Présentation

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Histoire des États
germaniques II :
D’un empire à l’autre
Septième cours :
La république de Weimar
(1919-1933)
Septième cours :
1 — La constitution weimarienne
2 — Évolution politique d’une crise à l’autre
3 — Évolution économique et sociale d’une
crise à l’autre (1919-1930)
4 — Politique étrangère
5 — La crise finale et l’arrivée au pouvoir du
NSDAP
1 — La constitution
weimarienne
• La constitution de la république de Weimar, adoptée par le
Reichstag en juillet 1919 se veut un compromis entre les
tenants d’une modernisation étatique inspirée des recettes
libérales des États vainqueurs et ceux du conservatisme et
de la tradition étatique germanique.
• Ce désir de compromis s’illustre dans les symboles : le
drapeau noir-rouge et or de 1848 est adopté, les couleurs
commerciales demeurent le drapeau prussien. Et si le régime
républicain est adopté, l’Allemagne demeure un Reich...
• La répartition des pouvoirs entre le centre et les régions
illustre aussi ce désir de compromis entre les tendances
unitaires, représentées par la tradition prussienne, et les
particularismes régionaux.
• La nouvelle Allemagne est un État fédératif, mais dont les
pouvoirs les plus importants restent entre les mains du
gouvernement central, laissant aux 17 länder, pourvus de
leur propre parlement et constitution, des compétences
limitées (police, cultes, culture et instruction).
• L’essentiel du pouvoir de taxation reste entre les mains du
centre, à qui appartient le dernier mot en matière judiciaire.
Le gouvernement central a aussi compétences en matière
diplomatique, militaire et économique.
• Suivant l’article 54, le parlement dispose de la prédominance,
car le gouvernement est responsable devant lui.
• Mais les pouvoirs concédés au Reichpresident (dont celui de
nommer le chef du gouvernement) font en sorte que celui-ci
dispose des moyens nécessaires pour faire de lui le centre
ultime du pouvoir : c’est la pratique qui déterminera qui du
parlement ou du président est le réel maitre politique.
• L’article 48 permet au président de déclarer l’état d’urgence,
de suspendre la constitution d’un land et de faire appel à
l’armée, dont il est le chef.
• L’article 73 lui permet de contourner l’assemblée législative,
en soumettant à un référendum toute loi votée par le
parlement. Il peut aussi dissoudre le Reichstag.
• Le fait qu’il soit élu au suffrage universel des plus de 20 ans
(à partir de 1925 — Ebert sera élu au suffrage indirect en
1919), incluant les femmes, pour une période de sept ans, lui
confère autant de légitimité que le Reichstag.
• Le parlement est constitué de deux chambres, le Reichstag
et le Reichrat. Le premier est formé de députés élus pour
quatre ans dans le cadre d’un scrutin de liste proportionnelle.
Théoriquement, il est le maitre du processus législatif.
• La 2e chambre, le Reichrat, ne dispose que d’un veto
suspensif de quatre ans, mais permet une représentation des
Lander au parlement fédéral.
• Les membres du Reichrat sont désignés par les parlements
des Länder proportionnellement à leur population.
• Très complète, la constitution weimarienne définit un certain
nombre de principes généraux, comme le rôle des églises
(pas d’Église d’État, exigence du Zentrum), la structure
scolaire (qui implique, ou non, la participation des églises),
ainsi que, par les articles 151 à 165, des dispositions
concernant le caractère social des politiques de l’État
(protection sociale, conseils ouvriers, etc.).
2 — Évolution politique d’une
crise à l’autre
2.1 — La république centriste
• Jusqu’en 1924, la politique de l’Allemagne est dominée par la
coalition qui lui a donné naissance, mais le temps passant, et
la crise aidant, la balance de cette coalition centriste penche
de plus en plus à droite et les forces modérées reculent au
profit des partis extrémistes.
• À l’inévitable instabilité politique qui accompagne la mise en
place de nouvelles institutions, le contexte international et la
gravité de la crise économique favorisent les forces politiques
qui préconisent des ruptures.
• La lutte des deux extrémismes préfigure alors déjà celle qui
détruira les institutions weimarienne en 1933.
• Avec la constitution weimarienne commence la première
véritable expérience parlementaire pluraliste de l’histoire
germanique.
