Présentation

publicité
Histoire de la
France
révolutionnaire
Deuxième cours :
Les origines intellectuelles de
la révolution; 1789
Deuxième cours :
1 – Les origines intellectuelles de la
révolution
2 – Vers les États généraux
3 – Les révolutions de l’été 1789
4 – La fin de l’ordre féodal
5 – La Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen
1 – Les origines
intellectuelles de la révolution
1.1 – Les Lumières
• Au cours du XVIIIe siècle, un mouvement intellectuel,
qui prend ses racines dans le rationalisme de la
renaissance, se développe.
• C’est de ce mouvement que le siècle a pris son titre de
siècle des lumières, même si les prémisses sont plus
anciennes et qu’un Spinoza ou un Newton peuvent
parfaitement y être rattachés.
• Le phénomène n’est pas français mais bien
européen et remet en question les dogmes religieux et
l’ordre politique, social et économique issu du Moyenâge. La raison se dresse contre la foi et les traditions.
• Il n’y existe pas dans la littérature de définition nette
et claire de ce mouvement intellectuel et les spécialistes
contemporains mettent l’accent sur la diversité des
courants qu’il représente.
• Car il s’agit d’un regard nouveau sur le monde, d’une
nouvelle sensibilité, plutôt que d’un courant intellectuel
qui provient de la maturation des remises en questions
de la fin du Moyen-âge et de la diffusion du savoir qui
concerne un nombre grandissant de personnes.
• Au Moyen-âge, culture et savoir étaient limités à
l’aristocratie, mais le développement de la bourgeoisie
élargit le cercle de ceux se consacrant à la réflexion.
• Ainsi, il s’agit aussi d’une mutation démographique: le
nombre d’auteurs importants de l’époque s’explique par
l’accroissement de la population urbaine.
• Mais si les représentants de la bourgeoisie dominent
(Voltaire, Kant), on trouve aussi d’importants auteurs
issus de la noblesse, dont Montesquieu ou Condorcet.
• Ainsi, le mouvement tend à supprimer les hiérarchies
traditionnelles par une sorte de communion intellectuelle
entre des personnalités issues de milieux différents.
• Mais les changements démographiques ne peuvent à
eux seuls expliquer l’émergence de cette pensée
critique, consécration des travaux de penseurs et
doxographes
de
la
renaissance,
(Copernic,
Descartes), dont les travaux fondent le rationalisme
scientifique.
• C’est d’abord à la nature que cette approche scientifique
sera employée (Newton). Peu à peu, l’observation et
l’analyse comme fondement de la connaissance seront
étendus à d’autres domaines, dont l’organisation
sociale, l’économie, les systèmes politiques, etc.
• La fondation de l’Encyclopédie en 1751 par d’Alembert
et Diderot pose un jalon dans ce développement, les
fondateurs ayant l’ambition d’élaborer un Dictionnaire
raisonné des sciences, des arts et des métiers.
• En plus d’élargir ainsi l’approche rationnelle à toutes
les activités humaines, le projet des encyclopédistes va
favoriser la diffusion des connaissances, participant
ainsi à la démocratisation du savoir.
• Il n’est pas possible, ni pertinent, de faire une analyse
approfondie de l’ensemble des courants philosophiques
qui structurent la pensée du XVIIIe siècle européen,
mais certains d’entre eux ne peuvent être ignorés,
compte tenu de leur rôle fondamental dans les
changements politiques qui surviennent à partir de 1789.
1.2 – Le libéralisme
• Le libéralisme est le courant de pensée politique le
plus important du XVIIIe siècle. Le mot ne naît qu’au
début du XIXe siècle, mais l’affirmation de la liberté en
tant que valeur politique suprême, caractéristique
fondamentale, est nettement plus ancienne.
• Le libéralisme comprend des aspects politiques (qui
concernent les droits de l’individu) et des aspects
économiques (qui concernent l’établissement d’un
marché libre de toute ingérence politique).
• On peut être partisan du premier sans l’être de l’autre,
mais les libéraux du XVIIIe siècle conçoivent leur
libéralisme comme un tout.
• Le libéralisme postule que l’individu dispose de droits
fondamentaux que le pouvoir politique ne doit pas
remettre en question.
• Ces droits fondamentaux fluctuent selon les époques et
peuvent inclure les libertés individuelles (ex. liberté
d’expression), les libertés économiques (ex. liberté
d’entreprendre) ou certains droits collectifs (ex. le droit
d’association). Ces droits naturels sont inaliénables.
