Canon 205 : « Sont pleinement dans la communion de l`Église

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Canon 205 : « Sont pleinement dans la communion de l’Église catholique sur cette terre les baptisés qui sont unis au Christ dans l’ensemble visible de cette Église, par les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique. »
Sources : LG 14.
1. La communion dans l'Église
La source de la norme. La teneur de ce canon est tirée du paragraphe sur « les fidèles catholiques » inséré dans le chapitre II sur le Peuple de Dieu de la constitution conciliaire Lumen gentium.1
La communion juridique. Ce dont il est question ici, c'est de la communion juridique, c'est­à­dire d'une communion sociale, visible, extérieure, qui a une influence immédiate sur la situation juridique du fidèle dans l'Église, car l'absence de communion va entraîner une suspension plus ou moins importante des droits fondamentaux. La norme parle explicitement d'« ensemble visible de l'Église ».
La communion intérieure. Nous laissons de côté la communion intérieure avec Dieu dans l'Église, qui, certes, a trait à la salus animarum, mais n'a pas de répercussion directe sur la situation juridique du fidèle2.
Une réalité organique. La communion3 « n'est pas une vague affection, mais une réalité organique, qui exige une forme juridique », comme les Pères conciliaires ont tenu à l'indiquer expessément4. Ce terme appliqué à l'Église met en valeur la solidarité entre les fidèles qui provient de l'unité de liens ontologiques et de la participation à des finalités communes.
S'agit­il d'un vrai devoir­droit ? Pour certains auteurs5, il ne saurait exister de lien juridique canonique en matière de foi, en raison de l'existence d'une soi­disante liberté juridique canonique de renoncer à la foi et d'abandonner l'Église, moyennant quoi ni les délits ni les sanctions en ce domaine n'auraient de sens6. Pour d'autres, si l'Église peut bien reconnaître l'existence d'un droit à la liberté religieuse, il s'agit de « liberté religieuse séculière, civile. Ou, ce qui revient au même, l'Église ne peut forcer ses membres à demeurer en elle en recourant à la coercition civile ou à d'autres moyens formellement civils »7.
Un triple aspect. Le canon, suivant fidèlement le texte de Lumen gentium, parle d'un triple lien « de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique », trois aspects inséparables. La communio fidei et la communio sacramentorum s'appellent mutuellement mais ne sauraient aussi exister sans la communio regiminis8.
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Cf. Concile Vatican II, const. dogm. Lumen gentium, n° 14/b.
Cf. Juan Ignacio Arrieta, « I diritti dei soggetti nell'ordinamento canonico », FI 1 (1991), p. 37.
Sur la formation du concept de communio au long de l'histoire, cf. Remigiusz Zobanski, « Communio ­ Principe de dynamisation du droit ecclésial », DE (1987) p. 1039­1061.
Concile Vatican II, const. dogm. Lumen gentium, note explicative préalable 2.
Tel P. Huizing, « Magistère : pouvoir ou témoignage ? » RDC 25 (1975), p. 199­206.
Cf. Carlos Errázuriz, « Esiste un diritto di libertà religiosa del fedele all'interno della Chiesa? », FI 3 (1993), p. 89.
Antonio Rouco Varela, « Fondamentos eclesiológicos de une teoría general de los derechos fundamentales del cristiano en la Iglesia », Les droits fondamentaux, 76.
Cf. Angel Marzoa, Comunión y derecho, significación e implicaciones de ambos conceptos, Pampelune, Navarra 1
2. La communio fidei
Le devoir de conserver la foi. Que dit le Code ? Nous y remarquons que la liberté religieuse du fidèle existe dans le cadre de certaines limites, comme il se doit, dont la première, commune à tous les droits fondamentaux, est celle de l'intégrité de la foi. En effet, le Code explicite à plusieurs reprises le devoir de garder la communion avec l'Église, devoir qui comprend avant tout la communio fidei.