• Les terres allemandes ont alors déjà vu au certaines
expériences pluralistes, mais il s’agissait de systèmes
ploutocratiques et elles furent limitées sur le plan
géographique à quelques territoires de l’ouest.
• À partir de 1919 sera tenté d’appliquer au monde
germanique les modèles que l’Europe de l’Ouest a mis de
longs siècles à élaborer.
• Le manque d’expérience a joué un grand drôle dans l’échec
weimarien, mais le contexte économique et politique du
monde y est pour beaucoup. Et l’expérience acquise au
cours de cette période fut précieuse après 1945.
• Au moment de la mise en place des institutions, certains
partis politiques existent déjà et d’autres naissent d’une
reconfiguration des partis du 2e Reich.
• Quant aux deux principales forces extrémistes, elles auront
besoin de temps, et de crises, pour se former.
• Après les élections de 1920, le centre du jeu politique est
occupé par les formations qui sont à l’origine de la
constitution.
• Le premier rôle est tenu par le SPD (qui restera premier parti
du Reichstag jusqu’en 1932), dont la scission au cours de la
guerre a accentué le caractère centriste.
• Il peut compter en général sur l’appui du zentrum, même si
ce parti confessionnel, compte autant de grands agrariens de
l’est que de représentant du monde catholique ouvrier de
l’ouest et du sud, beaucoup plus à gauche.
• Le 3e parti de la coalition centriste, le parti démocrate, est un
nouveau venu, formé des éléments les plus à gauche de
l’ancien parti national-libéral.
• Partisan de la république et des principes parlementaires,
c’est un parti de large coalition, regroupant des personnalités
remarquables, qui s’appuie sur la petite bourgeoisie libérale
et qui est favorable à l’implication économique de l’État.
• Les adversaires de gauche de cette coalition sont d’abord le
parti socialiste indépendant (USDP) qui ne survivra pas
longtemps, car dès 1920, la majorité de ses membres
rejoignent le parti communiste allemand (KPD), les autres se
ralliant au SPD.
• Pour sa part, le KPD (légalisé en février 1924) est calqué sur
le modèle soviétique : il rejette le parlementarisme, réclame
l’établissement d’une dictature du prolétariat et est agité par
les purges, reflet des luttes de pouvoir à Moscou.
• La droite est plus complexe et comprend le Parti populaire
allemand (DVP), formé par la droite des anciens nationauxlibéraux, recrutant dans les grands milieux d’affaires.
• Peu enthousiasmé par les institutions weimariennes, c’est un
parti pragmatique qui préfère la collaboration à l’opposition.
Sa participation au gouvernement va d’ailleurs contribuer à
tirer celui-ci vers la droite.
• Mais la formation du DVP tient avant tout au rejet par une
frange imposante des milieux conservateurs des idées du
Parti National-Allemand (DNVP), jugées rétrogrades, car
hostile à la république, dont les membres, souvent
antisémites, proviennent de la Prusse profonde.
• À l’extrême-droite, la première moitié des années 1920 verra
le début de l’ascension du Parti national-socialiste des
travailleurs allemands (NSDAP), fondé en 1920, qui
participera d’abord aux élections en coalition avec d’autres
partis populistes d’extrême-droite.
• En plus des autres partis fédéraux (une trentaine en 1920), il
faut ajouter des partis régionaux qui peuvent jouer un rôle
important aux élections régionales, comme en Bavière.
• La présidence est occupée par le chef historique du SPD,
Friedrich Ebert, à partir de son élection en février 1919, qu’il
remporte haut-la-main avec près de 75 des voix. Il occupera
le poste jusqu’à sa mort en février 1925
• Même s’il est le premier parti, le SPD doit faire des
concessions et abandonne la chancellerie dès1920. Les
gouvernements sont instables et sept hommes occuperont le
poste de chancelier au cours de la période 1919-1924 : 2
SPD, 3 membres du zentrum, un DVP et un indépendant.
• Ce fait illustre la difficulté de gouverner l’Allemagne en cette
époque. Car le traité de Versailles nourrit le mécontentement
des milieux nationalistes, qui accusent les partis au pouvoir
de trahison, alors que le gouvernement ne sait pas trop quoi
faire avec l’armée qu’il doit démobiliser.