• Les premières manifestations du désir de limiter
l’absolutisme monarchique remontent au XIIIe siècle,
avec les concessions que l’aristocratie anglaise parvient
à obtenir. La Grande Charte de 1215 est la première
manifestation légaliste du libéralisme politique.
• Les théorisations sont plus tardives et c’est à John
Locke (1632-1704) que l'on attribue la paternité du
libéralisme politique et la première théorie des droits
naturels et son corollaire en matière d’organisation
politique, la limitation du pouvoir.
• En France, le principal théoricien est Montesquieu. Si
l’idée d’une séparation des pouvoirs remonte à Locke, la
conception et la théorisation de cette idée sont de lui.
• Dans L’esprit des lois, paru en 1748, Montesquieu,
estimant que « le pouvoir doit arrêter le pouvoir »,
propose de distinguer les fonctions législatives,
exécutives et judiciaires de l’État et de les confier à
des structures distinctes.
• L’équilibre ainsi créé permet d’assurer la défense des
droits de l’individu, les trois pouvoirs se trouvant alors
placés en compétition les uns avec les autres. Cette idée
constitue la base théorique de tout État de droit.
• Mais le libéralisme devient si important parce qu’il est
diffusé par des auteurs qui ne se limitent pas au
style plutôt hermétique de la théorisation politique et
qui privilégient la littérature pour diffuser ces idées.
• Si Beaumarchais (1732-1799), auteur dont les pièces
de théâtre (Le mariage de Figaro, le barbier de Séville)
ont fait rugir Louis XV et Louis XVI, est indéniablement
associé à ce courant, son rôle n’est pas comparable à
celui de François-Marie Arouet.
• Voltaire (1694-1778), qui eut l’honneur de séjourner à
quelques reprises à la Bastille a laissé une œuvre
colossale et très diversifiée, incluant des écrits
scientifiques et philosophiques, mais surtout de
nombreux récits célèbres (Candide, L’ingénu, etc.).
• Bien qu’il ne préconise pas une forme d’organisation
politique particulière, il partage et diffuse une
conception libérale de la société et considère les
libertés individuelles (particulièrement la liberté de
conscience et la liberté d’expression) comme le socle
de toute société moderne et juste.
• Par sa plume célèbre et son goût pour la
provocation, Voltaire a grandement contribué à la
diffusion dans des cercles de plus en plus vastes des
idéaux libéraux.
1.3 – L’égalitarisme
• Le second grand courant est moins diffusé et plus
limité à l’espace francophone, s’articulant autour d’un
auteur, Jean-Jacques Rousseau.
• Comme le libéralisme est défendu par des aristocrates
ou des grands bourgeois, on ne s’étonnera pas que
ces personnes ne voient pas nécessairement d’un bon
œil les théories égalitaires. Ce qui explique le faible
nombre d’auteurs qui ont réfléchi sur ce thème au
XVIIIe siècle : c’est une idéologie populaire qui
convient au peuple, lequel dispose de peu de chantres.
• L’égalitarisme sera bien davantage une conséquence
de la révolution qu’une cause : c’est l’irruption dans le
processus révolutionnaire de la population pauvre, qui
réclame sa part de la redistribution, qui va aboutir à
l’introduction de ce courant jusque dans les textes
fondateurs du nouvel ordre politique.
• Même si Rousseau est considéré comme le héraut de
l’égalitarisme, il s’appuie sur certains précédents et il
n’est pas le premier en France et en Europe à croire en
l’égalité naturelle des hommes.
• Parmi les prédécesseurs de Rousseau, il convient de
citer Jean Meslier (1664-1729), curé d’Étrypigny. Son
Testament n’a pas été publié de son vivant et c’est
Voltaire qui, en 1762, se chargea d’en assurer la
publication.
• Au-delà de la violente critique qu’il fait de la religion et de
l’existence de Dieu, Meslier est un grand défenseur de
l’égalité naturelle : « Tous les hommes sont égaux par
la nature, ils ont tous également le droit de vivre et de
marcher sur la terre, également droit d’y jouir de leur
liberté naturelle et d’avoir part aux biens de la terre en
travaillant les uns les autres pour avoir les choses
nécessaires et utiles à la vie. »
• Son égalitarisme s’exprime violemment (« Il serait juste
que les grands de la terre et que tous les nobles fussent
pendus et étranglés avec les boyaux des prêtres »), au
point où on peut voir en lui un précurseur idéologique
du recours à la terreur pour le bien de la majorité.
• Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) constitue l’un
des principaux inspirateurs des plus radicaux des
révolutionnaires français, dont Robespierre et Marat.
• L’œuvre de Rousseau aborde une multitude de
problèmes d’ordre psychologique et sociologique.
