XYZ XXIIIèmes Journées d’Etude sur la Parole, Aussois, 19-23 juin 2000
la détermination », sens qui implique surtout la
difficulté de choisir entre deux ou plusieurs possibilités.
Or, les différentes approches cognitivistes de ce type
de phénomènes ont surtout mis en évidence un rapport
entre ces marques et l’effort d’encodage du locuteur.
Ces marques signalent une difficulté due à un simple
retard dans la « programmation des unités » ou bien à
une difficulté passagère de « conceptualisation des
unités » [Due91], autrement dit elles représentent une
« activité métacognitive » dirigée vers l’auditeur qui
accompagne l’activité cognitive de recherche/
production d’une unité linguistique par le locuteur et
que l’auditeur serait capable de décoder en tant
qu’indice métacognitif [Bre95].
Les chercheurs s’accordent pour dire que la durée est le
paramètre le plus saillant de ces marques (même si elle
ne suffit pas pour les définir et les reconnaître) ; cette
durée n’est souvent pas due à un « embarras du choix »
de la part du locuteur, n’est pas un indice
« d’irrésolution » mais tout simplement un temps
d’encodage plus long que prévu et qui nécessite un
fort ralentissement ponctuel du rythme.
La durée n’est toutefois pas caractéristique pour les
répétitions de mots outils qui semblent avoir un
fonctionnement différent des euh et des allongements
vocaliques : en effet, dans tous les corpus que nous
avons pu étudier, la durée moyenne qu’on relève entre
le début de la répétition et le début du mot cible est
significativement inférieure à la durée moyenne qu’on
relève entre le début du euh ou de l’allongement
vocalique et le début du mot cible (test t indépendant,
p<0,01), cette différence étant surtout due à la durée de
la pause silencieuse qui suit immédiatement chacune de
ces marques et non pas à la durée intrinsèque de ces
dernières.
Ainsi, le processus d’« hésitation » au sens propre de
ce terme supposant une difficulté de choisir une unité
(irrésolution devant plusieurs choix en concurrence) ne
peut pas être associé systématiquement à la production
de ces marques par un locuteur donné. Le terme
« hésitation » qui est en train de s’imposer dans la
littérature francophone à partir de la littérature
anglophone ne nous semble par conséquent pas
adéquat, (ni pour le français ni pour l’anglais) même s’il
est sans doute mieux choisi que les termes
« disturbances » et « disfluencies » que Maclay et
Osgood ont voulu éviter, car ces termes étaient trop
cliniques et tendaient à ranger ce type de phénomènes
du côté des pathologies du langage.
En ce qui nous concerne nous avions, comme quelques
autres chercheurs, adopté dans un premier temps la
proposition plus neutre de Grosjean et Deschamps
[Gro72] qui parlaient de « pauses sonores » (voir aussi
[Due91], [Can97]), mais après avoir approfondi l’étude
d’une grande quantité de corpus nous pensons que ce
terme n’est à son tour pas suffisamment neutre car rien
ne permet a priori de classer ces marques du côté des
pauses, leur rôle n’étant pas uniquement de marquer un
temps dans la production d’un énoncé mais également
d’indiquer à l’auditeur que ce temps est clairement
destiné à poursuivre l’encodage et non pas par exemple
à céder la parole à l’auditeur. La proposition
terminologique qui nous a semblé la plus précise est
celle de Morel et Danon-Boileau [Mor98] qui
regroupent ces phénomènes sous le nom de « marques
du travail de formulation », dans une optique d’analyse
énonciative. C’est le choix que nous faisons également
par la suite (abr : marques du TdF).
3. EUH /VS/ ALLONGEMENT VOCALIQUE ?
Si les répétitions de mots outils peuvent être isolées
des deux autres marques du TdF notamment en raison
de leur durée, il n’en est rien en ce qui concerne les euh
et les allongements vocaliques finals. Les rares
chercheurs qui ont pris en compte ces phénomènes
dans leurs études ont des avis divergeants en ce qui
concerne le fonctionnement de ces deux marques.
En effet, dans les premières études sur le français,
principalement [Gro75], Grosjean et Deschamps
classent les euh du côté du temps total d’élocution, de
même que les allongements vocaliques. Les auteurs
relèvent des pourcentages différents pour l’anglais et le
français : l’anglais privilégierait nettement les « fillers »
de type uh/um par rapport aux allongements alors que
le français aurait seulement une légère préférence,
moins marquée, pour les euh. Les auteurs attribuent
cette différence principalement aux structures
syllabiques prédominantes dans les deux langues
(syllabes ouvertes en français, syllabes fermées en
anglais), et non pas aux différences idiolectales entre
les locuteurs. Ils considèrent que les deux marques
auraient le même rôle et le même fonctionnement et que
leurs pourcentages cumulés seraient stables (plus il y a
d’allongements moins il y a de euh et vice versa).
[Due91] conteste partiellement ce point de vue et
propose de regrouper les euh du côté du temps total de
pause et de laisser uniquement les allongements
vocaliques du côté du temps total d’élocution. Ce
regroupement évite notamment de considérer chaque
euh comme étant une syllabe et de fausser ainsi, en
raison de la longueur exceptionnelle de nombreux euh,
la durée moyenne des syllabes. Néanmoins, il ne ressort
pas clairement de son ouvrage qu’elle attribuerait des
rôles différents aux allongements vocaliques et aux
euh : en effet, lorsqu’elle présente brièvement la
distribution des « pauses sonores » Duez regroupe les
deux types de marques et signale leur combinatoire très
similaire avec la pause silencieuse ([Due91], pp.71-78).
A la même époque, dans [Gua91] Guaïtella décide de
confondre complètement les deux marques sous le nom
de « hésitations vocales » (elle ne fait aucune