• Le pays compte des centaines de milliers d’hommes
désœuvrés et en colère, dont une partie rejoindra les CorpsFrancs, le Stahlhelm ou d’autres organisations paramilitaires.
• Dès 1920, on voit une première tentative de coup d’État
mené par la droite : le 13 mars, un haut fonctionnaire
prussien, Kapp, appuyé par des corps francs et une partie de
l’armée, s’empare de Berlin, mais le putsch sera mis en
échec par une grève générale conduite par la gauche.
• Celle-ci est très active, les conseils ouvriers de 1918 ne
disparaissant pas tous lors de la répression du
printemps 1919.
• La tentative de Kapp provoque des insurrections ouvrières
menées par les communistes, qui aboutissent à la prise de
contrôle de certaines villes de la Ruhr et déclenchent une
répression de de l’armée.
• Après les élections du 6 juin 1920, le SPD (22 % pour 102
sièges) reste premier parti, mais doit compter sur le Zentrum
(14 % du vote pour 64 sièges) et sur le parti démocrate (8 %
pour 39 sièges) pour obtenir une majorité relative jusqu’en
1923.
Élections de 1920
• Il doit donc obtenir l’appui d’autres forces (USPD jusqu’en
1922; 18 % pour 84 sièges), et surtout DVP (15 % pour 71
sièges), illustrant le glissement à droite, stimulé par les
actions des milieux ouvriers et la crainte du bolchévisme.
• Les tensions sociales se maintiennent en 1922, de pair avec
la détérioration de la situation. Grèves et manifestations se
succèdent et quelques fois dégénèrent.
• Les assassinats politiques sont fréquents, dont celui
emportant Walter Rathenau en juin 1922, ce Juif partisan de
la république et signataire d’un traité avec l’URSS ayant tout
pour révulser les forces d’extrême-droite.
• La grande crise de la période survient en 1923, alors que
l’inflation atteint son sommet et que la confrontation avec les
puissances occidentales au sujet des réparations et de la
Rhénanie entrainent la formation d’un gouvernement très à
droite, dirigé par le sans-parti Cuno et s’appuyant entre
autres sur le DNVP.
• Malgré cette tentative, tout au long de l’année 1923, l’autorité
politique faiblit et le chaos s’installe poussant le Reichstag et
le président à accorder au nouveau chancelier Gustav
Stresemann (DVP) les pleins pouvoirs.
• En Rhénanie, la proclamation d’une république ne survit pas
au départ des Français, mais en Bavière, la crise sera plus
sévère, car après sa tentative de république des conseils, ce
grand land est devenu le repaire des forces de l’extrêmedroite.
• En octobre 1923, le ministre-président de Bavière von Khar
rompt tout contact avec Berlin, en s’appuyant sur diverses
forces d’extrême-droite, dont le NSDAP d’Hitler.
• Hésitant à recourir à la force et rejetant les appels de ce
dernier à marcher sur Berlin, von Kahr est débordé et le
9 novembre survient le putsch de la Brasserie, alors qu’Hitler
tente de s’emparer du gouvernement de Bavière.
• Le ministre-président parvient cependant à renverser la
situation grâce à l’appui de la police et de la Reichswehr et la
tentative d’Hitler échoue.
• Les troubles profitent aussi à l’extrême-gauche, qui hésite
cependant sur la tactique à suivre. Mais lorsqu’après les
élections d’octobre 1923 en Saxe et en Thuringe, qui ont
permis la formation légale de gouvernements ouvriers
radicaux, Ebert ordonne à l’armée de déposer par la force
ces derniers, les chefs communistes, Thälmann en tête, se
convainquent de l’impossibilité d’arriver au pouvoir par les
voies légales.
• Celui-ci tente donc aussi à l’automne 1923 un coup d’État,
de gauche, cette fois, dans la région d’Hambourg, mais qui
est rapidement écrasé par la Reichswehr, qui prend alors
véritablement le statut de gardien de l’ordre constitutionnel.
2.2 — Le triomphe de la droite
• À l’issue de la crise, Stresemann est remplacé par Wilhelm
Marx, qui forme un gouvernement de droite s’appuyant sur le
Zentrum, le DNVP et le DDP.
