nature serait une situation dans laquelle cette même puissance intervien-
drait au choix, au vu de son jugement sur la qualité de tel ou tel régime,
pour établir ici ou là un gouvernement conforme à ses vœux. Intervenir
dans les affaires intérieures d’un Etat sans mandat international incontes-
table peut se justifier en cas d’urgence humanitaire et se justifie dans le
cadre de la légitime défense quand il s’agit de prévenir une agression. La
guerre du Kosovo de 1999 pouvait ainsi être défendue en se référant à l’ur-
gence humanitaire. Rien de tel en ce qui concerne l’Iraq de 2003.
Non seulement les forces d’occupation n’ont pas découvert d’armes de
destruction massive, mais il est patent et maintenant admis par les autorités
américaines elles-mêmes que la détention probable par l’Iraq de Saddam
Hussein de ces armements n’a pas représenté le motif réel de l’intervention,
qui avait pour but véritable de débarrasser la région du régime baassiste.
Que ce régime ait été détestable et que la région puisse bénéficier de son
absence n’est pas en cause. Le problème tient à la méthode choisie par les
Américains, aux buts de guerre qu’ils avaient affiché vis-à-vis du Conseil de
sécurité et à la difficulté qu’il y aura à imposer de l’extérieur un régime poli-
tique à un pays comme l’Iraq.
Il n’est donc pas certain que l’Amérique se tienne maintenant à la « doc-
trine » de preemption qu’elle a adoptée en 2002. La facture est lourde, en
termes diplomatiques, en termes humains et en termes financiers. Les
Démocrates et les Républicains « internationalistes » traditionnels, qui
s’étaient caractérisés par leur discrétion dans la critique de l’Administration
jusqu’au printemps de 2003, ont été beaucoup plus directs à partir du
moment où il a été clair que les troupes américaines et alliées étaient per-
çues par les Iraquiens, y compris ceux qui étaient enchantés d’être débar-
rassés d’une féroce dictature, comme une force d’occupation. Beaucoup
d’Américains s’attendaient de bonne foi à ce que leurs hommes soient
accueillis comme des libérateurs. La désillusion a été cuisante. Le succès
populaire des deux candidats démocrates les plus critiques à l’égard de l’in-
vasion de l’Iraq, l’ancien gouverneur Howard Dean et l’ancien général
Wesley Clark, fournit la preuve que le pays s’interroge pour le moins sur le
bien-fondé de cette opération si inhabituelle au regard de l’histoire améri-
caine. Reste qu’une majorité d’Américains, fidèle à la tradition de ce pays,
continue de faire confiance à son Président et estime justifié le recours à la
guerre. Le discours du Président Bush à la nation, en septembre 2002, dans
lequel il estimait pour la première fois le coût de l’opération, prévoyant une
dépense de 87 milliards de dollars la première année fiscale pleine, a eu un
effet psychologique immédiat, dont la traduction dans les sondages de popu-
larité personnelle du Président et de soutien à sa politique de sécurité a été
sensible. Les arguments du général Clark et de nombreux dirigeants démo-
crates au Congrès, tel le Sénateur Biden, sur l’affaiblissement de la capacité
américaine à convaincre ses partenaires de suivre le leadership américain
guillaume parmentier588