manuscripta math. 112, 271–295 (2003) © Springer-Verlag 2003
Luc Illusie
Perversit´e et variation
Received: 1 February 2003
Published online: 23 September 2003
Abstract. Let Sbe the spectrum of a strictly henselian discrete valuation ring with residue
characteristic pand =Z/νZ, where is a prime number = pand νis an integer
1. For a scheme Xof finite type over Sand smooth over Salong the special fiber
Xsoutside a closed point x, we study the vanishing cycles complex R() and the
tame variation Var(σ ) :Rt()xR{x}(Xs,R
t()), for σin the tame inertia
group It. In particular, we show that if Xis regular, flat over Sof relative dimension
n1, and σis a topological generator of It, then Rq()x=0 for q= nand
Var (σ ) :Rnt()xHn
{x}(Xs,R
t()) is an isomorphism.
Soient Sun trait, de point ferm´e set point g´en´erique η,etXun sch´ema de type
fini sur S. Soient un nombre premier inversible sur Set =Z/νZ(ν1).
Nous ´etablissons dans cet article deux types de r´esultats.
(a) Profondeur et annulation de cycles ´evanescents. Soit xun point de X,
d’image ydans S. Notons δ(x) la dimension de l’adh´erence de xdans Xsi y=s
et cette dimension plus 1 si y=η. Supposons que Xpuisse, au voisinage de xetre
efini par r´equations dans un sch´ema lisse de dimension Nsur S. Nous montrons
qu’alors le faisceau constant sur Xest de profondeur ´etale N+1rδ(x)
en x(2.6), i. e. [SGA 2, XIV 1.7] que
Hq
{x}(X(x),)=0 (1)
pour q<N+1rδ(x),o`uxesigne un point g´eom´etrique au-dessus de x
et X(x) le localis´e strict correspondant. Pour Sexcellent de caract´eristique nulle,
ce r´esultat est un cas particulier de [SGA 2, XIV 5.6]. Nous le d´eduisons d’un
th´eor`eme de Lefschetz affine (2.4), dˆu`a Gabber [Ga] : si f:XYest un
morphisme affine de sch´emas de type fini sur S, le foncteur Rfest t-exact `a droite.
La t-structure consid´er´ee est la t-structure usuelle sur les sch´emas de type fini sur
un trait, recoll´ee de la t-structure autoduale sur la fibre sp´eciale et de la t-structure
autoduale, d´ecal´ee de 1, sur la fibre g´en´erale (2.1). Ce th´eor`eme est analogue au
th´eor`eme de Lefschetz affine d’Artin pour les sch´emas de type fini sur un corps
[SGA 4, XIV 3.1]. Il joue un rˆole important dans la d´emonstration de Gabber de
la conjecture de puret´e absolue de Grothendieck [Ga]. Une preuve est esquiss´ee
L. Illusie: Universit´e de Paris-Sud, Math´ematique - Bˆat. 425, UMR 8628, 91405 Orsay
Cedex, France. e-mail: Luc [email protected]
Mathematics Subject Classification (2000): 14F20, 14D05, 14D06
DOI: 10.1007/s00229-003-0407-z
272 L. Illusie
dans [F]. Nous donnons ici des d´etails. De (1) nous tirons quelques corollaires,
notamment :
(i) Si Xest plat et localement d’intersection compl`ete sur S, de dimension relative
nen tout point, alors X[n+1] est pervers (2.7).
(ii) Sous les hypoth`eses de (i), si de plus Xest lisse le long de Xshors d’un point
ferm´e x,etsixest un point g´eom´etrique au-dessus de x, alors
Rq()x=0 pour q= n,
et Rn()xest un -module libre de type fini (2.10).
Le r´esultat (ii) ´etait ´etabli dans [SGA 7, I 4.6, 4.7] pour Sde caract´eristique
nulle (comme cons´equence du r´esultat cit´e plus haut de [SGA 2, XIV]).
