revue
Virologie 2011, 15 (2) : 87-99
Les interactions complexes entre le virus
de l’immunodéficience humaine
et les macrophages
Anna Bergamaschi
Annie David
Gianfranco Pancino
Institut Pasteur, unité de régulation des
infections rétrovirales, 25, rue du
Docteur-Roux, 75015 Paris, France
<gianfranco.pancino@pasteur.fr>
Résumé. Les macrophages sont des cellules du système immunitaire qui consti-
tuent, avec les lymphocytes T, des cibles majeures du virus de l’immunodéficience
humaine (VIH), l’agent pathogène responsable du sida. Les macrophages jouent
un rôle crucial dans la pathogénèse de l’infection, depuis l’entrée du virus dans
les muqueuses jusqu’à sa propagation dans les différents tissus, notamment dans
le système nerveux central, et contribuent à la formation des réservoirs viraux.
La réplication du VIH dans les macrophages présente des aspects communs avec
celle dans les lymphocytes, mais aussi des différences, et implique un grand
nombre d’interactions entre les protéines virales et des facteurs cellulaires néces-
saires à chaque étape du cycle viral. En revanche, plusieurs protéines cellulaires
agissent comme des facteurs de restriction pour le virus, en inhibant différentes
phases de sa réplication. Dans cette revue, nous faisons un bilan des connais-
sances actuelles sur le cycle réplicatif du VIH dans les macrophages et nous
décrivons le rôle clé de certains facteurs cellulaires impliqués dans le contrôle de
la réplication du virus spécifiquement dans ces cellules.
Mots clés : VIH, macrophages, cycle réplicatif, facteurs cellulaires, sida
Abstract. Macrophages are cells of the immune system that, with T lymphocytes,
are major target for HIV, the pathogen responsible for AIDS. Macrophages play
a relevant role in the pathogenesis of the infection, from the entry of the virus
through the mucosa to its spreading in body tissues, especially the central nervous
system, and contribute to the formation of viral reservoirs. The replication of HIV
in macrophages presents similarities but also some differences compared to that
in lymphocytes, and requires a number of interactions between viral and host
proteins essential for each step of the viral cycle. Nevertheless, many cellular
proteins act as restriction factors against the virus, inhibiting different phases
of its replication. In this review, we summarise the up-to-date knowledge of the
replication cycle of HIV in macrophages and we describe the key role of certain
cellular factors implicated in the control of its replication specifically in these
cells.
Key words: HIV, macrophages, replication cycle, cellular factors, AIDS
Introduction
Les macrophages contribuent à la réponse immune aux
agents pathogènes et jouent un rôle fondamental dans le
contrôle des infections, en éliminant directement les patho-
gènes et en secrétant des cytokines capables d’inhiber
leur réplication et d’activer la réponse immune innée et
Tirés à part : G. Pancino
adaptative. Toutefois, les macrophages sont permissifs à
l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine
(VIH), notamment par le VIH-1 qui est responsable de la
pandémie mondiale du sida, et ils ont un rôle majeur dans la
dissémination et la persistance de ce virus. Ces cellules, pré-
sentes aux sites d’infection, sont une des premières cibles
des variants infectieux du VIH-1 qui sont majoritairement
macrophage-tropiques (virus R5, utilisant le récepteur aux
chimiokines CCR5 pour l’infection). Le cycle de réplication
du VIH-1 dans les macrophages présente des différences
doi:10.1684/vir.2011.0400
Virologie, Vol 15, n2, mars-avril 2011 87
Pour citer cet article : Bergamaschi A, David A, Pancino G. Les interactions complexes entre le virus de l’immunodéficience humaine et les macrophages. Virologie 2011; 15(2) : 87-99
doi:10.1684/vir.2011.0400
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importantes par rapport à celui ayant lieu dans les lympho-
cytes T CD4+, qui sont l’autre cible majeure du VIH-1,
