Le lactate en réanimation

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- Désordres acido-basiques
- Le lactate en réanimation
Dr Thomas Rimmelé
[email protected]
Département d’Anesthésie-Réanimation
Pavillon P Réanimation
Hôpital Edouard Herriot, Lyon
Janvier 2007
Plan
Désordres acido-basiques
- Acidose métabolique
- Acidose respiratoire
- Alcalose métabolique
- Alcalose respiratoire
- Troubles mixtes
Le lactate en réanimation
- Métabolisme du lactate
- Dosage du lactate
- Hyperlactatémie : facteur pronostique ?
- Hyperlactatémie : marqueur d’hypoxie et de métabolisme anaérobie ?
- Classification des hyperlactatémies
- Hyperlactatémie : facteur de protection ?
- Traitement des acidoses lactiques
Introduction
- Désordres acido-basiques très fréquents en réanimation
- Nombreuses erreurs d’interprétation !
- Lactatémie prescrite tous les jours en réanimation
- Nombreuses « idées reçues » sur le lactate
- LE lactate !
Désordres acido-basiques
Prélèvement : la gazométrie artérielle
• Pas de bulle d’air pour éviter la perte de CO2 par dissipation
• Seringue héparinisée
• Glace jusqu’au laboratoire
• Pas plus d’une heure de conservation avant analyse
Définitions
• Trouble de l’équilibre acido-basique : trouble affectant la charge acide,
c’est à dire la quantité d’ions H+ présents dans les liquides de
l’organisme
• Acidose : augmentation de la charge en ions H+ de l’organisme
• Acidémie : diminution du pH sanguin exprimant une
augmentation de la concentration H+ dans le sang
• Alcalose : diminution de la charge en ions H+ de l’organisme
• Alcalémie : augmentation du pH sanguin exprimant une
diminution de la concentration H+ dans le sang
Conséquences de l’acidose
Cardiovasculaires :
- Baisse de la contractilité et de la réponse aux amines
- Vasodilatation artérielle, veinoconstriction, HTAP
- Baisse du DC, de la PA, des flux sanguins rénal et hépatique
- Arythmies
Respiratoires (variable selon étiologie métabolique ou respiratoire) :
- Hyperventilation, dyspnée
- Fatigue musculaire
Métaboliques
- Augmentation des besoins métaboliques, insulinorésistance
- Inhibition de la glycolyse anaérobie
- Diminution de la synthèse d’ATP
- Hyperkaliémie
- Catabolisme protéique
Cérébrales
- Inhibition du métabolisme, coma
NEJM 1998
Conséquences de l’alcalose
Cardiovasculaires :
- Vasoconstriction artérielle
- Baisse de la perfusion coronaire
- Arythmies
Respiratoires (variable selon étiologie métabolique ou respiratoire) :
- Hypoventilation, hypercapnie
- Hypoxémie
Métaboliques :
- Stimulation de la glycolyse anaérobie
- Hypokaliémie, hypomagnésémie, hypophosphorémie
- Baisse du calcium ionisé
Cérébrales :
- Baisse du flux sanguin cérébral
- Convulsions, délire
NEJM 1998
Le pH = Potentiel Hydrogène
• [ ] sanguine en ions H+ très faible : 40 nmol/L
 pH = - log [H+]
• Limites de la normale étroites :
• Limites compatibles avec la vie :
7,38 à 7,42
6,60 à 7,70
• [H+] stable indispensable au bon fonctionnement cellulaire
et enzymatique
• Production de H+ par l’organisme : 50 à 100 mmol / jour !!!
 Tendance à l’accumulation d’ions H+
Les systèmes tampons
Neutralisation de l’excès de H+ par 2 systèmes de défense :
- L’un immédiat, physicochimique : les sytèmes tampons
- L’autre, plus lent, constitué par 2 organes excréteurs de H+ : le rein
et le poumon
les systèmes tampons :
-Système des bicarbonates (tampon extracellulaire le + important)
-Hémoglobine
-Protéines cellulaires et plasmatiques
-Phosphates inorganiques
-L’ammonium
• Tamponnement par les bicarbonates :
H+ + HCO3-  H2CO3  H2O + CO2
• pH = 6,1 + log [HCO3-] / [H2CO3]
• pH = 6,1 + log [HCO3-] / 0,03 . PaCO2
• Bicarbonates régulés par le rein
• Ac. carbonique régulé par poumon via la PaCO2
• Pour maintenir pH normal, variation du
numérateur et dénominateur dans le même sens.