Issu d’un milieu modeste, c’est par un concours de
circonstances qu’il se retrouva au milieu de l’intense
polémique qui allait faire de lui l’un des penseurs les plus
controversés de son époque.
• Après avoir été récompensé pour son Discours sur les
sciences et les arts par l’académie de Dijon, Rousseau
présente un second texte en 1755 dans le cadre d’un
autre concours de cette même académie.
• Ce texte, le Discours sur l'origine et les fondements
de l'inégalité parmi les hommes, va susciter des
réactions critiques. L’idée de Rousseau est qu’il y existe
une égalité naturelle entre les hommes à la naissance
et ce sont les institutions humaines qui par la suite
pervertissent cet équilibre naturel entre les individus.
• Que faire alors pour garantir le maintien de cette égalité
dans le cadre social? C’est dans un autre texte qu’il
tente de répondre à cette question. Du contrat social,
publié en 1762, est considéré comme l’un des actes
fondateurs de la philosophie politique moderne.
• L’inégalité étant conventionnelle, il faut mettre en place
un ordre social capable de garantir l’égalité naturelle
entre les individus. Et comme il faut un gouvernement
adapté à cet objectif, il glisse peu à peu vers une
conception républicaine de l’ordre social, c’est-à-dire
vers un système politique qui permet la participation
de la population aux affaires publiques.
• Égalitarisme,
républicanisme
et
démocratie
deviennent
ainsi
des
conditions
mutuellement
nécessaires et suffisantes.
• Du point de vue théorique, c’est une rupture radicale
avec la pensée politique, ou la hiérarchisation relève
de l’évidence et même les penseurs les plus
progressistes de l’époque, dont Voltaire, ne cacheront
pas leur malaise devant cette révolution théorique,
par laquelle on réclame pour le paysan qu’il puisse jouer
un rôle politique tout aussi important que celui de
n’importe quel intellectuel bourgeois.
2 – Vers les États généraux
• La situation des finances du royaume a contraint en
1788 le roi à convoquer les États généraux pour la
première fois depuis 1614. À lui seul, ce fait témoigne
éloquemment de la perte de puissance du souverain.
• Le 24 janvier 1789, le règlement de la convocation avait
été fixé et Louis XVI avait accepté que le tiers état soit
représenté par autant de députés que les deux
ordres privilégiés.
• Le processus électif, complexe, variait selon la région
et l’ordre concernés. Sans parler de suffrage universel,
une partie importante de la population put participer à
l’élection des délégués, car tous les Français de plus
de 25 ans eurent le droit de voter. Mais impossible de
connaître la proportion de la population qui participa.
• À l’ouverture des états généraux, le 5 mai 1789, 1 165
délégués se présentèrent, répartis à peu près également
entre le tiers état et les deux ordres privilégiés.
• La délégation du clergé ne comptait que 46 évêques et
certains d’entre eux étaient considérés comme des
libéraux, comme celui de Bordeaux ou d’Autun, le
marquis de Talleyrand. La majorité des délégués
étaient de condition modeste et les curés de paroisses
y étaient fort nombreux.
• Du côté de la noblesse, près du tiers des délégués
appartenaient à la tendance libérale, dont La Fayette.
Même chez ces ordres privilégiés, où le roi pouvait
escompter un fort soutien, une proportion importante
des délégués étaient loin d’être acquis à
l’absolutisme.
• La représentation du tiers état était très homogène.
Pas de paysans, d’artisans et d’ouvriers parmi eux, mais
une solide délégation de la bourgeoisie française.
• Y dominaient des hommes de loi, des marchands et
des commerçants La province y était aussi bien
représentée que Paris. À noter la présence de certains
transfuges des deux autres ordres, donc le comte de
Mirabeau, ainsi que l’abbé Siéyès.
• Grâce aux cahiers de doléances de la population, nous
disposons d’un témoignage remarquable de ses désirs
et espérances au moment où s’ouvrent les états
généraux,
cat
toutes
les
corporations
professionnelles, toutes les paroisses se sont
employées dans les premiers mois de 1789 à recueillir
l’opinion des Français.
• Entendu que des notables prirent note de ces éléments,
on peut supposer qu’ils en ont adouci les contours, mais
rien n’indique qu’ils en aient trahi l’esprit. De cette masse
de documents, il est difficile de déduire une réponse
simple à la question de savoir ce que désirent les
Français.
• Mais certaines lignes de force se dégagent : désir d’une
monarchie contrôlé (rien ici qui évoque une
république), réduction, ou parfois abolition, des
privilèges de la noblesse et du clergé. Ainsi, déjà, deux
concepts apparaissent en évidence : liberté et égalité.