depuis l’entrée du virus jusqu’à son assemblage et sa sortie
(voir ci-dessous). Contrairement aux lymphocytes T CD4+,
les macrophages infectés sont particulièrement résistants
aux effets cytotoxiques du virus et accumulent de grandes
quantités de virus sans être détruits. Ainsi, les macro-
phages servent de sanctuaire au virus, en lui permettant
d’échapper à l’immunosurveillance, et sont des vecteurs
pour l’infection des cellules environnantes. Pendant les pre-
mières phases de l’infection, les monocytes circulants et les
macrophages situés dans les tissus contribuent à la dissé-
mination du virus, notamment dans des organes comme
le cerveau, et à l’établissement des réservoirs viraux. Au
cours des phases tardives, les macrophages peuvent sup-
porter un fort niveau de réplication du VIH-1, surtout dans
les phases symptomatiques du sida alors que le nombre
de lymphocytes T CD4+est sévèrement diminué, et que les
infections opportunistes s’installent. La latence du VIH-1 et
la persistance des réservoirs viraux sont à présent l’obstacle
majeur à l’éradication de l’infection. La compréhension des
mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans les
relations VIH-macrophages est donc fondamentale pour le
développement de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Cette revue résume les connaissances sur l’infection des
macrophages par le VIH-1 en ciblant particulièrement les
interactions virus/cellule au cours du cycle de réplication
virale.
L’infection des monocytes
et macrophages par le VIH-1
Les monocytes, qui représentent5à10%descellules
mononuclées circulantes, dérivent de précurseurs myé-
loïdes dans la moelle osseuse. Après avoir circulé pendant
quelques jours, les monocytes migrent dans les différents
tissus et se différencient en macrophages tissulaires matures
[1]. Les macrophages tissulaires présentent une grande
variabilité phénotypique, ce qui a donné lieu à diverses
nomenclatures, par exemple, les cellules microgliales dans
le cerveau, les macrophages alvéolaires dans le poumon et
les cellules de Kupffer dans le foie. Bien que les mono-
cytes non différenciés se montrent résistants à l’infection
par le VIH in vitro, de l’ADN viral a été détecté dans les
monocytes circulants des patients infectés [2]. Plusieurs
indices sont en faveur d’une réplication active du VIH-1
dans les monocytes in vivo : la détection d’ARNm viraux
et de formes nucléaires non intégrées du VIH-1, considérés
comme des marqueurs de réplication récente, l’isolement de
virus réplicatifs à partir de monocytes de patients, y compris
de patients sous thérapie antirétrovirale (ARV), et des signes
de l’évolution des séquences virales dans les compartiments
monocytaires [3-5]. Il est par conséquent probable que les
monocytes puissent s’infecter dans la circulation sanguine,
ou, au stade de précurseurs, dans la moelle osseuse dans un
contexte d’activation immunitaire, suite à une exposition à
des stimuli favorisant l’infection [6] (figure 1). Dans le sang,
les monocytes sont sensibles aux stimulations de la part
d’une grande variété de cytokines qui modifient leur phé-
notype, leur fonction et l’expression de certains marqueurs
de surface comme le CD14 et le CD16. En particulier, chez
les sujets infectés par le VIH, une population de monocytes
qui expriment de forts niveaux de CD16 (le récepteur pour
les immunoglobulines G RFcIIIA) est amplifiée, jusqu’à
40 % des monocytes totaux par rapport à 10 % chez les
sujets sains [7]. Cette population de monocytes CD16+,
qui sécrète des cytokines pro inflammatoires, et présente
un profil transcriptionnel plus proche de celui des macro-
phages et des cellules dendritiques (DC) que la population
de monocytes CD16-, est sensible à l’infection par le VIH-1
in vivo et in vitro [8, 9]. Cette susceptibilité de la popula-
tion CD16+pourrait être expliquée en partie par une forte
expression du corécepteur CCR5 et par son profil « pro-
inflammatoire ».
