MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue - n° 289 - février 2003
23
es corticoïdes endogènes régulent les mécanismes phy-
siologiques immunitaires et métaboliques, en particu-
lier glucido-protidiques et phosphocalciques. Ces pro-
priétés ont été mises à profit pour développer des molécules
à visée thérapeutique. Les corticoïdes sont ainsi couramment
utilisés pour leurs fantastiques propriétés anti-inflammatoires,
mais aussi pour leurs effets cytostatiques, qui expliquent leur
efficacité dans les affections inflammatoires, immunoaller-
giques et hématologiques malignes.
Les corticoïdes ont des mécanismes d’action particulièrement
originaux, agissant essentiellement sur la transcription des
gènes (effets génomiques). Ces effets génomiques, qui s’exer-
cent dans de nombreuses cellules, ont de multiples points d’im-
pact expliquant leurs actions “tous azimuts”.
Depuis le prix Nobel de Hench, qui a découvert l’efficacité
anti-inflammatoire de l’acétate de cortisone (composé E) dans
la polyarthrite rhumatoïde, d’immenses progrès ont été réali-
sés dans différents domaines (1) :
!Des avancées majeures ont été faites dans la compréhen-
sion des “mécanismes d’action”, sujet principal de cette revue.
Ces progrès permettent maintenant d’espérer de nouveaux cor-
ticoïdes aussi efficaces, mais mieux tolérés.
!Une meilleure connaissance de la régulation de la réponse
aux corticoïdes a permis d’expliquer un certain nombre des
mécanismes de corticorésistance que l’on observe parfois dans
les affections inflammatoires chroniques, comme la poly-
arthrite rhumatoïde. Ces avancées devraient aussi déboucher,
à terme, sur de nouvelles stratégies thérapeutiques.
LES MÉCANISMES D’ACTION
DES CORTICOÏDES
Les corticoïdes ont l’originalité d’exercer leurs actions par des
effets essentiellement génomiques en agissant sur la trans-
cription de l’ADN en ARN et sur la régulation post-trans-
criptionnelle des ARN messagers. Plus accessoirement, car ils
sont moins bien connus, les corticoïdes peuvent également
avoir des effets non génomiques, surtout quand ils sont utili-
sés à forte dose (figure 1) (2-5).
Les corticoïdes : mécanismes d’action
Steroids : mechanisms of action
"J. Sibilia*
*Service de rhumatologie, CHU, Strasbourg.
#Les corticoïdes endogènes ont de multiples
actions physiologiques permettant la régulation
de la réponse immunitaire et de nombreux méta-
bolismes, notamment glucidique, protéique,
ionique et phosphocalcique.
#Les corticoïdes utilisés à dose thérapeutique
ont des effets anti-inflammatoires immunomo-
dulateurs et régulent les phénomènes de proli-
fération et de survie cellulaire.
#Les corticoïdes agissent par des mécanismes
d’action originaux, essentiellement génomiques.
Ces effets génomiques sont une régulation trans-
criptionnelle permettant soit l’activation (trans-
activation), soit l’inhibition (transrépression) de
nombreux gènes cibles. Ces effets génomiques
peuvent également être post-transcriptionnels,
caractérisés par une dégradation des ARN messa-
gers, et en particulier de certaines cytokines.
#Les effets anti-inflammatoires et immunomo-
dulateurs des corticoïdes sont essentiellement
liés à leur activité transrépressionnelle, alors que
les effets métaboliques et proviraux dépendent
essentiellement de leur activité transactivatrice.
#La réponse aux corticoïdes semble dépendre de
phénomènes de régulation faisant intervenir
essentiellement les récepteurs cytosoliques aux
glucocorticoïdes. Cette régulation dépend princi-
palement de la concentration cytosolique et de
l’affinité de ces récepteurs pour les corticoïdes.
#Une meilleure connaissance des mécanismes
d’action et des phénomènes de régulation des
corticoïdes pourrait permettre de développer
des molécules sélectivement transrépressives,
conservant une action anti-inflammatoire mais
dépourvues d’effets métaboliques.
Mots-clés : Corticoïdes - Récepteurs - Transactivation -
Transrépression - Mécanisme d’action.