• L’année 1924 sera plus calme, alors que deux élections
législatives tenues coup sur coup (en mai puis en décembre,
devant l’impossibilité de former un gouvernement stable,)
témoignent de deux changements importants dans l’opinion
publique.
• D’abord, la droitisation du centre, car si le SPD demeure le
premier parti (il augmente ses appuis entre mai et décembre,
obtenant 26 % des suffrages pour 131 députés), la force du
DNVP (qui passe de 71 à 95 , puis à 103 députés) en fait
désormais un acteur politique incontournable, d’autant que
les modérés du DVP et DDP ont vu leurs appuis se réduire.
• Ensuite, les élections de 1924 voient la montée des
tendances extrémistes et le KPD, désormais légal, obtient de
bons résultats lors des deux scrutins.
• C’est aussi le cas de l’extrême-droite, plus divisée, deux
partis participant alors aux élections (parti populaire allemand
de la liberté (DVFP) et Parti populaire bavarois (DVP))
obtenant des résultats de 10 % (mai) et de 7 % (décembre).
• Devant l’impossibilité de former un gouvernement avec les
socialistes, Ebert confie au sans-parti Hans Luther le soin de
former un gouvernement dans lequel entre le très
conservateur DNVP, aux côtés du Zentrum, du DVP et du
DPP, laissant de côté le premier parti de la chambre.
• Jusqu’en 1928, la droite a le vent en poupe, alors que Alfred
Hugenberg (DNVP), fait preuve d’un grand activisme et grâce
à sa large fortune, restructure le Stahlhelm pour en faire une
puissante organisation paramilitaire, acquiert un empire
médiatique qu’il met au service de son idéologie
ultranationaliste et revancharde.
Élections de 1924
• Jusqu’en 1928 aussi, la gauche végète, éclatée entre
différentes tendances, le KPD respectant les consignes de
Moscou quant au rejet de toute collaboration avec les
« sociaux-traîtres » du SPD.
• En 1925, la mort d’Erbert et l’élection présidentielle illustrent
ce glissement à droite et von Hindemburg est élu au second
tour avec près de 50 % des voix, devançant le candidat du
Zentrum Wilhelm Marx, appuyé par le SPD, pendant que
Thälmann obtient un maigre 6 %.
• Réactionnaire et conservateur, Hindenburg va mettre en
place une orientation politique très proche des valeurs
traditionnelles prussiennes et en 1926, il limoge les artisans
du redressement de la Reischwehr, au profit de ses proches
collaborateurs, posant les bases d’un retour à la tradition
militaire prussienne qui jouera un rôle si important dans les
événements de janvier 1933.
• Malgré le retour au pouvoir du SPD après les législatives de
mai 1928, la ligne politique conservatrice sera maintenue, car
malgré 30 % (153 sièges), le SPD doit compter sur l’appui
d’autres partis pour gouverner, se trouvant captif de la
droitisation observée.
• Ces élections voient également la première participation du
NSDAP pour cause de réalignement de l’extrême-droite
(avec des résultats modestes : 2,6 % des voix pour 12
députés), dont les ténors favorisent un ralliement, financé par
les grands groupes industriels comme Thyssen, derrière le
charismatique chef nazi.
• Notons l’arrivée à la tête du DNVP du réactionnaire
Hugenberg, un autre signe manifeste de la droitisation de la
société, particulièrement des élites.
• C’est donc le SPD qui dirige le gouvernement au moment où
s’abat la crise de 1929, qui ne frappera l’Allemagne qu’à la fin
de 1930.
Élections de 1928
3 — Évolution économique et
sociale d’une crise à l’autre
(1919-1930)
3.1 — La crise de l’après-guerre
• L’Allemagne sort saignée de la guerre et au 2,5 millions de
morts s’ajoute un déficit de naissance de 3 millions.
• Si elle a peu été affectée par les destructions, l’effort de
guerre a ralenti les investissements et accru l’usure de
l’appareil productif.
• Les chiffres de la production du charbon (108 tonnes en 1919
contre 190 en 1913) et de l’acier (7 tonnes en 1919 contre 17
en 1913) illustrent la situation et il en est de même pour la
production agricole.
• La guerre aura coûté 140 milliards de marks or à un trésor
fédéral disposant de peu de ressources financières, si bien
que le recours à l’emprunt a été massif.
