revue
importantes par rapport à celui ayant lieu dans les lympho-
cytes T CD4+, qui sont l’autre cible majeure du VIH-1,
depuis l’entrée du virus jusqu’à son assemblage et sa sortie
(voir ci-dessous). Contrairement aux lymphocytes T CD4+,
les macrophages infectés sont particulièrement résistants
aux effets cytotoxiques du virus et accumulent de grandes
quantités de virus sans être détruits. Ainsi, les macro-
phages servent de sanctuaire au virus, en lui permettant
d’échapper à l’immunosurveillance, et sont des vecteurs
pour l’infection des cellules environnantes. Pendant les pre-
mières phases de l’infection, les monocytes circulants et les
macrophages situés dans les tissus contribuent à la dissé-
mination du virus, notamment dans des organes comme
le cerveau, et à l’établissement des réservoirs viraux. Au
cours des phases tardives, les macrophages peuvent sup-
porter un fort niveau de réplication du VIH-1, surtout dans
les phases symptomatiques du sida alors que le nombre
de lymphocytes T CD4+est sévèrement diminué, et que les
infections opportunistes s’installent. La latence du VIH-1 et
la persistance des réservoirs viraux sont à présent l’obstacle
majeur à l’éradication de l’infection. La compréhension des
mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans les
relations VIH-macrophages est donc fondamentale pour le
développement de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Cette revue résume les connaissances sur l’infection des
macrophages par le VIH-1 en ciblant particulièrement les
interactions virus/cellule au cours du cycle de réplication
virale.
L’infection des monocytes
et macrophages par le VIH-1
Les monocytes, qui représentent5à10%descellules
mononuclées circulantes, dérivent de précurseurs myé-
loïdes dans la moelle osseuse. Après avoir circulé pendant
quelques jours, les monocytes migrent dans les différents
tissus et se différencient en macrophages tissulaires matures
[1]. Les macrophages tissulaires présentent une grande
variabilité phénotypique, ce qui a donné lieu à diverses
nomenclatures, par exemple, les cellules microgliales dans
le cerveau, les macrophages alvéolaires dans le poumon et
les cellules de Kupffer dans le foie. Bien que les mono-
cytes non différenciés se montrent résistants à l’infection
par le VIH in vitro, de l’ADN viral a été détecté dans les
monocytes circulants des patients infectés [2]. Plusieurs
indices sont en faveur d’une réplication active du VIH-1
dans les monocytes in vivo : la détection d’ARNm viraux
et de formes nucléaires non intégrées du VIH-1, considérés
comme des marqueurs de réplication récente, l’isolement de
virus réplicatifs à partir de monocytes de patients, y compris
de patients sous thérapie antirétrovirale (ARV), et des signes
de l’évolution des séquences virales dans les compartiments
monocytaires [3-5]. Il est par conséquent probable que les
monocytes puissent s’infecter dans la circulation sanguine,
ou, au stade de précurseurs, dans la moelle osseuse dans un
contexte d’activation immunitaire, suite à une exposition à
des stimuli favorisant l’infection [6] (figure 1). Dans le sang,
les monocytes sont sensibles aux stimulations de la part
d’une grande variété de cytokines qui modifient leur phé-
notype, leur fonction et l’expression de certains marqueurs
de surface comme le CD14 et le CD16. En particulier, chez
les sujets infectés par le VIH, une population de monocytes
qui expriment de forts niveaux de CD16 (le récepteur pour
les immunoglobulines G RFc␥IIIA) est amplifiée, jusqu’à
40 % des monocytes totaux par rapport à 10 % chez les
sujets sains [7]. Cette population de monocytes CD16+,
qui sécrète des cytokines pro inflammatoires, et présente
un profil transcriptionnel plus proche de celui des macro-
phages et des cellules dendritiques (DC) que la population
de monocytes CD16-, est sensible à l’infection par le VIH-1
in vivo et in vitro [8, 9]. Cette susceptibilité de la popula-
tion CD16+pourrait être expliquée en partie par une forte
expression du corécepteur CCR5 et par son profil « pro-
inflammatoire ».
Les macrophages peuvent présenter des polarisations
phénotypiques différentes selon leurs fonctions et loca-
lisation tissulaire (encadré 1). L’hétérogénéité en termes
de morphologie, phénotype et fonction des macrophages
tissulaires dépend probablement du microenvironnement
spécifique de chaque tissu et, au cours de l’infection, des
conditions inflammatoires.
Une fois que les monocytes infectés s’infiltrent dans les
tissus, la réplication virale peut être réactivée lors de la
différenciation en macrophages et conduire à une forte
production de virus. Les macrophages peuvent également
s’infecter au sein des tissus par contact avec le virus ou
avec des cellules infectées, aussi bien comme macrophages
tissulaires résidents que lors d’une migration vers une zone
d’inflammation (figure 1). La permissivité des macrophages
à l’infection par le VIH varie beaucoup selon leur locali-
sation tissulaire. Les différents contextes cytokiniques et
d’autres facteurs peuvent être à la base de la différence
de susceptibilité des macrophages du poumon, du cer-
veau, du tractus gastro-intestinal et génital. Des travaux ont
montré que des macrophages sous-épithéliaux purifiés à
partir des muqueuses cervicale et vaginale sont permissifs
à l’infection par les souches R5 du VIH, ce qui suggère
que ces cellules pourraient représenter une cible préfé-
rentielle du virus dans le tractus génital féminin [17]. En
revanche, les macrophages intestinaux du jéjunum ne sont
pas sensibles à l’infection par le VIH [17]. La raison de
cette différence peut être liée à la très faible expression du
récepteur CD4 et du corécepteur CCR5 à la surface des
88 Virologie, Vol 15, n◦2, mars-avril 2011
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