Points forts
L
La Lettre du Rhumatologue - n° 289 - février 2003
24
MISE AU POINT
Les effets génomiques
Les corticoïdes circulent, liés à des protéines de transport, mais
une petite fraction existe sous forme libre. Cette fraction libre
va traverser la membrane cellulaire et aller se fixer, avec une
forte affinité, sur des récepteurs cytosoliques spécifiques appe-
lés récepteurs aux glucocorticoïdes (GR). Ces complexes for-
més par les récepteurs et les corticoïdes peuvent alors péné-
trer (translocation) le noyau pour interférer avec la
transcription de différents gènes cibles.
Les récepteurs aux glucocorticoïdes
Ces récepteurs GR sont comparables aux récepteurs de la famille
des stéroïdes (progestérone, estrogène, vitamine D, hormones thy-
roïdiennes) (6). Leur structure est originale et est composée de
5 domaines, qui leur permettent de se fixer, d’une part, aux cor-
ticoïdes, d’autre part, à l’ADN. Ces GR, appelés aussi GR de type
2α, ou GRα,sont présents dans la quasi-totalité des cellules.
À l’état basal, ils existent sous une forme cytosolique inactive
comprenant deux sous-unités de HSP 90 (heat shock protein 90)
et différentes unités d’autres HSP (HSP 70, 56 et 26)
(figure 2).
1) Actions cellulaires (membranaires)
non génomiques
2) Actions transcriptionnelles
activatrices (transactivation)
et inhibitrices (transrépression),
et actions post-transcriptionnelles
Corticoïde Corticoïde
GRß
GRαGRα
GRα
GRα
GRα
ADN GRE GRE
GRα
HSP
56
HSP
56
HSP
70
HSP
70
HSP
90 HSP
90
HSP
90
HSP
90
HSPs
HSPs
HSPs
HSPs
HSP
26
HSP
26
Promoteur du gène
Transcription en ARNm
Noyau
Cytoplasme
Membrane cellulaire
Figure 1. Mécanismes d’action des corticoïdes.
!Les corticoïdes interagissent avec la membrane
cellulaire (1) ou pénètrent dans le cytoplasme (2).
!Dans le cytoplasme, ils se fixent sur des récep-
teurs cytosoliques spécifiques (GRα), ce qui pro-
voque la libération des “chaperonines” (HSP 90,
70, 56 et 26) de ces récepteurs. L’autre isoforme,
GRß, reste “libre”, mais peut exercer une action
inhibitrice sur la fixation GRα-corticoïdes.
!Le couple GRα-corticoïdes ainsi libéré pénètre
dans le noyau, où il va agir sur la transcription
des gènes. Pour cela, il va :
soit se fixer sous forme de dimère sur des
séquences spécifiques de l’ADN présentes dans
le promoteur de différents gènes (séquence GRE)
$cette fixation se traduit par une transactiva-
tion ou une transrépression des gènes ;
soit interférer de différentes façons avec les fac-
teurs de transcription (FT) ou le complexe de
transcription $cette fixation se traduit par une
transrépression des gènes.
!
Le couple GRα-corticoïdes peut induire la
transcription de gènes codant pour des ribo-
nucléases ou d’autres protéines qui vont dégra-
der ou stabiliser l’ARN (action post-transcrip-
tionnelle).
Transcription
en ARNm
Corticoïdes
ADN
Noyau
Cytoplasme
GRαGRα
GRα
GRα
TATA
GRE GRE
TFIIB ARN
pol. II
HAT
HDAC
Histones
PCAF
GRIP-1
SRC-1
CBP/P300
FT
NF-κB, AP-
1, STAT...
déacétylation
acétylation
Figure 2. Différents mécanismes de transactivation
génomique des corticoïdes.
!La fixation de dimères GRα-corticoïdes sur les séquences spé-
cifiques appelées GRE s’accompagne de différents phénomènes
permettant la transcription des gènes qui comportent cette
séquence GRE dans leur région promotrice :
les dimères GRα-corticoïde entraînent l’activation d’un com-
plexe transcriptionnel qui comprend différentes molécules
(CBP/P300, HDAC, HAT, et différents coactivateurs). Différents
facteurs de transcription (NF-κB,AP-1, STAT...) vont se fixer sur
ce complexe ;
l’effet de ce complexe sur la chromatine permet son “débobi-
nage” sous l’action d’une acétylase des histones (acétylation des
lysines d’histone). Ce “débobinage” rend les gènes accessibles
aux facteurs de transcription. La déacétylation des histones
entraîne le phénomène inverse ;
l’action de ce complexe transcriptionnel va permettre l’action
des facteurs de transcription, qui vont activer l’ARN polymé-
rase II, aboutissant à la transcription du gène en ARN messager.
