Établissement des axes embryonnaires au cours du développement

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REVUES
> La définition des axes embryonnaires au cours
du développement du poisson zèbre s'effectue
au stade blastula. L'embryon consiste alors en
une couche de cellules recouvrant le vitellus. Les
cellules, initialement toutes identiques, vont
progressivement acquérir une identité propre en
fonction de leurs coordonnées spatiales (dorsoventrale et antéro-postérieure) dans l'embryon.
Ces coordonnées sont définies via deux gradients
d’activité de molécules sécrétées appartenant à
la superfamille des TGFβ : les bone morphogenetic protein (BMP, pour l’axe D/V) et les facteurs
activine et nodal (pour l’axe A/P). Ces gradients
d'activité sont finement réglés par des facteurs
sécrétés agissant comme des inhibiteurs.
L'activité des BMP est contrôlée au niveau de son
expression via les FGF (FGF8) ainsi que par noggin
et chordin qui se fixent sur les BMP et les empêchent de stimuler leur récepteur spécifique. Pour
les facteurs activine et nodal, l'activité est
réglée par un autre TGFβ (antivin) qui agit
comme un inhibiteur compétitif de la fixation de
ces ligands sur leur récepteur. Les recherches
actuelles et futures visent à examiner les interactions entre ces voies ainsi qu’avec d’autres
voies de signalisation impliquées lors de l’embryogenèse précoce : les Wnt et les rétinoïdes. <
Établissement
des axes
embryonnaires
au cours du
développement
du poisson zèbre
Bernard Thisse, Christine Thisse
Une des questions centrales de la biologie du développement contemporaine est la nature moléculaire de l’information conduisant les cellules de l'embryon précoce
vers un devenir particulier. Un bon modèle animal utilisé
pour répondre à cette question est le poisson zèbre
(Danio rerio). Ce modèle présente en effet un certain
nombre d’avantages : il permet une analyse génétique
(grande collection de mutants, stratégies d’analyse du
génome en plein essor) ainsi qu'une approche embryologique classique facilitée par la transparence des
embryons et leur développement très rapide (gastrulation après 5 h de développement).
SYNTHÈSE
MEDECINE/SCIENCES 2002 ; 18 : 193-204
B. Thisse, C. Thisse :
Institut de Génétique et de
Biologie Moléculaire et
Cellulaire,
Cnrs/Inserm/ULP,
1, rue Laurent Fries, BP 163,
CU de Strasbourg,
67404 Illkirch Cedex, France.
Après fécondation, la
première cellule, située
au sommet d'une grande réserve vitelline, va subir une succession de divisions
synchrones, conduisant à un ensemble de cellules identiques et totipotentes. Jusqu'au stade de transition miblastuléenne (1 024 cellules), le développement s'effectue sous contrôle de l'information maternelle. Ce n'est
qu'à partir de ce stade que le génome zygotique commence à être transcrit. Les cellules, situées toutes au
pôle animal*, vont commencer à se diviser de manière
asynchrone puis vont progressivement recouvrir la réserve vitelline* au cours du mouvement d’épibolie*. La
gastrulation commence lorsque 50 % du vitellus est
recouvert par les cellules embryonnaires. À partir de ce
stade, trois mouvements sont à considérer : le mouvement d'épibolie* qui se poursuit jusqu'à ce que toute la
réserve vitelline soit recouverte par les cellules
embryonnaires, le mouvement d'invagination des cellules de la marge (Figure 1) qui va permettre la formation des deux feuillets embryonnaires profonds, l’endoderme et le mésoderme, et le mouvement de convergence qui conduit les cellules ventrales vers la face dorsale
de l’embryon où s'allonge l'axe embryonnaire [1].
C'est immédiatement après la transition mi-blastuléenne
qu'une cascade d’événements moléculaires va progressi* Voir Glossaire.
M/S n°21, vol. 18, février 2002
Article disponible sur le site http://www.medecinesciences.org ou http://dx.doi.org/10.1051/medsci/2002182193
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vement conduire les cellules de l'embryon à adopter un
devenir particulier tel qu'on peut le définir sur la carte des
territoires présomptifs établie à la fin du stade blastula
(Figure 1B). À ce stade, les cellules embryonnaires forment une couche unique recouvrant l'hémisphère animal
du vitellus. Par analogie avec le système de coordonnées
utilisé pour définir une position sur le globe terrestre on
peut caractériser le devenir d'une cellule donnée en fin de
stade blastula en fonction de deux coordonnées : sa longitude, qui correspond à la position de cette cellule de
long de l’axe dorso-ventral (D/V, avec pour méridien
d'origine l'axe embryonnaire qui se forme dorsalement) et
sa latitude qui correspond à la position de cette même
cellule le long de l’axe margino-animal (Figure 1B).
l’activité de molécules sécrétées, appartenant à la superfamille des
TGFβ : les BMP (bone morphogenetic proteins) (pour revue voir [5]).