Les macrophages peuvent présenter des polarisations
phénotypiques différentes selon leurs fonctions et loca-
lisation tissulaire (encadré 1). L’hétérogénéité en termes
de morphologie, phénotype et fonction des macrophages
tissulaires dépend probablement du microenvironnement
spécifique de chaque tissu et, au cours de l’infection, des
conditions inflammatoires.
Une fois que les monocytes infectés s’infiltrent dans les
tissus, la réplication virale peut être réactivée lors de la
différenciation en macrophages et conduire à une forte
production de virus. Les macrophages peuvent également
s’infecter au sein des tissus par contact avec le virus ou
avec des cellules infectées, aussi bien comme macrophages
tissulaires résidents que lors d’une migration vers une zone
d’inflammation (figure 1). La permissivité des macrophages
à l’infection par le VIH varie beaucoup selon leur locali-
sation tissulaire. Les différents contextes cytokiniques et
d’autres facteurs peuvent être à la base de la différence
de susceptibilité des macrophages du poumon, du cer-
veau, du tractus gastro-intestinal et génital. Des travaux ont
montré que des macrophages sous-épithéliaux purifiés à
partir des muqueuses cervicale et vaginale sont permissifs
à l’infection par les souches R5 du VIH, ce qui suggère
que ces cellules pourraient représenter une cible préfé-
rentielle du virus dans le tractus génital féminin [17]. En
revanche, les macrophages intestinaux du jéjunum ne sont
pas sensibles à l’infection par le VIH [17]. La raison de
cette différence peut être liée à la très faible expression du
récepteur CD4 et du corécepteur CCR5 à la surface des
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revue
Organes
lymphoides
secondaires
Cerveau
Poumons
Microglia
Mφ des tissus
lymphoides
Mφ alvéolaires
?
Monocyte
Mφ muqueux
Mφ muqueux
CD16+
Pré
-monocyte
Moelle
osseuse
Intestin
Muqueuse
vaginale
Figure 1. Modèle d’infection de monocytes et macrophages et dissémination dans les tissus.
La présence dans la circulation sanguine de monocytes infectés a été détectée. Toutefois on ne sait pas où et comment les monocytes, qui
sont résistants à l’infection in vitro, sont infectés. Les précurseurs des monocytes dans la moelle osseuse pourraient être infectés par le VIH-
1 avant de passer dans la circulation ou être infectés dans le sang. La population de monocytes CD16+est particulièrement susceptible
au VIH-1 et possède une grande capacité de migrer vers la périphérie et joue probablement un rôle important dans la dissémination
du virus au cerveau et à d’autres organes. Lors de leur migration dans les tissus, les monocytes, infectés ou non, se différencient en
macrophages. Les populations de macrophages sont hétérogènes et différentes selon la localisation tissulaire, elles constituent par exemple
les cellules microgliales dans le cerveau, les macrophages alvéolaires dans les poumons ou muqueux dans l’intestin ou le vagin. Dans
les compartiments périphériques et dans les organes lymphoïdes secondaires les macrophages peuvent être infectés après exposition
au virus ou contact avec des cellules infectées. Plusieurs stimuli endogènes ou exogènes (cytokines, chimiokines, parasites) modulent la
réplication du VIH-1 dans les monocytes et les macrophages et contribuent à déterminer la latence ou la réplication active du virus.
macrophages intestinaux, associée à un microenvironne-
ment cytokinique riche en IL-10 et transforming growth
factor (TGF-) et à la présence de fortes concentrations de
lipopolysaccharides (LPS) bactériens [17, 18], ce qui pour-
rait limiter l’entrée virale. Toutefois, la susceptibilité des
macrophages du tractus intestinal à l’infection peut varier
selon leur localisation (dans le jéjunum, dans le colon ou
dans le rectum), et selon les niveaux d’inflammation locale
[19].