• Les variations de H+ (et donc du pH) sont induites par des
altérations de la PaCO2 ou de la [ ] plasmatique de HCO3-.
• Les anomalies primitives de la PaCO2 sont responsables
d’acidose ou d’alcalose dites « respiratoires ».
• Les anomalies primitives de HCO3- sont responsables d’acidose
ou d’alcalose dites « métaboliques ».
• Dans chacun de ces désordres acido-basiques, des réponses
compensatoires rénales ou respiratoires sont mises en jeu afin de
minimiser les variations de pH en minimisant les variations du
rapport HCO3- / PaCO2.
• Les réponses compensatrices vont toujours dans le même sens
que l’anomalie primitive.
Acidose métabolique
Défaut primitif
- Baisse des bicarbonates
Compensation
- Hyperventilation pour  PaCO2
Etiologies
- Acidose lactique, acidocétose du diabétique, insuffisance rénale,
intoxications (aspirine, éthylène glycol).
- Fuites digestives de bicarbonates (diarrhée, fistule digestive),
acidoses tubulaires rénales, remplissage vasculaire.
TTT
- étiologique, hyperventilation, très rarement bicarbonates, parfois
EER.
Acidose métabolique
Profil
pH < 7.38
Bicar < 23 mmol/L
PaCO2 < 5 kPa
Remarque
KPa  mm Hg
(× 7.5)
Acidose métabolique
Le trou anionique
Principe: plasma = électroneutralité = correspondance des
charges électriques portées par les anions(-) et par les
cations(+)
2 anions sont dosés couramment dans le plasma (HCO3et Cl-) = 85% des anions.
15% restants = anions indosés = protéines plasmatiques
(albumine), phosphates, sulfates, acides organiques…
Acidose métabolique
Valeur normale du TA :
(Na+ + K+) – (Cl- + HCO3-) = 16 ± 2
2 situations :
1) Si perte rénale ou digestive de HCO3-, la baisse de HCO3- est
compensée par une augmentation proportionnelle de Cl-. Le TA
ne change pas et cette forme d’acidose métabolique = acidose
métabolique hyperchlorémique (TA normal)
Acidose métabolique
2) Inversement, lorsque l’acidose est produite par l’addition d’un
acide autre que HCl, l’acidose s’accompagne d’un TA excessif
parce que HCO3- est abaissé et remplacé par un anion indosé.
Donc TA = utile pour le diagnostic différentiel d’une acidose
métabolique !
Acidoses métaboliques hyperchlorémiques à TA normal
Le TA urinaire : Na+ + K+ - Cl- = 0 à -20
Si TA u > 0
Acidose tubulaire rénale
Si TA u < -20
Pertes digestives de bicarbonates
Acidose métabolique hyperchlorémique et
remplissage vasculaire
Pas seulement avec certains cristalloïdes !
2 hypothèses physiopathologiques :
- Acidose de dilution : Approche
traditionnelle d’Henderson Hasselbach
- Apport de [ ] élevées en Cl- : approche de
Stewart
Acidose de dilution :
• Henderson-Hasselbach
• Diminution des bicarbonates plasmatiques
secondaire à l’expansion volémique
Garella et al. Am J Physiol 1973. Effect of isotonic volume expansion on
extracellular bicarbonate stores in normal dogs.
• Modèle de Stewart (1978) :
Respect de 3 principes physico-chimiques
fondamentaux :
- Equilibre de dissociation électrochimique
- Conservation de masse
- Electroneutralité
Stewart PA. Resp Physiol 1978. Independant and dependent variables of acid-base
control.
• pH et HCO3- sont dépendants de 3 variables distinctes :
- Le Strong ion difference (SID) =
différence entre cations et anions fortement dissociés: (Na+ + K+) – (Cl- +
lactate)
- PaCO2
- Acides faibles (albumine, phosphore inorganique)
Métabolique
Respiratoire
SID
Acides
faibles
PaCO2
Acidose
↓
↑
↑
Alcalose
↑
↓
↓
L’ hypoalbuminémie entraîne une alcalose métabolique.