(b) Variation. Supposons Sstrictement local, et Xlisse le long de Xshors d’un
point ferm´e x. Le complexe des cycles ´evanescents R() est alors concentr´een
x, et, si Iesigne le groupe d’inertie, on dispose, pour σI, d’un morphisme
variation [SGA 7, XIII]
Var (σ ) :R()xi!
xR() =R{x}(Xs, R()),
et d’un analogue “mod´er´e”
Var (σ ) :Rt()xi!
xRt() =R{x}(Xs,R
t()),
pour σdans le groupe d’inertie mod´er´ee It,o`uRt(resp. Rt) est le complexe des
cycles proches (resp. ´evanescents) mod´er´e, obtenu en prenant les invariants sous
le groupe d’inertie sauvage P. Nous montrons (3.3) que, si σest un g´en´erateur
topologique de It, ce second morphisme s’ins`ere dans un triangle distingu´e canon-
ique
R{x}(X, )[1] //Rt()x
Var(σ)
//R{x}(Xs,R
t()) //..(2)
Ce r´esultat ´etait probablement connu vers 1970. Sa d´emonstration, formelle,
n’utilise que le th´eor`eme de changement de base lisse [SGA 4, XVI]. Il r´esulte
de (2) et du th´eor`eme de puret´e absolue [Ga] que, si Xest r´egulier et plat de di-
mension relative n1enx, alors le morphisme variation induit un isomorphisme
Var (σ ) :Rnt()xHn
{x}(Xs,R
t()).
Cet isomorphisme s’interpr`ete comme l’isomorphisme canonique de la co¨ımage
sur l’image de l’endomorphisme σ1 du faisceau pervers Rt()[n] (3.8).
Les r´esultats de (a) occupent le num´ero 2, apr`es quelques rappels, au num´ero 1,
sur la profondeur ´etale dans le cas o`u la base est un corps. Les r´esultats de (b)
sont donn´es au num´ero 3. Ils ont des analogues transcendants, connus sans doute
de Milnor dans le cas lisse, que nous ´enon¸cons `alafindunum´ero. Le num´ero 4,
d’apr`es Gabber, contient quelques r´esultats techniques sur les croix et octa`edres
utilis´es au num´ero 3.
Je suis tr`es reconnaissant `a O. Gabber de m’avoir expliqu´e (et permis d’inclure)
sa d´emonstration de l’analogue 2.4 du th´eor`eme d’Artin, et je le remercie
Perversit´e et variation 273
chaleureusement pour ses commentaires d´etaill´es sur des versions pr´eliminaires de
ce texte, portant notamment sur le formalisme des croix et quelques questions de
signes. Je remercie ´egalement K. Fujiwara pour une remarque sur la d´emonstration
de 2.4. Je remercie enfin P. Deligne, G. Laumon et J. Steenbrink pour d’utiles
conversations.
1. Profondeur g´eom´etrique et perversit´e : cas d’un corps
Dans ce num´ero, on d´esigne par Sle spectre d’un corps k. On fixe un nombre
premier = car(k), et on pose =Z/νZ, pour un entier ν1.
1.1. Si Xest un sch´ema de type fini sur S,etsixest un point de X, on pose
δ(x) =dim {x}(=deg tr(k(x)/k)),
et l’on note ix: Spec k(x) Xle morphisme canonique. On note Db
c(X, )
(resp. Db
ctf (X, )) la sous-cat´egorie pleine de D(X, ) form´ee des complexes `a
cohomologie born´ee, constructible (resp. de tor- dimension finie et `a cohomologie
born´ee, constructible). Si a=aX:XSest la projection, le complexe
KX:=a!Db
ctf (X, )
est un complexe dualisant sur X[SGA 4 1/2, Th. finitude, 1.7 et 4]. On note d’autre
part (pD0,pD0)la t-structure sur Db
c(X, ) associ´ee `a la perversit´e auto-duale
p=p1/2[BBD, 4.0]. Rappelons que, pour FDb
c(X, ),ona
(F pD0(X, )) (pour tout xX, H q(i
xF)
=0 pour q>δ(x)), (1.1.1)
et
(F pD0(X, )) (pour tout xX, H q(i!
xF)
=0 pour q<δ(x)). (1.1.2)
Soient xun point g´eom´etrique au-dessus de x,etX(x) le localis´e strict de Xen
¯x. La condition Hq(i
xF) =0s´ecrit aussi Hq(Fx)=0ouHq(X(x),F|X(¯x) =0.