Chez le poisson zèbre, ces facteurs BMP sont exprimés très précocement
dans les territoires ventraux et ventro-latéraux de l'embryon et confèrent aux cellules qu'ils stimulent une identité ventrale [6-9]. Ainsi, par
PA
A
Marge
V
L’axe dorso/ventral : les BMP et leurs inhibiteurs
D
Vitellus
De manière générale, les méthodologies employées pour
perturber la formation des axes embryonnaires sont soit
« la perte de fonction » d’éléments requis pour la formation de ces axes, via par exemple la genèse de mutations après mutagenèse ENU (éthyl-nitroso-urée) [2,
3] ou en inhibant la fonction des gènes d’intêret par la
technique de morpholino knock-down [4], soit au
contraire en réalisant des expériences dites « gain de
fonction » via la surexpression de facteurs par injection
d’ARN dans des embryons à des stades très précoces de
développement.
Chez le xénope, des études antérieures ont montré que
l’identité des cellules le long de l’axe D/V dépend de
PV
B
Tél
Més
Épi
Di
Rhomb
C.sp
Marge
(endoderme
+ mésoderme)
Not
Sang
Muscles
Endoderme/pp
Figure 1. Carte des territoires présomptifs d’un embryon de
poisson zèbre au stade de blastula tardive. A. Les cellules
embryonnaires sont disposées sur l'hémisphère animal de la
réserve vitelline. Le mouvement d’épibolie conduit les cellules
de la marge jusqu'au niveau de l’équateur. PA : pôle animal ;
PV : pôle végétal ; D : dorsal ; V : ventral. B. Carte des territoires présomptifs de l’embryon au même stade qu'en A (5h de
développement, d’après [54, 55]). La région marginale comprend des cellules endodermiques, les cellules mésodermiques
incluant la plaque préchordale (pp), la notochorde (Not), les
muscles et le territoire sanguin. Au niveau de l’ectoderme, on
distingue la moelle épinière ou corde spinale (C. sp), le rhombencéphale (Rhomb), le mésencéphale (Més), le diencéphale
(Di), le télencéphale (Tél) et l’épiderme (Épi). Le devenir de
chaque cellule peut être défini selon ses coordonnées (flèches
rouges) : sa longitude (le long de l’ave D/V) et sa latitude (le
long de l’axe marge/pôle animal ou antéro-postérieur, A/P).
C. Structures dérivant des territoires présomptifs décrits en B.
Même code couleur. La glande d'éclosion (Gl) dérive de la
plaque préchordale.
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M/S n°21, vol. 18, février 2002
Vitellus
C
Gl. éclosion
Tél
Més
Rhomb
C.sp
Not
Muscles
Sang
Modulation de l'activité des BMP
Différents facteurs inhibiteurs des BMP, tels que Noggin,
Chordin et Follistatin ont été identifiés chez le xénope
[12-14]. Ces facteurs sécrétés agissent en se liant aux
A
Épi
Sang
Rh
Muscles
SAUVAGE
B
Rh
Rh
Muscles
Muscles
[+]
- BMP
C
Épi
Sang
Sang
+ BMP
M/S n°21, vol. 18, février 2002
REVUES
conduit à une réduction voire à une disparition totale du
cerveau (Figure 2C).
Plusieurs membres de la famille des BMP, BMP2b, BMP4
et BMP7 présentent des activités biologiques équivalentes [10, 11]. Les mutants de BMP2b (swirl) [8] ou de
BMP7 (aubergine/snailhouse) [9] conduisent à des phénotypes identiques de dorsalisation extrême. Le double
mutant BMP2b/BMP7 ne présente pas de phénotype
additionnel. Ces deux facteurs ne peuvent donc pas se
substituer l'un à l'autre puisque la présence d'un gène
BMP2b fonctionnel chez le mutant aubergine n'empêche
pas la perte des territoires ventraux de l'embryon.
Par des expériences d'injection d'ARN, on a montré que
BMP2b et BMP7 agissent de manière synergique lorsque
les deux transcrits sont exprimés dans la même cellule.
Leur action coopérative, probablement sous la forme
d'hétérodimères, augmente de façon spectaculaire leur
activité comparée à celle d’un monomère seul [9]. Ceci
montre que l’établissement de l’axe D/V ne dépend pas
de l’activité de monomères de BMP mais résulte de l’action d'hétérodimères BMP2b/BMP7.
SYNTHÈSE
rapport à la situation sauvage (Figure 2A), manipuler l'axe
D/V revient à modifier la dose de BMP que vont recevoir les
cellules de la blastula. On va ainsi obtenir deux types de
phénotypes : un phénotype de dorsalisation (Figure 2B) ou
un phénotype de ventralisation (Figure 2C). Le phénotype
de dorsalisation (Figure 2B) résulte de la perte d'activité
des BMP (mutation ou inactivation des gènes codant pour
ces facteurs ou surexpression d'inhibiteurs spécifiques).