L'aspect juridique de la foi. Le dépôt de la foi confié à l'Église est l'élément primordial d'union entre les baptisés. Il s'en suit à l'évidence que l'adhésion à la Parole révélée par la foi constitue le principal élément présupposé de toute action libre qui puisse être considérée comme vraiment ecclésiale. Si le fidèle est en dehors de la foi, aucun droit ecclésial ne lui permet de formuler quelque revendication que ce soit9.
La pleine communion. Est présumé vivre en pleine communion avec l'Église catholique celui qui a été baptisé en elle ou y a été reçu après le baptême et n'en s'en est pas écarté par un rejet notoire de la foi10. La pleine communion signifie que la personne possède toutes les obligations et jouit de tous les droits d'un fidèle du Christ dans l'Église11. Une telle personne est « membre » de l'Église.
La foi requise. La foi requise des adultes pour être baptisés est explicitée au canon 865 § 112 : le candidat au baptême doit « être suffisamment instruit des vérités de la foi et des obligations chrétiennes ». Le canon 212 § 113 demande aux baptisés d'adhérer au magistère ecclésiastique, tandis que le canon 750 § 114 définit ce qui doit être cru « de foi divine et catholique ». Le lien de la foi est rompu par l'hérésie et l'apostasie15, encore que les hérétiques et les apostats restent dans une communion avec l'Église qui est plus complète que celle d'autres communautés chrétiennes. Ils peuvent être frappés d'une autre peine s'ils sont contumaces16.
Le cas de ceux qui ont abandonné la foi. Ceux qui ont abandonné la foi demeurent soumis aux lois ecclésiastiques, lesquelles ne cessent pas d'être en vigueur du fait que tel ou tel de ses membres rejette tout ou partie de la foi qu'il a professée, de bonne foi ou non. L'obligation objective d'observer ces lois subsiste donc pour eux.
Les destinataires de ce devoir. Le devoir de communion, d'union à la tête de l'Église universelle et des portions de Dieu confiées à un évêque n'est pas le fait des seuls laïcs. C'est une obligation générale et universelle17, qui concerne donc aussi les pasteurs et tous les fidèles en général.
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Gráfica Ediciones, 1999.
Cf. Carlos J. Errázuriz, « Esiste un diritto... », a.c., p. 92­99.
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Cf. c. 694 § 1 CIC 83 ; c. 497 § 1 CCEO.
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C. 96, sans équivalent dans le CCEO.
Cf. c. 682 § 1 CCEO.
Cf. c. 12 § 1 CCEO.
Cf. c. 598 CCEO.
Cf. c. 751 CIC 83, sans correspondant dans le CCEO.
C. 1364 § 2 CIC 83 ; c. 1436 § 1 CCEO.
Un curé, par ex., « qui n'accepterait pas son évêque comme chef de la portion du Peuple de Dieu dont il fait partie ou encore un évêque qui n'accepterait pas le pape comme chef de l'Église universelle (...) ayant brisé la communion perdrait immédiatement sa légitimité même si, à la rigueur, il n'encourt pas de peine canonique » (Ernest Caparros, « La rechristianisation de la société », FI 3 (1993), p. 58­59).
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Le devoir des pasteurs de garder la communion. Les pasteurs remplissent l'obligation de garder la communion par la voie du gouvernement ecclésiastique. C'est ce que le c. 275 § 2 réaffirme explicitement18. De plus, l'évêque doit promouvoir la discipline commune à l'ensemble de l'Église et urger l'observation de toutes les lois ecclésiastiques, ainsi que veiller à ce que des abus ne se glissent pas dans la discipline ecclésiastique19.
