LE RENOUVEAU SYMPHONIQUE EN FRANCE au

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LE RENOUVEAU SYMPHONIQUE EN FRANCE
au XIXe siècle
VI – VERS L'APOGEE (I)
Quelques compositeurs ont été, dans la seconde partie du XIXe siècle, les artisans du
renouveau de l'école française, de la musique symphonique en particulier. Surtout connu
grâce à l'opéra-comique Carmen, Georges BIZET est aussi l'auteur de pages symphoniques
comme la remarquable Symphonie en ut majeur ou la musique de scène pour le drame
d'Alphonse DAUDET l'Arlésienne. Si Emmanuel CHABRIER n'est pas ce qu'il est
convenu d'appeler un « symphoniste », sa rhapsodie España a suffi à lui assurer la
popularité. Édouard LALO avec sa Symphonie espagnole et son ballet Namouna, Camille
SAINT-SAËNS à qui l'on doit des symphonies dont la prestigieuse Symphonie avec orgue,
cinq concertos pour le piano notamment et quatre poèmes symphoniques parmi lesquels la
célèbre Danse macabre ont considérablement enrichi le répertoire symphonique. Ces
musiciens aspirant à produire de la musique « autrement » chercheront à réhabiliter, voir à
acclimater les formes classiques en particulier la symphonie et le concerto dont le public
français n'avait pas été jusqu'à présent particulièrement friand.
Vers 1880, César FRANCK ouvre une autre voie dans laquelle s'engageront ses
disciple formant « l'école franckiste » au premier rang desquels se place Vincent d'INDY.
A l'extrême fin du XIXe siècle et au début du XXe, une pléiade de compositeurs,
parachevant l’œuvre de rénovation entreprise, vont mener l'école française à son apogée
représentée sans conteste par Claude DEBUSSY et Maurice RAVEL. Ces compositeurs sont
des indépendants, ne relevant d'aucune école particulière, même s'il est fréquent de déceler
les influences ayant marqué leur œuvre.
C'est par l'étude de ces compositeurs et de leurs œuvres essentielles que s'achèvera
notre étude sur le renouveau symphonique en France.
On s'étonnera peut-être d'y trouver des lacunes. La réponse est qu'un choix était
nécessaire et, par définition, arbitraire. N'oublions pas non plus que beaucoup de petits
maîtres, naguère adulés, sont tombés dans un oubli total.
Gabriel Fauré et la musique symphonique
Eu égard à sa stature, ne peut faire l'impasse sur Gabriel FAURĖ qui pourtant n'est pas
un symphoniste. Bien qu'on lui doive deux œuvres lyriques dont Pénélope et un superbe
Requiem, FAURĖ est avant tout les compositeur de l'intimité qu'illustrent ses œuvres de
musique de chambre, ses pièces pour piano et ses mélodies. Ses compositions pour
orchestre – œuvres le plus souvent de jeunesse – sont loin d'être négligeables. Elles
consistent en pièces de genre et en musiques des scène.
Formé à l'école privée Niedermeyer sous la houlette de Camille SAINT-SAËNS avec
son condisciple le futur compositeur d'opérettes et surtout remarquable chef d'orchestre
André MESSAGER 1. a d'abord exercé la profession d'organiste (Rennes, Paris SaintSulpice et surtout la Madeleine). Il deviendra professeur au Conservatoire, puis directeur.
1
André MESSAGER a été notamment le créateur de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy
Fauré
Le compositeur au piano
Élégie pour violoncelle et orchestre
D'abord conçue comme un mouvement lent de sonate pour violoncelle et piano,
l’Élégie est ensuite orchestrée pour devenir une pièce de concert .
L'élégie d'origine grecque est une poésie de ton plaintif écrite pour évoquer une
séparation : décès ou rupture amoureuse. Alors que les romantiques cèdent souvent à la
tentation de la sensiblerie, FAURĖ cultive plutôt ici le pathétique, plus sobre, à la manière
d'un BEETHOVEN.
Morceau choisi
FAURE - Elégie
L’œuvre adopte un plan tripartite traditionnel : exposition – développement réexposition
Deux thèmes dont présentés. Le premier est pathétique dans son expression poignante,
soutenu par des accords brefs et détachés. Le second, plus mélodique et plus charmeur,
apporte une impression d'apaisement. Le discours s'anime quelque peu dans le
développement central bref et agité. Seul le premier thème meuble le réexposition avant
de s'estomper peu à peu.
Ballade pour piano et orchestre
Il s'agit dune œuvre pour piano reprise et orchestrée quelques années plus tard. Le
piano y est très présent et donne l'impression d'une improvisation alors que l’œuvre est
parfaitement construite. La structure en 3 mouvements lui confère l'allure d'un concerto en
miniature.
Morceau choisi
FAURĖ - Ballade pour piano et orchestre
Une mélodie d'une grande douceur confiée au piano discrètement accompagné, puis
reprise en canon avec la flûte emplit l'introduction que suit le traditionnel allegro à deux
thèmes très diversifiés créant chacun sa propre atmosphère.