Par rapport à la situation sauvage, on observe, chez les
embryons dorsalisés, un élargissement des territoires
dorso-latéraux tant au niveau du feuillet mésodermique
que du feuillet ectodermique (Figure 2B). Les embryons ont
une forme allongée, d’où le nom par exemple de la mutation
aubergine qui inactive le gène BMP7 [9]. Au niveau de la
couche mésodermique, le territoire somitique (musculaire)
s'élargit au détriment du mésoderme ventral (sang) et,
dans les cas extrêmes, les sillons somitiques font tout le
tour de l'embryon. Pour l'ectoderme, les mêmes élargissements et circularisations des territoires dorso-latéraux
sont observés avec une disparition concomitante de l'épiderme (Figure 2B). À l'opposé, la surexpression des BMP
induit un phénotype de ventralisation consistant en un
élargissement du territoire mésodermique ventral hématopoïétique, au détriment du mésoderme dorsal, notochordal
(Figure 2C). Dans l’ectoderme, l'expansion de l'épiderme au
détriment du neurectoderme (future plaque neurale)
Figure 2. Le profil embryonnaire le long de l’axe D/V dépend de
l’activité des BMP. A. Situation sauvage. À gauche, carte des
territoires présomptifs en fin de stade blastula. Épi : épiderme;
Rh : rhombencéphale. À droite, vue latérale d’un embryon à
36 h de développement. B. (-BMP) Phénotype de dorsalisation
obtenu après inhibition de la voie des BMP. Sur la carte des territoires présomptifs, le territoire somitique (muscles) apparaît
élargi au détriment du mésoderme ventral (sang). Le cerveau
est élargi au détriment de l’épiderme (Épi). Ceci est visualisé
après analyse par hybridation in situ avec le marqueur musculaire MyoD qui révèle une circularisation des somites ou avec
Krox20, spécifique des rhombomères 3 et 5 (Rh) montrant également une circularisation de ces structures neuroectodermiques chez l’embryon dorsalisé. [+] Expression des mêmes
marqueurs chez l'embryon sauvage. C. (+BMP) A l’opposé, une
surexpression des BMP induit un phénotype de ventralisation.
On observe dans le mésoderme un élargissement des territoires
ventraux (sanguins) avec une disparition des territoires les
plus dorsaux (notochorde). Dans l’ectoderme, on observe une
expansion de l’épiderme et une forte réduction du cerveau. Ces
altérations sont visibles sur la carte des territoires présomptifs
à gauche, ou à droite chez un embryon en vue latérale : la partie céphalique est absente et la quantité de sang apparaît plus
abondante comparée au témoin sauvage en A.
195
BMP, les empêchant ainsi de se fixer et de stimuler leurs
récepteurs spécifiques (pour revue voir [5, 15, 16]). Un
gène chordin a été caractérisé chez le poisson zèbre et
le mutant de ce gène conduit à un phénotype de ventralisation, résultant de la perte de son activité antagoniste des BMP [17]. Par une approche biochimique, il a
été montré qu’une métalloprotéase, Tolloid, ou son
homologue, Xolloid, chez le xénope, contrôle négativement l’activité de Chordin par clivage, restaurant ainsi
l’activité BMP [18, 19]. Chez le poisson zèbre, les
mutants de tolloid conduisent à des phénotypes de dorsalisation qui résultent de l'augmentation d'activité de
Chordin et donc de la diminution de l'activité des BMP
[20].
Alors qu’une seule copie de noggin et follistatin a été
isolée dans différentes espèces [12, 14], chez le poisson zèbre trois gènes noggin ont été caractérisés [21,
22] ainsi que deux gènes follistatin. L’un de ces gènes,
noggin1, est exprimé comme le gène noggin de xénope à
la marge dorsale de l’embryon, dès le stade blastula.
Comme dans d’autres espèces, la surexpression de noggin1 inhibe l’activité des BMP. En ce qui concerne les
gènes follistatin, leur surexpression entraîne une inactivation des BMP. Cependant, ces gènes s'expriment trop
tard au cours du développement du poisson zèbre pour
jouer un rôle dans l'établissement de l'axe D/V.
Enfin, par une analyse génétique, une mutation ogon a
été isolée et code pour un nouveau gène qui possède des
propriétés inhibitrices de l'activité des BMP [23].
La régulation de l'activité morphogénique des BMP ne se
limite pas à l'interaction avec des facteurs inhibiteurs
sécrétés par les régions dorsales de l'embryon de poisson zèbre, tels que chordin, noggin1 ou ogon. En effet,
un autre niveau de contrôle de l'activité de ces gènes a
été mis en évidence, situé au niveau du contrôle de leur
expression. Les gènes BMP (BMP2b et BMP7) sont initialement exprimés dans toutes les cellules de la blastula,
puis les transcrits disparaissent progressivement des
territoires dorsaux. Le contrôle de cette expression est
effectué par les FGF et en particulier par le FGF8 [24]. Ce
facteur fibroblastique de croissance avait été précédemment décrit dans d'autres espèces comme une
molécule signal impliquée dans la croissance du bourgeon de membre [25] ainsi que dans le développement
du cerveau moyen [26]. Chez le poisson zèbre, ce gène
est exprimé très précocement à la marge de la blastula
puis sous la forme d'un gradient dorso-ventral dans la
région marginale de la gastrula, ce qui suggère qu’il
puisse être impliqué dans l'axogenèse D/V. De fait, l'expression ectopique du FGF8 induit une gamme de
