La Lettre du Rhumatologue - n° 289 - février 2003
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MISE AU POINT
En se fixant sur les GR, les corticoïdes libèrent les HSP, ce qui
va permettre aux complexes corticoïdes-récepteurs de migrer
vers le noyau. Après cette translocation nucléaire, les com-
plexes vont se fixer sur l’ADN pour y exercer une activité
transcriptionnelle.
La fixation génomique des complexes corticoïdes-récepteurs
La fixation des complexes GR-corticoïdes sur l’ADN se fait
sur des sites spécifiques appelés glucocorticoid-response ele-
ments (GRE) (7). La fixation entraîne un changement de
conformation du complexe, qui devient alors capable d’inter-
agir avec deux structures “doigt de zinc” de l’ADN. Ces
séquences GRE existent dans la région promotrice des gènes,
dont le nombre est estimé de 10 à 100.
La régulation transcriptionnelle
Les complexes GR-corticoïdes, fixés sur les séquences GRE,
sont capables d’interagir avec différentes protéines interve-
nant dans les phénomènes de transcription (8). Les princi-
paux cofacteurs sont la protéine CBP (cyclic AMP response
element binding protein, ou CREB protein) et la protéine
P300. Ce complexe transcriptionnel comprend aussi d’autres
protéines, comme la GRIP-1 (GR interacting protein 1), le
SRC-1 (steroid receptor coactivator 1), le PCAF (P300/CBP-
associated factor) et la HDAC (histone déacétylase) (9-12).
Les principales actions exercées par ces protéines sont une
acétylation/déacétylation des résidus lysines des histones de
la chromatine (13). L’acétylation, qui s’exerce essentielle-
ment par le biais des protéines CBP, P300, PCAF et SRC-1,
permet le déroulement de l’ADN chromosomique (14-16).
La chromatine ainsi “débobinée” va être capable de fixer dif-
férents facteurs de transcription (AP-1, NF-κB, STAT,
CREB) nécessaires à l’activation de l’ARN-polymérase 2,
enzyme clé de la transcription. Inversement, les éléments qui
permettent la déacétylation (HDAC) entraînent une conden-
sation de la chromatine qui va inhiber les phénomènes de
transcription (17).
L’activation transcriptionnelle ou transactivation
La fixation des complexes GR-corticoïdes sur les séquences
GRE de différents gènes cibles entraîne leur transactivation,
c’est-à-dire l’activation directe de leur transcription. Cette trans-
activation explique une partie des effets anti-inflammatoires,
mais aussi la plupart des effets métaboliques. Ce phénomène
s’exerce pour différents types de gènes (tableau I).
!Gènes de NF-
κ
B et I
κ
B
α
:les corticoïdes sont capables
d’induire la transcription du gène de NF-κB, qui est un des
facteurs de transcription essentiels, responsable notamment
de la synthèse des molécules comme le TNFα. Cependant, les
corticoïdes induisent également la transactivation du gène
d’IκBαlymphocytaire, qui code pour la protéine inhibitrice
naturelle de NF-κB (18-20). C’est grâce à ce mécanisme de
régulation que les corticoïdes ont globalement une action anti-
inflammatoire (3, 4).
!Gènes de la lipocortine et des autres protéines anti-inflam-
matoires naturelles : les corticoïdes peuvent aussi transactiver
directement des gènes qui codent pour des protéines anti-
inflammatoires. Il s’agit notamment de la lipocortine ou
annexine 1, qui est un inhibiteur de la phospholipase A2,
d’autres gènes, comme le SLIP (secretory leucocyte protease
inhibitor), ou des inhibiteurs naturels de l’interleukine 1,
comme l’IL-1ra (antagoniste naturel du récepteur de l’IL-1)
et le récepteur de type 2 de l’IL-1ß.
!Gènes impliqués dans différentes voies métaboliques : les
corticoïdes entraînent aussi la transactivation de gènes impli-
qués dans différents phénomènes métaboliques, notamment
dans la néoglucogenèse, les métabolismes protidiques et phos-
phocalciques et la régulation du système rénine-angiotensine.
!Gènes viraux : les corticoïdes ont aussi un effet de transac-
tivation de gènes viraux du VIH, du CMV ou de l’EBV, expli-
quant qu’ils facilitent la réplication virale (21, 22).
!Effets transcriptionnels
(1) Inhibition de la transcription $transrépression
*Cytokines : IL-1, IL-2, IL-3, IL-4, IL-5, IL-6, IL-9, IL-11, IL-
12, IL-13, IL-16, IL-17, IL-18, TNFα,IFNγ,GM-CSF, SCF
*Chémokines : IL-8, RANTES, MIP-1α,MCP 1-2-3-4, éotaxine
*Enzymes : iNOS, COX-2, phospholipases A2 et C, protéases,
lysozyme, C3 convertase, endonucléase, phosphodiestérase
*Molécules d’adhésion : ICAM-1, VCAM-1, L-sélectine,
E-sélectine, LFA-1, CD2
*Récepteurs : IL-2R, IL-4R, NK1 et 2 receptor
*Endothéline
*Fractions du complément : C3, facteur B
*Proto-oncogènes : C-myc, C-fos
*Facteurs de cytotoxicité : granzyme, perforine
(2) Activation de la transcription $transactivation
*NF-κB (p50)
*IκBα(protéine inhibitrice de NF-κB)
*MIF, ou macrophage migration inhibitory factor
*Lipocortine ou annexine 1 (protéine inhibitrice de la PA2)
*SLIP ou secretory leukocyte protease inhibitor (inhibiteur des protéases)
* CC-10 ou clara cell protein
*IL-1ra, IL-1r2 (decoy receptor ou récepteur antagoniste,
inhibiteurs de l’IL-1ß)
*Peptidases (enzymes de dégradation des neurokinines comme la
substance P et la neurokinine A)
*Récepteurs adrénergiques (ß2R)
*Gènes viraux (EBV, CMV…)
!Effets post-transcriptionnels $réduction de la T1/2 des ARN
messagers
*Cytokines : IL-1ß, IL-3, IL-6, GM-CSF, IFNγ
*Enzymes : COX-2
*Chémokines : MCP-1, IL-8
Tableau I. Effets génomiques des corticoïdes dans la régulation des
principaux gènes des protéines de l’inflammation.