!Un mécanisme de transactivation différent existe (non sym-
bolisé sur ce schéma). Il s’agit de la formation d’un complexe
entre GRα-corticoïde et STAT 5 (facteur de transcription spéci-
fique) capable d’induire la transcription des gènes en se fixant
sur leur promoteur indépendamment d’une séquence GRE. Ce
système est particulièrement utilisé pour l’activation des voies
de signalisation Jak-STAT, qui régulent le signal induit par les
cytokines sur leur récepteur membranaire.
Coactivateurs : GRIP-1 (GR interacting proteins), PCAF (P300/CBP-associated factor), SRC-1 (steroid receptor co-activator) ;
CBP : cyclic AMP response elements binding protein, ou CREB protein ; GR : glucocorticoid receptor ; GRE : glucocorticoid
res
ponse elements (séquence d’ADN spécifique de la fixation des GRα); HAT : histone acétyltransférase ; HDAC : histone déacétyla-
se ;
TATA : TATA Box ; ARN pol. II : ARN polymérase II ; FT : facteur de transcription ; NF-κB:nuclear factor-
κ
B; AP-1 : acti-
vator protein 1 ; STAT : signal transducers and activators of transcription :NF-AT : nuclear factor of activated T cells ; C/EBPß ;
TFIIB : transcriptor factor II B.
%
%
La Lettre du Rhumatologue - n° 289 - février 2003
25
MISE AU POINT
En se fixant sur les GR, les corticoïdes libèrent les HSP, ce qui
va permettre aux complexes corticoïdes-récepteurs de migrer
vers le noyau. Après cette translocation nucléaire, les com-
plexes vont se fixer sur l’ADN pour y exercer une activité
transcriptionnelle.
La fixation génomique des complexes corticoïdes-récepteurs
La fixation des complexes GR-corticoïdes sur l’ADN se fait
sur des sites spécifiques appelés glucocorticoid-response ele-
ments (GRE) (7). La fixation entraîne un changement de
conformation du complexe, qui devient alors capable d’inter-
agir avec deux structures “doigt de zinc” de l’ADN. Ces
séquences GRE existent dans la région promotrice des gènes,
dont le nombre est estimé de 10 à 100.
La régulation transcriptionnelle
Les complexes GR-corticoïdes, fixés sur les séquences GRE,
sont capables d’interagir avec différentes protéines interve-
nant dans les phénomènes de transcription (8). Les princi-
paux cofacteurs sont la protéine CBP (cyclic AMP response
element binding protein, ou CREB protein) et la protéine
P300. Ce complexe transcriptionnel comprend aussi d’autres
protéines, comme la GRIP-1 (GR interacting protein 1), le
SRC-1 (steroid receptor coactivator 1), le PCAF (P300/CBP-
associated factor) et la HDAC (histone déacétylase) (9-12).
Les principales actions exercées par ces protéines sont une
acétylation/déacétylation des résidus lysines des histones de
la chromatine (13). L’acétylation, qui s’exerce essentielle-
ment par le biais des protéines CBP, P300, PCAF et SRC-1,
permet le déroulement de l’ADN chromosomique (14-16).
La chromatine ainsi “débobinée” va être capable de fixer dif-
férents facteurs de transcription (AP-1, NF-κB, STAT,
CREB) nécessaires à l’activation de l’ARN-polymérase 2,
enzyme clé de la transcription. Inversement, les éléments qui
permettent la déacétylation (HDAC) entraînent une conden-
sation de la chromatine qui va inhiber les phénomènes de
transcription (17).
L’activation transcriptionnelle ou transactivation
La fixation des complexes GR-corticoïdes sur les séquences
GRE de différents gènes cibles entraîne leur transactivation,
c’est-à-dire l’activation directe de leur transcription. Cette trans-
activation explique une partie des effets anti-inflammatoires,
mais aussi la plupart des effets métaboliques. Ce phénomène
s’exerce pour différents types de gènes (tableau I).
!Gènes de NF-
κ
B et I
κ
B
α
:les corticoïdes sont capables
d’induire la transcription du gène de NF-κB, qui est un des
facteurs de transcription essentiels, responsable notamment
de la synthèse des molécules comme le TNFα. Cependant, les
corticoïdes induisent également la transactivation du gène
d’IκBαlymphocytaire, qui code pour la protéine inhibitrice
naturelle de NF-κB (18-20). C’est grâce à ce mécanisme de
régulation que les corticoïdes ont globalement une action anti-
inflammatoire (3, 4).