• De sorte qu’entre 1913 et 1919, la dette flottante (les bons du
Trésor) est passée de 500 millions à 49 milliards de marks or,
ce qui est insuffisant pour combler les dépenses.
• Il a donc fallu recourir à la planche à billets (le mark a perdu
la moitié de sa valeur entre 1914 et 1918) et liquider les
réserves d’or et de devises de la Reichsbank.
• Il faut aussi compter la condition de perdant de l’Allemagne,
souligné par le traité de Versailles. Parmi les territoires
perdus, certains jouaient avant guerre un rôle fondamental :
l’Alsace et la Lorraine pour de fer, la sidérurgie et l’industrie
textile, la Sarre pour le charbon, la Silésie pour la métallurgie
et les ressources minérales...
• De même, en guise de réparation, l’Allemagne dut céder une
part de ses capacités industrielles et de transport.
• Ainsi 5 000 locomotives, 15 000 wagons, 25 % de la flotte de
pêche, 20 % de la flotte fluviale, tous les navires de plus de
1 600 tonnes, etc. furent cédés.
• Le traité de Versailles prévoyait de nombreux avantages
économiques
pour
les
vainqueurs:
abandon
du
protectionnisme, cession de tous les brevets allemands,
levée des péages sur l’Elbe, l’Oder et le canal de Kiel,
congés de 3 à 5 ans d’accises sur certaines marchandises
d’Alsace, de Lorraine, de Posnanie...
• L’Allemagne est donc exsangue et hypothéquée. Rien
d’étonnant à ce que le gouvernement allemand se soit
employé à réduire le montant des réparations (dont il ne
conteste pas le principe) et à payer le moins possible.
• En mai 1921, la conférence de Londres fixe le montant des
réparations à 132 milliards de marks or, portant intérêt de
6 % et devant être acquitté par des versements annuels de 2
milliards, plus la valeur de 26 % des exportations du pays.
• Le tout est assorti d’un ultimatum de 6 jours pour souscrire
aux exigences, sous peine d’occupation de la Ruhr.
• Le résultat ne se fait pas attendre : la valeur du mark
s’effondre et si en mai 1921, un dollar valait 60 marks, en
octobre 1923, un dollar en vaut désormais 42 milliards…
• Les causes de l’effondrement sont complexes, car en plus
des réparations, on observe une la forte spéculation sur le
mark par les industriels allemands, empruntant de grosses
sommes pour les placer à l’étranger, puis les rapatrier et ainsi
acquérir pour une bouché de pain usine, hôtels, entreprises
diverses, permettant aux grands groupes industriels
d’accroitre leur puissance.
• Si les milieux d’affaires profitent de la crise , la population est
lourdement affectée et malgré l’augmentation des salaires
(versé fréquemment 2 fois par jour à l’automne 1923), ces
derniers ne peuvent suivre l’augmentation des prix.
• Entre 1921 et 1923, le pouvoir d’achat s’est contracté de 30 à
75 % suivant les groupes sociaux. Les plus affectés sont les
rentiers, les retraités et la petite et moyenne bourgeoise.
• D’où leur haine des hommes qui dirigent le pays et leur
nostalgie de l’empire qui s’illustre par la droitisation du vote.
• Tout ne va pas mal, car la crise va de pair avec une
vigoureuse expansion économique, basée sur deux facteurs
objectifs : la disponibilité du capital, et une main-d’œuvre
abondante, résultat de la démobilisation et des déplacements
de populations depuis les régions perdues, ce qui permet de
maintenir les salaires bas.
• La production explose et dès 1922, les chiffres de production
ont atteint ceux de 1913 (pour le charbon) ou les ont même
dépassés (pour le lignite) et malgré la perte de la Silésie et
de la Lorraine, la production d’acier atteint déjà alors 65 % du
niveau d’avant-guerre.
• La situation agricole est moins réjouissante, pour cause
d’ouverture des frontières et d’usure du matériel difficilement
remplaçable pour nombre de petites et moyennes
exploitations ou de fuites des ouvriers agricoles pour les
grandes.
• De grandes terres restant alors incultes, le gouvernement
tente d’en forcer le morcellement et la vente, mais
l’opposition des grands propriétaires rendra la réforme
inefficace.
