrales et orientale. (...) Toutes ces villes avec leurs populations se trouvent dans ce que je dois appeler la sphère soviétique, et toutes sont soumises d’une manière ou d’une autre non seulement à l’influence soviétique, mais à un contrôle très étroit et parfois croissant de Moscou ». « De Stettin dans la Baltique à Trieste dans l’Adriatique, un rideau de fer est tombé sur le continent. Derrière cette ligne se trouvent toutes les capitales des anciens États d’Europe centrales et orientale. (...) Toutes ces villes avec leurs populations se trouvent dans ce que je dois appeler la sphère soviétique, et toutes sont soumises d’une manière ou d’une autre non seulement à l’influence soviétique, mais à un contrôle très étroit et parfois croissant de Moscou ». W. CHURCHILL, extraits du « Discours de Fulton » (aux ÉU), 5 mars 1946, W. CHURCHILL, extraits du « Discours de Fulton » (aux ÉU), 5 mars 1946, « Il ne faut pas oublier : les Allemands ont envahi l’URSS [qui] a perdu près de dix-sept millions de personnes (...) L’Union Soviétique ne peut oublier ces pertes. On se demande ce qu’il peut y avoir d’étonnant dans le fait que l’Union Soviétique voulant garantir sa sécurité dans l’avenir s’efforce d’obtenir que ces pays aient des gouvernements qui observent une attitude loyale envers l’URSS ». « Il ne faut pas oublier : les Allemands ont envahi l’URSS [qui] a perdu près de dix-sept millions de personnes (...) L’Union Soviétique ne peut oublier ces pertes. On se demande ce qu’il peut y avoir d’étonnant dans le fait que l’Union Soviétique voulant garantir sa sécurité dans l’avenir s’efforce d’obtenir que ces pays aient des gouvernements qui observent une attitude loyale envers l’URSS ». J. STALINE, article paru dans la Pravda, mars 1946, J. STALINE, article paru dans la Pravda, mars 1946, Il ne peut y avoir aucun doute. Le texte du Pacte Atlantique, tel qu’il nous est connu, est une machine de guerre dirigée contre l’Union soviétique et les démocraties populaires, contre l’ONU, contre les peuples avides de paix et contre tout mouvement démocratique. (...) Les domestiques zélés du souverain américain (...) ne pensent et ne vivent qu’en fonction de la guerre des impérialistes yankees, ils ne pensent, ils ne vivent que pour mettre nos villes et nos villages à l’heure américaine. Il ne peut y avoir aucun doute. Le texte du Pacte Atlantique, tel qu’il nous est connu, est une machine de guerre dirigée contre l’Union soviétique et les démocraties populaires, contre l’ONU, contre les peuples avides de paix et contre tout mouvement démocratique. (...) Les domestiques zélés du souverain américain (...) ne pensent et ne vivent qu’en fonction de la guerre des impérialistes yankees, ils ne pensent, ils ne vivent que pour mettre nos villes et nos villages à l’heure américaine. article d’André CARREL, L’Humanité, 19 mars 1949 article d’André CARREL, L’Humanité, 19 mars 1949 SUR NOTRE CARTE : EN NOIR : Les pays de la zone atlantique. EN GRISÉ : Zones de la « doctrine Truman » et zones soumises à l’influence directe des États-Unis. L’Humanité, 19 mars 1949 SUR NOTRE CARTE : EN NOIR : Les pays de la zone atlantique. EN GRISÉ : Zones de la « doctrine Truman » et zones soumises à l’influence L’Humanité, 19 mars 1949 directe des États-Unis. La « doctrine Truman », 12 mars 1947 La « doctrine Jdanov », octobre 1947 À ce point de l’histoire du monde, presque toutes les nations doivent choisir entre deux modes de vie. Leur choix, trop souvent , n’est pas un libre choix. L’un de ces modes de vie est fondé sur la volonté de la majorité et se caractérise par des institutions libres, un gouvernement représentatif, des élections libres, des garanties protégeant les libertés individuelles, la liberté de parole et de religion et l’absence de toute oppression politique. L’autre mode de vie est basé sur la volonté d’une minorité imposée par la force à une majorité. Ce mode de vie repose sur la terreur et l’oppression, une presse et une radio censurées, des élections truquées et la suppression de la liberté. Je suis convaincu que les États-Unis doivent mener une politique d’aide aux peuples libres qui résistent aux manœuvres de certaines minorités armées ou à la pression extérieure. Je suis convaincu que notre aide doit être principalement une aide économique et financière, essentielle pour assurer la stabilité économique et un processus politique en bon ordre. […] En aidant les nations libres et indépendantes à maintenir leur liberté, les États-Unis mettront en œuvre les principes de la charte des Nations unies. […] Le germe des régimes totalitaires est nourri par la misère et le besoin. Il s’étend et se développe dans la mauvaise terre de la pauvreté et de la guerre civile. Il atteint son plein développement lorsque tout espoir de vie meilleures est mort dans un peuple. Nous devons garder cet espoir vivant. Plus nous nous éloignons de la fin de la guerre et plus apparaissent les deux directions principales de la politique internationale de l’après-guerre , correspondant à deux camps : le camp antiimpérialiste et démocratique et le camp impérialiste. Les États-Unis en sont la principale force, soutenus par les pays possesseurs de colonies. L’Angleterre et la France sont unies aux États-Unis et marchent comme des satellites en ce qui concerne les questions principales, dans l’ornière de la politique impérialiste des États-Unis. Le camp impérialiste est soutenu aussi par les États possesseurs de colonies, tels que la Belgique ou la Hollande, et par les pays aux régime réactionnaire antidémocratique, tels que la Turquie et la Grèce, ainsi que par les pays dépendant politiquement et économiquement des États-Unis, tels que ceux du Proche-Orient, de l’Amérique du Sud et de la Chine. Les forces anti-impérialistes et antifascistes froment l’autre camp. L’URSS et les pays de démocratie nouvelle en sont le fondement. Les pays qui ont rompu