!Gènes de la lipocortine et des autres protéines anti-inflam-
matoires naturelles : les corticoïdes peuvent aussi transactiver
directement des gènes qui codent pour des protéines anti-
inflammatoires. Il s’agit notamment de la lipocortine ou
annexine 1, qui est un inhibiteur de la phospholipase A2,
d’autres gènes, comme le SLIP (secretory leucocyte protease
inhibitor), ou des inhibiteurs naturels de l’interleukine 1,
comme l’IL-1ra (antagoniste naturel du récepteur de l’IL-1)
et le récepteur de type 2 de l’IL-1ß.
!Gènes impliqués dans différentes voies métaboliques : les
corticoïdes entraînent aussi la transactivation de gènes impli-
qués dans différents phénomènes métaboliques, notamment
dans la néoglucogenèse, les métabolismes protidiques et phos-
phocalciques et la régulation du système rénine-angiotensine.
!Gènes viraux : les corticoïdes ont aussi un effet de transac-
tivation de gènes viraux du VIH, du CMV ou de l’EBV, expli-
quant qu’ils facilitent la réplication virale (21, 22).
!Effets transcriptionnels
(1) Inhibition de la transcription $transrépression
*Cytokines : IL-1, IL-2, IL-3, IL-4, IL-5, IL-6, IL-9, IL-11, IL-
12, IL-13, IL-16, IL-17, IL-18, TNFα,IFNγ,GM-CSF, SCF
*Chémokines : IL-8, RANTES, MIP-1α,MCP 1-2-3-4, éotaxine
*Enzymes : iNOS, COX-2, phospholipases A2 et C, protéases,
lysozyme, C3 convertase, endonucléase, phosphodiestérase
*Molécules d’adhésion : ICAM-1, VCAM-1, L-sélectine,
E-sélectine, LFA-1, CD2
*Récepteurs : IL-2R, IL-4R, NK1 et 2 receptor
*Endothéline
*Fractions du complément : C3, facteur B
*Proto-oncogènes : C-myc, C-fos
*Facteurs de cytotoxicité : granzyme, perforine
(2) Activation de la transcription $transactivation
*NF-κB (p50)
*IκBα(protéine inhibitrice de NF-κB)
*MIF, ou macrophage migration inhibitory factor
*Lipocortine ou annexine 1 (protéine inhibitrice de la PA2)
*SLIP ou secretory leukocyte protease inhibitor (inhibiteur des protéases)
* CC-10 ou clara cell protein
*IL-1ra, IL-1r2 (decoy receptor ou récepteur antagoniste,
inhibiteurs de l’IL-1ß)
*Peptidases (enzymes de dégradation des neurokinines comme la
substance P et la neurokinine A)
*Récepteurs adrénergiques (ß2R)
*Gènes viraux (EBV, CMV…)
!Effets post-transcriptionnels $réduction de la T1/2 des ARN
messagers
*Cytokines : IL-1ß, IL-3, IL-6, GM-CSF, IFNγ
*Enzymes : COX-2
*Chémokines : MCP-1, IL-8
Tableau I. Effets génomiques des corticoïdes dans la régulation des
principaux gènes des protéines de l’inflammation.
La Lettre du Rhumatologue - n° 289 - février 2003
26
MISE AU POINT
Ces mécanismes d’activation ont été considérés comme étant
liés spécifiquement à la fixation sur les séquences GRE, mais
un autre mécanisme d’activation de la transcription a récem-
ment été identifié. Il s’agit de la fixation directe des complexes
GR-corticoïdes sur un facteur de transcription appelé STAT.
Cette interaction entraîne l’activation de gènes dépendant de
STAT, sans fixation sur les séquences GRE (7, 23). Ce méca-
nisme est particulièrement utilisé dans la régulation de l’ac-
tivation cellulaire induite par les cytokines.
L’inhibition transcriptionnelle ou transrépression
L’inhibition transcriptionnelle ou transrépression se traduit par
le blocage de l’expression de gènes qui sont pour la plupart
pro-inflammatoires (3). Les mécanismes de cette transrépres-
sion sont multiples et complexes, comme l’illustre lafigure 3.
Schématiquement, il existe, dans l’état actuel des connais-
sances, trois types de possibilités.