Quelques réf sur acidose hyperchlorémique :
Scheingraber S et al. Anesthesiology 1999. Rapid saline infusion produces
hyperchloremic acidosis in patients undergoing gynecologic surgery.
Blanloeil Y et al. Ann Fr Anesth Réanim 2002. Acidose hyperchlorémique lors
du remplissage vasculaire.
Waters JH et al. Crit Care Med 1999. Cause of metabolic acidosis in
prolonged surgery.
Place des bicarbonates dans le traitement
d’une acidose métabolique
Effets néfastes des bicarbonates :
1) Augmentation de la production de CO2
HCO3- + H+
H20 + CO2
Nécessité d’augmenter le travail ventilatoire pour épurer le CO2.
Peut même aboutir à des acidoses respiratoires !
2) Acidose intracellulaire paradoxale par diffusion dans la cellule du
CO2 (acidose gazeuse intracellulaire).
Ritter et al. Lancet 1990
Effet inotrope négatif si acidification des cellules cardiaques !
3) Acidification du LCR
4) Alcalose métabolique secondaire
Rappel : alcalose + grave que acidose !
5) Hypokaliémie
6) Hypernatrémie et hyperosmolarité
Les indications des bicarbonates :
Persistantes : Acidose métabolique par fuite digestive ou urinaire
de bicarbonates = acidose métabolique hyperchlorémique à TA
normal
Discutées : Acidose métabolique très sévère (pH < 6,90)
Action des amines ??
Abandonnées :
- Acidose métabolique par gain d’acide = acidose métabolique
normochlorémique à TA augmenté.
- Réanimation de l’arrêt cardiocirculatoire
Correction de l’acidose métabolique en réanimation. Conférence consensus Juin 1999
Remarque sur l’acidose au cours d’un arrêt cardiocirculatoire :
Acidose mixte avec grosse part « respiratoire » par défaut
d’épuration du CO2 donc prescription de bicarbonates illogique.
Risque d’aggravation de l’acidose tissulaire si bicarbonates
Précautions d’utilisation si administration de bicarbonates :
- Administration lente et régulière (< 2 mmol/kg/H)
diminue l’acidose intracellulaire et LCR
diminue la production de CO2
- Utiliser solutés hypoosmolaires (1,4 %)
- Augmenter ventilation minute si ventilation mécanique
- Prévenir l’hypokaliémie
- Limiter les quantités
Acidose respiratoire
Défaut primitif
Augmentation de la PaCO2 = Hypercapnie
Compensation
Réabsorption rénale des bicarbonates augmentée
Etiologies
Toutes les causes d’ hypoventilation alvéolaire = paralysies respiratoires
neurologiques ou musculaires (Guillain-Barré,myopathies), comas,
effets secondaires des morphiniques, BPCO décompensée…
Acidose respiratoire
TTT
Etiologique, augmenter la ventilation alvéolaire
Profil
pH < 7.38
Bicar > 26 mmol/L
PaCO2 > 5.6 KPa
Alcalose métabolique
Défaut primitif
- Elévation des bicarbonates
Compensation
- Hypoventilation alvéolaire
Etiologies
- Hypovolémie, diurétiques (contraction du volume extra-cellulaire
réabsorption proximale de bicarbonates)
= alcalose de contraction
- Pertes de H+ : Vomissements
- perfusions excessives de bicarbonates
Alcalose métabolique
TTT
- Normalisation de la volémie, ttt étiologique,
parfois acétazolamide (favorise excrétion rénale des bicar)
Profil
pH > 7,42
Bicar > 26 mmol/L
PaCO2 > 5,6 KPa
Alcalose respiratoire
Défaut primitif
- Baisse de la PaCO2
Compensation
- Baisse des bicarbonates (réduction de la réabsorption rénale)
Etiologies
Hyperventilation alvéolaire par hyperpnée
- centrale (psychiatrie, AVC, tumeurs cérébrales)
- réflexe à une hypoxie (EP, pneumothorax, anémie)
- respirateur de réa mal réglé
Alcalose respiratoire
TTT
- étiologique, O2 si besoin, diminuer la ventilation
Profil : alcalose respiratoire avec alcalémie
pH > 7,42
Bicar < 23 mmol/L
PaCO2 < 5 KPa
Remarque :
• On peut avoir une acidose métabolique sans acidémie (=
compensée)
- Bicar diminués (trouble primitif)
- PaCO2 diminuée
- pH normal
• Mais attention : même profil que alcalose respiratoire sans
alcalémie !!
