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XXIXèmes Journées du développement ATM 2013
Economie informelle et développement :
emploi, financement et régulations dans un contexte de crises
UNIVERSITE PARIS-EST CRETEIL 6, 7 et 8 juin 2013
L’envol de l’extra-légalité
économique et résidentielle
dans les villes tunisiennes
Habib DLALA
Université de Tunis
Introduction
En Tunisie, l’extra-légalité est observable à la fois dans les
activités économiques urbaines et dans le secteur foncier et ses
dépendances immobilières.
Cette communication
 décrit la montée de l’extra-légalité économique et
résidentielle en Tunisie
 et analyse les débats récurrents sur les réponses
envisagées pour l’endiguement et la légalisation du
phénomène,
compte tenu de la situation géopolitique actuelle
du pays, des dysfonctionnements de l’Etat
« transitoire » et de la caducité du système
communal existant.
I. Envol de l’extra-légalité : chronologie et
ordre spatial
Avant le 14 janvier 2011
Années 60
Activités économiques
extralégales
- Produits de récupération
(production d’articles en bois
et en métal
Secteur de l’habitat
Attitudes des
pouvoirs publics
- Quartiers spontanés
- Dirigisme, Etat
(gourbivilles) : matériaux de investisseur
récupération
- Campagnes de
- Services marchands fixes ou - Localisation en zones
ambulants (cireurs, de chaussures,
péricentrales (proximité
maçons, marchands de fruits et légumes,
des zones d’emploi) - 1G
travaux domestiques, portes-faits …)
Années 70 et - Essor du commerce de la
80
friperie et marchandises de
pacotille hétéroclites et bon
marché
- Multiplication des Souks
hebdomadaires
- Interférences des circuits
informels/secteur formel
dégourbification,
réalisation de cités de
recasement
- Crise du logement, sévère
dès le début des années 70
- Activités informelles
tolérées
- Emergence des premiers
quartiers périurbains
illicites (en dur) à Tunis
(Ettadhamen) - 2G
- Relâchement du
contrôle de
l’urbanisation
spontanée
Activités économiques
extralégales
Années 1990 - - Activités revigorées suite à
2010
l’adoption en 1986 du Plan
d’ajustement structurel
- Recrudescence du trafic
frontalier avec la Libye et
l’Algérie
Habitat extra-légal
- Développement
spectaculaire de nouvelles
marges périurbaines - 3G
- Réhabilitation après coup
(ARRU + Banque mondiale)
Rôle des pouvoirs
publics
Complicité d’une
hiérarchie
administrative
corrompue
Contrôle déjoué
- Phénomène tolérées par
- Ben Guerdane : Un grand
une administration
marché fournisseur ( « marché corrompue
maghrébin » )
- Nouveaux acteurs
Août 2008 :
- Fermeture du poste frontalier de Ras Jedir par la Libye à la demande de la Tunisie afin de servir les
intérêts de la famille du président (déchu) ;
- Embrasement de Ben Guerdane, ville frontalière vivant des activités extralégales ;
«Marché maghrébin » (près de 1000 commerces) fournisseur d’autres marchés, notamment les villes
littoral Est et doté d’un très grand nombre de bureaux de change de devises libyennes (hors du circuit
bancaire)
17 décembre 2010 :
Auto-immolation de Bouazizi, marchand ambulant : insurrection de l’informel
Après le 14 janvier 2011
Activités économiques
extralégales
Après le 14
janvier 2011
Secteur de l’habitat
- Reconstitution des réseaux
extra-légaux
Attitudes des
pouvoirs publics
- Consolidation de la
-Effondrement des
périurbanisation sur fond de structures communales
contestation sociale;
et leur remplacement
- Développement quantitatif
fulgurant et diversification.
- Mitage des terres agricoles par des « délégations
spéciales » provisoires
Désormais, chaque produit
à hauts rendements
incompétentes
vendu a son double extra-légal - Empiètement illégal des
-Mouvements sociaux à
- Les circuits extra-légaux
espaces publics par des
relèvent de plus en plus de la extensions de logements ou répérition
contrebande, tant à l’exporl'implantation anarchique de -Contrôle administratif
tation qu’à l’importation :
locaux de commerce (petits limité et inefficace
kiosques)
* A l’import : 15 à 20% de PIB
- Eparpillement des
et plus de 30% des actifs hors - Densification verticale non efforts sécuritaires
agriculture
réglementaire et
débordement
enlaidissement du tissu
Carburants, fruits, pneumaurbain existant dans les tous
tiques, cosmétiques,
les types de quartiers
électronique et audio-visuel,
articles ménagers, articles
habillement et friperie, tabac
et les alcools
- Cherté sans précédant de
la main-d’oeuvre et des
matériaux de construction
Dès le 14
janvier 2011
(suite …)
Activités économiques
extralégales
Secteur de l’habitat
Attitudes des
pouvoirs publics
* A l’export : phosphates de
chaux, articles textiles et
friperie, cheptel, produits agroalimentaires (denrées alimentaires, dont produits
compensés comme les pâtes,
le lait, les huiles végétales…)
- Non-respect de la
législation urbaine en ce qui
a trait à la construction de
logement et de locaux
d’activité, à la circulation
automobile, à l’organisation
des chantiers et aux rejets
sauvages d’ordures et de
polluants de toutes sortes.