Figure 3. Manipulations de l'axe D/V via le contrôle de l'activité morphogénique des BMP. A. Section d'un embryon suivant l'axe D/V au stade gastrula permettant de mettre en évidence l'organisation des tissus mésodermiques et ectodermiques le long de cet axe. On peut ainsi distinguer les
territoires dorsaux (D, en rouge) comprenant la notochorde dans le feuillet mésodermique, la plaque basale du tube neural et les neurones moteurs
dans l'ectoderme ; les territoires dorsaux latéraux (DL, en jaune) comprenant les muscles pour le mésoderme, les inter-neurones pour l'ectoderme ; les territoires ventraux latéraux (VL, en bleu) comprenant le pronéphros pour le mésoderme ; les neurones dorsaux et les crêtes neurales pour
l'ectoderme ; les territoires ventraux (V, en rose) comprenant le sang pour le mésoderme et l'épiderme pour le feuillet ectodermique. Le croissant
vert représente le gradient d'expression du FGF8 au stade gastrula. On peut définir les différents territoires le long de l'axe D/V en fonction d'une
valeur de position dorsale. Selon ce modèle, les différents territoires sont formés en réponse à la valeur de position dorsale que mesure chaque cellule le long de l'axe D/V. L'information positionnelle dorsale, nulle sur la face ventrale de l'embryon et maximale sur la face dorsale (courbe rouge)
représente la résultante de l'interaction entre les BMP ventralement et leurs inhibiteurs dorsaux. En fonction de la valeur de cette information de
position, les cellules vont adopter un sort ventral (rose), ventro-latéral (bleu), dorso-latéral (jaune) ou dorsal (rouge). La pertinence de ce modèle est illustrée par l'étude de l'inhibition de l'expression des BMP par le FGF8 dans des expériences de surexpression. La surface verte sur ce graphe
correspond à la contribution du FGF8 à l'établissement de l'axe D/V (fondé sur son territoire d'expression dorsal et dorso-latéral, ainsi que sur son
activité biologique : capable d'induire des structures dorso-latérales mais incapables d'induire les sorts les plus dorsaux). B. Lorsque l'embryon
est saturé en FGF8 (injection d'ARN sens au stade une cellule), l'expression des BMP est réprimée dans tout l'embryon et en conséquence toutes les
cellules adoptent un sort dorso-latéral caractérisé par la circularisation du territoire musculaire (embryon du haut) ou des rhombomères (Rhomb)
du cerveau postérieur (embryon du bas). Ce phénotype est identique au phénotype de perte de fonction des BMP présenté en figure 2B. En pareil
cas, la courbe de l'information positionnelle (rouge) est déplacée vers les valeurs correspondant aux territoires dorso-latéraux pour toutes les cellules à l'exception de celles des territoires dorsaux endogènes. C. Lorsque le clone sécrétant le FGF8 est en position latérale on observe un élargissement des territoires dorso-latéraux tant dans le mésoderme (élargissement unilatéral des sillons somitiques) que dans l'ectoderme (élargissement unilatéral de la plaque neurale bordée par les cellules des crêtes neurales ; augmentation unilatérale du nombre d'inter-neurones).
D. Lorsque le clone est en position ventrale, il conduit à la formation d'un axe secondaire partiellement défectif comprenant les territoires dorsolatéraux mais pas les territoires dorsaux (notochorde et partie ventrale du tube neural). L'embryon du haut est photographié sous ses deux faces,
dorsale (axe endogène) et ventrale (axe induit). Les mêmes résultats peuvent être observés en inhibant l'activité des BMP par la surexpression
d'autres facteurs inhibiteurs qui tels Noggin et Chordin agissent en fixant les BMP les empêchant ainsi de stimuler leur récepteur spécifique.
196
M/S n°21, vol. 18, février 2002
A
Valeur de position
dorsale
Pronéphros
Plaque basale
Notochorde
Muscles
Inter-neurones
Dorsal
FGF
Pron., Neur. d, Crêtes neurales
Sang
Épiderme
FGF8
Neurones
moteurs
Neurones
dorsaux +
crêtes neurales
Inter-neurones
V
D
V
B
C
FGF8
(exogène)
DL
SYNTHÈSE
Ventral
REVUES
Notochorde, Plaque basale,
Neurones moteurs
Muscles
Épiderme
VL
DL
D
D
FGF8
(endogène)
D
V
VL
DL
D
DL VL V
VL
DL
D
Crêtes neurales
Crêtes neurales
Muscles
Muscles
Axe induit
Axe endogène
Crêtes neurales
Rhomb.
Inter-neurones
M/S n°21, vol. 18, février 2002
Neurones moteurs
197
phénotypes de dorsalisation. Cependant, contrairement aux facteurs sécrétés Noggin et Chordin, le FGF8,
agissant via son récepteur et sa voie de signalisation
intracellulaire, conduit à une inhibition de l'expression
des gènes codant pour les BMP. Une analyse détaillée
des phénotypes induits par la surexpression d'inhibiteurs des BMP (le FGF8 dans le cas illustré) ainsi que
l'interprétation de ces phénotypes est présentée sur la
Figure 3.
Ainsi, en résumé, chez le poisson zèbre, la coordonnée
« longitude » d'une cellule, c'est-à-dire son information spatiale le long de l'axe D/V est définie par l’action
morphogénique de facteurs sécrétés appartenant à la
superfamille des TGFβ, les BMP, dont l’action est ellemême contrôlée à deux niveaux : expression de leur
gène (contrôlé par les FGF) et leur liaison à leurs récepteurs (contrôlée via des molécules sécrétées par les
régions dorsales de l'embryon).