• Acidose respiratoire sans acidémie ou compensée : cas fréquent au
cours des insuffisances respiratoires chroniques
BILAN
Acidose
Acidose
Alcalose
Alcalose
métabolique respiratoire métabolique respiratoire
pH




PaCO2




HCO3-




Quelques précisions…
• Nous venons de voir les troubles acido-basiques simples !
• Il existe (fréquemment en réanimation) des troubles acidobasiques complexes ou mixtes…
• Ces derniers surviennent quand la compensation rénale ou
respiratoire ne peut pas s’effectuer correctement.
Ex : administration massive de bicarbonates à un malade
soumis à une ventilation mécanique avec ventilation minute
trop élevée
Alcalose mixte !

BILAN des troubles mixtes
Acidose
mixte
Alcalose
mixte
pH


PaCO2


HCO3-


Quelques précisions…
• Enfin, de manière générale, pour éviter les erreurs, ne jamais
interpréter une gazométrie artérielle de façon isolée.
Il faut systématiquement s’aider de :
-l’anamnèse
-L’examen clinique
-La biologie (ionogramme, ac. lactique…)
Conclusion
L’analyse d’un trouble acido-basique n’est pas compliquée si
- Rigueur de raisonnement (identifier défaut primitif…)
- Prise en compte des paramètres anamnestiques, cliniques et
biologiques associés
Le lactate en réanimation
Métabolisme du lactate
Lactatémie = concentration qui résulte à la fois du flux de production
et du flux d’élimination du lactate
Le lactate est formé dans le cytosol à partir du pyruvate qui est réduit
grâce à une enzyme, la lacticodeshydrogénase (LDH) :
Pyruvate + NADH + H+
LDH
Lactate + NAD
Donc la concentration cellulaire de lactate dépend de :
- Concentration en pyruvate
- Rapport NADH/NAD
- Concentration en ion H+
Concentration cellulaire en pyruvate :
Le lactate augmente quand la production de pyruvate dans le cytosol
excède son utilisation
Le pyruvate est issu essentiellement de la glycolyse
Glycolyse
glucose
Fructose-6P
Phosphofructokinase (PFK)
Fructose-1,6 biP
+
Acidose
Alcalose
Phosphoénolpyruvate
Pyruvate kinase
Pyruvate
Hyperlactatémie en situation d’alcalose par stimulation de la
glycolyse aboutissant à augmentation pyruvate
Le pyruvate
4 voies métaboliques : 2 intramitochondriales
2 cytosoliques
1) Oxydation aérobique intramitochondriale via le cycle de Krebs
catalysée par la pyruvate deshydrogénase (PDH)
36 ATP
2) Transformation en oxaloacétate
3) Donner du glucose par la néoglucogénèse
4) Donner alanine par transamination
METABOLISME DU LACTATE
glucose
L
P
fructose 6P
PFK
fructose 1,6P
ADP
NAD
NADH
ATP n = 2
alanine
Oxalo
acétate
pyruvate
PDH
AcétylCoA
Krebs
NADH
= k.
< 12
NAD
lactate
Oxydation phosphorylante
CO2 + H2O
NADH + O2
ADP
NAD + H2O
ATP n = 36
Le potentiel Redox (NADH/NAD)
Contrôle étroitement la [] cellulaire en pyruvate en régulant :
- La glycolyse et l’oxydation du pyruvate en acétylcoA via la PDH
PDH
Pyruvate + CoA
NAD
AcétylCoA + CO2
NADH + H+
- La réduction du pyruvate en lactate via la LDH
Pyruvate + NADH + H+
Lactate + NAD
LDH
Les variations de la [H+] ou pH
L’acidose favorise la transformation du pyruvate en lactate.