-
- Menace de l’économie , la
santé et la sécurité (trafic
d’armes et incidents entre
contrebandiers et entre
contrebandiers et services
de police et de douane) ;
ESPACE
- Les circuits commerciaux
extralégaux renvoient à une
double interface frontalière
terrestre (1424 km de
frontières continentales dont
965 km avec l’Algérie et 459
Km avec la Libye )
- Diffusion spatiale vers le
Nord du pays des activités
extra-légales ;
Activités économiques
extralégales
Dès le 14
janvier 2011
(suite et fin)
- Envahissement des hautlieux de l’extra-légalité que
sont : Ben Guerdane (Souk
Maghrébin), El Jem, Sfax, et
Tunis (Moncef Bey, Melassine,
Hafsia, Sidi Boumendil,
Zarkoun )
- Développement de grands
souks hebdomadaires (comme
ceux de Sidi Hassine, de
Hammam-lif ;
- Attraction des centralités
principales et secondaires et
refus des espaces péricenraux dédiés (par les
Délégations spéciales)
- Autres nouvelles
localisations éparpillées : aux
portes des mosquées, des
supermarchés et des marchés
permanents, des grandes
boulangeries ou jonchant les
trottoirs des artères
commerçantes les plus
fréquentées et voies
attenantes, ou d’extensions
illégales (espace public).
Secteur de l’habitat
Attitudes des
pouvoirs publics
II. Les réponses à l’extra-légalité
Extralégalité foncière et immobilière : Aucune réponse
+ échec du programme des 30000 logements sociaux.
Extra-légalité économique : Désarroi du patronat représenté par
l’Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat.
La présidence de l’UTICA estime que cette
extra-légalité est "... dévastatrice de tout
processus de création de richesses et
de valeurs, risquée pour la sécurité et la
santé des consommateurs mal informés
et séduits par une offre défiant toute
logique concurrentielle"
Actualité > Nationale
Wided Bouchamaoui appelle le gouvernement à faire
face à la contrebande
15-05-2013 13:47:48
Dans une déclaration faite à Mosaïque Fm,
mercredi 15 mai 2013, la Présidente de l'UTICA
Wided Bouchamaoui a appelé le gouvernement à
fournir plus d'efforts dans la lutte contre la
contrebande. Wided Bouchamaoui appelle le
gouvernement à prendre des décisions radicales
en ce qui concerne le commerce parallèle
Schématiquement, trois types de réponse sont envisagés :
1. Contenir le phénomène : « politique d'assèchement des
sources » ou solution sécuritaire
Avant la évolution (2007-2009) :
* Contenir le flot de l’extra-légalité économique dans des limites
supportables par :
- La mise en œuvre d’une « politique de lutte contre la contrebande »
(politique d’assèchement des sources) donnant lieu au groupage des
commandes par les gendres du président déchu (!) ;
- Et le confinement des activités informelles dans des espaces dédiés ou
leur refoulement dans les quartiers populeux (péri-médinaux).
* Lutter contre l’extra-légalité résidentielle par :
- Un contrôle municipal peu efficace, souvent neutralisé ou déjoué par
des interventions aussi illégales les unes que les autres ;
- L’action, après coup, de l’autorité publique qui se réduisait aux
opérations sommaires de réhabilitation parrainées par une institutions
spécialisée (ARRU) et financées par la Banque mondiale.
Au lendemain de la révolution :
la lutte contre la contrebande est devenue tributaire d’un
raffermissement sécuritaire général que le pouvoir « légitime » de la
phase de transition actuelle ne parvient pas, de sa main tremblante, à
concrétiser ou à engager.
De même, la chasse des commerces informels et anarchiques du
centre-ville ou leur refoulement des artères commerçantes encombrées
vers des espaces spécialisés du centre-ville ou des centres
secondaires ne sont pas au goût des commerçants
Quoi qu’il en soit, le pouvoir, incompétent et faible, ne peut pas prendre
le risque d’un choix foncièrement sécuritaire à quelques mois des
élections présidentielles et législatives tant qu’il n’arrive pas à créer
suffisamment de nouveaux emplois : les 85000 créations d’emplois en 2012
sont à 47% informels et à 27% improductifs (dans la fonction publique,
pléthorique). De plus, la hausse sans précédent des prix ne manquera
d’augmenter le nombre des nouvelles candidatures à l’informel et de diriger
plus de consommateurs vers les circuits extra-légaux.
2. Développer la micro-finance
Dans cette perspective, la problématique du chômage et de la
précarité sociale serait liée à l’exclusion financière des revenus bas
et irréguliers. Le microcrédit sans surendettement apparaît comme un
outil d’inclusion à la fois financière et sociale.
