Fenestrelles. Il y a sur des deux routes, et plus particulièrement sur la dernière,
plusieurs positions élevées, et entre autres celle du village de Balbotet, d'où l'on
découvre les plaines du Pô, qu'Annibal montra à son armée, avant de descendre
dans la plaine de Turin.
Quoi qu'il en soit, dès que Scipion eut appris qu'Annibal avait franchi les Alpes, il
envoya deux de ses légions en Espagne avec son frère Cnœus, et ramena lui-
même les deux autres sur sa flotte, en côtoyant le littoral Ligurien depuis
Marseille jusqu'à Pise, où il prit deux autres légions nouvellement levées en
Étrurie par les préteurs Manlius et Attilius, pour marcher en toute hâte avec ces
quatre légions au-devant d'Annibal qui s'avançait de Turin dans le cœur de l'Italie
à marches forcées.
Scipion franchit sans obstacle les Apennins au-dessus de Lucques, et descendit
dans la vallée du Pô vers Plaisance, colonie romaine. Là, après avoir rallié à son
armée plusieurs corps de cavalerie gauloise, il passa le fleuve sur un pont de
bois, et marcha droit à Annibal qui s'avançait rapidement en côtoyant le Pô sur
sa rive gauche. Les deux armées, de force à peu près égalé et de 25 à 30 mille
hommes chacune, se rencontrèrent vers le confluent du Tésin. Scipion avait déjà
passé la rivière vers Pavie sur un pont de radeaux, et Annibal battait toute la
plaine avec sa cavalerie. Les deux généraux, en présence l'un de l'autre, se
formèrent de suite en bataille
1
. Scipion plaça sur le front de ses légions sa
cavalerie gauloise et sur leurs flancs sa cavalerie romaine, et Annibal plaça sur le
front de son infanterie sa cavalerie espagnole et sur ses flancs sa cavalerie
numide. Les cavaliers des deux armées en vinrent bientôt aux mains ; mais,
pendant que la cavalerie espagnole escarmouchait avec la cavalerie gauloise, la
cavalerie numide tourna les légions romaines qui, ayant une rivière à dos, ne
purent la repasser sans se rompre, et qui auraient été exterminées dans la plaine
à l'est du Tésin, vers Pavie, si le général romain ne se fût hâté de repasser le Pô
sur te pont de Plaisance, et de te faire couper après son passage. Quoique
dangereusement blessé dans le combat, et abandonné aussitôt après par la
cavalerie gauloise qui avait passé du camp des Romains dans celui des
Carthaginois, Scipion ne quitta pas le commandement de son armée, et alla
prendre position derrière la Trébia
2
, en se rapprochant des Apennins, pour
conserver ses communications libres avec le littoral de la Ligurie et avec sa
flotte. Annibal le suivit ; et ayant traversé le Pô sur des radeaux, vers Stradella,
au-dessus de Plaisance pour ne pas hasarder le passage en présence de l'armée
rive gauche jusqu'à Valence, vers son confluent avec l'Isère, qu'ensuite il remonta l'Isère
sur sa rive gauche jusque vers Grenoble, puis la Romanche jusqu'au mont Lautaret ; d'où
il s'éleva vers les sources de la Durance par Briançon sur le mont Genèvre, pour
descendre par Sézane et avec la Doira dans la vallée du Pô vers Turin. Cette marche est
celle qui se concilie le mieux avec les historiens anciens et la configuration du terrain. La
route par le mont Genèvre était d'ailleurs lapins fréquentée du temps des Romains :
c'était alors la grande route de l'Italie, et elle le redeviendra un jour, quand on aura
ouvert celle du Lautaret, qui est plus courte et plus facile que la route du mont Cenis.
Mais cette opinion n'est que vraisemblable, et je n'ai pas dû la faire entrer dans le texte,
pour laisser aux savants le champ libre, et le plaisir de disputer entre eux sur un objet
qui n'intéresse au fond que peu les militaires, puisque les opérations des deux armées ne
commencèrent réellement qu'au combat du Tésin.
1
Le combat du Tésin dut se livrer entre le village de Travédo et celui de Limido, vis-à-vis
Pavie.
2
Il paraît qu'il établit son camp entre Plaisance et Niviano, sur la rive droite de la Trébia.