L’acidose diminue la production de pyruvate en inhibant l’activité
de la PFK.
Glycolyse
glucose
Fructose-6P
Phosphofructokinase (PFK)
Fructose-1,6 biP
+
Acidose
Alcalose
Phosphoénolpyruvate
Pyruvate kinase
Pyruvate
Hyperlactatémie en situation d’alcalose par stimulation de la
glycolyse aboutissant à augmentation pyruvate
Turnover du lactate
- La production de lactate correspond donc à un travail anaérobie ne
nécessitant pas d’O2
- Production globale : 1500 mmol/j
- Organes producteurs : érythrocytes, intestin, cerveau, peau et muscle
surtout lors de exercice physique
- En situation normale, cette production est compensée par une
métabolisation par organes métaboliseurs (foie +++ , rein, cœur)
Baisse importante du débit sanguin hépatique, cirrhose
Diminution de la clairance hépatique du lactate
Augmentation de sa demi-vie
En fait, le turn over du lactate est très complexe !
- Les organes métaboliseurs peuvent devenir producteurs (foie, rein)
- Les producteurs peuvent devenir métaboliseurs (cerveau, muscle)
- En situation normale, production = élimination d’où lactatémie stable
de 0,5 à 1,5 mmol/L avec ½ vie plasmatique de 10 minutes.
- Lactatémie ne reflète donc pas le turn over ou métabolisme :
on peut avoir lactatémie normale avec un métabolisme du lactate
multiplié par 3
- Hyperlactatémie = déséquilibre entre production et élimination
Remarque : Lactatémie et HDFVVC : - fiable il y a 10 ans
- aujourd’hui ?
Relation production de lactate et [H+]
La théorie :
Il existe une relation directe entre lactate et acidose car :
l’acide lactique est un acide fort (pK = 3,9) donc complètement
dissocié de façon équimolaire en anion lactate- et H+ à pH
plasmatique physiologique
Concept de Stewart : le pH n’est pas une valeur contrôlante mais
Contrôlée par 3 variables qui sont :
-la différence ionique constituée par les ions fortement dissociés
(SID)
-la PaCO2
-les acides faiblement dissociés
Ces 3 paramètres définissent le degré de dissociation des molécules
d’eau et donc le pH.
Le lactate est un anion, réduisant le SID et avec pour conséquence
d’augmenter la dissociation de l’eau et donc la génèse de protons
entraînant l’acidose
Métabolique
Respiratoire
SID
Acides
faibles
PaCO2
Acidose
↓
↑
↑
Alcalose
↑
↓
↓
La réalité :
Il existe des hyperlactatémies sans acidose ou même avec
des alcaloses !!
1) La production de lactate à partir du glucose n’aboutit ni à une
production, ni à une consommation d’ion H+
Glycolyse :
glucose + 2 ADP + 2 Pi
2) Hydrolyse de l’ATP : 2 ATP
2 lactate + 2 ATP
2 ADP + 2 Pi + 2 H+ + énergie
3) Si apport d’O2 est insuffisant, les métabolites de l’ATP sont recyclés
dans la mitochondrie et les ions H+ sont tamponnés par les HCO3La lactatémie cytosolique peut augmenter sans développement
d’une acidose
4) L’acidose inhibe fortement la glycolyse
production de lactate
baisse de la
Glycolyse
glucose
Fructose-6P
Phosphofructokinase
Fructose-1,6 biP
+
Acidose
Alcalose
Phosphoénolpyruvate
Pyruvate kinase
Pyruvate
Hyperlactatémie en situation d’alcalose par stimulation de la
glycolyse aboutissant à augmentation pyruvate
5) Le pH modifie le système de transport cellulaire du lactate
cellule
ATP
ADP + Pi + H+
OHSystème antiport membranaire
Lactate
- Tamponnement des H+ provenant de l’ATP par les ions OH- En cas de glycolyse anaérobie, atténuation de l’acidose intracellulaire
par la sortie du lactate
Au total, les voies métaboliques du lactate et des H+ sont différentes.
