DYSLEXIE Et un peu au-delà… Définition « Difficulté durable d’apprentissage de la lecture et d’acquisition de son automatisme chez des enfants intelligents, normalement scolarisés, indemnes de troubles sensoriels et de troubles psychologiques préexistants. » Organisation Mondiale de la Santé Un peu d’histoire… • Un des premiers cas d’enfant dyslexique est rapporté en 1896 par un médecin anglais (P. Morgan). Il s’agit d’un jeune garçon de 14 ans. • « Je ne comprends pas ce que j’ai : je suis intelligent, doué pour les mathématiques ; si mon professeur ne cotait que mes réponses orales, je serais premier en classe ; mais malheureusement je suis dernier parce que mes camarades même peu doués apprennent sans difficulté ce qui malgré tous mes efforts m’est impossible : lire et écrire. » Où ? Combien ? • La dyslexie existe dans tous les pays. • On estime d’une manière générale que 15% des élèves scolarisés éprouvent des difficultés dans l’acquisition de la lecture et de l’écriture. • 3% à 6% peuvent être considérés comme dyslexiques (C’est-à-dire que ces difficultés vont perdurer). • Dont 1% de cas sévères. Votre enfant sait-il lire ? Est-ce qu’il deviendra ? Lire quoi ? Je ne sais pas lire ! • la curatelle pour prodigalité, intempérance et oisiveté sera supprimée. • le juge pourra désigner un subrogé curateur. Un peu de vocabulaire… • Phonème : plus petite unité (dépourvue de signification) de la langue parlée. Bien qu’issues des sons, ce sont des unités abstraites à fonction distinctive : /par/ est différent de /bar/. Leur prononciation peut varier en fonction de l’environnement. Confusion entre Exemples : /n/ ; /ou/ ; /r/ ; /w/ ‘p’ ; ‘b’, ‘q’ , ‘d’ : on parle ici de stréphosymbolie Les phonèmes /p/ et /b/ permettent de différencier « palais » et « balai ». Un peu de vocabulaire… • Graphème: lettre ou groupe de lettres correspondant à un phonème de la langue orale : exemples : « ch » ; « eau » Extrait d’un rapport de l’INSERM (2007) • On ne dispose que de 5-6 lettres pour les voyelles, ce qui ne permet pas de transcrire les 16 voyelles du français. Il a donc fallu utiliser une combinaison de lettres, ou une lettre à laquelle s’ajoute une marque spécifique, pour transcrire certaines voyelles (par exemple, le « é » qui s’oppose au « è » et au « e » ou encore le « ou » par opposition au « u », et les lettres « a, o, u, i » suivies par « n », qui indique une voyelle nasale : « an », « on », « un », « in »). L’unité de base d’une écriture alphabétique n’est donc pas la lettre, mais le graphème qui renvoie au phonème, unité de base du système phonologique. Quelques comparaisons… Italien Français Anglais Phonèmes 25 30 40 graphèmes 33 130 1 000 • Une langue est dite « transparente » quand chaque phonème est traduit par un graphème. • Aucune langue n’est totalement transparente. • Les petits Espagnols ou Italiens manipulent plus précocement le code écrit que les petits Anglais. • La proportion de dyslexiques serait de 3,6% en Italie et de 7,3% aux États-Unis Inventaire des diagnostics portés lors de 209 cas successifs reçus dans un centre de référence pour les troubles d’apprentissage (CHU de Marseille,d’après Habib, 2003) dossier INSERM Diagnostic Nombre d’enfants atteints (N=209) Dyslexie, dysorthographie 177 (84,7 %) Troubles du langage oral 84 (40,2%) Dyscalculie 48 (23%) Dysgraphie 37 (17,7%) Trouble déficit de l’attention/hyperactivité 32 (15,3%) Dysphasie (trouble de la communication verbale) 26 (12,4%) Précocité intellectuelle 21 (10%) Dyspraxie (trouble de la coordination) 19 (9,1%) Trouble des conduites 11 (5,3%) Autisme 2 (1%) Dyschronie (trouble du repérage temporel) 45 (21,5%) Des exemples de difficultés fréquentes pour un enfant … • Lire les lettres demande de tenir compte de l’incidence des changements d’orientation contrairement à la permanence des objets qui l’entourent et qui restent les mêmes quelle que soit leur position. «b»;«d»;«p»;«q» • Il faut percevoir la conservation de l’identité à travers des graphismes changeants. « B », « b », « b » Des exemples de difficultés fréquentes pour un enfant … • De nombreuses informations présentes à l’oral se perdent lors du passage à l’écrit, en particulier par l’absence d’indications contextuelles et de repères intonatifs. Des exemples de difficultés fréquentes pour un enfant … • Différentes marques graphiques sont utilisées pour suppléer à ce manque. Elles seront constantes ou variables : – Marques morphologiques (constantes) : par exemple « chat » et « chas ». – Marques grammaticales (variables) : accords, conjugaisons. – Les blancs et la ponctuation. De manière générale • Les troubles de