• Mais ils sont brandis par des couches différentes de la
société : la limitation du pouvoir royal est un désir
partagé par tous les représentants, mais la noblesse ne
partage pas le désir du tiers état d’abolir les
privilèges de la naissance.
• Ainsi, au moment de l’ouverture des états généraux, le
roi est en bonne position, dans la mesure où il garde
des cartes en main et peut se donner le rôle d’arbitre.
• D’autant que si le tiers état a obtenu le doublement de
sa représentation, il n’est pas parvenu à obtenir le
remplacement du vote par ordre par un vote par tête et
conséquemment, peu importe le nombre de délégués,
il est pour le moment condamné à la minorité.
• En manœuvrant habilement, le roi peut encore
s’assurer l’appui des états généraux par le biais de
concessions libérales, qui pourraient satisfaire les ordres
supérieurs.
• L’inégalité des trois ordres est soulignée de façon
protocolaire avant le début des travaux, lors de la
présentation au roi, de la procession des députés et
jusque dans l’allocution d’ouverture prononcée par
l’évêque de Nancy, qui présente au roi « les hommages
du clergé, les respects de la noblesse et les humbles
supplications du tiers état »…
3 – Les révolutions de
l’été 1789
• Difficile de préciser le moment de la révolution,
d’autant que le processus qui s’enclenche avec le début
des états généraux a connu sa répétition générale lors
du bras de fer entre le roi et le Parlement de Paris, qui a
abouti à la convocation des états généraux.
• Conventionnellement, on retient la date du 14 juillet,
soit le jour de la prise de la Bastille. Tel est d’ailleurs le
cas depuis 1790, alors que la Convention décide de
célébrer l’unité nationale ce jour symbolique.
• Mais c’est l’été 1789 dans son ensemble qui est
révolutionnaire. On identifie au cours de cet été trois
révolutions de nature très différente. Et ceux qui ont
accompli la première ne voient pas tous d’un œil
favorable le développement de la troisième.
3.1 – La révolte des bourgeois
• Après le discours du roi à l’ouverture des états généraux
le Garde des Sceaux pose clairement les limites de
l’exercice : l’autorisation d’augmenter les impôts, mais
pas de révision ou de réforme politique ou sociale.
• Puis Necker dresse le tableau de l’état des finances et
propose un emprunt de 80 millions. En d’autres termes,
on dit aux députés que tout l’exercice doit se limiter à
une approbation de la politique fiscale.
• Ce n’est pas ce qu’attendent les députés, dont ceux
du tiers état. La fronde commence sur la question de
l’octroi des pouvoirs : vote par ordre ou par tête.
• Les états sont divisés sur la question, le clergé et la
noblesse défendant la première option en s’appuyant sur
la tradition, le tiers la seconde, en s’appuyant sur la
raison et les nouvelles idées.
• Pendant un mois les États sont paralysés, mais le 10
juin, le tiers invite les deux autres ordres à se joindre à
lui, dans le but de se constituer en assemblée et
d’imposer le vote par tête. L’appel commence le 12 et
dès le 13, les premières défections du bas clergé
surviennent, puis le mouvement s’accélère.
• La majorité des députés penche alors du côté du tiers
état. Se pose la question du nom de cette assemblée et
le 17, à une forte majorité, celle-ci adopte le nom
proposé par Sieyès : l’Assemblée nationale est née.
• L’Assemblée nationale commence à légiférer et d’abord
sur la question qui l’a réunie, celle de l’imposition. Les
députés s’attribuent alors la responsabilité et le droit
de concéder les impôts.
• Deux légitimités se trouvent confrontées : celle du
roi, puis la nouvelle, autoproclamée, celle de
l’assemblée, revendiquant son droit à représenter le
peuple et s’appuyant sur les idées du siècle.
• L’initiative du tiers trouble les autres ordres et le 19, la
majorité du clergé se rallie à l’Assemblée nationale,
suivie par un peu plus du quart de la noblesse.
• Les cartes se redistribuent : le haut clergé et la
majorité de la noblesse se tournent alors du côté du
roi, menacés qu’ils sont par les initiatives du tiers dont la
réunion, ironiquement, a été de leur fait…
• Louis XVI hésite. Ses proches le poussent à une
réaction musclée, alors que le gouvernement l’incite à la
modération. Il choisit l’attentisme, ordonne la tenue
d’une séance du Conseil d’en haut pour le 22 et la
fermeture de la salle des Menus-Plaisirs où se
réunissaient jusque-là les députés.
