Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits

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Term L, histoire-géographie
LMA, 2012-2013
Thème 3 – Puissances et tensions dans le monde de la fin de la Première Guerre mondiale à nos jours
Question 2 – Un foyer de conflits
Cours
Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Première Guerre mondiale
Note : références des documents, Nathan, TLES, 2012, Coll. Le Quintrec.
I Introduction
Le Moyen-Orient désigne pour les Britanniques une région allant de l’Égypte à l’Afghanistan et du Sud du Caucase à la Péninsule arabique, en englobant le Proche-Orient cette dernière expression est française et désigne les États bordiers de l’Est méditerranéen. Situé au cœur de "l’arc des crises", c’est l’un des principaux foyers de conflits dans
le monde, c’est-à-dire de rapports de forces, de rivalités entre États ou forces politiques,
à l’échelle locale comme à l’échelle internationale. Ces conflits sont liés à plusieurs facteurs - politiques, religieux, ethniques, rivalités pour les ressources naturelles, etc., qui
se superposent parfois, ce qui rend cet espace particulièrement difficile à analyser. De
nombreux conflits qui caractérisent cet espace trouvent leur origine dans l’histoire, c’est
pourquoi on choisira une organisation chronologique pour le développement, sans pour
autant oublier la permanence, la résurgences ou l’apparition de certains enjeux.
II 1918-1948 : une région sous influence étrangère
1. L’influence des grandes puissances depuis 1918 (Carte p. 263)
• Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le Moyen-Orient qui était en grande
partie sous le contrôle de l’Empire ottoman est divisé en plusieurs États indépendants
par le traité de Sèvres (1920) qui officialise le démembrement de l’Empire. Français
et Britanniques se partagent la région en établissant des mandats, lors de la conférence
de San Remo (1920 également), c’est-à-dire une tutelle accordée par la SDN à une
grande puissance, dont l’objectif est théoriquement de guider le territoire concerné vers
l’indépendance. Le Royaume-Uni n’a donc pas respecté sa promesse de créer un grand
royaume arabe dans la région, ce qui constitue un premier échec pour le "panarabisme"
et crée une première cause de rancœur à l’égard des Occidentaux.
• Les deux puissances européennes ne tiennent donc pas compte des aspirations nationales et les frontières qu’elles tracent sont artificielles. Ainsi, la France reçoit un mandat
sur la Syrie, dont elle détache le Liban pour satisfaire aux revendications des chrétiens maronites, légèrement majoritaire dans la région et protégés par la France pendant la période ottomane. Les Britanniques obtiennent un mandat sur la Palestine et sur
la Mésopotamie (l’Irak et la Transjordanie) et continuent d’exercer leur influence sur
l’Égypte et les émirats du Golfe persique - Koweït, Qatar, Oman, Yémen. En effet, les
premiers gisements de pétrole, découverts en Iran et en Irak avant la Première Guerre
mondiale, représentent déjà un enjeu pour les Britanniques.
Jean-Christophe Delmas
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1 LE PROCHE ET LE MOYEN-ORIENT, UN FOYER DE CONFLITS. . .
• Les premiers États indépendants voient le jour dans la région, sur les décombres de
l’Empire ottoman. En 1924, la Turquie devient une république laïque dirigée par Mustapha Kemal Atatürk. La même année, l’émir wahhabite Abd al-Aziz Ibn Saoud s’empare de la Mecque et fonde le royaume d’Arabie saoudite en 1932. Les Britanniques
accordent l’indépendance à l’Irak en 1932 et à l’Égypte en 1936. En Perse, les militaires
renversent l’Empire des Qajar et le pays, qui devient l’Iran en 1935, accède à l’indépendance en 1925. On voit donc apparaître dans la région des États laïques et largement
tournés vers l’Occident - Turquie, Iran - mais également des États ultra-conservateurs
sunnites, comme l’Arabie saoudite. De même, on assiste à un essor de mouvements islamistes dans l’entre-deux-guerres, comme les Frères musulmans en Égypte. Il faut dire
que le Moyen-Orient est une mosaïque de religions : les musulmans sont très majoritaires, mais divisés entre sunnites et chiites ainsi que d’autres groupes très minoritaires,
comme les druzes ou les kharidjites. Les chrétiens sont dispersés en onze communautés différentes, certaines catholiques - les maronites au Liban, d’autres orthodoxes les coptes en Égypte. Il faut également compter avec la diaspora juive, dispersée dans
l’ensemble de la région.