Les principaux types cellulaires infectés dans le système
nerveux central (SNC) sont les macrophages périvascu-
laires et les cellules microgliales [20-22]. Toutefois, même
si l’entrée du VIH dans le cerveau a lieu précocement
pendant l’infection aiguë, l’ARN viral y est presque indé-
tectable pendant les phases asymptomatiques de la maladie.
Cela suggère un contrôle rapide et efficace de l’infection
virale dans le SNC qui rendrait l’infection des cellules
microgliales latente au cours de la phase asymptomatique
du sida. De la même fac¸on, dans les macrophages alvéo-
laires, qui représentent la principale population cellulaire
infectée par le VIH dans les poumons, les niveaux d’ARN
viral sont très faibles ou indétectables [23]. Dans ce tissu
aussi on observe donc un contrôle rapide de l’infection
productive [24]. Néanmoins, la réplication virale dans ces
cellules peut être réactivée par une stimulation in vitro
avec le granulocyte-macrophage colony stimulating factor
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revue
Encadré 1
Macrophages, polarisation et infection
Au cours de la réponse immunitaire aux pathogènes, les macrophages sont dirigés vers différentes formes
d’activation par l’environnement cytokinique et par les signaux microbiens. Notamment, l’interféron (IFN)et
l’interleukine 4 (IL-4) activent différents programmes fonctionnels qui induisent un profil M1 (classique) ou M2
(alternatif) respectivement [10]. Les macrophages polarisés M1 sont impliqués dans la résistance aux pathogènes
intracellulaires, la destruction des tissus endommagés et la résistance aux tumeurs. Au contraire, les macrophages
M2 (qui comprennent un large éventail de cellules avec des caractéristiques précises et nommées M2a, M2b, M2c)
sont généralement impliqués dans la réparation et le remodelage des tissus, dans la résistance aux microbes, dans
l’immunorégulation et favorisent l’angiogénèse et l’infiltration des tumeurs. Il a été suggéré que, en conditions nor-
males, en raison des niveaux élevés de macrophage colony stimulating factor (M-CSF) dans le plasma, les monocytes
circulants sont prédisposés à un phénotype M2, et destinés à la réparation des tissus [11]. Cette deuxième classe de
macrophages, localisés surtout dans les sites d’entrée des pathogènes, possède une grande activité antibactérienne
mais produit de faibles niveaux de cytokines pro-inflammatoires, afin de limiter une inutile sur-stimulation du système
immunitaire. La demi-vie de ces cellules est généralement longue : quelques semaines pour les macrophages intesti-
naux, plusieurs mois pour les macrophages alvéolaires et des années pour les cellules microgliales. Au contraire, les
macrophages M1 qui sont recrutés au site d’inflammation en phase aiguë stimulent très fortement le processus inflam-
matoire et sont ensuite rapidement éliminés [12]. Les mécanismes moléculaires à la base des différents programmes
de maturation des macrophages sont jusqu’à présent inconnus. Des études récentes suggèrent que l’activation de
certaines voies de signalisation, telles celles des récepteurs Toll-like (ou TLR), des phosphatases SHIP, ainsi que le
remodelage de la chromatine, pourraient jouer un rôle important dans la polarisation [13, 14].