avec l’impérialisme et qui se sont engagés résolument dans la voie du progrès démocratique, tels que la Hongrie, la Roumanie, la Finlande, en font partie. Au camp anti-impérialiste adhèrent l’Indonésie, le Vietnam, l’Inde. L’Égypte et la Syrie lui apportent leur sympathie. Le camp antiimpérialiste s’appuie dans tous les pays sur le mouvement ouvrier et démocratique, les partis communistes frères, sur les combattants des mouvements de libération nationale dans les pays coloniaux et dépendants, sur toutes les forces progressistes et démocratiques qui existent dans chaque pays. Harry S. Truman, Message to Congress, 12 mars 1947 Extrait du communiqué publié le 5 octobre 1947 dans l’Humanité, à la suite de la conférence de Szlarska Poreba (Poloqne) entre les dirigeants des partis communistes européens. La « doctrine Truman », 12 mars 1947 La « doctrine Jdanov », octobre 1947 À ce point de l’histoire du monde, presque toutes les nations doivent choisir entre deux modes de vie. Leur choix, trop souvent , n’est pas un libre choix. L’un de ces modes de vie est fondé sur la volonté de la majorité et se caractérise par des institutions libres, un gouvernement représentatif, des élections libres, des garanties protégeant les libertés individuelles, la liberté de parole et de religion et l’absence de toute oppression politique. L’autre mode de vie est basé sur la volonté d’une minorité imposée par la force à une majorité. Ce mode de vie repose sur la terreur et l’oppression, une presse et une radio censurées, des élections truquées et la suppression de la liberté. Je suis convaincu que les États-Unis doivent mener une politique d’aide aux peuples libres qui résistent aux manœuvres de certaines minorités armées ou à la pression extérieure. Je suis convaincu que notre aide doit être principalement une aide économique et financière, essentielle pour assurer la stabilité économique et un processus politique en bon ordre. […] En aidant les nations libres et indépendantes à maintenir leur liberté, les États-Unis mettront en œuvre les principes de la charte des Nations unies. […] Le germe des régimes totalitaires est nourri par la misère et le besoin. Il s’étend et se développe dans la mauvaise terre de la pauvreté et de la guerre civile. Il atteint son plein développement lorsque tout espoir de vie meilleures est mort dans un peuple. Nous devons garder cet espoir vivant. Plus nous nous éloignons de la fin de la guerre et plus apparaissent les deux directions principales de la politique internationale de l’après-guerre , correspondant à deux camps : le camp antiimpérialiste et démocratique et le camp impérialiste. Les États-Unis en sont la principale force, soutenus par les pays possesseurs de colonies. L’Angleterre et la France sont unies aux États-Unis et marchent comme des satellites en ce qui concerne les questions principales, dans l’ornière de la politique impérialiste des États-Unis. Le camp impérialiste est soutenu aussi par les États possesseurs de colonies, tels que la Belgique ou la Hollande, et par les pays aux régime réactionnaire antidémocratique, tels que la Turquie et la Grèce, ainsi que par les pays dépendant politiquement et économiquement des États-Unis, tels que ceux du Proche-Orient, de l’Amérique du Sud et de la Chine. Les forces anti-impérialistes et antifascistes froment l’autre camp. L’URSS et les pays de démocratie nouvelle en sont le fondement. Les pays qui ont rompu avec l’impérialisme et qui se sont engagés résolument dans la voie du progrès démocratique, tels que la Hongrie, la Roumanie, la Finlande, en font partie. Au camp anti-impérialiste adhèrent l’Indonésie, le Vietnam, l’Inde. L’Égypte et la Syrie lui apportent leur sympathie. Le camp antiimpérialiste s’appuie dans tous les pays sur le mouvement ouvrier et démocratique, les partis communistes frères, sur les combattants des mouvements de libération nationale dans les pays coloniaux et dépendants, sur toutes les forces progressistes et démocratiques qui existent dans chaque pays. Harry S. Truman, Message to Congress, 12 mars 1947 Extrait du communiqué publié le 5 octobre 1947 dans l’Humanité, à la suite de la conférence de Szlarska Poreba (Poloqne) entre les dirigeants des partis communistes européens. Les relations internationales Les relations internationales Les relations internationales concernent au premier chef les relations entre les nations. Elles peinent à intégrer les nations qui n’existent pas encore (par exemple les peuples colonisés), ou encore des acteurs non nationaux (organisations non gouvernementales (ONG), entreprises transnationales, réseaux « terroristes » ou mafieux…). Les relations internationales s’organisent par la confrontation des intérêts des nations. Ces intérêts sont définis (« dégagés ») dans des systèmes politiques et sociaux propres à chaque nation. Les représentations que l’on se fait du monde, de soi et de l’autre, jouent dans la définition des intérêts d’une nation. Il existe plusieurs systèmes de régulation entre nations, qui permettent d’organiser la majeure partie des relations internationales : diplomatie (entre pays), organismes internationaux (ONU, OMC, etc.)