terme de « stratégie » dans cet article car celui-ci laisse croire à une téléologie qui, bien sûr,
n’existe pas dans la dynamique évolutive.
La diversification des niches trophiques et des populations qui les occupent revient à
minimiser le risque qu’un aléa dévaste une grande part du système. Un effet holistique de
l’augmentation de la biodiversité d’un écosystème est donc de le rendre moins sensible aux
perturbations. Cette recherche non téléologique de stabilité se produit davantage dans un
système encore peu structuré (juvénile), où de nombreuses niches trophiques sont vierges.
Chaque nouvelle conquête de niche trophique démultiplie donc la plasticité offerte par la
biodiversité transitoire.
Dans un écosystème juvénile, les effets de la sélection naturelle optimisent l’utilisation
globale des ressources nutritives (fig. 3). Par l’émergence continue de souches nouvelles dans
les niches trophiques déjà occupées (fig. 3, d et e), des aptitudes plus grandes à l’utilisation
des nutriments peuvent être sélectionnées. Le concept d’aptitude doit ici être pris dans un sens
composite et très large. Il peut s’agir par exemple d’une aptitude physiologique à tirer parti de
faibles concentrations de nutriments dissous, ou d’une meilleure aptitude à la détection et à la
capture des proies. Mais, au sens global, il peut aussi s’agir d’une aptitude à tirer parti d’une
majorité d’environnements géographiques locaux où les ressources nutritives sont disponibles.
Une résistance au froid, aux environnements très agités, aux fortes salinités, ou à la vie hors
de l’eau contribue par exemple à cette aptitude générale. Bien entendu, le modèle présenté ici
est global et ne tient compte d’aucune spécificité locale des environnements ou des
populations.
La sélection naturelle aboutit aussi à l’occupation de nouvelles niches trophiques (fig.
4, b, c, et f) par le développement de populations innovantes (nouveaux métabolismes
biosynthétiques et respiratoires, prédation, super prédation, nécrophagie, parasitisme). Le
système se rapproche ainsi d’une autorégulation globale. Sans cette structuration, la biosphère
terrestre aurait sans doute disparu prématurément puisque des modifications biogéochimiques,
parfois défavorables aux populations en place, sont induites par le développement de ces
mêmes populations. Par exemple, l’un des métabolismes les plus anciens était à la fois
anaérobie et producteur d’oxygène (photosynthèse anaérobie productrice d’oxygène sous
forme O2). Or la présence d’oxygène O2 est létale pour les êtres vivants anaérobies. La vie se
serait donc empoisonnée elle-même, et aurait disparu, si elle n’avait pas sélectionné de
nouveaux métabolismes, permettant à la fois de vivre dans une ambiance oxygénée de réguler
l’oxygénation de l’environnement12,3. La respiration aérobie, qui utilise l’oxygène O2 et limite
ainsi son excès dans l’environnement, et l’un d’entre eux. Par ailleurs, des mécanismes intra
et intercellulaires ont été sélectionnés pour lutter contre les effets dévastateurs de O2 sur les
processus biochimiques et l’ADN. De nouveaux mécanismes respiratoires anaérobies ont été
sélectionnés pour utiliser des composés issus de l’oxydation par O2 dans les niches anaérobies
subsistantes (nitrates, sulfates). Enfin, de nouveaux mécanismes photosynthétiques aérobies
ont été sélectionnés pour utiliser ces mêmes sous-produits (nitrates, phosphates) dans les
nouvelles niches aérobies.