• L’incapacité du gouvernement à briser cette résistance aura
pour conséquence la consolidation des grands agrariens et
leur rapprochement avec les grands industriels pour
présenter une alternative aux « rouges » et aux « roses » au
pouvoir.
3.2 — Les années de croissance (1924-1929)
• Malgré les difficultés de l’immédiat après-guerre, l’adaptation
de l’économie, alliée à l’amélioration de la situation
internationale, va permettre à l’économie du pays de
connaitre une période de forte croissance avant 1929,
croissance qui va améliorer la situation politique.
• Mais au début de 1924, il fallait résorber la crise monétaire,
d’autant qu’il y existait alors un paradoxe flagrant entre la
valeur du mark et l’état réel de l’économie que seule une
réforme monétaire pouvait résoudre.
• Le gouvernement décida d’émettre un mark parallèle (le
rentemark), provisoire, dont la valeur serait adossée à
l’économie réelle, et non à l’or, ce qui estimait-on permettrait
de résorber l’inflation et d’accroitre la confiance. Une fois la
valeur du mark or stabilisée, il serait supprimé.
• Un institut indépendant, la Rentebank, émet en novembre
1923 3,2 milliards de rentemarks, dont la valeur est fixée à 1
rentemark pour 1 000 000 000 000 de mark.
• Garantie par la propriété d’État et ayant cours légal partout
au pays, la nouvelle devise s’impose sur le marché.
• Disposant d’une monnaie de rechange, la Reichbank décide
de briser la spéculation en fixant au tiers de sa valeur
marchande la valeur du mark, détruisant les capacités
financières des spéculateurs.
• S’imposant de même une sévère politique déflationniste, le
gouvernement procède à un défaut de paiement sur sa dette
intérieure, privatisant celle-ci, remboursant les titres à 5 % en
moyenne de leur valeur de départ.
• Le coût politique généralement associé à une manœuvre de
ce type ne sera pas très élevé, car la politique suivie va
favoriser une forte expansion de l’économie.
• Dès 1924, grâce à l’équilibre budgétaire, à la stabilisation
monétaire et à la purge de la dette, les réserves d’or de la
Reichsbank croissent, permettant à celle-ci en août 1924
d’émettre une nouvelle monnaie, le Reichsmark, dont la
valeur est semblable à celle du rentemark.
• Grâce au plan Dawes, l’économie se développe, en dépit des
versements que le gouvernement doit effectuer.
• Parmi les autres causes de l’expansion économique de 19241929, il faut compter le retour de la confiance, les
gouvernements de la période se situant à droite, les
investissements se font plus nombreux.
• Comme l’économie s’améliore, les grèves se font plus rares
et la gauche modérée abandonne la confrontation au profit
de la négociation avec d’autant plus de facilité que le
chômage se résorbe et le pouvoir d’achat croit modestement,
mais continument.
• Pour venir en aide à sa clientèle terres agricoles de l’est, les
gouvernements de droite adoptent des politiques
protectionnistes et interventionnistes, rendues possibles par
la bonne santé des finances : garantie des achats des
surplus à prix fixes, allégements fiscaux, subventions
diverses et prêts à faible taux d’intérêt.
• L’agriculture peut alors se développer et reprendre son
retard, mais aux frais de l’orthodoxie économique et à des
coûts nettement supérieurs à celui des cours internationaux.
• Dans le secteur industriel, dont la récupération était visible
dès 1923, l’expansion se poursuit et en 1928, la production
industrielle allemande dépasse de 15 % celle de 1913.
• Dans certains secteurs, l’industrie du pays est à nouveau la
première au monde : chimie, optique, industries
électrotechniques et mécaniques.
• Les exportations remontent dès 1925 à leur niveau de 1913,
entrainant le retour des investissements à l’étranger.
• Outre les conditions financières déjà évoquées, l’expansion
s’appuie sur certaines modifications du mode de
fonctionnement des entreprises et du marché.
• On note de forts investissements dans l’accroissement de la
productivité, par la mécanisation et l’électrification.
• Celle-ci réclame de très importants moyens, qui accentuent
la tendance à la concentration capitalistique, qui prend
parfois la forme de puissants oligopoles comme l’IG Farben
industries, qui regroupe les trois plus grandes entreprises
chimiques du pays et impose ses règles du jeu.