… Ces systèmes de régulations ne permettent pas toujours d’éviter les conflits ; la guerre étant, selon Clausewitz, « la poursuite de la politique par d’autres moyens ». Les États disposent donc d’armements et d’armées pour se prémunir et pour supporter cet aspect des relations internationales. Cela influe sur la représentation que se font les autres États de la puissance et des intentions d’un pays. systèmes politiques et sociaux de chaque pays représentations de soi représentations du monde et de l’« autre » définition de « l’intérêt général » du pays intérêts « nationaux » confrontation des intérêts nationaux = Relations internationales systèmes de régulation internationaux conflits armements et armées organismes internationaux diplomaties (entre pays) 1 De 1945 aux années 2000 La Seconde guerre mondiale s’achève avec deux grands vainqueurs : L’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et les États-Unis d’Amérique. Ces deux vainqueurs se retrouvent rapidement opposés l’un à l’autre, par une crainte réciproque, les intérêts économiques et stratégiques, et les références idéologiques. Pendant quarante ans (jusqu’aux aux années 1980), le monde s’organise par l’opposition de ces deux grandes puissances, qui se créent des zones d’influence (les « blocs ») qu’elles dominent et contrôlent plus ou moins étroitement. Cette opposition permet une domination conjointe du monde : les deux grandes puissances y sont donc autant partenaires qu’adversaires. On passe ainsi d’une opposition frontale, que l’on appelle « guerre froide », à une coexistence plus détendue. L’effondrement d’un des deux partenaires (l’URSS) met fin au système des blocs. Une seule très grande puissance (les É-U) exerce alors un domination réelle mais contestée sur la planète. La constitution progressive d’une Europe politique étendue à la majeure partie du continent, l’émergence de nouvelles puissances (Chine, Inde, Brésil) et le rétablissement progressif de la Russie tempèrent peu à peu cette domination. Et l’avènement d’acteurs non nationaux rend plus complexe le jeu des relations internationales. La période 1945-1949 À la sortie de la Seconde guerre mondiale, les anciennes puissances européennes (Allemagne, Grande-Bretagne, France) sont ruinées et détruites. L’URSS a le plus lourdement payé la victoire contre les nazis (20 millions de morts, une partie du pays totalement détruite), mais y a gagné une image très positive. Les États-Unis, qui n’ont pas connu de destruction sur leur sol continental, ont fait fonction d’atelier et de banquier du monde libre (par opposition au monde sous domination nazie). Ces deux grands vainqueurs sont alliés, mais, rapidement, leurs intérêts et leurs craintes les opposent. Dès 1946-47, chacune des deux puissance se taille une zone d’influence qu’elle contrôle. Les territoires sur lesquels passe la ligne de contact entre ces zones deviennent théâtres de tensions de plus en plus fortes. Par référence à la situation en Europe, on parle d’Est (influence soviétique) et Ouest (influence étatsunienne). S’ouvre alors une période de confrontation. Celle-ci se déroule d’abord en Europe, surtout autour de la question allemande. La guerre de Corée en marque le maximum. À partir de 1953 (armistice de Pae Mu Jong et mort de Staline) la tension retombe. Le problème de l’Allemagne et la crise de Berlin « Guerre froide » L’expression « Guerre froide » a été inventée pour décrire un conflit un peu spécial : les deux pays « en guerre » (les États-Unis et l’URSS), ne se la faisaient pas vraiment. Ils faisaient comme si ils étaient en guerre (on dira qu’ils adoptaient une posture de guerre), mais en même temps ils se parlaient beaucoup, et évitaient soigneusement de se battre l’un contre l’autre. Ils se rendaient même des services… C’est donc le contraire d’une guerre qui serait « chaude », c’est-à-dire dans laquelle on se battrait vraiment. Bien sûr, ces deux pays très puissant ne s’entendaient pas toujours, et se bousculaient parfois. Il y a ainsi eu de nombreuses « petites » guerres (« chaudes ») durant la Guerre froide. Mais les deux pays n’étaient jamais directement face-à-face. Ils faisaient même attention à de pas se battre contre les amis de l’adversaire. Et cela a duré de 1947 à 1990. Du coup, on parle d’une période de la Guerre froide, parce que, pendant 45 ans, les relations internationales ont été organisées par cette fausse guerre. Pour que cela dure autant, il fallait que les deux pays, et leurs amis, aient intérêt à ce que cela dure. Et il fallait que tous les autres pays croient que l’on était presque en guerre (ou que l’on risquait d’y être bientôt). Intérêts économiques et peurs réciproques En 1945, l’URSS craint les États-Unis, qui seuls possèdent l’arme nucléaire. Marquée par l’invasion allemande, elle tient à établir un glacis protecteur contre une nouvelle invasion, en interposant entre l’ennemi potentiel et son territoire une distance suffisante pour être protégée des attaques éclairs et aériennes. Elle cherche aussi à être dédommagée des destructions subies, en prélevant chez les vaincus le matériel et les matières premières qui lui sont nécessaires. Enfin, son système économique la pousse à établir un espace de collaboration cohérente entre productions, protégé des économies concurrentes. Les États-Unis craignent la puissante armée soviétique, avec ses millions de soldats, et sa forte mécanisation. Ils interprètent la constitution d’un « glacis » comme une volonté d’expansion, qui menace l’Europe et l’Asie, et qu’ils tiennent à « contenir ». Leur puissance industrielle, forgée pendant la guerre, exige désormais un marché solvable extérieur (pour éviter une crise de surproduction), et des échanges commerciaux facilités. Leur puissance militaire, qui est surtout navale et aérienne, nécessite pour s’exprimer des bases hors de leur continent. Ainsi, ces deux éléments de la puissance États-Unienne reposent sur une capacité de projection de l’autre côté des océans. Ceci inquiète l’URSS, qui craint d’être envahie ou soumise. 