LAVAL THÉOLOGIQUE ET PHILOSOPHIQUE
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qu’elle tende à l’identifier à elle de plus en plus, non pas en l’absorbant,
ni en étant absorbée par lui, mais en lui infusant l’Esprit du Christ
pour le conduire vers le Royaume. Ainsi, dans l’eschatologie con
sommée, le monde s’adaptera parfaitement au Royaume, mais cela se
fera à travers et dans l’Église. L’Écriture découvre de mieux en mieux
à l’Église, la mission universelle du «peuple de Dieu», jusqu’à saint
Paul à qui « a été confiée » la grâce de révéler ce mystère en toute sa
splendeur (cf. Ep 3 8; Rm, Ga, Col, Tm et Tt). Mais, «malgré la
réflexion théologique instituée par les Pères de l’Église à partir de ce
fondement doctrinal», une coupure de plus en plus profonde s’établit
entre l’Église, d’une part, confondue avec «l’État chrétien», le Corpus
christianum, et le monde d’autre part, jusqu’aux exigences assez
récentes d’autonomie sans limite d’un monde totalement profane.
Ceci se produisit en dépit d’un effort missionnaire qui n’a jamais cessé
et d’une réflexion théologique également constante sur la nature de
la mission de l’Église.1
La théologie des dernières années, assumée par Vatican II, a
heureusement repris et réapprofondi ces questions de la mission univer
selle de l’Église, des relations entre celle-ci et le monde, de l’apparte
nance à l’unique Corps du Christ de tous les hommes qui, plus ou moins
explicitement ou implicitement, ont accepté l’offre de la grâce divine.
Nos deux grandes Constitutions reviennent fréquemment sur l’idée
des rapports étroits entre l’Église et le monde. La communauté
ecclésiale est formée des hommes qui vivent dans ce monde (G. S., 1 ;
40, 2; L.G., 13, 2). Les problèmes de ces hommes sont donc les
problèmes de cette communauté, car la raison d’être de cette dernière
est justement d’éclairer ces problèmes de la lumière évangélique (G. S.,
1 ; 2 ; 3 ; 4, 1 ; 10 ; 11 ; 21 ; 22, 5 ; 24, 1 ; 34, 1 ; 38, 1 ; 39, 1 et 3 ; 41,
1 ; 45). Par ailleurs, l’Église reçoit également du monde et doit
œuvrer avec lui pour l’amélioration de la condition humaine (G. S.,
33, 2 ; 40, 3 et 4 ; tout le chap. IV de la Ire Partie).2
1. Sur ce phénomène d’aliénation du monde par rapport à l’Église, cf. J. Makitain,
Humanisme intégral, Paris, Aubier, 1936, chap.I-II ; J.-L. Witte, L ’Église, sacrement
d’unité, dans L ’Église de Vatican I I, Paris, Cerf, 1966, tome II, coll. Unam Sandam,
n° 516, p.458 (nous désignerons désormais ce volume par le nom des deux théologiens
qui ont dirigé sa préparation : Barauna-Congar).
2. On retrouve l’écho de ces préoccupations en plusieurs discours de S. S. Paul VI :
« La religion catholique et la vie humaine réaffirment ainsi leur alliance, leur convergence
vers une seule réalité humaine : la religion catholique est pour l’humanité ; en un certain
sens elle est la vie de l’humanité.» (Discours du 7 décembre 196-5 au Concile, A.A.S.:
n’y semble pas paru ; Documents conciliaires, éd. du Centurion, n° 6, p.251.) « La mission
du christianisme est une mission d’amitié parmi les peuples de la terre, une mission de
compréhension, d’encouragement, de promotion, d’élévation ; et, disons-le encore une fois,
une mission de salut. » (Discours à Bethléem, 6 janvier 1964, A. A. S., 56 (1964), p.177 ;
Documents conciliaires, n° 6, p.271.) Des expressions semblables se retrouvent à plusieurs
reprises dans l’encyclique Ecclesiam suam. Cf. également L. O., quoique moins explicite