2. La montée des tensions entre les deux guerres
• Dans les différents États de la région, des nationalismes autonomes se développent.
Ainsi, , la Transjordanie "(" d’un côté " du Jourdain) devient la patrie des Jordaniens,
tandis qu’en Cisjordanie (" de l’autre côté " du Jourdain), un nationalisme palestinien
se développe. Le seul point commun de ces nationalistes arabes est de réclamer le
départ des Occidentaux. À côté du débat sur l’identité arabe, du panarabisme et du
panislamisme, émergent donc des nationalismes locaux en Égypte, au Liban, en Syrie,
etc. Mais jusqu’aux années 1950 le nationalisme arabe demeure une notion floue et ne
s’affirme pas réellement comme une force politique. D’autres peuples de la région n’ont
pas d’État comme les Kurdes qui son partagés entre quatre pays : la Turquie, l’Irak,
l’Iran et la Syrie. Minoritaires au sein de ces États, ils sont régulièrement victimes de
persécutions. Les puissances européennes se heurtent à des insurrections, comme la
France face aux druzes - musulmans hétérodoxes - du sud-Liban entre 1925 et 1927 et
les Britanniques qui répriment la révolte des populations arabes en Palestine, opposées
à l’immigration juive (1936).
• Les tensions commencent également à porter sur le partage des ressources pétrolières
de l’Irak et opposent cette fois les puissances occidentales. En 1928, les Accords dits
"de la Ligne rouge" redistribuent les parts d’exploitation au sein de l’Irak Petroleum
Company (IPC), fondée en 1927 à la place de la Turkish Petroleum Company (TPC) et
dont les capitaux sont partagés entre Britanniques, Français et Américains. De fait, ces
accords partagent le Moyen-Orient - y compris la péninsule arabique - entre les majors
partenaires de la TPC. À cette occasion, les Américains prennent pied dans l’exploitation pétrolière au Moyen-Orient pour la première fois. (Texte 4 p. 269, "L’accord
d’Achnacarry. . . ")
• Un autre point de tension est lié au développement de l’immigration juive en Palestine. Conformément à leurs promesses de la Déclaration de Balfour de novembre 1917
(Texte 3 p. 265, "La déclaration de Balfour"), les Britanniques y ont favorisé l’entrée de nombreux juifs, implantés dans le Yishouv. À la fin des années 1930, les juifs
sont plus de 400 000 et représentent un peu moins du tiers des habitants de la Palestine. Ils sont animés par le sionisme, qui est à la fois une idéologie et une action
concrète, né à l’initiative de Theodor Herzl à la fin du XIXe siècle pour coordonner
et rationaliser les flux migratoires des juifs en les orientant vers le Proche-Orient pour
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III 1948-1991 : le Moyen-Orient pendant la guerre froide
y construire, à terme, un État pour les juifs. En Palestine, ces derniers se sont dotés
d’institutions politiques, de structures économiques et syndicales, mais aussi d’une organisation d’autodéfense, la Haganah. Mais les Palestiniens refusent toute immigration
juive. En 1936, la "Grande Grève" des Arabes oblige les Britanniques à envisager un
partage de la Palestine (Texte 2 p. 265, "La révolte des Arabes de Palestine. . . "). Une
résistance palestinienne se développe, sévèrement réprimée par les Britanniques ; mais,
à l’approche de la guerre en Europe, ces derniers acceptent finalement de restreindre
l’immigration juive sans toutefois satisfaire les nationalistes palestiniens.