2 André Fontaine, “La Guerre froide”, dans Encyclopaedia Universalis (extraits) 1. La rupture de l’alliance Le discours de Fulton On a souvent dit que le coup d’envoi de la guerre froide avait été donné par Winston Churchill dans son discours du 5 mars 1946 à Fulton (Missouri). Se déclarant convaincu que les Russes « ne respectaient que la force », il invitait « les peuples de langue anglaise à s’unir d’urgence pour enlever toute tentation à l’ambition ou à l’aventure ». Bien qu’il ne fût plus Premier ministre, il parlait avec l’autorité qui s’attachait à son nom et avec le complet accord du président Truman. Staline ne s’y trompa pas et répliqua peu après sur le même ton. C’était la fin de la conception qui inspirait les accords anglo-soviéto-américains de Yalta (11 février 1945) : un monde vivant définitivement en paix, dans le cadre des Nations unies, sous la surveillance des trois grandes puissances ; une Allemagne administrée conjointement par ses vainqueurs jusqu’au jour où elle se serait définitivement reconvertie à la démocratie. Les causes de cette détérioration sont multiples. Les historiens soviétiques et, dans une plus ou moins grande mesure, les « révisionnistes » américains en attribuent la responsabilité essentielle à Truman. Celui-ci, devenu président à la mort de Roosevelt (avril 1945), avait rompu, en effet, avec la politique de bonne entente avec l’URSS suivie par son prédécesseur. À ce changement, deux raisons principales : la crainte du communisme — que rien selon eux ne justifiait, Staline menant une politique nationale et non idéologique — et la conviction, née de la possession de l’arme atomique, que les États-Unis, débarrassés de l’Allemagne comme du Japon et devenus la plus grande puissance de tous les temps, n’avaient plus aucune raison de « faire des cadeaux » aux Russes. Pour les dirigeants américains et leurs alliés, c’est le refus de Staline d’appliquer l’accord de Yalta sur le droit des peuples libérés à disposer d’eux-mêmes et la menace qu’il faisait planer sur ses voisins qui sont à l’origine de la guerre froide. Les deux thèses sous-estiment la complexité d’une situation qui rendait peut-être cette guerre froide inévitable. Les alliances survivent d’ailleurs rarement à la disparition de la menace qui les a suscitées. En un sens, on peut dire que c’est l’ampleur même de sa victoire, conduisant à la capitulation sans condition de ses communs adversaires et à l’occupation totale de leurs territoires, qui a provoqué la dissolution de la coalition antihitlérienne. Pendant la guerre, la nécessité du combat faisait sinon taire, du moins passer au second plan les désaccords entre alliés ; avant même la fin des hostilités, cependant, la gravité de ces désaccords est apparue en pleine lumière, à propos notamment de la Pologne. L’accord oublié Dès octobre 1944, Churchill avait montré le peu de confiance qu’il faisait à la coopération future entre les Alliés, en se rendant à Moscou pour négocier un accord secret sur le partage des zones d’influence dans les Balkans. Pour obtenir les mains libres en Grèce, où ses troupes intervinrent contre la résistance de gauche, il laissa toute latitude à Staline en Roumanie et en Bulgarie, pays que les troupes soviétiques venaient d’ailleurs tout juste d’occuper. En Hongrie et en Yougoslavie, il était convenu que l’influence des deux camps fût partagée. Staline a d’abord appliqué cet accord. Il a poussé les communistes grecs à se soumettre aux autorités, il a insisté — vainement — auprès de Tito pour qu’il rétablisse la monarchie, il a laissé des élections à l’occidentale se dérouler en Hongrie. Mais les États-Unis, hostiles à la politique des zones d’influence, ont obtenu à Yalta, en 1945, la signature de Staline au bas d’un accord permettant aux peuples libérés de choisir librement leurs institutions et leurs gouvernements. Il paraît évident que, dans la conception des Soviétiques, les élections tenues chez eux étaient « libres ». Ils ne s’engageaient donc pas beaucoup. D’où un premier malentendu : dès l’automne de 1945, les Américains s’indignent de la façon dont se déroulent les élections — et les épurations — en Roumanie et en Bulgarie. Moscou, de son côté, voit dans les démarches et les protestations de Washington une intrusion inadmissible dans la sphère d’influence que lui a reconnue Churchill et en conclut que l’accord d’octobre 1944 n’est plus valable. Le Kremlin, du coup, soutient matériellement l’extrême gauche qui déclenche un nouveau soulèvement en Grèce. Cette initiative, faisant suite à de vives pressions sur la Turquie pour qu’elle cède des bases à l’URSS et à la tentative de celle-ci de conserver l’Azerbaïdjan d’Iran, occupé pendant la guerre, provoque le premier engagement américain dans la guerre froide : la « doctrine Truman » d’assistance économique et militaire à la Grèce et à la Turquie (12 mars 1947). Cette décision marque un véritable tournant dans l’histoire des États-Unis, à qui le testament de Washington et la doctrine de Monroe (1823) avaient prescrit de demeurer à l’écart des querelles européennes. Roosevelt avait tendance à préférer le « démocratisme » de l’URSS à l’« impérialisme » de la Grande-Bretagne et à se poser en médiateur dans le conflit qui, dès 1944-1945, se dessinait entre elles. La relève de l’Angleterre La situation change, non seulement parce que Truman, prévenu contre l’URSS et excédé par son comportement, rompt avec la politique de son prédécesseur, mais aussi parce que la Grande-Bretagne, épuisée par sa victoire, est obligée de se décharger sur l’Amérique d’un certain nombre de ses responsabilités traditionnelles. Tel est le cas précisément de la Grèce. Au début de 1947, le gouvernement travailliste décide qu’il ne peut continuer à soutenir la monarchie hellénique face à la guerre civile et il demande aux Américains de le faire à sa place. En acceptant et en engageant une action qui aboutira, en deux ans, à la victoire des armées royalistes, les États-Unis accomplissent le premier pas dans une évolution qui fera d’eux, très rapidement, grâce à leur force intacte et à leur armement atomique, le leader incontesté du « monde libre » ou « atlantique ». Le problème allemand Malgré le désaccord sur l’Europe orientale, malgré des malentendus avivés par la différence des idéologies, l’entente des vainqueurs se serait peut-être maintenue si, très vite, ils ne s’étaient pas opposés sur le sort de l’Allemagne. À Yalta, il avait été question de la démembrer, de rétablir l’indépendance de la Bavière, de la Saxe, du Hanovre, etc., mais Staline y avait soudain renoncé. À Potsdam (juill. 