M/S n°21, vol. 18, février 2002
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BMP, les empêchant ainsi de se fixer et de stimuler leurs
récepteurs spécifiques (pour revue voir [5, 15, 16]). Un
gène chordin a été caractérisé chez le poisson zèbre et
le mutant de ce gène conduit à un phénotype de ventra-
lisation, résultant de la perte de son activité antago-
niste des BMP [17]. Par une approche biochimique, il a
été montré qu’une métalloprotéase, Tolloid, ou son
homologue, Xolloid, chez le xénope, contrôle négative-
ment l’activité de Chordin par clivage, restaurant ainsi
l’activité BMP [18, 19]. Chez le poisson zèbre, les
mutants de tolloid conduisent à des phénotypes de dor-
salisation qui résultent de l'augmentation d'activité de
Chordin et donc de la diminution de l'activité des BMP
[20].
Alors qu’une seule copie de noggin et follistatin a été
isolée dans différentes espèces [12, 14], chez le pois-
son zèbre trois gènes noggin ont été caractérisés [21,
22] ainsi que deux gènes follistatin. L’un de ces gènes,
noggin1, est exprimé comme le gène noggin de xénope à
la marge dorsale de l’embryon, dès le stade blastula.
Comme dans d’autres espèces, la surexpression de nog-
gin1 inhibe l’activité des BMP. En ce qui concerne les
gènes follistatin, leur surexpression entraîne une inac-
tivation des BMP. Cependant, ces gènes s'expriment trop
tard au cours du développement du poisson zèbre pour
jouer un rôle dans l'établissement de l'axe D/V.
Enfin, par une analyse génétique, une mutation ogon a
été isolée et code pour un nouveau gène qui possède des
propriétés inhibitrices de l'activité des BMP [23].
La régulation de l'activité morphogénique des BMP ne se
limite pas à l'interaction avec des facteurs inhibiteurs
sécrétés par les régions dorsales de l'embryon de pois-
son zèbre, tels que chordin, noggin1 ou ogon. En effet,
un autre niveau de contrôle de l'activité de ces gènes a
été mis en évidence, situé au niveau du contrôle de leur
expression. Les gènes BMP (BMP2b et BMP7) sont initia-
lement exprimés dans toutes les cellules de la blastula,
puis les transcrits disparaissent progressivement des
territoires dorsaux. Le contrôle de cette expression est
effectué par les FGF et en particulier par le FGF8 [24]. Ce
facteur fibroblastique de croissance avait été précé-
demment décrit dans d'autres espèces comme une
molécule signal impliquée dans la croissance du bour-
geon de membre [25] ainsi que dans le développement
du cerveau moyen [26]. Chez le poisson zèbre, ce gène
est exprimé très précocement à la marge de la blastula
puis sous la forme d'un gradient dorso-ventral dans la
région marginale de la gastrula, ce qui suggère qu’il
puisse être impliqué dans l'axogenèse D/V. De fait, l'ex-
pression ectopique du FGF8 induit une gamme de
Figure 3. Manipulations de l'axe D/V via le contrôle de l'activité morphogénique des BMP. A. Section d'un embryon suivant l'axe D/V au stade gas-
trula permettant de mettre en évidence l'organisation des tissus mésodermiques et ectodermiques le long de cet axe. On peut ainsi distinguer les
territoires dorsaux (D, en rouge) comprenant la notochorde dans le feuillet mésodermique, la plaque basale du tube neural et les neurones moteurs
dans l'ectoderme ; les territoires dorsaux latéraux (DL, en jaune) comprenant les muscles pour le mésoderme, les inter-neurones pour l'ectoder-
me ; les territoires ventraux latéraux (VL, en bleu) comprenant le pronéphros pour le mésoderme ; les neurones dorsaux et les crêtes neurales pour
l'ectoderme ; les territoires ventraux (V, en rose) comprenant le sang pour le mésoderme et l'épiderme pour le feuillet ectodermique. Le croissant
vert représente le gradient d'expression du FGF8 au stade gastrula. On peut définir les différents territoires le long de l'axe D/V en fonction d'une
valeur de position dorsale. Selon ce modèle, les différents territoires sont formés en réponse à la valeur de position dorsale que mesure chaque cel-
lule le long de l'axe D/V. L'information positionnelle dorsale, nulle sur la face ventrale de l'embryon et maximale sur la face dorsale (courbe rouge)
représente la résultante de l'interaction entre les BMP ventralement et leurs inhibiteurs dorsaux. En fonction de la valeur de cette information de
position, les cellules vont adopter un sort ventral (rose), ventro-latéral (bleu), dorso-latéral (jaune) ou dorsal (rouge). La pertinence de ce modè-
le est illustrée par l'étude de l'inhibition de l'expression des BMP par le FGF8 dans des expériences de surexpression. La surface verte sur ce graphe
correspond à la contribution du FGF8 à l'établissement de l'axe D/V (fondé sur son territoire d'expression dorsal et dorso-latéral, ainsi que sur son
activité biologique : capable d'induire des structures dorso-latérales mais incapables d'induire les sorts les plus dorsaux). B. Lorsque l'embryon
est saturé en FGF8 (injection d'ARN sens au stade une cellule), l'expression des BMP est réprimée dans tout l'embryon et en conséquence toutes les
cellules adoptent un sort dorso-latéral caractérisé par la circularisation du territoire musculaire (embryon du haut) ou des rhombomères (Rhomb)
du cerveau postérieur (embryon du bas). Ce phénotype est identique au phénotype de perte de fonction des BMP présenté en figure 2B. En pareil
cas, la courbe de l'information positionnelle (rouge) est déplacée vers les valeurs correspondant aux territoires dorso-latéraux pour toutes les cel-
lules à l'exception de celles des territoires dorsaux endogènes. C. Lorsque le clone sécrétant le FGF8 est en position latérale on observe un élargis-
sement des territoires dorso-latéraux tant dans le mésoderme (élargissement unilatéral des sillons somitiques) que dans l'ectoderme (élargisse-
ment unilatéral de la plaque neurale bordée par les cellules des crêtes neurales ; augmentation unilatérale du nombre d'inter-neurones).
D. Lorsque le clone est en position ventrale, il conduit à la formation d'un axe secondaire partiellement défectif comprenant les territoires dorso-
latéraux mais pas les territoires dorsaux (notochorde et partie ventrale du tube neural). L'embryon du haut est photographié sous ses deux faces,
dorsale (axe endogène) et ventrale (axe induit). Les mêmes résultats peuvent être observés en inhibant l'activité des BMP par la surexpression
d'autres facteurs inhibiteurs qui tels Noggin et Chordin agissent en fixant les BMP les empêchant ainsi de stimuler leur récepteur spécifique.