Les petits platons (séance 1). « Qu’est-ce que la philosophie ? » : les doigts fusent, les épaules se crispent et les réponses sont sur le bout des lèvres. Tous veulent répondre : « L’amour de la sagesse ! » Belle définition que cet amour, si facile à apprendre. Mais Jean-Paul Mongin ne compte pas en rester là. Il faut expliquer, à cette foule de petits philosophes en herbe, curieux de tout, ce qu’est l’amour et d’où il provient. Et même mieux encore, c’est à eux de définir ce qu’est cet amour. Mr Mongin procède essentiellement par questionnements et par analyses étymologiques. Quelle est la signification de vos prénoms ? D’où viennent-ils ? Qu’est-ce donc qu’être amoureux ? Autant de questions qui, chez tout enfant, suscitent les rires et piquent l’intérêt. Une belle fraîcheur dans un cadre idéal : pendant que les questions continuent, certains regardent le plafond, les parents et grands-parents aussi, en profitent. « Quand on est amoureux, on s’embrasse, et s’embrasser, c’est échanger nos âmes ! ». Autant de thèmes drôles et de questions qui nous touchent. La philosophie, c’est partir d’une question du fond de son cœur puis construire une « machine à pourquoi ». Jean-Paul Mongin l’a bien compris, et sa machine à question ne s’arrête plus ! C’est une épiphanie de sens, un éveil aux noms et aux choses qui nous sont proches, et ce dans l’attitude la plus simple et certainement la plus adaptée à un public aussi jeune. Le chemin qu’emprunte Mr Mongin est précisément celui de Socrate : un chemin philosophique, de questionnement, de fraîcheur et d’ironie. Et c’est en l’imitant qu’il fait vivre aux enfants la philosophie au sens de Socrate. C’est ainsi, petit à petit, un éveil. L’éveil à la sensibilité philosophique, aux choses elles-mêmes en ce qu’elles ont de simple, d’enfantin et d’intriguant. On se laisse ainsi questionner par les choses pour parvenir à nous questionner nous-mêmes. Un éveil à soi qui, pour un si jeune public, est d’autant plus émoustillant et source de plaisir. Il ne s’agit plus ici de s’attarder sur l’érudition de l’école, mais de questionner ce savoir et d’emprunter le chemin de la vie par la philosophie. Savoir que la philosophie est l’amour de la sagesse ne suffit plus, on voit maintenant ce qu’est l’amour, qu’il correspond à notre quotidien et que la philosophie y participe. L’étymologie se met ici au service de la compréhension de l’existence (puisque « Philippe » vient bien de « philein » et « hupos », et qu’on ne soupçonnait pas que tous les dénommés « Philippe » dussent aimer les chevaux !) C’est une bonne leçon que trouveraient, aux petits Platons, les érudits et philosophes contemporains : celle du cœur de la philosophie. Car elle est avant tout plaisir dans la découverte et étonnement face au monde, non pas satisfaction d’un raisonnement qui ne veut se rattacher qu’à lui-même, et non plus à la vie. Cécile Vazeille, pour Eklosia.