L’hétérogénéité des phénotypes dérivés de la polarisation des macrophages peut influencer fortement la permissivité
au virus et l’efficacité de la réplication virale chez les sujets infectés. In vivo, le VIH-1, comme d’autres virus, induit une
polarisation des macrophages de type M1, en facilitant ainsi la production des cytokines qui favorisent la réplication
du virus et le dommage tissulaire. Toutefois, in vitro, la polarisation induite par certaines cytokines avant l’infection
semble diminuer fortement la réplication du virus. Notamment, la stimulation par IFNet TNF(tumor necrosis factor
) induit un phénotype M1 associé à une forte diminution de l’expression du récepteur CD4, une sécrétion importante
des ligands du CCR5, un blocage du cycle réplicatif du virus dans les phases pré-intégratives et une diminution de
la synthèse d’ADN viral [15]. Au contraire, la stimulation par IL-4 promeut une polarisation M2a associée à une
suppression prolongée de la réplication virale, probablement due à un blocage post-transcriptionnel [12]. De plus, des
études récentes suggèrent que la polarisation des macrophages pourrait être un phénomène réversible et transitoire,
dépendant de l’environnement cytokinique [12, 16]. Cela pourrait expliquer pourquoi les macrophages infectés au
niveau des tissus, et normalement résistants aux effets cytotoxiques du virus, traversent des phases alternées de latence
et de production virale très efficace.
(GM-CSF), le TNFet remarquablement par Mycobacte-
rium tuberculosis et ses composants [25]. Les coinfections
opportunistes induisent également de très hauts niveaux de
réplication du VIH-1 dans les macrophages alvéolaires chez
les patients VIH-1 [26]. Divers mécanismes concourent
probablement au contrôle rapide de la réplication du VIH-1
dans les macrophages pulmonaires et du système nerveux
central. Un mécanisme potentiel a été proposé récemment
et a été corroboré par le modèle d’infection du Macaque
Rhésus par le virus de l’immunodéficience simien (SIV).
L’infection aiguë par le VIH et le SIV induit une forte
production d’interféron (IFN) dans ces tissus. L’IFN
inhibe la réplication du VIH-1 à différentes étapes. En
particulier, l’IFNinduit l’expression de l’isoforme inhibi-
trice du facteur de transcription C/EBP(CCAAT enhancer
binding protein ), une protéine de 16 kDa qui supprime
la transcription des gènes viraux à partir du promoteur
LTR (long terminal repeat) (voir ci-dessous) [27]. Dans les
phases avancées de l’infection, des infections opportunistes
et l’environnement inflammatoire qui les accompagne sup-
prime l’expression de la forme inhibitrice de C/EBP,
induit la forme activatrice de C/EBPet réactive la réplica-
tion virale [28]. L’inflammation au niveau intestinal chez
les macaques infectés par SIV a aussi été associée à une
forte expression de l’isoforme activatrice de C/EBPdans
les macrophages de la muqueuse du colon et du jéjunum,
ce qui pourrait donc contribuer à la réplication du virus
dans ces cellules [19]. D’autres mécanismes de régulation
transcriptionelle ou post-transcriptionnelle de la réplication
du VIH dans les macrophages, telle que l’inhibition de la
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production virale causée par l’uPA (urokinase-type plasmi-
nogen activator) pourraient contribuer à la latence du VIH-1
dans le cerveau (voir ci-dessous). La perte du contrôle de
la réplication du VIH-1 dans le système nerveux central
a été corrélée avec la dérégulation du système uPA et de
son récepteur uPAR [29]. Celui ci est exprimé à la sur-
face des lymphocytes T, des monocytes et des macrophages,
et régule des fonctions comme l’adhésion, la prolifération
et l’activation cellulaire. Les concentrations de la forme
soluble de uPAR (suPAR) dans le liquide cérébrospinal sont
corrélées avec les niveaux d’ARN du VIH-1 et les concen-
trations de suPAR, uPA et de complexes suPAR/uPA sont
plus élevées chez des patients présentant une démence asso-
ciée au sida ou des infections opportunistes du SNC, que
chez des patients asymptomatiques [29, 30].
Le cycle réplicatif du VIH-1
dans les macrophages
Le cycle réplicatif du VIH dans les macrophages a été étudié
essentiellement dans des lignées monocytaires et dans des
macrophages dérivés des monocytes (MDM) (encadré 2).