1945), il avait conclu avec Truman et Clement Attlee un accord auquel le général de Gaulle devait s’associer par la suite sous certaines réserves. Cet accord maintenait le principe de l’unité allemande sous la souveraineté d’un conseil de contrôle allié. Le territoire et la capitale étaient divisés en quatre zones pour les besoins de l’occupation, mais l’administration devait être quadripartie, les Alliés se dessaisissant de leurs pouvoirs au profit des Allemands au fur et à mesure que ceux-ci feraient la preuve qu’ils méritaient leur confiance. L’ancien Reich serait définitivement démilitarisé, et son industrie lourde démantelée. Il paierait de lourdes réparations. Pour l’URSS ravagée par la guerre, rien ne comptait davantage que de rebâtir le plus vite possible son économie. Les États-Unis lui refusant leur concours, la Grande-Bretagne ne pouvant y songer, la tentation était forte pour elle de se servir sur sa zone d’occupation, qui fut littéralement mise au pillage. En même temps, elle y décrétait une réforme agraire André Fontaine, “La Guerre froide”, dans Encyclopaedia Universalis (extraits) radicale et contraignait le Parti social-démocrate à la fusion avec le Parti communiste. À l’automne de 1946, des élections législatives eurent lieu dans les cinq pays (Länder) de cette zone ; le nouveau parti unifié remporta partout la victoire, et des communistes s’installèrent aux postes clés. Dans les zones occidentales, où le Parti socialiste avait refusé la fusion avec le Parti communiste, ce furent soit ses partisans, soit ceux du Parti chrétien-démocrate dirigé par le docteur Konrad Adenauer qui prirent le pouvoir. Pendant ce temps, les quatre discutaient vainement de l’avenir. Staline avait rejeté un projet américain tendant à conclure un traité assurant pour vingt-cinq ans le désarmement et la neutralité de l’Allemagne. Le 10 juillet 1946, l’URSS proposa de mettre fin aux limitations de la production de charbon et d’acier et de placer la Ruhr sous contrôle quadriparti. De ce projet les Anglo-Saxons retinrent surtout qu’il étendrait à la production de la Ruhr les contestations quotidiennes que rencontraient leurs représentants au conseil quadriparti établi à Berlin. Las de payer en fait pour les prélèvements des Soviétiques, ils décidèrent de fusionner leurs zones. La France devait y joindre la sienne, après l’échec de tentatives pour faire soutenir par Moscou sa thèse sur le rattachement économique de la Sarre. Auparavant, le 5 septembre 1946, James Byrnes, secrétaire d’État des ÉtatsUnis, avait annoncé qu’il était temps de donner au peuple allemand la responsabilité de ses propres affaires et la possibilité de se suffire à lui-même sur le plan économique. La division de l’Allemagne en deux républiques hostiles ne devait prendre corps officiellement qu’en 1949, mais elle était contenue en germe dans les prises de position de 1946. 2. La création des blocs Le plan Marshall De plus en plus persuadé que le gouvernement soviétique « était froidement résolu à exploiter l’état où se trouvait une Europe sans défense pour propager le communisme », le nouveau secrétaire d’État américain, George Marshall, annonça le 5 juin 1947 l’intention de son gouvernement de fournir une aide économique importante aux pays européens, à charge pour ceux-ci de s’entendre au préalable sur l’étendue de leurs besoins et la répartition des crédits qui leur seraient ouverts. Les pays de l’Est et l’URSS elle-même furent invités à une conférence tenue à Paris à cet effet. Mais le Kremlin déclencha une offensive à boulets rouges contre le projet, forçant la Pologne et la Tchécoslovaquie à revenir sur l’acceptation de principe qu’elles avaient commencé par donner. Il accentue sa mainmise sur les pays d’Europe orientale libérés par l’Armée rouge et que, malgré la signature, en 1946, de traités de paix avec les satellites du Reich, il n’a commencé d’évacuer qu’en 1990. Les communistes prennent le pouvoir à Budapest tandis qu’à Sofia on apprend la pendaison du leader agrarien Ivan Petkov, l’un des héros de la résistance antiallemande. Le 5 octobre est créé un bureau d’information des Partis communistes, le Kominform, destiné à remplacer l’Internationale communiste, dissoute en 1943, au plus fort de la collaboration interalliée contre l’Axe. Le délégué soviétique Andreï Jdanov fait approuver par les participants à la réunion constitutive la thèse selon laquelle le monde est désormais divisé en deux camps, « l’impérialisme qui prépare la guerre contre l’URSS et celleci, avec les pays pacifiques qui lui sont alliés ». Des grèves violentes éclatent dans les pays d’Europe occidentale où les communistes ont été partout chassés du gouvernement. Les troubles révolutionnaires, latents dans le Sud-Est asiatique depuis la capitulation du Japon, s’intensifient rapidement. Le « coup de Prague » et le pacte atlantique Un événement dramatique, au début de 1948, fait monter la tension à son comble. Encouragés par la chute de la popularité des communistes, qui partageaient le pouvoir avec eux depuis la Libération, les partis « bourgeois » tchécoslovaques essayent de desserrer le contrôle que l’extrême gauche exerce sur la police. Mais ils perdent la partie, et, le 25 février, le président Edvard Benes se résigne à mettre en place un gouvernement communiste homogène. Le « coup de Prague », qui fait croire qu’une nouvelle guerre mondiale est inévitable, répand un début de panique. Le 17 mars, la Grande-Bretagne, la France et les pays du Benelux concluent un traité d’assistance mutuelle : c’est le premier de l’après-guerre qui soit dirigé non pas contre l’Allemagne, mais « contre tout agresseur », ce qui était une façon de désigner l’URSS Déjà des pourparlers étaient engagés avec les États-Unis pour conclure le « pacte