Hyperlactatémie == Acidose lactique !
Dosage du lactate
- Prélèvement artériel = reflet global du lactate de l’organisme
- Prélèvement veineux périphérique = surestime la lactatémie,
en particulier lors d’une instabilité hémodynamique
Jackson et al. CCM 1997
- Prélever lentement afin de limiter l’hémolyse sur un tube contenant
un anticoagulant et mettre dans glace
- Centrifuger rapidement de façon à limiter la glycolyse in vitro des
hématies qui augmente artificiellement la lactatémie
- Surestimation de la lactatémie si perfusion rapide de Ringer lactate
- Hyperlactatémie = élévation de la concentration sanguine en lactate
> 2 mmol/L
Lactatémie et trou anionique (TA) plasmatique
- L’acidose lactique est une acidose métabolique à TA élevé
- Delta TA = Delta HCO3- Peut on suspecter une hyperlactatémie devant un TA élevé ?
Oui mais :
- 35 % de faux positifs (élévation du TA sans augmentation
d’ac. organiques)
Hypoalbuminémie, variation des volumes de distribution
des cations et anions, tampons non bicarbonates…
- On peut aussi avoir hyperlactatémie modérée et TA normal !
La fiabilité du TA pour le Dg d’hyperlactatémie est donc médiocre
Doser directement le lactate !
Hyperlactatémie : facteur pronostique ?
Relation indiscutable entre sévérité de l’hyperlactatémie et
morbi-mortalité des patients de réanimation
Lactate > 5 mmol/L à l’admission en réa
Mortalité à 3 j : 60 %
Mortalité à 30 j : 83 %
Stacpoole et al. Am J Med 1994
Durée de l’acidose lactique +++
Répétition des dosages
Hyperlactatémie : marqueur d’hypoxie et de
métabolisme anaérobie ?
Energie cellulaire stockée sous forme d’ATP
Hydrolyse de l’ATP : ATP
ADP + Pi + H+ + énergie
Physiologiquement chez l’homme, le métabolisme énergétique repose
pour 90 % sur la production aérobie d’ATP et 10 % sur la production
anaérobie d’ATP
Pour produire de l’ATP en l’absence d’oxygène, la seule voie possible
est la glycolyse qui consomme du glucose et produit du lactate.
(voie de la créatinine-kinase utilisant la phosphocréatine anecdotique)
L’hyperlactatémie marqueur de déficit énergétique dans
toutes les mentalités depuis des dizaines d’années.
Les mécanismes de surproduction de lactate en situation d’hypoxie
sont complexes :
- Blocage de l’oxydation phosphorylante mitochondriale
- Baisse du rapport ATP/ADP
- Elévation du rapport NADH/NAD
- Augmentation de la prod de pyruvate via la glycolyse suite à baisse du rapport
ATP/ADP (stimulation de la PFK)
- Diminution de l’utilisation du pyruvate vers la voie de l’oxaloacétate
- Accumulation de pyruvate via Inhibition de la pyruvate deshydrogénase via
élévation du rapport NADH/NAD
Au total, l’accumulation de lactate résulte de accumulation de pyruvate
et surtout des modif du potentiel redox avec majoration de pyr lact
Pyruvate + NADH + H+
Lactate + NAD
Utile car seule voie de régénération de NAD permettant de poursuivre
la glycolyse
Au total, le métabolisme anaérobie se caractérise par :
- Hyperlactatémie
- Élévation du rapport Lactate/Pyruvate
- Utilisation accrue de glucose
- Absence de respiration cellulaire
- Déficit oxydatif avec élévation du rapport NADH/NAD
L’hyperlactatémie n’est pas synonyme d’hypoxie tissulaire :
Hyperlactatémie et exercice musculaire :
- Acidose lactique sévère en qq min (pH <7 , lactatémie > 20 mmol/L)
- Activation de la glycolyse en situation aérobie
- Baisse de la clairance hépatique par baisse du débit sanguin hépatique
et/ou l’acidose accompagnant l’hyperlactatémie
- Idem pour crise convulsive généralisée
Déséquilibre entre production et élimination du lactate
Hyperlactatémie et sepsis :
De nombreux travaux cliniques et expérimentaux remettent en cause
l’origine hypoxique de l’hyperlactatémie observée au cours du sepsis.