L'axe antéro-postérieur : Activine/Nodal et leur
inhibiteur Antivin
Outre l'information D/V, pour définir son identité spatiale au sein de la blastula, une cellule donnée requiert
une coordonnée de latitude, c'est-à-dire une information moléculaire sur sa position le long de l'axe margino-animal. Cette coordonnée permet de définir sa position le long de l'axe antéro-postérieur (A/P) en fin
d’embryogenèse. En effet, l'observation de la carte des
territoires présomptifs (Figure 1B à comparer avec
Figure 1C) montre que les territoires situés au pôle animal vont conduire à la formation des yeux et du cerveau
antérieur (télencéphale et diencéphale) alors que des
territoires situés dans des régions progressivement plus
végétales se différencient en structures neurales plus
postérieures telles que le cerveau moyen (mésencéphale) puis le cerveau postérieur (rhombencéphale) et
enfin la moelle épinière. En revanche, dans la région
marginale, les cellules qui vont former les feuillets
internes (mésoderme et endoderme) présentent une
polarité opposée. En effet, les cellules situées dans la
position la plus végétale sont les premières à s'invaginer lors de la gastrulation. Ces cellules vont ensuite
migrer sous le neurectoderme en direction du pôle animal. Ainsi, en conséquence de ce mouvement d'invagination, les cellules les plus marginales à la fin du stade
blastula vont être situées dans les territoires mésodermiques antérieurs (exemple la glande d'éclosion qui
dérive de la plaque préchordale). En revanche, les cellules mésodermiques plus éloignées de la marge et qui
s'invaginent donc plus tard au cours de la gastrulation
198
M/S n°21, vol. 18, février 2002
vont engendrer des dérivés mésodermiques situés plus
postérieurement.
La nature moléculaire des signaux qui établit ce profil
d'organisation A/P est le résultat de l'activité d'une
autre sous-famille de TGFβ, différente des BMP, comprenant les facteurs Activine/Nodal. Cette démonstration a été rendue possible grâce à l'isolement d'une
nouvelle molécule, Antivin (Atv), un facteur sécrété
appartenant également à la superfamille des TFGβ,
apparenté à Lefty [27, 28]. Ces deux facteurs présentent des caractéristiques structurales différentes de
celles des TGFβ classiques [29, 30] suggérant qu'ils
agissent non pas à l’état dimérique mais à l'état monomérique (Figure 4A). Une analyse in vivo a montré
qu’Atv/Lefty agissent comme inhibiteurs compétitifs
des facteurs Activine ou Nodal au niveau de leur fixation à leur récepteur spécifique ([31] et Figure 4B).
L'utilisation des propriétés inhibitrices d'Atv sur la voie
de signalisation Activine/Nodal a permis d'identifier ces
facteurs comme étant les facteurs responsables de la
définition de la position A/P d’une cellule donnée. Ceci a
été réalisé via des expériences de surexpression d'Atv par
injection d'ARN codant pour ce facteur, aux stades précoces de l'embryogenèse (Figure 4C). L'injection d'une
faible dose d’Atv conduit à un phénotype dit de classe I
caractérisé par une délétion de l’endoderme et du mésoderme céphalique. En l’absence du mésoderme axial
antérieur, la partie ventrale du diencéphale n'est pas
induite et, en conséquence, les vésicules optiques
fusionnent et se différencient en un œil unique (phénotype de cyclopie). Une dose croissante d’Atv conduit à un
phénotype de classe II, pour lequel les embryons sont
dépourvus d'endoderme, de mésoderme céphalique ainsi
que de mésoderme axial, notochordal. L'absence de
notochorde conduit à une fusion du mésoderme paraxial
qui forme les somites. Une dose encore plus forte conduit
à un phénotype de classe III, pour lequel les embryons ne
possèdent plus ni endoderme ni mésoderme. Ainsi, la
surexpression d’Atv conduit à une délétion dépendante
de la dose et progressive de l’endoderme et des différentes sous-populations mésodermiques. Mais, le plus
surprenant est qu’en l’absence totale de ces feuillets
embryonnaires internes, la couche ectodermique se
développe normalement (à l'exception des neurones
ventraux dont l'induction dépend du mésoderme axial et
qui ne sont donc pas induits) avec une organisation A/P
identique à celle d'un embryon sauvage. Ceci montre que,
chez le poisson zèbre, contrairement aux modèles préalablement établis dans d’autres espèces [32], la formation des structures ectodermiques est indépendante de
l’induction du mésoderme [31].