* &L’inhibition transcriptionnelle peut s’expliquer par la fixa-
tion des complexes GR-corticoïdes sur les séquences GRE
selon deux modalités différentes :
'les séquences GRE peuvent être des séquences régula-
trices inhibitrices appelées séquences GRE négatives,
comme cela a été décrit concernant le gène de l’ostéocal-
cine et de la propiomélanocortine (figure 3A). Cette situa-
tion est rare, car très peu de gènes possèdent ce type de
séquences GRE négatives ;
'les complexes peuvent aussi se fixer sur des séquences
GRE en empêchant la fixation d’un facteur de transcrip-
tion sur l’ADN (figure 3B) ou en inhibant son fonction-
nement (figure 3C). Ces mécanismes ont été décrits pour
les gènes de la prolactine et de la proliférine.
* (L’inhibition transcriptionnelle peut aussi être liée à une
interaction directe (avant fixation sur l’ADN) entre les com-
plexes et des facteurs de transcription comme AP-1 ou NF-κB.
Ce mécanisme est probablement l’un des plus importants
pour expliquer le rôle anti-inflammatoire et immunomo-
dulateur des corticoïdes (figures 3D et 3E) (24, 25).
* )L’inhibition transcriptionnelle peut aussi être la consé-
quence d’une interaction des complexes avec d’autres consti-
tuants du complexe transcriptionnel.
Cette interaction peut se traduire par l’inhibition des fonc-
tions d’acétylation/déacétylation des protéines CBP et P300
ou par une interaction avec des phosphodiestérases. L’inhi-
bition de ces phosphodiestérases augmente la concentration
intracellulaire d’AMP cyclique et, de ce fait, empêche la
phosphorylation du complexe CBP/P300
(figures 3F et 3G).
La régulation post-transcriptionnelle
La régulation post-transcriptionnelle s’exerce sur les ARN
messagers, dont la demi-vie est réduite par différents méca-
nismes. Les corticoïdes sont capables d’induire la transcrip-
tion de ribonucléases spécifiques qui vont détruire ces ARN
messagers. Ils peuvent également agir par d’autres méca-
nismes, en particulier en modifiant la stabilité d’ARNm de
cytokines (IL-1, IL-3, IL-6,TNFα,interféron γ) et de chémo-
kines qui ont des ARN riches en uracile (séquence AURE).
C’est probablement en agissant sur les protéines stabilisatrices
(TIA-1, TIAR, TTP) de ces séquences AURE que les corti-
coïdes pourront exercer cet effet post-transcriptionnel (26).
Les effets non génomiques
Les effets non génomiques des corticoïdes sont moins bien
connus. Ils se caractérisent par leur rapidité d’apparition (en
quelques secondes ou quelques minutes). En fait, les corti-
coïdes, qui sont des dérivés du cholestérol, sont capables d’in-
teragir directement avec la membrane cellulaire.
Ces effets non génomiques, qui s’observent essentiellement avec
de fortes doses, vont se traduire par un effet de stabilisation de
membrane. Ainsi, ils peuvent réduire la libération d’enzymes
lysosomiales et de granules préformés contenant en particulier
des médiateurs de l’inflammation (histamine, sérotonine). Ces
effets non génomiques ont aussi une action sur la régulation des
échanges membranaires de calcium et de sodium et des flux
d’AMP cyclique. Ces effets expliquent en partie l’inhibition de
l’activité cellulaire observée avec les corticoïdes, en particulier
pour les cellules de l’immunité comme les lymphocytes.
LES CORTICOÏDES : DES IMMUNOMODULA-
TEURS AUX ACTIONS MULTIPLES
Les corticoïdes régulent la réponse immunitaire innée et adap-
tative, mais également de nombreux métabolismes glucido-
protidiques phosphocalciques et ioniques. L’ensemble des
mécanismes moléculaires que nous avons décrits permettent
d’expliquer la multitude des effets physiologiques et pharma-
cologiques de ces molécules (27). Néanmoins, différents élé-
ments permettent d’expliquer certaines observations parfois
paradoxales.
L’action des corticoïdes se fait sur de nombreuses cibles cel-
lulaires agissant “en cascade”, avec des boucles de régulation
parfois complexes. À titre d’exemple, les corticoïdes sont de
puissants anti-inflammatoires capables d’induire la synthèse
de molécules pro-inflammatoires tout en assurant leur inhibi-
tion par des mécanismes de régulation. Le meilleur exemple
en est probablement celui de NF-κB (16, 20, 28).