3. La communio sacramentorum
Les sacrements. Dans le domaine des sacrements, la communion est pleine avec les autres Églises catholiques de droit propre20. Les ministres sacrés doivent donc respecter le droits des fidèles21 qui leur demandent le secours des sacrements opportunément22. Les chrétiens qui ne sont pas en pleine communion avec l'Église catholique23 peuvent être admis aux sacrements de pénitence, d'Eucharistie et de l'onction des malades aux conditions marquées par le canon 84424, norme qui montre bien que ces baptisés possèdent des droits, car ils gardent une certaine communion, bien que partielle, avec l'Église25. Des normes visent la communion des excommuniés et de ceux qui sont en état de péché mortel26. Étant donné les relations de communio existantes entre chrétiens, le deux Codes admettent certains accomodements : présence à des assemblées déterminées, assistance à la divine liturgie, etc.27
Le baptême en cas d'urgence. Quand le baptême est administré à un adulte en situation d'urgence, les éléments requis par le canon 205 pour établir la pleine communion sont absents. On peut présumer toutefois qu'ils sont présents dans l'intention de celui qui demande le baptême, l'adulte lui­même, ses parents ou quelqu'un d'autre assumant une responsabilité à l'endroit de l'enfant28.
Le mariage. D'autres normes portent sur le mariage. N'oublions pas que le mariage entre deux baptisés est toujours un sacrement indépendamment de leur degré de communion avec l'Église catholique29. Le cas des mariages mixtes est traité ailleurs30.
4. La communio regiminis
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Cf. c. 381 § 3 CCEO.
Cf., par ex., c. 392 CIC 83 ; c. 201 CCEO, qui ajoute au § 1 les « coutumes légitimes » et parle au § 2 de l'« exécution des pieuses volontés » au lieu de l'« administration des biens ».
Cf. c. 923 CIC 83 (sans équivalent dans le CCEO).
Cf. c. 213 CIC 83 ; c. 16 CCEO.
Cf. c. 843 § 1 CIC 83. Cette norme ne se retrouve pas dans le CCEO.
Il s'agit, d'une part, des Églises orientales non catholiques et, d'autre part, des différentes communautés protestantes.
Cf. c. 671 CCEO.
Ces dispositions ont été explicitées par différents documents du magistère, notamment les Directoires en matière œcuménique. Cf., pour ce qui concerne plus spécialement le sacrement de l'Eucharistie, Georges­Henri Ruyssen, s.j., Eucharistie et œcuménisme. Évolution de la normativité universelle et comparaison avec certaines normes particulières. Canons 844/CIC et 671/CCEO, Paris, Cerf, 2008.
Cf. c. 915, 916 CIC 83 ; c. 712, 711 CCEO.
Cf. John D. Faris, Eastern Catholic Churches : Constitution and Governance, New York, Saint Maron Publications, 1992, p. 122­123.
Cf. James H. Provost, « Book II. The People of God (cc. 204­746) », Text and Com., p. 127.
Cf. c. 1055 § 2 CIC 83 ; c. 776 § 2 CCEO.
Cf. c. 1124­1129 CIC 83 ; c. 813­816, 834 § et 3, 839 CCEO.
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Les liens avec le gouvernement ecclésiastique. Ces liens s'expliquent par le fait que l'Église est, par nature, une société hiérarchique. Cela n'entraîne nulle mise au pas des fidèles qui, nous le verrons avec le canon 212, peuvent faire connaître leur opinion aux pasteurs et au peuple fidèle lui­même, et ont le droit d'agir en ce sens31. Mais si le désaccord est trop profond et si l'obéissance requise aux pasteurs fait défaut, une situation de schisme au sens du canon 75132 peut se créer.
La rupture de la communion. La communion peut être rompue par l'hérésie, l'apostasie ou le schisme. Mais elle peut se perdre également dans d'autres circonstances. Par exemple, le canon 1741, 1° invoque le grave detrimentum vel perturbationem apporté à la communion écclésiastique pour justifier le renvoi d'un curé de sa charge33.