Les facteurs Activine et Nodal ont été décrits dans dif-
ACTIVINE/NODAL
RXXR
Propeptide
C
CC
CC
CC
Séquence
signal
Propeptide
C
CC
CC
CC
C
CC
C
CC
Sauvage
REVUES
Séquence
signal
ANTIVIN
RXXR
Classe I
Propeptide
Activine/Nodal
SYNTHÈSE
Séquence
signal
Classe II
Antivin
Récepteur
Activine
type II
Récepteur
Activine
type I
P
Classe III
+
Smad
+
Pas d’activation
Gène cible
Figure 4. Le patron embryonnaire le long de l’axe A/P dépend de l’activité des facteurs Activine/Nodal. A. Les facteurs appartenant à la
superfamille des TGFβ sont synthétisés sous la forme de préproprotéines qui subissent une maturation via une digestion endopeptidique (au site RXXR). Ils agissent sous la forme de dimères liés de
manière covalente par un pont disulfure entre deux cystéines [29,
30]. Atv présente un propeptide très court, le monomère étant ainsi
2 fois plus long que celui des TGFβ classiques. Atv ne possède pas la
cystéine (flèche) nécessaire à la dimérisation. B. Les Activines et
Nodal agissent sous la forme de dimères covalents qui se lient à un
récepteur de type II. La fixation du ligand sur le récepteur de type II
conduit au recrutement d'un récepteur de type I. Une fois ce complexe ternaire formé, le récepteur de type I est phosphorylé par l'activité kinase du récepteur de type II. Le récepteur de type I ainsi
activé va stimuler la voie de signalisation aval via la phosphorylation de protéines Smad. La conséquence finale de cette stimulation
sera l'activation transcriptionnelle de gènes cibles. Du fait de sa
structure secondaire, Atv agit à l'état monomérique, se lie au récepteur de type II sans l'activer et joue ainsi un rôle d'inhibiteur compétitif de la voie Activine/Nodal. C. Gamme de phénotypes obtenus
après surexpression d’Atv. Les phénotypes illustrés par les photos (à
droite) sont interprétés au niveau de la carte des territoires présomptifs (code couleur et dessins) au stade blastula tardive représenté à gauche ainsi qu'au stade 24 h de développement (dessin de
droite). Classe I : absence d’endoderme et de plaque préchordale ;
classe II : absence d’endoderme, de plaque préchordale et de noto-
M/S n°21, vol. 18, février 2002
Classe IV
Classe V
Classe VI
CVI
CV
Antivin
CIV
CIII
CII
CI
[+]
Activine/Nodal
chorde ; classe III : absence complète d’endoderme et de mésoderme ; classe IV : absence d'endoderme, de mésoderme et de moelle épinière ; classe
V : absence d'endoderme, de mésoderme, de moelle épinière et de rhombencéphale ; classe VI : ne subsiste qu’un peu de télencéphale et un œil. D.
Le patron A/P dépend de l’activité des facteurs Activine/Nodal, maximale à
la marge, décroissant graduellement vers le pôle animal, les autres territoires étant formés en réponse à une stimulation par des valeurs intermédiaires des facteurs Activine/Nodal. [+] : situation sauvage.
199
férentes espèces comme capables d’induire différents
types de sous-populations mésodermiques [33-37]. Ce
phénotype Atv de classe III est très similaire à celui
obtenu par l'inactivation totale de la voie de signalisation Nodal comme chez le double mutant cyclops/squint
(chez qui les deux gènes nodal-related 1 et 2 sont inactivés [38]) ou en l'absence totale de l'activité du gène
one-eyed pinhead qui code pour un co-facteur essentiel
à l'activité des facteurs Nodal [39, 40]. Alors que la surexpression d’Atv conduit à une délétion progressive de
l’endoderme et du mésoderme, le phénotype résultant
de son inactivation par injection d’un morpholino antisens conduit au phénotype inverse, c’est-à-dire à une
surproduction d’endoderme et de mésoderme [41].
L’ensemble de ces observations (expression des gènes,
inhibition compétitive, phénotypes de surexpression et
de perte de fonction) suggèrent donc que le rôle physiologique d’Atv est d’inhiber au stade blastula la fonction
inductrice du mésoderme par les facteurs Nodal.
En utilisant les propriétés inhibitrices d’Atv, peut-on,
outre la région marginale (soit l’endoderme et le mésoderme), déléter de manière progressive toutes les structures le long de l’axe A/P ? Oui, ceci est possible (Figure
4D). L'injection de doses plus fortes d'ARN codant pour
Atv conduit à des embryons de phénotype de classe IV
qui sont des embryons dépourvus d’endoderme, de
mésoderme et de moelle épinière. Les embryons de clas-
Figure 5. Respécification des cellules du pôle animal en des
structures plus postérieures par les facteurs Activine/Nodal. A.
Schéma d'un embryon au stade 128 cellules. La cellule marquée
en rouge correspond à celle injectée avec différentes doses
d'ARN codant pour les facteurs Activine/Nodal et de l'ARN
codant pour la GFP. B. En fin de gastrulation, le clone de cellules dérivant du blastomère injecté forme une protrusion au
pôle animal. C. La fluorescence de la GFP est localisée dans
cette protrusion. D. A 24 h de développement, les embryons
présentant la protrusion décrite en (B) et (C) présentent une
notochorde ectopique à la place de l'œil et du télencéphale,
visualisée ici morphologiquement. E. La fluorescence est bien
visible dans cette structure néoformée. F. Pour une dose plus
faible de facteurs Activine/Nodal, à 24 h, le télencéphale et
l'œil sont remplacés par de l'ectoderme plus postérieur, d'origine rhombomérique (exprimant le marqueur Krox20, spécifique des rhombomères 3 et 5). G. Vue dorsale du même
embryon montrant à la fois l'expression sauvage (rhombomères 3 et 5) de Krox20 ainsi que l'expression ectopique de ce
même marqueur dans la partie céphalique. Chez cet embryon,
l'œil gauche est remplaçé par du rhombencéphale.