3. La Seconde Guerre mondiale et ses conséquences
• Le Moyen-Orient joue un rôle fondamental dans la Seconde Guerre mondiale, en raison
de l’importance stratégique du canal de Suez et des champs pétrolifères. Les nationalismes arabes doivent s’effacer devant les impératifs de la guerre : les Britanniques
prennent le contrôle de la Syrie au détriment des Français, et soumettent l’Iran en commun avec les Soviétiques - avec un accord prévoyant l’évacuation de l’Iran dans les six
mois suivant la fin de la guerre - et doivent rétablir par la force leur autorité en Irak,
devenu le centre de ralliement des nationalistes arabes antibritanniques.
• Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale sont marqués par la fin des mandats
européens sur le Moyen-Orient : les Français doivent abandonner leurs mandats sur
le Liban et la Syrie en 1946. Pour autant, l’indépendance des Etats arabes signifie un
second échec du panarabisme, qui devient dès lors plus un rêve qu’une réalité. Dans le
même temps, les États-Unis, sortis de leur isolationnisme, affirment leur présence dans
la région. Dès 1945, le Pacte de Quincy est conclu entre le président Roosevelt et le roi
saoudien afin de permettre l’accès des Etats-Unis au pétrole saoudien en échange d’une
protection militaire et d’une aide en matériel militaire américaine. Au total, la guerre a
entraîné la fin de la prépondérance européenne au Moyen-Orient.
• De plus, la Palestine en tant qu’État disparaît de la carte du Moyen-Orient. Les Britanniques évacuent la région et, en novembre 1947, le plan de partage voté par l’ONU
entraîne la création de l’État d’Israël, proclamé par David Ben Gourion le 14 mai 1948,
et la première guerre entre les Israéliens et leurs voisins (carte 1 p. 265, "La création de l’État d’Israël"). Tsahal (Forces de défense d’Israël, FDI) remporte le conflit
contre une coalition comprenant l’Egypte, l’Irak, la Syrie, la Transjordanie et le Liban.
Des centaines de milliers de Palestiniens - 800 000 - se réfugient dans Gaza, la Cisjordanie et le Liban, chassés ou partis de leur plein gré dans l’espoir de revenir une fois
Israël vaincu et détruit. Les Palestiniens deviennent un peuple sans terre.
III 1948-1991 : le Moyen-Orient pendant la guerre froide
1. Le Moyen-Orient, un enjeu Est-Ouest
• Comme d’autres régions du monde, le Moyen-Orient devient l’enjeu de la rivalité entre
les États-Unis et l’URSS. Dans le cadre de la politique d’endiguement, les États-Unis
soutiennent l’Arabie saoudite et la Turquie, qui devient membre de l’OTAN en 1952,
l’Irak et l’Iran - jusqu’en 1979 (Texte 5 p. 269, "Les Etats-Unis et le pétrole iranien"). Israël devient également l’allié privilégié des Américains à partir des années
1960. L’URSS soutient l’Égypte du colonel Nasser, l’Irak, la Syrie, le Sud Yémen et
défend officiellement la cause des Palestiniens qui réclament la création d’un État indépendant. Les passages stratégiques font l’objet d’une surveillance maritime particulièrement vigilante. Toutefois, certaines alliances ne restent pas figées et les équilibres
régionaux se modifient : ainsi, l’Iran devient ouvertement hostile aux États-Unis et à
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1 LE PROCHE ET LE MOYEN-ORIENT, UN FOYER DE CONFLITS. . .
Israël après la révolution islamique de 1979. À l’inverse, l’Égypte et l’Irak deviennent
les alliés des Américains à partir de 1980.