• Le 20, ceux-ci trouvent les portes de la salle close, mais
rejetant ce qu’il considère être un attentat à la volonté
populaire, les députés trouvent alors refuge dans la
salle du Jeu de paume, où ils élaborent le fameux texte
lu par l’académicien Bailly.
• Tous les députés, sauf un, prêtent serment, celui de se
réunir jusqu’à ce que la « Constitution du royaume soit
établie et affermie sur des fondements solides ». Le 21,
les 150 membres du clergé qui ont voté leur appui au
tiers état se réunissent à l’Assemblée nationale.
• Avant la séance royale du 23, Necker suggère
certaines concessions : égalité fiscale, admission du
vote par tête, sans remise en question des droits
seigneuriaux et des privilèges des ordres supérieurs.
Ces concessions sont rejetées par le roi
• À l’issu de la réunion, le roi défini sa position : il concède
le droit aux états généraux de consentir l’impôt, la
liberté individuelle et celle de la presse et déclare
souhaiter que les privilégiés consentent à l’égalité
fiscale.
• Oui à la liberté, non à l’égalité. C’est la position de
l’aristocratie. Puis maniant le bâton, il menace de
dissoudre l’Assemblée nationale autoproclamée.
• Celle-ci refuse de céder. Cette ferme résolution la sert
bien et le 25, 47 nobles se joignent à l’Assemblée.
Refusant de recourir à la force, Louis XVI invite clergé et
noblesse à se joindre au tiers état. Le roi concède à
l’assemblée sa légitimité et le 7 juillet, elle désigne un
comité chargé d’élaborer la constitution.
• Le 9 juillet, se déclarant Assemblée nationale
constituante, les membres de l’assemblée mettent fin à
la monarchie absolue
• Les deux légitimités semblent consolidées par leur
reconnaissance mutuelle. Elles ne sont pas
incompatibles : les députés du tiers état ne sont pas
des radicaux et s’ils veulent gouverner, ils ne cherchent
pas à gouverner seuls; leur objectif est une monarchie
constitutionnelle, pas une république.
• Mais le parti absolutiste ne désarme pas. Louis XVI
n’est pas le plus actif, mais il se laisse convaincre.
• Dès le 26 juin, autour de Paris, commence à
s’assembler une force militaire considérable, sous
prétexte de maintenir l’ordre.
• La nature des régiments appelés (mercenaires suisses
et allemands) fait craindre le pire à l’Assemblée, qui
vote alors une adresse au roi. Sur ces entrefaites, le
roi renvoie Necker et se débarrasse de ses ministres
libéraux. La contre-révolution menace.
3.2 – La révolution parisienne
• Tous ces événements se déroulent à Versailles, à
quelques kilomètres de Paris et la capitale est agitée
par les événements. La tension politique est accrue par
la situation économique, le prix du pain à Paris
atteignant son niveau le plus élevé du siècle le 14 juillet.
• Il n’y existe aucune autorité représentative dans la
capitale : le prévôt des marchands et quelques échevins,
gouvernent la capitale, comme dans les autres villes.
• Pour assurer la sécurité, les autorités ne disposent que
de quelques milliers d’hommes, dont plus de la
moitié, appartenant à la garde française, ne sont
guère sûrs, mécontents qu’ils sont de leur solde et
gagnés aux aussi par la fièvre politique qui agite la ville.
• C’est pourquoi la bourgeoisie de la capitale décide de
s’organiser politiquement à la fin du mois de juin.
• Grâce à la réunion des assemblées électorales qui
ont votés pour les états généraux, les 400 représentants
du 2e degré électoral se constituent en assemblée
officieuse : Paris se dote d’un pouvoir représentatif.
• Le12 juillet se répandent des bruits concernant les
concentrations de troupes et la nouvelle du renvoi de
Necker. Pour la population parisienne, cela signifie
que la contre-révolution est en marche.
• Les attroupements commencent dans le quartier du
Palais Royal. La décision du prévôt de recourir à ses
mercenaires entraîne le ralliement à l’insurrection
d’une partie des Gardes françaises. La population se
met en quête d’armes.
• Le 13 juillet, l’assemblée municipale décide la création
d’une milice composée de 800 hommes pour chacun
des 60 districts que compte la capitale. C’est la
naissance de la Garde nationale. L’assemblée
municipale devient de facto le siège du pouvoir à Paris.
• Au matin du 14 juillet, la population converge vers la
Bastille. Launay, le gouverneur, ne dispose que d’une
petite garnison. Croyant que les insurgés lancent une
offensive, il fait tirer sur la foule.
• Des soldats de la Garde déploient alors quatre canons
devant la forteresse, contraignant Launay à capituler.