L’effet des corticoïdes dépend du type de composé et de sa
concentration. Schématiquement, les effets génomiques peu-
vent être liés à de faibles (10-7 à 10-9 M) et à de fortes (10-5 à 10-7 M)
doses, alors que les effets non génomiques n’apparaissent pro-
bablement qu’avec de fortes doses. Ces effets dose-dépendants
permettent de mieux comprendre l’efficacité respective des
molécules endogènes et des molécules utilisées en thérapeu-
tique, souvent à plus fortes doses. Ainsi, dans certaines études,
il n’est pas évident de savoir si les effets décrits sont unique-
ment liés à un effet physiologique (faible dose endogène) ou
à un effet pharmacologique (forte dose thérapeutique).
Figure 3. Différents mécanismes de transrépression génomique des corticoïdes (1).
1. Interactions inhibitrices des GRα-corticoïdes avec l’ADN (séquence GRE) : A, B et C.
2. Interactions inhibitrices directes des GRα-corticoïdes avec les facteurs de transcription : D et E.
3. Interactions inhibitrices des GRα-corticoïdes avec d’autres constituants du complexe transcriptionnel : F et G. 27
MISE AU POINT
GRαGRα
Corticoïdes
ADN
GRE négatives
A.
GRαGRα
Corticoïdes
ADN
GRE
B.
FT
Fixation d'un dimère GRα-corticoïde
sur une séquence non activatrice de
l'ADN (séquences GRE négatives)
$ la fixation des GRα sur ces GRE
négatives va bloquer directement la
transcription.
Exemple : gènes de la pro-opioméla-
nocortine et de l'ostéocalcine.
GRα
Corticoïdes
ADN
GRE
C.
FT
CBP/P300
Interaction d'un monomère GRα-corticoïde
avec un facteur de transcription après qu'il
se soit fixé sur l'ADN (séquence GRE)
$ la fixation des GRα modifie le pouvoir
transcriptionnel des FT (AP-1) en altérant
leur conformation ou en modifiant leur
capacité à se fixer sur le complexe transcriptionnel,
notamment leur interaction avec la CBP/P300.
Exemple : gène de la proliférine.
Fixation d'un dimère GRα-corticoïde
sur l'ADN (séquences GRE)
$ la fixation des GRα sur ces GRE
va bloquer l'accès à un facteur de
transcription.
Exemple : gènes de la prolactine.
GRα
ADN
FT
Corticoïdes
D.
Interaction d'un monomère GRα-corticoïde
non fixé sur l'ADN avec un facteur de
transcription déjà fixé sur l'ADN
$ la fixation des GRα inhibe le pouvoir
transcriptionnel des FT (AP-1, NF-κB).
Exemple : gène de l'IL-6 et de la collagénase.
GRαGRα
ADN
FT
Corticoïdes
E.
Interaction d'un dimère ou d'un monomère
GRα-corticoïde non fixé sur l'ADN avec un
facteur de transcription avant qu'il se fixe
sur l'ADN
$ le ou les GRα modifient par compétition
la fixation d'un FT (NF-κB, AP-1, NF-AT...) sur
l'ADN et/ou le complexe transcriptionnel, en
particulier CBP/P300.
Exemple : gènes d'ICAM-1.
CBP/P300
GRα
ADN
Histones
FT
Corticoïdes
F.
Fixation d'un monomère de GRα-corticoïde
sur le complexe CBP/P300-HDAC empêchant
son interaction avec les facteurs de transcription
et/ou modifiant sa fonction d'acétylation/
déacétylation des histones
$ la fixation des GRα réduit les capacités d'acétylation
ou amplifie la déacétylation des histones.
L'acétylation des histones entraîne une ouverture
des boucles d'ADN facilitant la transcription des gènes.
La déacétylation se traduit par le phénomène inverse.
Inhiber l'acétylation et faciliter la déacétylation réduisent
donc la transcription.
acétylation
déacétylation
-
+
HDAC
HAT
CBP/P300
ADN
FT
GRα
Corticoïdes
G.
Phosphorylation-inactivation d'éléments
du complexe transcriptionnel (CBP/P300)
par les GRα-corticoïdes
$ les GRα peuvent réduire l'activation des
phosphodiestérases, ce qui augmente la
concentration d'AMPc, aboutissant à la
phosphorylation de CBP/P300. Le complexe
CBP/P300 phosphorylé n'interagit plus avec
les FT.
P
CAMP
CBP/P300
1 / 9 100%
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