Un rythme berceur agrémenté d'effets de sonorité meuble l'andante que des exégètes
ont rapproché des « Murmures de la forêt de Siegfried de Richard WAGNER. Un
allegro conclut brillamment cette ouvre.
On y reconnaît les qualités habituelles du compositeur : une construction rigoureuse qui
sait s'effacer devant la musicalité du discours, l'originalité des enchaînements
harmoniques et la subtilité des modulations. Quant à l'écriture pianistique, elle met en
lumière la parfaite maîtrise de l'écriture pour l'instrument.
Pelléas et Mélisande
C'est dans le salon de la famille du ténor espagnol Manuel Garcia, père de la célèbre
cantatrice la Malibran que FAURĖ rencontra son autre fille la tout aussi célèbre – quoique
un peu oubliée de nos jours – Pauline VIARDOT. Cette dernière conseille au compositeur se
consacrer plutôt à l'opéra, seul moyen de se faire un nom à cette époque. En attendant de
trouver un librettiste convenable, FAURĖ choisit un moyen terme : la musique de scène.
Solution hasardeuse inhérente au genre : il n'était pas rare que la pièce de théâtre sans avenir
entraîne la partition musicale dans les profondeurs de l'oubli. Quel metteur en scène en effet
voudrait de nos jours sauver le Caligula d'Alexandre Dumas père ou le Shylock
shakespearien (en réalité le Marchand de Venise), mais revu et corrigé par le bien oublié
Edmond Haraucourt, pourtant gloire de l'époque. Heureusement FAURĖ aura le bon goût de
tirer des suites symphoniques du meilleur des partitions.
D'une tout autre qualité est le drames symbolique de Maeterlink : Pelléas et Mélisande
surtout connu grâce au drame lyrique de DEBUSSY.
La pièce parlée n'a guère connu de représentation en France. Aussi est-ce pour les
représentations anglaises dans une traduction appropriée, que le FAURĖ composa sa
musique essentiellement symphonique, à l'exception d'une aria.
Morceau choisi
FAURĖ– Pelléas et Mélisande
Fragments présentés: La Fileuse – Sicilienne
La Fileuse
Sur fond de bourdonnement du rouet, le hautbois expose un thème serein, un peu
mélancolique. Un second thème plus soutenu fait planer un moment l'ombre de la
tragédie qui se joue. Puis avec délicatesse, les deux thèmes sont repris et se répondent.
Sicilienne
Pièce très délicate , aérienne grâce au duo flûte et harpe sur simple bruissement des
cordes.
Masques et bergamasques
Il s'agit d'un divertissement inspiré de la commedia dell'arte, écrit par le très oublié
René Fauchois pourtant auteur de 56 pièces de théâtre et pour lequel Gabriel FAURĖ
compose de la musique de scène. De cette œuvre en 8 tableaux seront extraits 4 pièces
formant une suite symphonique. La plupart d'entre elle proviennent d'un fond d’œuvres de
jeunesse et d'un fond plus tardif jusque-là non exploités. Le présent divertissement se veut
un hommage du XXe siècle aux fêtes galantes du XVIIIe. On pense aussi à Verlaine « Votre
âme est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques... » (Clair de lune
dans les Fêtes galantes.
Morceau choisi
FAURE – Masques et bergamasques
Fragment présenté : Ouverture - Pavane
Ouverture
Elle reprend les esquisses d'un symphonie inaboutie, témoignage de ce qu'écrivait le
très jeune FAURĖ dix ans après la lumineuse Symphonie en ut majeur de BIZET. Un
« Mozart qui aurait connu Fauré » selon les propos d'un contemporain
Pavane
Dernière pièce de la musique de scène (absente de la Suite), elle traîne sa nonchalante
nostalgie et fait souvent l'objet d'exécutions à part. Il existe une version avec chœur
rajouté, sur des vers décadents du comte Robert de Montesquiou qui se croyait poète et
qu'un contemporain avait suggéré de nommer plutôt « comte de Grotesquiou ». De nos
jours, les chefs d'orchestre privilégient la version originale sans la partie chantée.
Paul Dukas et la musique symphonique
Titulaire du 2e Prix de Rome sans avoir jamais pu obtenir le 1 er, Paul DUKAS est un
perfectionniste prompt à détruire toutes les pages qui ne trouvaient pas grâce à ses yeux. De
ce fait, son catalogue ne comprend que 5 ou 6 compositions orchestrales et quelques pièces
pour le piano. A noter que l'auteur s'est largement consacré à l'enseignement et à la critique
musicale, faisant preuve de beaucoup de clairvoyance dans ses analyses
Paul Dukas
Paul Dukas et ses élèves de la classe de composition au Conservatoire de Paris
L'Apprenti sorcier
L’œuvre symphonique comprend 1 ouverture (Polyeucte), 1 symphonie, 1 ballet (La
Péri) et 1 poème symphonique (L'apprenti sorcier)
Cette dernière œuvre en tout point remarquable parvient à concilier la fantaisie
inhérente au genre (le discours musical doit suivre à la lettre l'argument servant de support)
et la rigueur de construction (DUKAS ayant choisi la forme du scherzo très structuré) Le
poème symphonique inventé par LISZT et acclimaté en France par SAINT-SAËNS est
devenu un genre à succès, parfaitement illustré entre autres par FRANCK et d'INDY ainsi
que par les compositeurs russes que la France vient de découvrir (BALAKIREV,
BORODINE, MOUSSORGSKI, RIMSKY-KORSAKOV, TCHAÏKOVSKI...)