la lecture : inversions de lettres, confusion de sons ou de mots… • Les troubles de l’orthographe. Par exemple pour choisir entre f/v ; b/d ; ch/j ; … • Les troubles de la parole : débit saccadé, inversions de syllabes ou de mots, inventions de mots … • Les troubles de l’écriture : graphisme mal formé… • Les troubles d’orientation spatiale : visibles dans la mise en page, le non respect des lignes… • Les troubles d’orientation dans le temps : cahier de texte, remise du travail à faire… De manière générale • La lenteur : d’où le tiers-temps… • Les troubles d’apprentissage : liés à l’utilisation de sa mémoire… • Les troubles de l’attention : souvent massifs car il lui faut faire des efforts incessants pour remettre en ordre les sons ou les repères. Il doit fournir deux fois plus d'efforts qu'un autre et est donc nécessairement plus fatigué que les autres, ce qui accentue les problèmes d'écoute. Comment s’y prendre en classe ? • Marie-Line Bosse, professeur des écoles, titulaire d’un doctorat en psychologie cognitive, propose plusieurs pistes sur les points suivants: – – – – – – – Motivation, estime de soi Organisation de la classe Leçons en classe Copie Apprentissage des leçons Production écrite évaluations Dans ce qui suit, celles en italique concernent directement la lecture et l’orthographe. Elles sont donc essentielles. Motivation, estime de soi Proposition Justification • Le laisser s’exprimer jusqu’au • Troubles de l’expression orale : bout sans lui couper la parole débit saccadé, inversions de • Être patient face à sa lenteur sons, inhibition • Le féliciter quand il progresse, même s’il passe de 25 fautes à 15 fautes • Éviter les situations dévalorisantes (lire devant • Favoriser sa motivation, faire tout le monde, prendre ses baisser son stress face à l’école, fautes en exemple) donc favoriser sa réussite. • Lui faire découvrir ses domaines de compétences et le valoriser face au groupe classe. Organisation de la classe Proposition Justification • Le placer devant, seul ou à • Attention et concentration côté d’un enfant calme et fugitive, se laisse facilement pas bavard. déconcentrer Le placer au centre du tableau plutôt qu’aux extrémités. • Limiter les objets sur son • Difficulté d’organisation bureau au strict nécessaire matérielle, fait tomber ses affaires, déconcentration, joue avec ses affaires • Favoriser le calme, le • Concentration gênée par le bruit silence, l’écoute Leçons en classe Proposition • Écrire au tableau le moins • possible, écrire lisiblement et de façon aérée, mettre en valeur l’essentiel • Utiliser le vidéoprojecteur • pour donner un support écrit dactylographié de la leçon Tout document écrit distribué doit être le plus clair, aéré et lisible possible : éviter l’écriture manuelle, utiliser la taille 12 minimum Justification Difficulté de déchiffrage accrue pour l’écrit au tableau ; impossibilité de lire au tableau et de suivre la leçon Support écrit plus clair, plus lisible : possibilité d’utiliser des couleurs vives ; possibilité de réutiliser le support écrit de la leçon. Leçons en classe Proposition • Éviter de trop parler : laisser le temps de la répétition mentale Justification • Percevoir ne suffit pas à mémoriser, il faut aussi se redire les choses entendues pour les intégrer • Rythmer les activités : éviter de • Sa concentration ne peut être soutenue placer une leçon compliquée après longtemps. une activité ayant demandé un Fatigabilité, due à un effort important dépense d’énergie importante pour travailler • Développer pendant le cours des outils de mémorisation pour compléter le texte écrit de la leçon : image, dessin, schéma. Utiliser la représentation visuelle. Aider à découvrir le plan de la leçon pour pouvoir mieux l’apprendre • Difficulté de mémorisation à partir d’un texte seul ; difficulté à saisir la structure d’une leçon Copie Proposition Justification • Fractionner le texte, accentuer les repères visuels. L’aider à comprendre sa façon de faire (mot à mot ou lettre après lettre) • Éviter ou réduire la copie des • Copie difficile, lente, leçon pendant le cours monopolise toute l’attention • Autoriser les caches pour éviter les sauts de lignes ou de mots • Envisager de fournir la photocopie de la leçon à apprendre Apprentissage des leçons Proposition • Contrôler la prise des devoirs dans le cahier de texte, autoriser les abréviations, faire écrire par un voisin si nécessaire • Demander qu’il n’apprenne pas seul face à sa feuille mais avec un lecteur • Accepter qu’il souligne, surligne, encadre des textes sur son cahier • Partager, fractionner les taches à faire. Par exemple : pour la classe