200
M/S n°21, vol. 18, février 2002
se V présentent de plus une absence du rhombencéphale. Enfin, pour le phénotype le plus extrême, dit phénotype de classe VI, il ne subsiste plus que l'œil et une partie du télencéphale, c'est-à-dire les structures les plus
antérieures dérivant des cellules situées au pôle animal
au stade blastula. L'injection de doses plus fortes d'ARN
codant pour Atv est en revanche incapable de conduire à
la délétion de ces structures les plus antérieures. Ce pôle
animal représente donc l'état de base pour la voie de
signalisation Activine/Nodal [42]. Afin de démontrer
que l'inhibition progressive des structures le long de
l'axe A/P résulte de l'inhibition de la voie de signalisation Activine/Nodal et non de l'interférence entre Atv et
d'autres voies de signalisation, des expériences de sauvetages phénotypiques par co-injection de doses croissantes de facteurs Activine ou Nodal ont été effectuées.
Il est ainsi possible de régénérer progressivement des
structures plus postérieures. Partant d’embryons de
classe VI, la co-injection d’Activine ou de Nodal conduit
à des embryons présentant des phénotypes de classe V,
puis IV, puis III et ainsi de suite jusqu'à la situation sauvage [42].
L'ensemble de ces expériences montre donc que le patron
embryonnaire suivant l'axe A/P est obtenu via l'établissement d'un gradient d'activité Activine/Nodal, maximal
à la marge de la blastula et décroissant progressivement
en direction du pôle animal. Les structures dérivant des
r3
r5
Lors de ces expériences, seules les structures dérivant
des cellules situées au pôle animal au stade blastula
sont apparues insensibles à l’inhibition par Atv de la voie
de signalisation Activine/Nodal. Ceci suggère que la formation des yeux et du cerveau antérieur s'effectue en
l’absence totale de stimulation de cette voie. Ainsi, ces
territoires antérieurs peuvent être considérés comme
l'état basal pour cette voie de signalisation.
Pour démontrer la validité de cette hypothèse, les cel-
REVUES
Le pôle animal : un état basal pour la voie de
signalisation Activine/Nodal
lules du pôle animal ont été injectées avec des concentrations croissantes d’Activine/Nodal [42] (Figure 5AC). À 24 h de développement, les cellules dérivant du
blastomère injecté sont localisées dans la partie céphalique de l’embryon. Pour une forte dose d’Activine /Nodal
une notochorde ectopique est formée à la place du cerveau antérieur (Figure 5 D-E). Pour des doses inférieures
d’Activine/Nodal, le télencéphale et les yeux sont remplacés par des territoires correspondant au cerveau postérieur (Figure 5 F-G). Ainsi, en fonction de la dose
d'Activine/Nodal injectée, les cellules du pôle animal
sont capables d’engendrer une gamme de structures
récapitulant les éléments formés le long de l'axe margino-animal chez l'embryon sauvage. Une forte stimulation conduit à la formation de structures dérivant de la
région marginale (Figure 5D-E) alors que des doses plus
faibles conduisent à la formation, dans la partie la plus
antérieure de l'embryon, de structures neurales normalement produites dans des régions plus postérieures
(Figure 5F-G). Ceci démontre que le pôle animal ne
SYNTHÈSE
territoires les plus marginaux (endoderme et mésoderme
céphalique) sont induites pour les plus fortes valeurs de
signalisation alors que les structures dérivant du pôle
animal se développent en l’absence de stimulation,
chaque territoire intermédiaire étant déterminé en fonction du niveau de stimulation des cellules par la voie de
signalisation Activine/Nodal (Figure 4D).
Figure 6. Modèle de régulation
et d’interaction entre les voies
de signalisation responsables
FGFR
FGF8
de l'axogenèse D/V et de
l'axogenèse A/P. L'établisActivine
sement de l'axe D/V dépend
cyclops (ZNR1)
squint (ZNR2)
de l'activité morphogénique
des BMP dont l'activité est
BMP2
BMP4
contrôlée au niveau de leur
BMP7
trancription par le FGF8 ainsi
que pour leur liaison à leur
récepteur par Chordin et
Noggin. La fixation du ligand
Chordin
Antivin
BMP sur son récepteur va stiActivine/Nodal
BMP2 / 7
muler la voie de signalisation
aval via la phosphorylation
Noggin
des protéines Smad1 et
ActR
BMPR
type I
Smad5. L'établissement de
ActR
BMPR
type I
Type II
l'axe A/P dépend de l'activité
type II
Cellule cible
morphogénique des facteurs
Activine / Nodal, dont l'actiSmad 4
Smad 1
Smad 2
vité est modulée par un inhiSmad 5
Smad 3
biteur compétitif, Antivin, qui
empêche l'activation de leur
Gènes ventraux
Gènes mésodermiques
récepteur. Lorsque le com(épiderme, sang)
Gènes endodermiques
plexe récepteur de type II /
récepteur de type I est formé,
ceci stimule la voie de signalisation aval via la phosphorylation des protéines Smad2 et Smad3. Il existe une interaction entre ces deux voies de signalisation par l'intermédiaire de Smad4 qui forme un complexe actif par hétérodimérisation avec les protéines Smad1 et Smad5 (qui sont les protéines
smad activées par la voie des BMP) ou avec les protéines Smad2 et Smad3 (qui sont les protéines activées par la voie des Activine et Nodal).
