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de manière plus large, révolution « conservatrice », synonyme de réaction aux Lumières et au 
criticisme de Kant.  
Recentrant l’interprétation du romantisme allemand sur la pensée de Novalis,  nous 
avons, à la différence de J.-M. Schaeffer, suivi ce fil conducteur : la définition novalissienne 
du romantisme comme concept opératoire, comme opération ou technique — « art de ». C’est 
en  effet  Novalis  qui  a  formulé  le  programme  explicite  de  ce  qu’il  nomme  lui-même  la 
« philosophie romantique » dans un fragment célèbre : « Le monde doit être romantisé. C’est 
ainsi que l’on retrouvera le sens originel. Romantiser n’est rien d’autre qu’une potentialisation 
qualitative. » Notre choix de mettre en valeur cet aspect particulier de la pensée de Novalis est 
implicite  dans  le  titre  général  de  notre  thèse  « L’art  de  romantiser  le  monde ».  Ce  choix 
permet  d’opérer  un  déplacement  d’accent  dans  l’approche  de  la  peinture  de  paysage  de 
Friedrich, du contenu de ses œuvres, de leur « quoi », à leur « comment », à la manière dont 
elles se présentent dans leur singularité et leur construction formelle. Si Friedrich est dans 
tous les esprits indissociable des motifs du clair de lune, de la croix, des ruines, des tombes ou 
des célèbres Rückenfiguren (figures peintes de dos), reste que le romantisme est autant une 
approche de la réalité et une méthode de production d’un imaginaire qu’un style identifiable 
par un répertoire de thèmes. Nous tenons ainsi compte des deux aspects à la fois, du contenu 
et de la forme de la représentation. 
Un de nos buts a aussi été de chercher à explorer dans la philosophie romantique de 
l’art  le  thème  à  nos  yeux  négligé  de  la  peinture  comme  art  visuel.  La  référence  à  l’art 
contenue  dans  le  titre  de  cette  thèse  comporte  ainsi  un  double  sens,  notre  travail 
d’interprétation  étant  destiné  à  examiner  si,  et  dans  quelle  mesure,  l’articulation  entre  un 
discours sur l’idée même d’art et un discours sur un art particulier, la peinture, est ici possible. 
Les recherches philosophiques sur le romantisme allemand ont certes mis en lumière le rôle 
central de l’art pour les penseurs romantiques, mais la dimension de l’imaginaire et a fortiori 
le  statut  de  la  peinture  ont  été  relativement  peu  approfondis.  On  ne  compte  plus  les 
couvertures d’études sur le romantisme allemand qui convoquent l’univers de Caspar David 
Friedrich.  Une  façon,  sans  doute,  de  jouer  sur  une  préséance  qui  existerait  déjà  dans 
l’imaginaire du lecteur. Mais si le peintre figure en couverture de ces études, il est ensuite 
généralement absent de leurs analyses. Ce travail vise donc aussi à combler une lacune : il 
met en lumière les idées originales de Novalis sur les arts plastiques en général, et la peinture 
de  paysage  en  particulier,  en  dépit  du  logocentrisme  qui  est  le  sien ;  il  justifie  un 
rapprochement  entre  la  pratique  picturale  de  Friedrich  et  la  définition  novalissienne  du 
romantisme, même si le terme de « romantisation » ou de « potentialisation », fil directeur de