Avec la notation d’Artin ([SGA 4, XIV], [SGA 2, XIV 3.1], [BBD, 4.1]), si
δ(F) =sup{q+δ(x);xX, H q(Fx)= 0},
et si nest un entier, on a
(F ) n) (F pDn(X, )).
On a
(H q(i!
xF) =0)(H q
x(X(x),F|X(x))=0)(Hq
{x}(F )x=0),
le foncteur i!
x´etant d´efini comme ji!pour la factorisation canonique de ix
en Spec k(x) j
→ {x}i
X(cf. [BBD, 2.2.12]) ; dans la terminologie de [SGA 2,
274 L. Illusie
XIV 1.7], la condition (1.1.2) signifie que Fest de profondeur ´etale ≥−δ(x) en
x, condition not´ee profx(F ) ≥−δ(x).Sinest un entier, on a
(F pDn(X, )) (profx(F ) nδ(x) pour tout xX)
(cette condition apparaˆıt, sous la forme de droite, dans le r´esultat principal 4.2
de [SGA 2, XIV]). On note Per(X, ) (ou Per(X)) la cat´egorie (ab´elienne) des
-faisceaux pervers sur X, form´ee des FDb
c(X, ) appartenant `a pD0(X, )
et pD0(X, ). Le foncteur dualisant DX=RHom (,K
X)´echange pD0et
pD0, et induit une auto-dualit´edePer(X).
1.2. Soit Xun sch´ema de type fini sur S, et soit xun point de X. Par analogie avec la
terminologie introduite dans [SGA 2 XIV 5.3], on appelle profondeur g´eom´etrique
relative de Xen x, et l’on note prof g´eomx(X/S), l’entier Nr,o`uXest, au
voisinage de x, sous- sch´ema ferm´e d’un sch´ema Zlisse sur S, de dimension Nen
x,d´efini par un id´eal Iadmettant en xun syst`eme minimal de g´en´erateurs ayant r
´el´ements ; cet entier est en effet ind´ependant du choix du plongement : il s’interpr`ete
comme rg≥−1(LX/S Lk(x)),o`uLX/S est le complexe cotangent de X/S en
x[I1, III], le tronqu´e τ≥−1(LX/S )´etant isomorphe `a[I/I2d
1
Z/S OX]. On
erifie comme en [SGA 2, XIV 5.4] que l’on a
prof g´eomx(X/S) dimx(X) =dim(OX,x )+δ(x) (1.2.1)
avec ´egalit´e si et seulement X/S est d’intersection compl`ete en x:siA=OX,x ,
B=OZ,x ,etI=(f1,... ,f
r),onadimA=dimx(X)δ(x), dim B=Nδ(x)
[EGA IV, 5.2.3], et dim Adim Br,avec´egalit´e si et seulement si f1,... ,f
r
font partie d’un syst`eme de param`etres de B, ou ce qui revient au mˆeme forment une
suite r´eguli`ere [EGA 0 16.3.7, 16.5.6]. Le r´esultat suivant est analogue `a [SGA 2,
XIV 5.6], dont nous imitons la d´emonstration :
Théorème 1.3. Soit Xun sch´ema de type fini sur S, et soit xX. Alors on a
profx(X)prof g´eomx(X/S) δ(x).