La permissivité des MDM à l’infection peut varier selon les
conditions expérimentales, et notamment selon la méthode
de préparation et de culture des macrophages. En outre, on
observe une grande variabilité dans les niveaux de répli-
cation dans les MDM selon les individus, et cela a été
attribué à des facteurs génétiques de l’hôte [31]. Malgré
ces limites, une grande quantité de données expérimen-
tales montre que le cycle de réplication du VIH-1 dans
les macrophages présente des différences par rapport à
celui dans les lymphocytes T CD4+(figure 2). L’infection
des macrophages par certaines souches de VIH-1 lympho-
tropiques (ou X4), qui utilisent le corécepteur CXCR4,
est moins efficace que l’infection par des souches R5.
Les résultats peuvent néanmoins varier selon l’isolat pri-
maire ou la souche utilisés (primaire ou de laboratoire)
[32]. Bien que certaines études aient suggéré qu’une petite
fraction de MDM puisse proliférer, les macrophages en
culture, contrairement aux lymphocytes, ne se divisent pas
et le transport nucléaire des complexes de pré-intégration
(PIC) a lieu par un transport actif à travers une mem-
brane nucléaire intacte [33, 34]. Après l’intégration de
l’ADN viral dans le génome de l’hôte, certains facteurs
cellulaires nécessaires pour la transcription des gènes du
VIH-1, comme par exemple C/EBPet AP1 sont essentiels
dans les macrophages mais pas dans les cellules T [35].
Enfin, dans les macrophages, l’assemblage et le bourgeon-
nement de nouvelles particules virales s’effectuent dans
des compartiments vésiculaires plutôt qu’à la membrane
cellulaire comme dans les lymphocytes [36] (figure 3).
Encadré 2
Méthodes de préparation des macrophages
humains
Il existe différentes méthodes de préparation des
macrophages humains à partir de prélèvements san-
guins.
Les cellules mononuclées du sang (PBMC) sont iso-
lées, soit selon leur densité par centrifugation en
gradient de densité, soit selon leur taille par élutriation,
c’est-à-dire par une centrifugation à contre courant.
À partir de ces cellules mononuclées les monocytes
peuvent être isolés de deux fac¸ons :
grâce à leur propriété d’adhérence au plastique, les
PBMC sont alors incubés dans des flacons de culture
pendant 1 heure à 37 C puis lavés afin d’éliminer
toutes les cellules non adhérentes ;
par sélection positive des cellules exprimant le mar-
queur CD14 à leur surface, les PBMC sont alors
incubés avec des billes magnétiques couplées à un
anticorps anti CD14, puis la suspension cellulaire est
éluée devant un aimant afin d’éliminer les cellules non
marquées.
La différenciation des monocytes en macrophages est
réalisée par une culture de sept à dix jours soit en pré-
sence de sérum humain soit en présence des cytokines
GM-CSF, M-CSF ou un mélange des deux.
Actuellement il n’y a pas eu d’études systématiques
sur les différences phénotypiques et fonctionnelles
entre les populations de macrophages obtenues selon
les différentes méthodes de préparation. Elles pour-
raient toutefois expliquer en partie les différences
dans la susceptibilité à l’infection par le VIH et ses
modulations en réponse aux stimuli observées par des
laboratoires différents.
Étapes pré-intégratives
Entrée
L’entrée du virus dans le macrophage, comme dans les
lymphocytes T, nécessite l’interaction de la glycoprotéine
d’enveloppe gp120 du virus avec la molécule CD4 de
la cellule cible. La gp120 subit un changement confor-
mationnel lui permettant d’interagir avec un corécepteur,
principalement CCR5. La liaison gp120/corécepteur per-
met alors la fusion du virus avec la membrane de la cellule.
Un défaut d’expression du corécepteur CCR5 à la sur-
face des macrophages ainsi que des cellules T, dû à la
mutation homozygote CCR532, bloque l’entrée des virus
R5 et est fortement associé à une réduction importante
de la susceptibilité au VIH [37]. Une forte diminution de
l’expression du CCR5 due à son internalisation est observée
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