apprendre 10 mots pour vendredi, pour lui, lui donner deux mots par jour jusqu’à vendredi Justification • Copie difficile • Difficulté de lecture donc d’apprentissage à partir d’un texte à lire • Difficulté à repérer l’essentiel, à comprendre la structure de la leçon • Difficulté de mémorisation, d’organisation de repérage Apprentissage des leçons Proposition • Donner des indications détaillées pour aider à la révision à la maison (ex : fiche d’aide au devoir) Justification • Difficulté de mémorisation, d’organisation de repérage • Accepter qu’il récite avec un • Difficulté de mémorisation, de support aide-mémoire restitution orale (dessin, schéma, plan de la leçon) à supprimer progressivement. Accepter qu’il ne se place pas face aux autres Production écrite Proposition Justification • Admettre la production • Difficulté massive d’orthographe écrite sous la dictée d’un et de graphisme tiers : parents à la maison, professeur ou élève tuteur en classe • Faire comprendre à l’élève • Difficultés d’orthographe, qu’il écrit d’abord pour lui focalisation sur celles-ci lors de et pour être lu, pas pour sa production écrite être sanctionné pour des fautes Production écrite Proposition Justification • Réduire en quantité en restant • Découragement face à l’écrit, exigeant sur la qualité. manque de confiance en lui L’aider dans le démarrage de son activité • Faire un contrat de travail avec • Lui permettre de répondre à une lui, à court terme, avec des demande adaptée qu’il peut objectifs à atteindre (note, satisfaire. nombre de fautes, nombre Cadre son travail, met en évidence d’exercices à faire), afin ses efforts, ses progrès d’éviter qu’il ne sente d’emblée dépassé par le rythme et le rendement des autres. Production écrite Proposition • Ne pas rendre une production écrite plus illisible qu’au départ car remplie de corrections. Trouver des moyens pour qu’il puisse se rendre compte des qualités de sa production écrite : rendre un texte tapé, un texte corrigé partiellement • Lui demander une correction dans la mesure de ses possibilités Justification • Valorisation de sa production écrite, mise en évidence des qualités de celle-ci Production écrite Proposition • Passation des consignes – Ne jamais fournir des consignes écrites sans les lire à haute voix – Lui restituer les consignes de façon personnelle si besoin avec des phrases courtes et des mots simples. S’assurer qu’il les a comprises et qu’il en a mémorisé la succession – Éviter les consignes longues, éviter plusieurs consignes successives Justification • Difficultés à lire et à comprendre les consignes ; lui prend du temps qu’il ne pourra consacrer à l’application des consignes • Problème de mémoire à court terme Évaluation Proposition Justification • Difficulté en orthographe, • Ne pas sanctionner mémorisation difficile du l’orthographe si ce n’est pas vocabulaire spécifique une connaissance de l’orthographe qui est évaluée • Envisager un tiers temps • Ses difficultés en lecture et supplémentaire, ou un orthographe vont rendre plus lent devoir équivalent (réduire et laborieux son travail, même s’il de quelques questions le sait devoir) Évaluation Proposition Justification • Trouver un système de notation qui lui permette de juger de ses progrès, pas • Motivation, valorisation des seulement de se comparer progrès aux autres (double notation, note sur 100, …) • L’aider à répartir son temps selon le nombre d’exercices • Difficultés d’organisation, blocage l’aider dans la succession sur les difficultés des tâches à faire Évaluation Proposition • Le laisser répondre aux questions dans le désordre et l’encourager à sauter les questions qu’il ne sait pas résoudre Justification • Difficultés d’organisation, blocage sur les difficultés Un constat… • Beaucoup de ces conseils sont pertinents avec beaucoup d’élèves, et pas uniquement avec les dyslexiques. • On a donc ici détaillé des approches applicables pour tous les élèves en difficulté, passagère ou persistante. Liens avec la dysorthographie et la dyscalculie Inserm • le défaut de perception des unités de base • le défaut d’automatisation de la conversion entre différents formats • un excès de charge en mémoire de travail Quelques références … • « La dyslexie ». Elisabeth Vincent. Milan • « L’enfant dyslexique, un élève qui s’ennuie ». Jean Paulhac. Hachette • « Comprendre et aider l’enfant dyslexique » Bernard Jumel. Dunod et aussi… • L’excellent rapport de l’INSERM sur la dyslexie, la dysorthographie et la dyscalculie (2007) : http://ist.inserm.fr/basisrapports/dyslexie/dyslexie_synthe se.pdf • http://alain.lennuyeux.free.fr/dyslexie/college.htm