atlantique » (traité de l’Atlantique Nord) qui sera signé le 4 avril 1949 et rapidement ratifié par ses douze signataires, malgré l’opposition violente de l’U.R.S.S., des communistes, des « neutralistes » européens et des isolationnistes américains. L’aboutissement des négociations, qui remettaient en cause les traditions séculaires de la diplomatie américaine, avait été grandement facilité par deux événements de première importance : la rupture soviéto-yougoslave et le blocus de Berlin. Le 28 juin 1948, le Kominform proclamait, à la surprise générale, que le maréchal Tito et son parti, par leur ligne « fausse, révisionniste, et leur politique de diffamation envers l’URSS (s’étaient) mis en dehors de la famille communiste ». Ainsi éclatait au grand jour un conflit qui remontait en fait à l’époque de la guerre et résultait du refus du maréchal yougoslave de se faire purement et simplement l’exécutant des volontés soviétiques. Des campagnes d’une violence inouïe furent déclenchées contre Tito, que Moscou chercha à renverser de l’intérieur. Mais très vite la Yougoslavie obtint le soutien du monde occidental, allant jusqu’à conclure un pacte défensif avec la Turquie et la Grèce, en 1954, après leur adhésion au pacte atlantique. La rupture fut le signe d’une gigantesque épuration dans les pays demeurés fidèles à l’URSS Soupçonnés de « titisme », des chefs communistes de premier plan furent envoyés à la potence. Quant au blocus de Berlin, il avait marqué le couronnement d’une série de mesures prises par les Soviétiques pour gêner les communications des Occidentaux avec leurs secteurs et ainsi, sans doute, les forcer à les abandonner. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ayant, le 18 juin 1948, promulgué une réforme monétaire dans leurs zones, faute d’avoir pu s’entendre avec Moscou sur les moyens de mettre fin à l’inflation généralisée, voulurent étendre ses dispositions à Berlin-Ouest. Staline répliqua en bloquant tous les accès terrestres et fluviaux. Washington improvisa en hâte un pont aérien qui, contrairement à toute attente, réussit à maintenir la ville en activité. Les Soviétiques n’osèrent pas intercepter les avions alliés. Un peu moins d’un an plus tard, le 12 mai 1949, soit six semaines après la signature du pacte atlantique, le blocus était levé en échange de la convocation d’une conférence à quatre. Celleci devait se séparer quelques semaines plus tard sans avoir pu se mettre seulement d’accord sur son ordre du jour. Victoire communiste en Chine Personne à l’époque n’aurait osé prophétiser que le statu quo en Europe ne serait pratiquement pas modifié pendant quarante ans. Très vite, cependant, il devient évident que le théâtre principal de la guerre froide s’est transporté en Asie. C’est qu’un événement de première importance vient de s’y produire : la prise du pouvoir par les communistes en Chine au terme d’une guerre civile de plus de vingt ans… Dates Guerre froide 1944-1949 1944 novembre Accord secret sur le partage de l’Europe Churchill se rend à Moscou pour rencontrer Staline et négocier un accord sur les zones d’influence de l’Angleterre et de l’URSS dans les Balkans. Parfois qualifié de partage de l’Europe, cet accord montre surtout le peu de confiance mutuelle des deux Alliés. En effet, chacun sait qu’en cas de guerre civile ou de lutte pour le pouvoir dans les pays libérés, son pays prendra parti et aidera officiellement ou officieusement un camp. Ainsi, les deux hommes préfèrent s’accorder sur les pays dans lesquels ils interviendront. Churchill a ainsi les mains libres pour envoyer ses troupes lutter contre la gauche révolutionnaire grecque, mais, en contrepartie, il laisse Staline installer les communistes en Bulgarie et en Roumanie. Les manipulations soviétiques dans ces deux pays (élections truquées et purges) indigneront les Américains qui demanderont à Yalta le droit des peuples européens de choisir librement leur destin. 1945 1945 29 novembre Indépendance de la Yougoslavie L’Assemblée constituante à majorité communiste élue le 24 novembre, proclame la République fédérale populaire de Yougoslavie. Le monarque Pierre II s’exile. En décembre, le Croate Ivan Ribar sera élu président de la République et Josip Broz, le futur maréchal Tito, deviendra Premier ministre. La Yougoslavie, sur laquelle Staline n’avait pas de vue en 1945, aura un statut particulier en Europe. C’est en effet le seul régime communiste d’Europe qui ne passe aucun accord avec l’URSS et qui garde sa totale indépendance, si bien que Tito sera considéré comme un véritable traître par les Soviétiques. 1946 1947 5 mars Début de la guerre froide Lors d’un discours prononcé au Westminster College de Fulton dans le Missouri, Winston Churchill utilise pour la première fois l’expression « rideau de fer ». L’ancien chef d’État britannique déclare : « De Stettin dans la Baltique jusqu’à Trieste dans l’Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent ». Il termine son allocution en exhortant les pays d’Europe occidentale à contrecarrer le pouvoir communiste afin « d’établir dans tous les pays, aussi rapidement que possible, les prémices de la liberté et de la démocratie ». Bien que Churchill ne soit plus Premier ministre, son discours marque le début « officiel » de la Guerre froide. 