Que serait une éthique du care au quotidien

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Que serait une éthique du
care au quotidien ?
Le travail du care doit s’effacer
comme travail : de son
invisibilité dépend son succès.
Pascale Molinier
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Soigner, le premier art de la vie
 Marie-Françoise Collière
distinguait :
 le cure, les soins de réparation
liés au besoin de réparer ce qui
fait obstacle à la vie

le care, les soins coutumiers et
habituels liés aux fonctions
d’entretien, de continuité de la
vie.
 On retrouve cette distinction chez
les grecs entre therapeia et
epimeleia
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L’importance du cure
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L’importance du care
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L’importance du cure et du care
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Le care,… intraduisible ?
 Le mot care n’est pas facile à traduire car il
comporte deux dimensions :
 Une dimension perceptive (se soucier de…,
faire attention à…)
 Une dimension de l’action ( s’occuper de…,
prendre soin de…)
 Pourtant, en tant que professionnels, et
encore plus si vous avez été vous même
malade, où si vous avez pris soin d’un
proche malade, vous savez très bien ce que
désigne le mot anglais care
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Le care doublement dévalorisé
 Comme éthique : le care relèverait d’une
éthique des sentiments qui serait moins
abouties que l’éthique du devoir de Kant,
l’utilitarisme de Bentham ou l’éthique de la
vertu aristotélicienne.
 Comme travail : le care serait une activité
« naturelle » qui demanderait peu de
compétences professionnelles et relèverait de
qualités féminines innées .
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Une approche morale dévalorisée
 Le courant dominant de la philosophie morale
(Kant) cherche à définir des principes
universelle, applicables à tous et en toute
circonstance.
 La morale s’adresse alors à des personnes
autonomes, appréhendées comme « séparées »
les unes des autres
 Ces deux points s’opposent aux éthiques du care
qui sont des éthiques contextuelles et
s’intéressent à la vulnérabilité des personnes…
telles qu’elles sont et non telles qu’elles
devraient être.
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Une voix différente
 « Dans la perspective de la
justice le détachement est
considéré comme le signe
de la maturité morale […]
Dans la perspective du care
le détachement est le
problème moral. »
Carol Gilligan
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Un travail invisible…donc dévalorisé
 Le confinement historique du care à l’espace
privé (reflétant une certaine division sexuelle du
travail) a pu renforcer la dévalorisation du care
 Les travailleurs du care se retrouvent dans une
situation de « vulnérabilité seconde » et souffrent
d’une reconnaissance sociale médiocre (comme
l’indiquent les niveaux de salaires et de
qualifications).
 Le travail du care est considéré comme
« invisible » car ce n’est que lorsqu’il est mal ou
non fait qu’il apparaît alors comme en négatif.
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Des gestes naturels d’humanité
élémentaire non évaluables ?
 « Gestes naturels » c’est-à-dire résultant non
d’une formation mais d’un don, d’une qualité
morale individuelle attribués surtout au genre
féminin « la femme douée pour le relationnel »...
 « Humanité élémentaire » contenant l’idée que
le care pourrait facilement se déléguer à des
professionnels peu qualifiés voire aux familles où
aux seuls bénévoles et donc ne pas être rémunéré
 « Non évaluables », donc « dévalués » que
l’on ne peut ni coder ni protocoliser, ni mesurer,
échappant à toute idée de gestion, de
rationalisation…et de financement
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Revaloriser le travail du care
 Le care n’est pas seulement une disposition
personnelle, facilement considérée comme
« naturellement féminine » ; c’est avant tout un
travail qui peut être fait ou non fait, que ce soit
par des professionnels, et en leur absence des
bénévoles ou des familles, qui peut tous nous
concerner, lorsque nous sommes fragilisés et pas
seulement lorsque nous sommes petits, vieux,
malades ou handicapés, qui peut ou non être l’objet
d’une reconnaissance, et donc d’un choix, d’une
formation et d’une valorisation éthique,
psychologique, sociétale, politique et financière.
Docteur Alain Smagghe
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Comment valoriser le travail du
care
 Concrètement, pratiquer le care consiste à
faire preuve d’une certaine compréhension
de ce qui importe pour la personne et non
de répondre à un ensemble de besoins que
l’on pourrait lister et prendre en charge
automatiquement.
 Le care demande bien une grande
compétence qui se traduit par une
sensibilité active à l’autre, une perception
fine de ses attentes.
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L’exemple de la toilette
 Comprendre les actes de la toilette que je
“fais” pour une personne qui ne peut l’effectuer
elle-même, c’est m’intéresser à ces actes dans
le projet qu’ils soient porteurs de sens pour
l’autre et pour moi. C’est donner à ces actes de
toilette la tournure, les manières de faire qui
permettent de les saisir, d’en admettre les
contraintes, d’y accéder au-delà de leur
signification d’actes d’hygiène, comme actes de
soin.
Bernard Honoré
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Les différents niveaux du travail du
care
 Le « caring about » [se soucier de] qui
implique la reconnaissance d’un besoin et
de la nécessité de le satisfaire ;
 le « taking care of » [se charger de] qui
implique le fait d’assumer la responsabilité
de répondre au besoin identifié,
 le « care-giving » [accorder/donner des
soins] qui recouvre la pratique du soin en
elle-même
 le « care-receiving » [recevoir des
soins] qui recouvre la réaction de celui qui
fait l’objet des pratiques de soin, cette
réaction étant le seul critère du fait que le
processus a atteint son objectif.
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Une activité essentielle en terme de
lien
 Les dispensateur de care ont un double
rôle :
 témoigner de l’humanité de ceux dont ils
s’occupent
 rendre manifeste leur besoin de prise en charge
 Au quotidien la tâche est loin d’être aisée
car ce travail constitue bien une épreuve
liée à :
 la responsabilité qui incombe à ceux qui le
prennent en charge
 la confrontation ordinaire avec la vulnérabilité
d’autrui
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Pour conclure…..
 Le care n’est pas enraciné dans la
nature humaine et ne se déclenche
pas instinctivement au contact du
désarroi et de la détresse d’autrui
 Le care est le produit d’un effort
personnel et collectif, d’une culture
du soin et d’une organisation du
travail
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… vraiment
 La réflexion éthique contemporaine sur
le care est riche de promesse mais ne
les remplira qu’à condition de prendre
en compte les dimensions matérielles et
psychologiques du care, ce qui implique
une réflexion commune entre, d’une
part « les pourvoyeurs et les receveurs
du care », d’autre part les philosophes,
sociologues, psychologues et
…financeurs
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