• Les puissances européennes perdent leur influence dans la région. En 1956, le colonel
Nasser décide de nationaliser le canal de Suez, jusqu’alors exploité par une compagnie franco-britannique. Cette décision entraîne immédiatement une intervention militaire conjointe des Français, des Britanniques et des Israéliens, qui occupent militairement les sites stratégiques en Égypte. Mais l’intervention est condamnée par l’ONU
et l’URSS menace de soutenir son allié égyptien. Les Etats-Unis font pression sur la
France et le Royaume-Uni, qui sont contraints de retirer leurs troupes. Défaite des anciennes puissances européennes, la crise de Suez fait renaître pour un temps le rêve de
l’unité arabe et du non-alignement.
• À partir des années 1960, les États de la région profitent de la dépendance occidentale à l’égard du pétrole pour se réapproprier leurs ressources. En 1960, l’Iran, l’Irak,
l’Arabie saoudite et le Koweït fondent l’Organisation des pays exportateurs de pétrole
(OPEP), à l’origine de deux " chocs pétroliers " en 1973 et 1979. Face aux États industrialisés impliqués dans la guerre froide, cette organisation, qui s’ouvre à d’autres
États comme le Venezuela et l’Indonésie, apparaît comme l’une des rares organisations
internationales à échapper à la logique de la guerre froide.
2. Les guerres israélo-arabes et le conflit israélo-palestinien
• Israël subit des attaques depuis la frontière égyptienne et le Sinaï. Pour les faire cesser,
elle s’allie en 1956 avec la France et le Royaume-Uni lors de la crise de Suez qui a pour
origine la nationalisation du canal de Suez par le colonel Nasser. L’offensive francobritannique se double donc d’une offensive israélienne en Egypte. Les alliés doivent
retirer leurs troupes sous la pression des grandes puissances et des casques bleus sont
déployés à Gaza et le long de la frontière Egyptienne. Mais cette victoire montre que
l’indépendance de l’Etat israélien est bien établie.
• Dans le contexte de guerre froide, Israël devient l’allié privilégié des Etats-Unis tandis que les Etats arabes sont soutenus par l’URSS. L’affrontement israélo-arabe devient donc un conflit de la guerre froide. En 1967, les Etats arabes voisins massent des
troupes à la frontière israélienne. Les israéliens déclenchent une guerre préventive : ils
détruisent l’aviation arabe et écrasent l’armée égyptienne dans le désert du Sinaï qu’ils
occupent (Texte 2, "Résolution 242" et carte 3 p. 267). La "guerre des six jours" est
une nouvelle victoire pour les israéliens, comme la "guerre du Kippour" en 1973, déclenchée par une offensive égyptienne. La paix est finalement signée avec l’Egypte en
1979 - les accords de Camp David (Photo 4 p. 267) -, mais Israël doit continuer de
faire face à l’opposition de l’Organisation de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat et à la
révolte des Palestiniens dans les territoires occupés (les Intifadas se succèdent). (Texte
3 p. 276, "La Charte de l’OLP, 1968")
• Israël intervient également à plusieurs reprises au Liban : en 1978, l’armée israélienne
entre au Sud Liban afin de créer une zone tampon protégeant son territoire des raids de
combattants palestiniens de l’OLP. Tsahal se retire rapidement mais laisse L’Armée du
Liban Sud, son alliée, combattre les Palestiniens de l’OLP. En 1982, pour faire cesser
les attaques des Palestiniens contre son territoire, Israël lance l’opération " Paix en
Galilée ". Tsahal fait le siège de Beyrouth et l’occupation israélienne dure trois ans, ce
qui ne met pas fin à la guerre civile. Des accords de paix israélo-libanais sont signés,
mais ils ne sont pas reconnus par la Syrie ni par l’OLP. Le conflit se complique encore
avec la formation du Hezbollah, mouvement armé chiite libanais, soutenu par l’Iran et
la Syrie, lequel devient l’adversaire principal d’Israël.