5 juin Le plan Marshall pour reconstruire l’Europe Le secrétaire d’État américain George Catlett Marshall propose un programme d’aide destiné à stimuler la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale. Mis en place dans le cadre de la doctrine Truman, cette aide est refusée par l’URSS qui fait d’ailleurs pression sur les pays d’Europe centrale pour qu’ils en fassent de même. Par contre, l’aide est très bien accueillie en Europe occidentale qui crée l’Organisation européenne de coopération économique pour se répartir l’aide. 1947 5 octobre Création du Kominform Après une réunion organisée en Pologne réunissant neuf PC européens, le Kominform est créé. Présenté comme une réformation du Komintern, ce bureau d’information a en réalité des objectifs bien différents d’une Internationale communiste. De fait, il réduit son champ d’action à l’Europe et c’est à cette occasion que le rapport Jdanov est rendu. Son rédacteur critique d’ailleurs les PC français et italiens pour leur participation dans des gouvernements socialistes qui sont invités à rejoindre l’opposition contre les « socialistes de droite ». Opérant jusqu’à la mort de Staline, le Komintern aura avant tout pour fonction de vérifier que les communistes européens s’alignent bien sur la politique de Moscou. Ainsi, les Yougoslaves seront bientôt exclus et tous les PC devront chasser les titistes, accusés de déviance idéologique. 2 août Le sort de l’Allemagne réglé à Potsdam La conférence de Postdam se clôt en ayant scellé le sort de l’Allemagne : celle-ci est séparée de l’Autriche, elle perd une partie de son territoire au profit de la Pologne et de l’URSS, et enfin, elle est découpée en trois zones d’occupation (la zone française sera décidée plus tard). La conférence a également été l’occasion de redessiner les frontières de la Pologne et de lancer un ultimatum au Japon. Alors que Roosevelt a annoncé à Staline que les États-Unis maîtrisent la bombe atomique et que des tensions commencent à apparaître au sujet de l’Europe centrale, Postdam est le dernier lieu qui reçoit les trois Alliés. Bientôt, la Grande Alliance se disloquera pour laisser place à la Guerre froide. 1 janvier En Allemagne, les zones d’occupation anglaise et américaine fusionnent Soucieux de redresser l’Allemagne et de lui donner un avenir politique et économique, la Grande-Bretagne et les États-Unis unissent leurs zones d’occupation. Etant donné les dissensions qui existent désormais entre les vainqueurs, chacun gère à sa guise les régions dont il a la charge. Les territoires occupés par la France rejoindront ces deux zones un an plus tard, posant les bases de la future RFA. 4 février Ouverture de la conférence de Yalta Alors que la guerre n’est pas encore terminée, Winston Churchill, Joseph Staline et Franklin Delano Roosevelt se rencontrent sur les bords de la mer Noire en Crimée, pour statuer sur le sort de l’Allemagne et du Japon après le conflit. Les États-Unis obtiennent l’appui de l’URSS pour vaincre définitivement les Japonais sur le front asiatique. Il est convenu que l’Allemagne sera démilitarisée et divisée en trois zones d’occupations (plus tard la France obtiendra elle aussi une zone). Enfin, les trois puissances se mettent d’accord pour laisser aux pays européens libérés le choix de leur destin. Mais dans la pratique, les territoires libérés par l’Armée rouge ne connaîtront pas d’élections libres (à l’exception de l’Autriche) et se verront imposer le communisme par Staline. C’est d’ailleurs une des causes du déclenchement de la Guerre froide. 1945 1947 1947 30 octobre Naissance du GATT Vingt trois pays signent à Genève le General Agreement on Tariffs and Trade (l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). Cet accord vise à relancer le commerce international en abaissant les barrières douanières et à éviter ainsi de retomber dans le protectionnisme en vigueur avant la guerre. Reposant sur le principe du libre-échange, le GATT assure l’harmonisation tarifaire et quantitative douanière entre ses membres, bannissant toute discrimination commerciale et favorisant la transparence. 1948 1 janvier Le GATT entre en vigueur Le General Agreement on Tariffs and Trade (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) entre en vigueur. Signé le 30 octobre 1947 par vingt-trois pays, il a pour objectif la relance du commerce mondial par l’abaissement et l’harmonisation des barrières douanières tarifaires et quantitatives. 1948 25 février Prise de pouvoir des communistes à Prague Après deux semaines de pression soviétique, les communistes tchèques opèrent « le coup de Prague ». Cumulant une vague de démissions communistes et le lancement de mouvements de rue et de grèves, les communistes menés par Klement Gottwald parviennent à prendre le contrôle du pays. Le président Édouard Benes, affaibli et isolé, se retire et démissionne, laissant s’installer une démocratie populaire pour éviter la guerre civile. C’est ainsi qu’au cœur de la Guerre froide, le cas particulier de la Tchécoslovaquie prend fin. Pays à tradition démocratique, il semblait en effet à la croisée des modèles libéraux et communistes, tant sur le plan politique que géographique : le gouvernement proposait une coalition démocratique faite de communistes et de socialistes-nationaux dans un pays à la frontière du rideau de fer. Après le « coup de Prague », la Tchécoslovaquie passe définitivement à l’Est de ce dernier. 1 Dates Guerre froide 1944-1949 1948 17 mars Traité d’assistance entre la Grande-Bretagne, la France et le Bénélux 1949 Après presque un an de blocus et de ravitaillement américain par voie aérienne, les soviétiques lèvent le blocus de Berlin ouest. Dans le monde occidental, la ville était devenue le symbole de la résistance à toute tentative de l’URSS de prendre le contrôle de nouveaux territoires en Europe. Les occidentaux prennent ainsi une revanche symbolique sur le coup de Prague, auquel ils n’avaient pu réagir que par de vaines protestations. Berlin restera pendant quarante ans un véritable symbole, notamment après la construction du mur en 1961. Par ailleurs, la fin de ce blocus permet la création de la RFA dix jours plus tard. L’URSS créera un an et demi plus tard la RDA. Inquiétés par le coup de Prague qui fait planer sur l’Europe la menace de révolutions communistes soutenues par le Kremlin, la Grande-Bretagne, les pays du Benelux et la France passent un accord d’assistance mutuelle en cas d’agression. Pour la première fois depuis l’armistice de 1945, les alliances