Au cours la première phase de transition, le gouvernement Essebsi a
réfléchi sur le rôle de la micro-finance (au vue des réalisations de
« enda inter-arabe ») et élaboré un plan d’actions à court terme
conséquent, encouragé dans cette initiative par les bailleurs de fonds
notamment l’Union Européenne (UE), la Banque Africaine de
Développement (BAD) et l’Agence Française de Développement (AFD).
En dépit de l’absence de statistiques fiables, on estime la population
exclue du système bancaire conventionnel à « 2,5 à 3 millions de
personnes/entreprises », « clientèle potentielle pour des services de
microfinance [...], dont 1,2 à 1,4 millions pour le microcrédit ».
Mais l’offre n’excède pas 400000 clients servis par « Enda interarabe » essentiellement et par les AMC (Associalions de MicroCrédit)
et la BTS (Banque tunisienne de solidarité).
 Le rôle pionnier de « enda inter-arabe
Désignation des acteurs
Actions
L’ONG « enda inter-arabe » 1990 : Début de présence à Tunis
1992 : action dans le Quartier Ettadhamen (périphérie e Tunis)
1995 : Lancement d’un programme de microcrédit remboursable
1999 : promulgation de la loi organique n° 99-67 du 15 juillet 1999)
relative à l’octroi de microcrédits par les associations
2002 : Autorisation obtenue pour contracter des prêts
2003 : Autonomie à la fois opérationnelle et financière
2004 : Implantation pour la première fois à l’intérieur du pays
2007 : 15 antennes sur 29 sont en dehors du Grand Tunis
La BTS (Banque tunisienne 1997 : Création de Banque tunisienne de solidarité (Banque de
de solidarité)
dépôt) par le décret présidentiel du 21 mai 1997
Mars 1998 : Démarrage de la BTS
Les AMC (associations de 1998-2012 : Développement de 287 associations de microcrédit
microcrédit)
opérant dans le cadre conventions de refinancement par la BTS
Octroi du quart des prêts accordés par la BTS sont allés aux AMC
3. Légaliser l’ « entrepreneur informel » :

l’objectif de ce projet est de pousser ses entrepreneurs à muter
vers le secteur formel.
L'économie extra-légale pourrait devenir un axe de développement si
l’accès à la légalité est facilitée pour tous les tunisiens.
 Une stratégie devrait donc être élaborée pour légaliser les
« entrepreneurs informels » ambitieux acceptant d’innover dans un
environnement pour le moins défavorable et de s’intégrer dans la
sphère légale.
Si cela est le cas, la Tunisie se développera et créera beaucoup d’emplois.
C’est en tout cas le principe souligné dans l’étude engagée par l’Union
Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat, organisation
patronale représentant les entreprises tunisiennes, et l’Institut (péruvien)
pour la Liberté et la Démocratie, et considérant que les opérateurs
jusqu’ici extra-légaux pourraient représenter des partenaires effectifs de
l’économie.
Cette stratégie nécessiterait au préalable :
1. L’identification, la localisation et la classification des capitaux
extra-légaux ;
2. La saisie des liens pertinents entre les entreprises formelles et
légales, l’Etat et les opérateurs extralégaux ;
3. Elle se poursuivrait par la conception de réformes (élaboration de
règles juridiques communes et de procédures opérationnelles et
commerciales) aidant à migrer vers l’économie légale.
L’identification des «…avantages spécifiques de la légalisation pour l’ensemble des parties prenantes
(gouvernement, secteur privé, forces armées, commerce extérieur, sécurité)…» devrait permettre de « …
limiter la résistance au changement ».
La réponse proposée par l’UTICA-ILD ignore plusieurs faits
fondamentaux :
 Le caractère mafieux de l’extra-légalité ;
 L’anémie d’un pouvoir, très préoccupé par ses calculs électoraux et
fragilisé par ses déboires sécuritaires ;
 Le laminage du pouvoir d’achat des tunisiens par la hausse
insupportable des prix à la consommation et de ce fait le recours
grandissant et obligé de la population aux marchés informels.
Conclusion
Aujourd’hui, il est pour le moins difficile de freiner l’expansion des
circuits extra-légaux en Tunisie tant que sévissent la pauvreté accrue
par la hausse des prix et la corruption revigorée par la nonchalance
administrative. Ceci est d’autant plus vrai que l’Etat, faible et
incompétent est incapable de mettre en œuvre une politique de
développement économique socialement plus équitable et de
contenir les activités en marge de la légalité en appliquant les
réponses déjà envisagées par les politiques et les experts.
L’envolée des valeurs foncières dues au transfert des capitaux vers
le foncier, valeur refuge sûre dans un contexte d’insécurité, laisse
prévoir une nouvelle impulsion de l’extra-légalité immobilière.
Mené dans un but purement électoraliste, le projet actuel des 30000
logements sociaux n’empêchera pas l’auto-construction extra-légale
de progresser. Sans mesures particulières, le marché foncier restera
livré à la spéculation.
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