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3. Des conflits périphériques permanents
• Ces conflits échappent de plus en plus à la logique de la guerre froide et trouvent leur
origine dans des causes régionales multiples. C’est le cas par exemple de la longue
guerre entre l’Iran et l’Irak (1980-1988). En 1979, Saddam Hussein accède au pouvoir
en Irak à la tête du parti Baas et s’appuie sur la minorité sunnite du pays. La même
année, le retour de l’ayatollah Khomeini en Iran entraîne la création d’une République
islamique chiite. (Texte de Khomeiny p. 286) À ces causes religieuses (sunnites contre
chiites), ethniques (Arabes contre Perses) et géopolitiques s’ajoute un ancien conflit
frontalier entre l’Irak et l’Iran, concernant le fleuve Chatt-el-Arab, situé dans la province du Khuzestan qui délimite la frontière entre les deux Etats et se jette dans le Golfe
persique. Côté irakien, les villes de Bassorah et de Fao sont accessibles aux pétroliers
grâce au fleuve. Côté iranien, on trouve la ville portuaire de Khorramshar et les raffineries d’Abadan. L’enjeu du pétrole et de l’accès au Golfe persique représente donc un
autre facteur auquel il faut ajouter l’ambition personnelle de Saddam Hussein. Il lance
ses troupes sur l’Iran, persuadé que la guerre sera courte. La région du Chatt-el-Arab
est occupée ainsi que plusieurs villes au centre et au nord de l’Iran. Mais l’agression de
l’Irak et l’intense propagande du régime de Téhéran galvanisent les Iraniens qui s’enrôlent en masse dans l’armée. La guerre dure huit ans et conduit à un quasi statu quo
dans la région.
• En revanche, la guerre d’Afghanistan (1979-1989) s’inscrit bien dans une logique de
guerre froide. En 1979, les Soviétiques interviennent militairement pour secourir le
gouvernement communiste menacé par les milices tribales. Les troupes de l’Armée
rouge contrôlent les principales villes, mais s’enlisent dans les combats contre les
moudjahidines soutenus par les États-Unis. La guerre dure dix ans et laisse un pays
politiquement éclaté aux mains des chefs de milices tribales. De 1992 à 1996, un nouveau conflit éclate entre les forces gouvernementales du commandant Massoud et les
talibans qui veulent créer un État fondé sur la charia. Ces derniers l’emportent et l’Afghanistan devient la base arrière du terrorisme islamiste et en particulier d’Al-Qaïda.
• À ces conflits, il faut ajouter la guerre civile quasi-permanente qui déchire le Liban
des années 1970 à 1990 (Carte p. 280, "La mosaïque libanaise"). À partir de 1975,
une guerre civile éclate entre les Phalanges armées maronites (chrétiennes) et les Palestiniens au Liban et leurs alliés arabes sunnites. Les camps de réfugiés palestiniens
sont pris pour cible par les phalanges chrétiennes et, de leur côté, les Palestiniens massacrent des civils chrétiens et mènent une guérilla urbaine. Le conflit s’étend et entraîne une première intervention militaire de la Syrie, inquiète du basculement possible
de l’équilibre des forces dans un Etat qu’elle considère comme appartenant à sa zone
d’influence. Israël intervient à son tour. Au début des années 1980, le conflit se complique encore avec la formation du Hezbollah, mouvement armé chiite libanais, soutenu
par l’Iran et la Syrie, lequel devient l’adversaire principal d’Israël. (Texte 5 p. 281, "
La Charte du Hezbollah) Les attentats-suicides qu’il organise contre les Occidentaux
à Beyrouth entraînent le départ des forces internationales qui quittent la capitale. En
1988, le pays se divise à nouveau lorsque le maronite Michel Aoun est nommé Premier ministre : la majorité des arabes sunnites soutiennent un second gouvernement
pro-syrien dirigé par le sunnite Selim Hoss. Aoun entreprend alors une " guerre de
libération " contre la Syrie. En 1989, les accords de Taëf (Arabie Saoudite) sont signés : ils prévoient une répartition équilibrée des pouvoirs au Liban. Toutefois, le pays
reste en partie occupé par la Syrie et le Hezbollah continue de mener depuis le Sud des
attaques contre Israël, qui bombarde ses positions à plusieurs reprises.