Morceau choisi
DUKAS – L'Apprenti sorcier
L'argument s'inspire d'une ballade de GOETHE : Der Zauberlehrling (l'Apprenti
sorcier).
Un apprenti sorcier tente d'animer un balai pour qu'il effectue son travail : remplir une bassine d'eau
avec des seaux. Ne contrôlant plus son enchantement, il tente de le détruire à la hache, mais il se
retrouve face à un deuxième balai suivant le premier pour inonder la maison. Son maître arrive enfin
et répare les dégâts provoqués par l'apprenti.
La forme est donc celle du scherzo avec introduction et coda. L'auteur utilise quatre
motifs liés aux quatre éléments dominants : le balai (basson) – les sortilèges
(ruissellement de l'eau) – l'apprenti – la formule magique (pour animer ou arrêter le
balai)
Tout en s'inscrivant comme il a été dit dans la forme architecturée du scherzo, l’œuvre
suit à la lettre l'argument très détaillé : l'atmosphère irréelle du lieu où va se dérouler
l'action – l'entrée guillerette de l'apprenti – la formule magique, le démarrage et
l'animation du balai – la montée des eaux – l'affolement de l'apprenti – les deux coups
de hache – le redémarrage des deux tronçons – l'agitation jusqu'au vertige – la formule
adéquate du maître – le silence impressionnant qui en résulte – le retour au calme. Pour
finir : une pirouette ayant valeur de clin d’œil à l'auditeur : une formule de 4 notes jouée
brusquement FFF
On remarquera la somptuosité de la couleur orchestrale.
La Péri
La Péri est un ballet dont l'argument a été rédigé sur le modèle d'un conte persan.
Iskander (Alexandre le Grand) proche de la mort recherche pour prolonger son séjour terrestre la fleur
d'immortalité. Il la trouve dans la main d'une Péri (personnage de la mythologie persane) descendue du
paradis et la lui dérobe. Réveillée la Péri va user de ses charmes et de toute sa sensualité pour reprendre
possession de la fleur. Sa danse lascive ne cessera que lorsque Iskander, subjugué, se laissera dépouiller sans
réagir, acceptant dans l'extase érotique que la Mort l'emporte
Le ballet étant composé, Paul DUKAS décide d'y ajouter une fanfare en guise
d'ouverture
Morceau choisi
DUKAS – Fanfare pour précéder la Péri
L’œuvre est écrite pour 4 cors, 3 trompettes, 2 trombones et 1 tuba
On remarque l'extrême originalité des enchaînements harmoniques. L'esprit est celui
d'une fanfare avec un infléchissement plus mélodique en sa partie centrale
Un troisième aspect : la Symphonie en ut majeur
Même s'il est vrai qu'au moment où il compose son unique symphonie Paul DUKAS
n'a pas encore acquis cette parfaite maîtrise qui caractérisera les œuvres à venir, la
Symphonie en ut majeur, l'une des toutes premières productions de l'auteur ne fait
nullement pâle figure à côté des grandes symphonies de la période privilégiée 1875-1896
Morceau choisi
DUKAS – Symphonie en ut majeur
Fragment présenté : 1er mouvements : Allegro (exposition)
Le plan est des plus classiques. L'exposition fait entendre un premier thème d'allure
décidée, puis un second plus « chantant », selon la tradition. La nouveauté réside dans le
fait qu'un troisième motif accéléré, d'allure martiale et d'ailleurs confié aux cuivres clôt
l'exposition
Références :
- clichés Wikipedia
- documentation : sites sur le web et sources diverses personnelles sur les compositeurs cités.
- Elégie de Fauré par Paul Tortelier, Michel Plasson & Orchestre du Capitole de Toulouse (EMI)
- Ballade de Fauré par Jean-Philippe Collard Michel Plasson & Orchestre du Capitole de
Toulouse (EMI)
- Pelléas et Mélisande de Fauré par Michel Plasson & Orchestre du Capitole de Toulouse (EMI)
- Masque et bergamasques de Fauré par Michel Plasson & Orchestre du Capitole de Toulouse
(EMI)
- L'Apprenti sorcier de Dukas par Igor Markevitch & le Philharmonia Orchestra (EMI)
- Fanfare pour précéder la Péri de Dukas par Pierre Dervaux & l'Orchestre de l'Opéra (EMI)
- Symphonie en ut majeur de Dukas par Jean Martinon & l'Orchestre National (EMI).
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