La foule s’engouffre dans la citadelle, s’empare du
gouverneur et du prévôt. Ils sont décapités et leurs têtes
sont promenées par les rues de Paris.
• Il s’agit ici d’un événement symbolique : il ne change
rien aux rapports de force, mais témoigne d’un élément
nouveau dans le processus : les masses populaires.
• De bourgeoise, la révolte devient urbaine. De révolte,
elle devient révolution. Launay et Flesselles sont en
quelque sorte les premières victimes de la terreur.
• Les troubles se poursuivent les jours suivants. Le 15, le
roi se rend à l’Assemblée annoncer le retrait des
troupes, où il est applaudi et le 16, il rappelle Necker.
• Le 17, Louis se rend à l’Hôtel de Ville et lorsqu’il épingle
à son chapeau la cocarde rouge et bleu, il est acclamé
par la foule. La révolution a vaincu et l’immigration
royaliste commence.
• Les bourgeoisies provinciales s’organisent en corps
représentatifs, sans détruire nécessairement l’ordre
ancien, en se superposant à celui-ci. Dans ce pays
centralisé, où les intendants servaient de courroies de
transmission entre le centre et les régions, le discrédit de
ceux-ci préparait naturellement le chemin à la seule
force capable d’empêcher l’anarchie, la bourgeoisie.
• Le modèle parisien s’applique à Lyon, Dijon, Rouen.
Dans d’autres cas, des forces plus radicales
s’organisent, éliminant par la violence les autorités de
l’ordre déjà ancien, comme en Normandie. Les
nouvelles autorités se dotent des moyens d’assurer
l’ordre en créant des milices bourgeoises.
• La révolution bourgeoise triomphe partout dans les
villes françaises.
• Appelée à l’initiative de la noblesse pour faire pression
sur le roi, elle est parvenue, grâce à la population des
villes, à s’imposer à ceux-ci. Toute la question est
alors de parvenir à freiner la force par laquelle elle
s’est employée à obtenir ce pouvoir.
3.3 – La révolution des campagnes
• À leur tour, les campagnes grondent. Elles n’ont pas
attendu ces événements pour s’agiter. Les cahiers de
doléances provenant des campagnes montrent une
exaspération croissante de la paysannerie.
• Dès mars, des crises paysannes agitent certaines
régions (Provence et Picardie). Les deux dernières
récoltes ont été mauvaises et ont entrainé une hausse
importante du prix du pain.
• La crise frappe tout le monde et la noblesse
provinciale accroit la pression fiscale sur la paysannerie
pour compenser ses pertes
• Après avoir acquitté les redevances, il ne reste plus
grand-chose pour vivre. De sorte que la crise
paysanne qui se déploie en 1789 est d’abord
traditionnelle : elle est liée à la crise des subsistances.
• Autre élément, l’augmentation de l’insécurité. La
paupérisation d’une part de la population jette sur les
routes les indigents, vagabonds, maraudeurs et
mendiants, ce qui alimente la peur.
• Mais le contexte politique qui prévaut donne d’emblée
une connotation différente à ce qui demeure au fond
une crise traditionnelle pour la France monarchiste,
car l’heure est à la discussion politique.
• Les troubles qui éclatent dans la seconde moitié du mois
de juillet sont de deux ordres. Dans certaines régions
(ex. Alsace), les troubles agraires prennent la forme
d’une guerre paysanne, alors que les paysans
s’attaquent aux châteaux et aux abbayes où se trouvent
les titres de propriétés des terres.
• Dans la majorité des régions, la révolte n’est pas
aussi ouverte et si les tensions sont grandes, elles sont
plus complexes à définir. L’historiographie a retenu le
nom de « Grande peur ».
• Son origine repose dans le « complot aristocratique ».
Les nouvelles de Paris parviennent lentement et elles y
arrivent déformées. Dans le contexte du moment, ces
nouvelles, amplifiées et parfois simplement imaginées,
concourent à créer un mouvement de panique.
• Par exemple, dans le Limousin, on raconte que le comte
d’Artois a quitté Bordeaux à la tête de 16 000 hommes,
ce qui est complètement faux.
• Cela ne change rien : les paysans s’arment pour se
défendre et dans certaines régions, puisqu’il n’y a pas
d’armée aristocratique en marche, la paysannerie se
tourne vers les châteaux et les abbayes.
• Les bourgeois et les nobles de Paris s’inquiètent du
tour sauvage et anarchique que prend le mouvement
qu’ils ont déclenché. La bourgeoisie n’a aucun intérêt à
tolérer la négation de la propriété nobiliaire, car au cours
des derniers siècles, elle a elle-même acquis une partie
de cette richesse.