Absence d’hypoxie tissulaire au cours du sepsis
- Accélération du flux glycolytique liée à des cytokines
- Diminution de l’activité de la PDH par les cytokines
Blocage de l’entrée du pyruvate dans le cycle de Krebs
- Modification de certaines activités enzymatiques induisant une
surproduction de pyruvate et donc de lactate
- Stimulation de la glycolyse par les catécholamines
- Altération de la clairance hépatique au cours du sepsis (baisse
du débit hépatique? Altération fonction métabolique hépatique ?)
Hyperlactatémie au cours du sepsis = conséquence d’un métabolisme
aérobie plus qu’anaérobie.
Déséquilibre entre production et élimination du lactate
Marqueur fiable d’hypoxie tissulaire : le rapport lactate/pyruvate
A l’équilibre, 10 fois plus de lactate que de pyruvate
En situation anaérobie, l’oxydation phosphorylante mitochondriale
est bloquée entraînant accumulation de l’équivalent réduit NADH,
favorisant ainsi la formation de lactate, régénérant ainsi le NAD
nécessaire à la poursuite de la glycolyse et donc la formation d’ATP
Rapport L/P >> 10
L/P = bon indicateur du passage d’un métabolisme aérobie à
métabolisme anaérobie
2 types d’hyperlactatémies :
- Hyperlactatémie sans acidose sévère dites hyperlactatémie de stress
qui sont en rapport avec une accélération aérobie de la glycolyse
et/ou un dysfonctionnement de la PDH avec un rapport L/P normal.
Ex : sepsis, exercice musculaire, administration d’amines.
Traduisent une modification métabolique et non une hypoperfusion
tissulaire
- Hyperlactatémie avec acidose sévère. Rapport L/P élevé suggérant
métabolisme anaérobie
Remarque : dosage du pyruvate très difficile en pratique courante
Classification des hyperlactatémies
-Formes congénitales rares (anomalies génétiques métaboliques)
-Acidoses lactiques acquises :
type A : dues à défaut d’oxygénation tissulaire
type B : dues à défaut de métabolisation
Classification très schématique car pratiquement toujours
excès de production + défaut d’élimination du lactate
(exemple du sepsis avec altération de la clairance hépatique du lactate)
Intoxications :
- Inhibition de la chaîne respiratoire mitochondriale au
niveau de la cytochrome oxydase par effet toxique direct (cyanure)
ou effet indirect de compétition entre O2 et CO ou NO.
Production d’équivalents réduits
- Intoxications aux alcools
Elévation du potentiel redox
Pyruvate
Lactate
Cancers :
- Hyperlactatémie sans acidose voire avec alcalose !
- Hyperproduction (défaut de perfusion de la tumeur) + défaut de
clairance hépatique (chimiothérapie)
- Rôle de l’hexokinase sur l’accélération de la glycolyse ?
Hyperlactatémies au cours des alcaloses :
- Sous estimée
- Excès de production par activation de la PFK en rapport avec le
pH alcalin
Glycolyse
glucose
Fructose-6P
-
Phosphofructokinase
Fructose-1,6 biP
+
Acidose
Alcalose
Phosphoénolpyruvate
Pyruvate kinase
Pyruvate
Hyperlactatémie en situation d’alcalose par stimulation de la
Glycolyse aboutissant à augmentation pyruvate
Acidose lactique et traitement par ß2 mimétiques :
Chaulier et al. Ann Fr Anesth Reanim 2007 (in press)
Au total, classification très simpliste et artificielle car :
- L’hyperlactatémie résulte en général de plusieurs modifications
métaboliques potentialisatrices
- Intéractions de mécanismes biochimiques complexes
- Probablement encore bcp d’inconnues
Hyperlactatémie : facteur de protection ?
Aucune preuve de la toxicité du lactate
Acidose lactique et effort musculaire intense, perfusions de lactate
pas d’effets délétères
Réponse adaptée, mécanisme de protection, mécanisme de défense
face à des situations de déficit énergétique ?