politiques et militaires ne sont plus dirigées contre l’Allemagne mais contre l’URSS. L’Europe craint en effet à ce moment une Troisième Guerre mondiale. Cet accord précède en fait d’un an la création d’un accord militaire de plus grande ampleur : l’OTAN. 1948 16 avril Création de l’OECE 1949 20 juin Réforme monétaire en Allemagne 1949 Afin de mettre un terme au désordre économique et monétaire qui provoque une forte inflation en Allemagne, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France mettent en place une réforme économique dans leur zone d’occupation. C’est ainsi que le Deutsche Mark est créé. L’objectif est alors de ne pas laisser le pays sombrer dans le chaos et la pauvreté, perçus comme des facteurs de troubles. Ainsi, après les fusions des trois zones intervenues en 1947 et 1948, cette réforme s’inscrit dans une politique de redressement de l’Allemagne d’après guerre qui aboutira à la création de la RFA en 1949. Une des conséquences de cette réforme monétaire est le blocus de Berlin initié par l’URSS. 1948 1949 4 avril Signature du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) Douze démocraties occidentales signent le Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) à Washington pour faire face à la menace soviétique. Volet militaire de l’Alliance atlantique, cette organisation permet de dépasser les situations de statu quo que ne peut régler l’ONU. L’OTAN a pour objectif de souder les pays occidentaux européens contre l’URSS et les démocraties populaires. Il sera un des instruments de l’équilibre de la terreur et paradoxalement n’aura de mission qu’en 1995 en ex-Yougoslavie, alors que l’URSS n’existe plus. 20 août La République populaire de Hongrie est proclamée Monté en puissance, le Parti communiste proclame la République populaire de Hongrie. Au lendemain de l’armistice signée avec l’URSS, une réforme agraire fut mise en place en 1945 par un gouvernement provisoire, donnant aux petits propriétaires les territoires féodaux. En novembre 1945, des élections eurent lieu et portèrent justement le parti agrarien au sommet du pays. Une fois la République proclamée, Zoltan Tildy fut élu président. La Hongrie restait toutefois sous l’influence soviétique, qui soutenait les communistes, rassemblés sous Mátyás Rákosi. Dès 1947, le parti au pouvoir fut victime de conspiration, ce qui mena à la victoire, aux élections d’août, d’une coalition de gauche, à la tête de laquelle se trouvait le Parti communiste. Rákosi mènera alors une politique de coopération avec l’URSS, de nationalisation et de répression vis-à-vis des opposants, comme en témoignera l’arrestation du cardinal Mindszenty et du ministre László Rajk. 24 juin Début du blocus de Berlin En riposte à la décision des Alliés de violer les accords de Postdam en fusionnant les zones d’occupation américaine, anglaise et française et en instaurant le Deutschemark, Staline décide d’établir un blocus autour de Berlin. Face à ce blocage, les occidentaux ne mettront que deux jours pour trouver une solution qui évite la guerre et dont l’efficacité, tant factuelle que symbolique, est garantie : il mettent en place un blocus aérien pour ravitailler la ville. Mais, désormais, la rupture entre les deux blocs, et par conséquent entre les deux Allemagnes, semble entérinée. Même si le blocus dure moins d’un an, Berlin-Ouest revêt son statut d’enclave pour plus de quarante ans. 25 mai Création de la RFA Alors que la rédaction de la Constitution et des textes fondamentaux s’est achevée le 8 mai, la République Fédérale d’Allemagne (RFA) est proclamée. Ainsi prend fin à l’ouest, quatre ans d’occupation par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Ne disposant pas d’armée mais incluse dans le plan Marshall, la RFA aura, au côté de la France, un rôle fondamental dans la construction de l’Europe et deviendra un des moteurs économiques de l’Europe. L’objectif de mettre fin à des siècles de conflits entre l’Allemagne et ses voisins sera ainsi réalisé. De son côté, l’URSS va mettre un terme à l’occupation de sa zone en octobre 1949 en créant la RDA. Toutefois, le degré d’indépendance de cette dernière sera bien moindre. RFA et RDA fusionneront en 1991 après l’effondrement des deux blocs. Afin de répartir les aides financières proposées par le plan Marshall pour faciliter la reconstruction européenne, des organismes administratifs communs sont mis en place. Ainsi, l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) est créée et chargée de dépenser équitablement les crédits entre les différents États d’Europe occidentale. Son but consiste aussi à renforcer les relations économiques entre ses dix-sept membres ainsi que de libéraliser les échanges commerciaux et monétaires. Mais à la fin des années 1950, l’OECE sera fragilisée par les désaccords entre les membres de la CEE et les États favorables à une zone de libre-échange. En 1961, l’OECE laissera place à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). 1948 12 mai Le blocus de Berlin est levé 1949 1 octobre Fondation de la République Populaire de Chine Du haut du balcon de la Cité Interdite à Pékin, Mao Zedong proclame la République Populaire de Chine. Mao, chef du parti communiste chinois, met fin à des années de guerre civile, opposant nationalistes et communistes. Le « grand Timonier » devient président du comité central du gouvernement. Cet événement étend par ailleurs la Guerre froide au continent asiatique. Mao dirigera la Chine d’une main de fer jusqu’à sa mort, le 9 septembre 1976. 1949 7 octobre Création de la RDA En réaction à la création de la RFA, l’URSS transforme sa zone d’occupation allemande en un pays « indépendant » : la République Démocratique d’Allemagne (RDA). En fait, le pays reste sous la tutelle de l’URSS qui a institué une économie communiste après une collectivisation. Contrairement à la RFA, la RDA n’aura qu’un rôle mineur en Europe. 2