• L’Assemblée nationale se trouve alors devant un choix
difficile. Si elle choisit la répression, elle rompt l’unité
nationale et se met en position de faiblesse par rapport
au roi.
• Si elle laisse la crise se développer, elle risque de
permettre à l’anarchie de s’installer et de remettre en
question le principe de propriété, socle de la pensée
libérale dont elle s’inspire.
• Ironiquement, le tiers état, censé mieux représenter la
population que les ordres privilégiés, est d’abord
favorable à la répression du mouvement, alors que la
noblesse hésite.
4 — La fin de l’ordre féodal
• Dans la nuit du 3 au 4 août, au Club Breton une centaine
de députés appartenant à la frange libérale de la
noblesse s’entendent sur la nécessité de partager avec
la paysannerie insurgée les fruits de la révolution.
• À la session de l’Assemblée nationale au soir du 4 août,
on assiste à un événement remarquable qui, bien qu’il
ne soit pas spontané, demeure unique dans l’histoire :
les privilégiés abandonnent leurs privilèges.
• Le vicomte de Noailles, un jeune homme de 29 sans
fortune, monte à la tribune et propose d’abolir les
droits seigneuriaux, ainsi que les corvées et autres
servitudes personnelles héritées de l’époque féodale.
• Lui succède le duc d’Aiguillon, 2e fortune de France,
après celle du roi, qui précise la proposition.
La nuit du 4 août 1789
• Après avoir excusé la conduite des paysans par les
vexations dont ils sont victimes, il propose l’égalité
fiscale, l’abolition des servitudes personnelles et le
rachat des droits féodaux. Ces deux discours suscitent
un enthousiasme délirant dans l’assemblée.
• Les uns après les autres, des députés montent à la
tribune à tour de rôle pour exprimer leur soutien et
surenchérir aux propositions initiales, y ajoutant
l’abandon volontaire d'autres droits seigneuriaux.
• Puis vient le tour des droits du clergé (abolition de la
dîme) et ceux de la province, alors que les députés de
Bretagne, du Dauphiné et d’autres régions ayant le
statut de pays d’État, montent à leur tour pour céder « à
la nation » les privilèges de leurs régions qui les
distinguaient du reste du territoire.
• Les députés urbains font de même pour les chartes
des villes et un membre du parlement de Paris propose
l’abolition de l’hérédité des charges publiques.
Statuts provinciaux avant 1789
• Puis le marquis de Lolly-Tollendal propose que le titre de
restaurateur de la liberté française soit décerné au roi
Louis XVI, proposition accueillie dans l’enthousiasme.
• Cet élan généreux n’est pas dépourvu de calcul. Le
premier objectif poursuivi par ceux qui lancent le bal est
de mettre fin à l’état d’insurrection des campagnes,
afin de sauver ce qui demeure le plus important, la
propriété et la sécurité des personnes.
• Il s’agit de devancer, en le contrôlant, un processus
qui semble ne pas pouvoir être stoppé. Par le rachat,
même modéré, de certains droits, la noblesse se
constitue une sorte de rente : c’est une sorte d’opération
de conversion du droit féodal en bon argent bourgeois.
• Se pose la difficulté de coucher par écrit ces résolutions.
Il faudra plus d’une semaine de travail de l’assemblée
pour parvenir, le 11 août, à un texte qui fasse
consensus. Il fut difficile de définir quels droits devaient
être abolis, et quels autres seraient soumis au rachat.
• On opte pour limiter l’abolition aux droits féodaux
pesant sur les personnes, comme les corvées.
• Pour ceux qui concernent les terres (cens et champart),
les paysans devront payer. Le paysan ne deviendra
propriétaire de plein droit de la terre que lorsque ces
droits auront été rachetés. Ces limitations susciteront la
déception des paysans, mais elles seront abolies
quelques mois plus tard.
• Il s’agit ici du triomphe de l’idée libérale : le droit civil
remplace le droit féodal. Malgré les limitations et les
reculs par rapport à la nuit du 4 août, le décret du 11
août 1789 consacre la destruction du système féodal.
• En détruisant la société d’ordres et les privilèges et en
établissant la possibilité pour tous d’avoir accès à tous
les emplois, l’Assemblée nationale glisse vers une
conception égalitaire de la société. Ce nouvel élément
devra être encadré dans un texte légal : ce sera la
Déclaration universelle des droits de l’homme.
5 – La Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen
• Cette idée d’une déclaration était déjà dans l’air dès le
mois de juillet. Bien sûr, la déclaration d’indépendance
américaine est présente à l’esprit de tous les députés
et plusieurs voudraient s'en inspirer pour donner à la
France un cadre légal équivalent.