Hyperlactatémie
Acidose secondaire
L’acidose freine la glycolyse en inhibant la PFK et donc diminue
la production de lactate (sorte de rétrocontrôle négatif)
36 moles d’ATP en situation aérobie
1 mole de glucose
2 moles d’ATP en situation anaérobie
Pour même rendement, glycolyse doit tourner plus de 15 fois plus en
anaérobie
Epuisement du stock glucidique
Ralentissement de la glycolyse par l’acidose = stratégie d’épargne des
réserves énergétiques (glucose et glycogène)
Effet protecteur cellulaire de l’acidose face à l’hypoxie
L’augmentation du pH chez des patients en acidose n’améliore pas
La survie
Couple lactate-pyruvate = navette redox
Chaque organe ne fonctionne pas indépendamment des autres.
Il existe des échanges inter et même intraorganes
Le lactate produit dans un organe peut être oxydé dans d’autres
organes ou cellules du même organe selon les besoins et les
situations physiopathologiques
Navette redox lactate-pyruvate
Exemples :
1) Cycle de Cori entre foie et globule rouge
2) Agression pulmonaire
Elévation de la prod de lactate par poumon
Lacatémie reste normale car augmentation du recaptage par foie et rein
Lactate = substrat énergétique
Oxydation du lactate issu des tissus hypoxiques par les tissus aérobies
Baisse du métabolisme du glucose dans les tissus aérobies
Epargne de glucose pour la production anaérobie d’ATP via la
glycolyse dans les tissus anaérobies
L’hyperlactatémie entraîne certaines voies métaboliques vers une
économie de substrats énergétiques (glucose, glycogène) qui sont ainsi
réservés aux organes ou cellules en situation anaérobie.
« Brain lactate production is not a suicide, it is a survival kit »
Schurr et al. Dev Neurosci 1998
Importance qualitative de la production d’ATP anaérobie
Le métabolisme énergétique de la cellule est compartimenté :
les activités des pompes membranaires ATPase sont surtout
dépendantes de l’ATP glycolytique.
= autre effet protecteur de l’ATP glycolytique
Leverve. Réanimation 2003
Traitement des acidoses lactiques
1) Faut-il traiter l’acidose ?
2) Faut-il traiter l’hyperlactatémie ?
Faut-il traiter l’acidose ?
Il faut traiter la cause sous-jacente de survenue de l’acidose lactique.
Ex : rétablir un apport suffisant d’O2 aux tissus en optimisant l’Hb
et la Pa02.
Corriger l’acidose en elle-même par des solutés tampons
tels que le bicarbonate de sodium n’a montré aucun bénéfice.
Il existe des effets protecteurs de l’acidose en cas de déficit énergétique
donc il est illogique de préconiser un ttt actif de l’acidose par
hyperlactatémie.
Faut-il traiter l’hyperlactatémie ?
Le lactate n’est pas toxique
Aucun intérêt à corriger l’hyperlactatémie simplement pour
normaliser le chiffre de lactate
L’administration de dichloroacétate diminue la lactatémie via la
stimulation de la PDH mais n’améliore pas la survie des patients.
Stacpoole et al. Ann Intern Med 1998
Conclusion
Hypoxie tissulaire
Déficit énergétique
Hyperlactatémie
Acidose lactique en réanimation = lourde mortalité et morbidité
Hyperlactatémie == Acidose lactique
Hyperlactatémie == Hypoxie tissulaire
Le plus souvent, déséquilibre entre production et élimination du lactate
- Métabolite majeur, indispensable à la vie, situé au carrefour des
grandes voies métaboliques
- Absence de toxicité du lactate
- Utilité du lactate pour économiser d’autres réserves énergétiques
- Garant de la coopération énergétique entre les différents
organes (navette redox lactate/pyruvate)
- Son élévation doit être considéré comme un signal d’alerte
correspondant à des phénomènes énergétiques adaptatifs qu’il
importe d’analyser et de comprendre.
- Encore beaucoup d’inconnues mais cette réponse métabolique
semble intégrée à tout l’organisme avec une hiérarchisation des
priorités et une redistribution métabolique entre les organes.
« Primum non nocere »
Hippocrate (- 400 AVJC)
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