Posons prof g´eomx(X/S) =n. On peut supposer que l’on a une immersion
ferm´ee i:XZ,o`uZest affine, lisse sur Sde dimension N, l’id´eal Ide
i´etant d´efini par r´el´ements f1,... ,f
rde (Z, OZ), dont les images dans Ix
forment un syst`eme minimal de g´en´erateurs, de sorte que n=Nr. Notons
j:U=ZXZl’inclusion de l’ouvert compl´ementaire. Consid´erons le
triangle distingu´e
i!
x(j!U)i!
xZi!
x(iX),()
o`uixest le morphisme Spec k(x) Z; noter que i!
x(iX)=iX
x!X,iX
xesignant
le morphisme Spec k(x) X. Comme Zest lisse de dimension N,onaKZ=
Z[2N](N),etZ[N] est pervers, en particulier Zappartient`a pDN(Z, ).
On a donc Hq(i!
xZ)=0 pour q<Nδ(x) et a fortiori pour q<nδ(x).Il
suffit donc de prouver que l’on a
j!UpDn+1(Z, ), (∗∗)
Perversit´e et variation 275
car on aura alors Hi(i!
x(j!U)) =0 pour i<n+1δ(x), et par le triangle (),
Hq(i!
x(iX)) =0 pour q<nδ(x). L’ouvert Uest r´eunion des r ouverts affines
Uα=ZV(f
α). Pour 0 mr1etσ=0<···
m)une partie `a
m+el´ements de {1,... ,r}, notons Uσ=0imUσi, qui est un ouvert affine
de Z,jσ:UσZl’inclusion, et consid´erons la r´esolution de co- ˇ
Cech de j!U
[SGA 4, V 1.11]:
0Lr1...Lm
d
... L0j!U0,
o`u
Lm=
σ
jσ!Uσ,
σparcourant les parties `a m+el´ements de {1,... ,r}(la diff´erentielle d´etant
efinie de la mani`ere usuelle par d=(1)idi,o`udienvoie jσ!Uσdans
jσ−{σi}!Uσpar l’application canonique). Comme jσest affine, jσ!est t-exact
`a gauche (et mˆeme t-exact, j´etant une immersion) [BBD, 4.1.3], et comme Uσ
pDN(Uσ,),onaLmpDN(Z, ), donc Lm[m]pDNm(Z, )
pDN(r1)(Z, ) pour 0 mr1, et par suite on a bien (∗∗), ce qui ach`eve
la d´emonstration.
La cons´equence suivante est bien connue (voir [Ka, 2.1] pour le cas des
Q-faisceaux1):
Corollaire 1.4. Soit Xun sch´ema de type fini sur S, d’intersection compl`ete, ´equi-
dimensionnel de dimension n. Alors X[n]est pervers.
On a trivialement X[n]pD0(X, ). D’autre part, soit xX. D’apr`es
1.3, on a Hq(i!
xX[n])=0 pour q+n<prof g´eomx(X/S) δ(x). Mais d’apr`es
(1.2.1) (o`u l’on a ´egalit´e), prof g´eomx(X/S) =dimx(X) =n, et donc on a X[n]
pD0(X, ),etX[n] est pervers.
2. Profondeur g´eom´etrique et perversit´e: cas d’un trait
2.0. On d´esigne maintenant par Sle spectre d’un anneau de valuation discr`ete
hens´elien A. On note s=Spec(k) son point ferm´eetη=Spec(K) son point
en´erique. On fixe un nombre premier inversible sur S, et on pose `a nouveau
=Z/νZ, pour un entier ν1. On note Kune clˆoture alg´ebrique de K,A
le normalis´edeAdans K,kle corps r´esiduel de A,η=Spec K,s=Spec k,
S=Spec A.
2.1. Si Xest un sch´ema de type fini sur S,etsixest un point de X, d’image ydans
S, on pose
δ(x) =deg tr k(x)/k(y) +dim({y})
(cf. [SGA 4, XIV 2.2]). Notant δs(resp. δη) la fonction δrelative `a Xs(resp. Xη)
consid´er´ee en 1.1, on a donc δ(x) =δs(x) si xXset δ(x) =δη(x) +1si
xXη. On note encore Db
c(X, ) (resp. Db
ctf (X, )) la sous-cat´egorie pleine
1Je remercie Gabber de m’avoir communiqu´e cette r´ef´erence.
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