• Mais certains députés soulignent certaines différences
fondamentales entre la situation française et la
situation américaine : les Américains n’ont pas connu
l’expérience féodale et ils sont habitués à l’égalité, alors
que les paysans français veulent surtout, aux yeux de
ces députés, la garantie d’un travail, de la sécurité, bref,
des conditions nécessaires à leur subsistance et ne
sont pas prêts à l’égalité…
• Mais l’idéalisme prévaut sur ces appréhensions. On
optera pour une charte des droits très égalitaires. Les
discussions reprennent le 12 août et après plus de deux
semaines de débats, une Déclaration des droits est
votée le 26 août, alors que le centre et la droite
préconisaient une Déclaration des droits et des devoirs.
• Il y existe une controverse historiographique quant à
la primeur de ce geste, une école historique au XIXe
siècle considérant la Déclaration française comme étant
une copie du texte américain.
• Mais même si l’esprit de la déclaration d’indépendance
américaine a influencé les députés français, le Bill of
rights américain (les 10 premiers amendements de la
constitution) n’a été adopté qu’en 1791.
• Plutôt qu’une compétition chronologique entre les textes,
une participation commune à un même esprit semble
plus pertinente, les exemples français et américains
s’influençant mutuellement.
• Ce texte fondamental inspire grandement l’esprit et le
contenu de la Déclaration universelle des droits de
l’homme, adopté le 10 décembre 1948 par les 58
membres de l’Assemblée générale de l’ONU.
• Le texte est constitué de 17 articles plutôt courts, ce qui
contribue à sa force symbolique. Après un préambule
déclarant les droits qui suivent « naturels et
imprescriptibles », le texte énumère ces droits.
• Les premiers articles sont les plus importants. Le
premier, dans un écho évident à la déclaration
d’indépendance américaine concrétise la fin du monde
féodal et le début de l’ère moderne : « Les hommes
naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les
distinctions sociales ne peuvent être fondées que
sur l’utilité commune. »
• La fusion des deux grands courants humanistes du
XVIIIe siècle, libéralisme et égalitarisme, est ainsi
proclamée.
• Le deuxième article rappelle que la conservation et la
protection des droits constituent la raison de
l’association civile, défini quatre droits fondamentaux : la
liberté, la propriété, la sureté et la résistance à
l’oppression.
• L’article trois constitue pour sa part le principal élément
politique révolutionnaire : « Le principe de toute
souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul
corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en
émane expressément. »
• La monarchie ne sera abolie que plus tard, en 1792,
mais ce troisième article pose d’emblée la première
pierre de la république, le roi perdant son caractère
sacré et ne pouvant désormais gouverner que par le
consentement de la nation.
• Les autres articles ont une portée moins universelle.
Les articles 4 et 5 précisent les modalités et les limites
de la liberté individuelle.
• Les articles 6 à 9 précisent des éléments liés aux
droits de l’individu face à la loi, comme le rejet des
peines arbitraires (articles 7 et 8) ou encore la
présomption d’innocence (article 9).
• La liberté de conscience, ou liberté religieuse est
garantie par l’article 10, alors que la liberté
d’expression l’est par l’article 11. Le caractère sacré et
inviolable de la propriété est affirmée par le 17e et
dernier article.
• Les autres articles déclarent la nécessité de disposer
d’une force de l’ordre pour protéger les libertés (12e),
que tous les citoyens doivent également contribuer
financièrement à cette force de l’ordre et aux autres
dépenses de l’État (par l’impôt – 13e) et que tous les
citoyens ont droit de réclamer des comptes sur la
façon dont cet impôt est dépensé (14e et 15e articles).
• Enfin, le 16e déclare que la garantie des droits et la
séparation des pouvoirs sont la condition sine qua non
d’un État de droit constitué.
• Malgré les insuffisances et le caractère vague de
certaines dispositions, il s’agit d’une rupture
fondamentale avec les préceptes qui régissaient la
société française jusque-là.
• Parmi les autres insuffisances et incohérences, il
convient de citer le rapport ambigu que l’on continue
d’entretenir face à l’esclavage, l’existence de
catégories distinctes de citoyens (actifs et passifs)
ou encore l’absence des droits des femmes.
• D’ailleurs, Olympe de Gouges qui en 1791 va écrire un
pastiche intitulé Déclaration des droits de la femme et
de la citoyenne sera exécuté en 1793, pendant la
Terreur, pour « avoir oublié les vertus qui conviennent à
son sexe »…
Téléchargement