ÉTABLISSEMENT DE
L’AXE DORSO-VENTRAL
M/S n°21, vol. 18, février 2002
ÉTABLISSEMENT DE L’AXE ANTÉRO-POSTÉRIEUR
201
répond pas normalement à la voie de signalisation
Activine / Nodal, mais peut être respécifié si on ajoute
ces facteurs localement.
Conclusions et perspectives
Ainsi, au stade blastula, une cellule donnée est définie
selon un système de coordonnées perpendiculaires : la
longitude (l’axe D/V) et la latitude (l’axe margino-animal ou A/P). Ces coordonnées sont définies via deux
gradients d’activité de molécules sécrétées appartenant à la superfamille des TGFβ : les BMP (pour l’axe
D/V) et les facteurs Activine/Nodal pour l’axe A/P. La
modulation fine et spécifique de ces voies de signalisation par différents inhibiteurs est à l’origine de l’établissement graduel et ordonné des différents types cellulaires, première étape vers la formation d’un embryon.
L'étape suivante de l'étude va consister en l'analyse de
l'interaction entre ces deux voies de signalisation. Nous
savons, grâce à des études réalisées chez le xénope, que
certains éléments de la cascade de transduction du
signal sont communs aux deux voies BMP et
Activine/Nodal [43]. C'est en particulier le cas pour
Smad4 qui forme un complexe actif par hétérodimérisation avec les protéines Smad1 et Smad5 (qui sont les
protéines Smad activées par la voie des BMP) ou avec les
protéines Smad2 et Smad3 (qui sont les protéines Smad
activées par la voie des Activine et Nodal). Un résumé
des mécanismes de régulation et d'interactions entre
ces voies est présenté en Figure 6.
Dans un deuxième temps, il s'agira d'analyser au niveau
moléculaire la réponse des cellules à la stimulation par
ces deux voies de signalisation. Ceci permettra de comprendre comment l'information spatiale reçue par ces
cellules se traduit en un devenir tissulaire spécifique.
Enfin, ces études devront être élargies à l'analyse de
l'interaction entre la signalisation par les molécules de
la famille des TGFβ avec d’autres voies de signalisation,
comme les Wnt et l'acide rétinoïque. Ces molécules sont
impliquées dans différents processus développementaux importants. La voie de signalisation Wnt en particulier paraît impliquée dans l’induction céphalique et
dans certains aspects du contrôle du patron antéropostérieur de l’embryon [44-49]. La surexpression de la
voie de signalisation de Wnt8 conduit à la délétion du
cerveau antérieur [44] alors que son inhibition par
injection de formes dominantes négative ou d’inhibiteurs spécifiques conduit à une antériorisation du neurectoderme telle que toute la plaque neurale exprime
des marqueurs spécifiques du cerveau antérieur [49]. La
voie des rétinoïdes, quant à elle, est impliquée entre
autres dans la formation du profil antéro-postérieur du
202
M/S n°21, vol. 18, février 2002
système nerveux central plus particulièrement dans le
cerveau postérieur (pour revue, voir [50, 51-53]). Ces
deux voies de signalisation font appel à des facteurs
sécrétés qui contrôlent certains aspects de la mise en
place du patron antéro-postérieur de la plaque neurale.
Leurs effets sur l’axogenèse antéro-postérieure sont
plus restreints que ceux des TGFβ, ce qui suggère
qu’elles agissent en aval des TGFβ au cours du développement embryonnaire précoce pour moduler l’activité
des signaux primaires. Les études en cours et futures
tenteront de placer ces différentes voies les unes par
rapport aux autres résultant en un développement harmonieux de l’embryon. ◊
SUMMARY
Establishment of the embryonic axes during the zebrafish embryogenesis
The definition of embryonic axes during zebrafish
embryogenesis occurs during blastula stage. At this
stage the embryo consits of a single cell layer on top of
the yolk. During this stage, cells which are initially identical progressively acquire their own identity which
depends on their spatial (dorso-ventral and anteroposterior) coordinates into the embryo. These coordinates are established as the result of two gradients of
activity of secreted molecules belonging to the TGFβ
superfamily: the bone morphogenetic proteins (BMPs,
for the D/V axis) and the Activin and Nodal factors (for
the A/P axis). The activity of these molecules is tightly
regulated by other secreted factors acting as specific
inhibitors. The activity of BMPs is controlled at 2 different levels. First their expression pattern is regulated by
members of the FGF family (in particular by FGF8).
Second BMPs activity is controlled by factors such as
Noggin and Chordin which directly bind to BMPs preventing them to stimulate their cognate receptor. For the
A/P axis, activity of Activin and Nodal is regulated by
another member of the TGFβ superfamily (Antivin) which
acts as a competitive inhibitor at the level of the binding
of Activin/Nodal on their specific receptor.◊
Mouvement conduisant au recouvrement
de la réserve vitelline par les cellules
embryonnaires situées au pôle animal.
Glande d’éclosion Partie la plus antérieure du mésoderme
axial qui sécrète des protéases nécessaires à la dégradation du chorion et
permettant l’éclosion.
Pôle animal
Partie la plus antérieure de l’embryon
(tête).
Pôle végétal
Pôle situé à l’opposé du pôle animal
(tissus postérieurs).
Réserve vitelline Jaune de l’œuf.
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