Les conséquences juridiques. La rupture de la communion comporte la suspension des devoirs et des droits ayant spécifiquement trait à l'Église catholique, hormis ceux qui permettent la pleine réincorporation dans la communion ecclésiale. Les personnes concernées ne sont alors plus soumises aux normes qui concernent tous les fidèles34. Mais celui qui abandonne l'Église catholique, tel l'apostat, reste un baptisé : sa situation est donc distincte de celle du non baptisé.
Sanctions et communion. Ce sont les fidèles qui peuvent briser la communion, par leurs agissements, non l'Église. Celle­ci peut décréter des censures permettant, d'une part, de préserver les obligations et les droits d'une application capricieuse et, d'autre part, de déclarer légitimement la rupture effective de la communion de la part de fidèles déterminés35.
Justice et communion. Que la justice soit assurée au sein de l'Église « est la condition et l'expression nécessaire de la communion, au point qu'être juste dans le Peuple de Dieu consiste avant tout à vivre en communion », d'où l'obligation qui en est faite à tous les fidèles par le canon 209 § 1.
Pas de communion irénique ! Communion ne signifie pas « consensus mou ». Les composantes de la dimension juridique de la communion, énoncées par ce canon ­ profession de foi, sacrements et gouvernement ecclésiastique­ ont une telle force salvifique et ecclésiale qu'elles ne peuvent pas admettre des solutions médianes, des attitudes qui, en fin de compte, iraient à l'encontre de la substance même de l'Église catholique36. Dit autrement, l'identité de l'Église et la protection des droits des fidèles ne sont pas des objectifs alternatifs du droit canonique37.
La communion imparfaite. Les chrétiens qui ne sont pas en pleine communion font partie de la communauté chrétienne, car incorporés au Christ, et reçoivent plus ou moins les moyens de salut. La concélébration du Sacrifice eucharistique est impossible. La participation au culte liturgique ou à l'administration de certains sacrements, ce que l'on appelle la communicatio in sacris, est réglementée 31
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Cf. c. 212 § 3 CIC 83 ; c. 15 CCEO.
Cf. c. 751 CIC 83, sans correspondant dans le CCEO.
Cf. c. 1390, 1° CCEO.
C'est le cas, par exemple, de la forme canonique du mariage (c. 1117), de l'empêchement de disparité de culte (c. 1086), de l'interdiction de contracter un mariage mixte sans permission de l'autorité compétente (c. 1124).
Cf. c. 1341­1353 CIC 83 ; c. 1401­1435 CCEO.
Cf. Carlos J. Errázuriz M., « Sul rapporto tra communione et diritto nella Chiesa », FI 4 (1994), p. 33­53, en particulier p. 50.
Cf. Remigiusz Sobanski, « Charisma et norma canonica », Ius in vita, p. 83.
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par le canon 84438.
L'expression « liberté religieuse ». Est­il approprié de parler de « liberté religieuse » dans l'Église ? La notion de « droit à la liberté religieuse » relève du droit civil, et ne comporte aucune obligation corrélative, si ce n'est de respecter l'ordre public (mais ce n'est pas une obligation de nature religieuse). Appliquer cette notion à l'Église peut créer une caricature de neutralité religieuse incompatible avec l'ordre juridique de l'Église. Nous venons d'évoquer le rôle importantisssime de la foi. L'introduction d'un subjectivisme dans l'Église, et du relativisme doctrinal qui s'en suit, compromettrait gravement les conséquences juridiques de l'objectivité du depositum fidei. Il est donc préférable de n'utiliser l'expression « droit à la liberté religieuse » que pour les ordres juridiques civils. Un auteur propose de parler de « droit à la liberté en matière temporelle ». De la sorte, ajoute­t­il, « est juridiquement formulé dans la dimension personnelle le dualisme chrétien entre ordre spirituel et ordre temporel »39.
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Cf. c. 671 CCEO.
Cf. Cf. Carlos J. Errázuriz, « Esiste un diritto... », a.c., p. 98.­99
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