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1 LE PROCHE ET LE MOYEN-ORIENT, UN FOYER DE CONFLITS. . .
IV
De nouvelles conflictualités depuis la fin de la guerre froide
(Cartes p. 258-259)
1. Des tensions persistantes dans les années 1990
• L’Iran cherche à devenir une puissance régionale, soutenant la Syrie mais aussi les
groupes chiites du Moyen-Orient. Les Etats-Unis sont alors poussés à se rapprocher
de l’Arabie saoudite, d’autant plus que l’Irak de Saddam Hussein mène une politique
agressive à l’égard de ses voisins. En envahissant le Koweït en 1990 (accusé de pomper
dans les nappes pétrolifères irakiennes), l’Irak suscite contre lui une coalition internationale menée par les États-Unis, avec, depuis la fin de la guerre froide, la neutralité de
l’URSS. En janvier 1991, l’opération " Tempête du désert " permet d’écraser l’Irak et
de libérer le Koweït.
• La fin de la guerre du Golfe, qui coïncide avec la fin de la guerre froide, laisse penser au
président américain George Bush que le temps de la paix entre les Israël et les Arabes
est venu. Les Accords d’Oslo d’août 1993 admettent le principe d’une autonomie des
territoires palestiniens, concrétisée par les Accords de Washington en septembre suivant, en même temps qu’Israël et Jordanie signent la paix. Cependant, le Proche-Orient
est profondément divisé, entre les pays alliés des États-Unis d’un côté (Israël, Turquie,
Arabie saoudite, monarchies du Golfe, Égypte) et ses adversaires de l’autre (Iran, Syrie,
Palestiniens).
• Mais le processus de paix entamé au lendemain de la première Guerre du Golfe est
éphémère. Les Israéliens bloquent toute négociation autour de la construction d’un État
palestinien, allant jusqu’à faire édifier un mur de séparation pour isoler la Cisjordanie,
encourager la colonisation et jouer la division des Palestiniens pour empêcher l’apparition d’un interlocuteur unique. Le Hamas, mouvement islamiste né en 1987 dans le
cadre de l’Intifada, prend ainsi le contrôle de la bande de Gaza alors que la Cisjordanie
reste sous contrôle de l’Autorité palestinienne. (Texte 4 p. 275, "La feuille de route",
texte 2 p. 278, "Pourquoi les accords d’Oslo ont-il échoué ?" et texte 3 p. 279, "Le
point de vue du gouvernement israélien")
2. Les conséquences du 11 septembre 2001
• Au lendemain des attentats du 11 septembre, le Moyen-Orient apparaît comme le foyer
du terrorisme islamiste, qui s’est développé depuis les années 1970-1980 dans l’ensemble de la région. Le régime des Talibans est renversé en Afghanistan en 2001, mais
les solutions militaires trouvent leurs limites. L’intervention des États-Unis en Irak en
2003, dans la deuxième Guerre du Golfe, pour renverser Saddam Hussein et assurer
la sécurité des approvisionnements pétroliers, est déclenchée sous des prétextes qui divisent la communauté internationale - lutter contre le terrorisme et supprimer les armes
de destruction massive supposément détenues par le régime irakien - et sans l’accord
de l’ONU (Texte 2 p. 271, "La guerre en Irak", discours de G. W. Bush).
• Mais les Américains s’avèrent incapables d’empêcher le chaos politique et économique
- multiplication des attentats et affrontements entre communautés religieuses (Texte
3 p. 273, "L’appel d’Al-Qaida au Jihad en Irak"). L’Irak demeure en proie à la
violence entre sunnites et chiites et son affaiblissement profite par contrecoup à l’Iran
qui se pose en puissance régionale et cherche à se doter de l’arme nucléaire, depuis
l’élection de Mahmoud Ahmadinejad en 2005. (Texte 3 p. 271, "La menace nucléaire
iranienne")
Jean-Christophe Delmas
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IV De nouvelles conflictualités depuis la fin de la guerre froide
• Les interventions militaires occidentales n’ont pas éradiqué l’islamisme radical de la
région. L’Afghanistan demeure largement influencée par les talibans et le retrait des occidentaux, programmé en 2011, s’avère plein d’incertitude pour l’Afghanistan comme
pour le Pakistan voisin. Des guérillas islamistes se développent en Irak, au sud de la
péninsule arabique, au sud-Liban et dans la bande de Gaza. Al-Qaïda a développé une "
nébuleuse " s’étendant de l’Afghanistan et du Pakistan au Maghreb (AQMI) en passant
par le péninsule arabique (AQPA).
3. Les révolutions du "printemps arabe"
• Le Proche-Orient peine enfin à se démocratiser. Dans la région, seule Israël et la Turquie peuvent être considérés comme des démocraties. Dans la plupart des pays, la censure touche les opposants de toutes sortes. Les manifestations sont sévèrement réprimées à Bahreïn et au Yémen en 2011, avec l’appui de troupes venues d’Arabie saoudite.
Et le mouvement qui a conduit à la destitution du président égyptien Hosni Moubarak
en 2011 ne présume pas pour autant d’une démocratisation du pays sur le long terme et
les élections montrent une forte progression des islamistes. De même, l’avenir politique
de la Libye, après la chute du colonel Kadhafi, facilitée par les Occidentaux, demeure
incertain.
• Israël craint que la " paix froide " instaurée avec l’Égypte depuis 1979, ne soit remise
en cause par l’instabilité qui pourrait s’installer chez son voisin. Une partie de l’opinion publique égyptienne exprime un antisémitisme virulent et les Frères musulmans
ne cachent pas leur hostilité au traité de paix. En 2012, l’ambassade israélienne est attaquée au Caire et des affrontements opposent les forces israéliennes et des terroristes
palestiniens dans le Sinaï. De plus, le nouveau régime égyptien a ouvert le point de
passage de Rafah, dans la bande de Gaza.
• Dans ce contexte, la recrudescence de la violence en Syrie pose un second problème à
Israël. Si Tel-Aviv s’est longtemps accommodé de la stabilité assurée par la dictature
des Assad, elle a récemment rejoint les Etats-Unis et l’Union européenne, demandant
le départ de Bachar el-Assad. En effet, la chute du régime syrien pourrait briser l’axe
Hezbollah-Syrie-Iran, principale menace pesant contre Israël dans la région. Téhéran
serait affaiblie dans la région et l’Iran pourrait être contrainte de revenir à la table des
négociations sur son programme nucléaire. Mais les observateurs remarquent que de
nombreux combattants djihadistes ont franchi la frontière de la Syrie pour combattre
aux côtés des insurgés. Là encore, la guerre civile porte en elle la possibilité d’une
instabilité croissante dans la région.
Conclusion
Le Moyen-Orient demeure donc au cœur de "l’arc des crises" et plusieurs conflits engagés
ou potentiels fragilisent la région. Cette situation est liée à une multiplicité de facteurs :
l’instabilité des frontières, la fragilité des États, la diversité ethnique et religieuse, montée de l’islamisme radical, la rivalité pour les ressources naturelles, fractures sociales et
démographiques, etc. Les Occidentaux ont soutenu les révolutions du "printemps arabe"
dans l’espoir qu’une démocratisation de la région permettent l’instauration d’une paix
durable. Mais il n’est pas certain que cet objectif soit réalisable à court terme.
Jean-Christophe Delmas
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