• Cette concentration permet les investissements dans le
développement scientifique, lequel peut compter sur une
population totalement alphabétisée et un système
d’éducation de grande qualité.
• L’Allemagne multiplie les innovations au cours de la période :
extraction de l’azote, essence artificielle, cinéma parlant,
transmission sans fil, etc.
• On constate entre 1924 et 1928 une sorte d’euphorie
économique qui profite à tout le monde, de façon certes
inégale, cependant.
• La concentration capitalistique observée accroit la puissance
politique des grands groupes industriels et provoque le retour
de l’alliance entre la grande bourgeoisie et les grands
propriétaires, qui avait été le socle de la puissance du Reich
au début du XXe siècle. Les conséquences politiques de ce
phénomène seront d’ailleurs aussi très néfastes.
• Mais dès 1928, des esprits avisés, comme Schacht et
Stresemann, soulignent le caractère fragile de cette
croissance, qui doit beaucoup aux investissements étrangers
(23 milliards de reichsmarks entre 1924 et 1929, provenant
des États-Unis, du Royaume-Uni et des Pays-Bas) et aux
prêts. Que survienne une crise à l’étranger et l’économie
allemande s’effondrera.
4 — Politique étrangère
• Une bonne partie de la politique étrangère weimarienne est
liée au traité de Versailles et aux réparations, problèmes qui
monopolisent les discussions internationales au cours de la
première moitié d’existence de la république de Weimar.
• Cependant, ces questions graduellement résolues, un climat
international plus sain est de retour et l’Allemagne
weimarienne, sans reprendre les positions perdues, réintègre
peu à peu le concert des nations.
• En juin 1919, les députés acceptent le traité de Versailles, en
insistant sur le rejet de l’article 231 et des exigences
concernant l’extradition des « criminels de guerre » que sont
aux yeux des alliés Ludendorff, Hindenburg et quelques
autres, pendant que sur le terrain, l’armée tente parfois de
s’opposer aux nouveaux tracés des frontières.
• À l’ouest, les forces françaises empêche toute remise en
cause, mais à l’est, la présence militaire allemande et de la
crainte du bolchévisme favorise une reconquête partielle de
la Haute-Silésie en 1919 qui aboutira à un compromis
laissant à l’Allemagne les deux tiers de la zone, le reste étant
récupéré par la Pologne.
• Entre 1919 et 1921, la diplomatie allemande se concentre à
limiter les réparations, utilisant les désaccords entre alliés et
allant jusqu’à décréter en 1921 l’incapacité de payer du pays,
ce qui provoquera l’occupation par les forces de l’Entente de
certaines villes, dont Düsseldorf.
• Rathenau inaugure en 1922 une autre approche que celle de
l’opposition frontale. Tout en déclarant être prête à assumer
ses responsabilités, l’Allemagne, qui commence alors à
payer, compte sur sa bonne foi pour que soit revu à la baisse
le montant des réparations.
• Cette stratégie aboutit à une conférence à Gênes pour
discuter de l’ordre de l’après-guerre.
• Si la chute du gouvernement Briand en France empêche une
issue favorable concernant les réparations, la conférence
aura un effet inattendu : la conclusion d’un traité entre
l’Allemagne et la nouvelle URSS.
• Outre les avantages de cette entente, qui permettra à
l’Allemagne de contourner certaines dispositions du traité de
Versailles, Rapallo provoque un vent de panique à l’Ouest,
qui craint un rapprochement entre l’Allemagne et l’URSS.
• C’est d’ailleurs pour Rathenau la principale raison de cette
entente, car la panique devrait favoriser l’esprit de
compromis des gouvernements occidentaux…
• Sur ces entrefaites se produit la crise de la Ruhr : le
chancelier Cuno réclame en 1922 un moratoire sur les
paiements, ce qui provoque l’occupation de la Ruhr par la
France en janvier 1923.
• La réponse allemande est molle, soit que Berlin considère ne
pas avoir le choix, soit que l’on espère que la crise provoque
une détérioration de l’entente entre Paris et Londres qui
faciliterait les négociations.
• Le coût de cette politique est élevé pour Berlin, car au 3,5
milliards de marks consacrés quotidiennement à subvenir
aux besoins de la population s’ajoute la perte des
exportations vers le Royaume-Uni.
• Devant ces coûts, qui provoquent l’inflation et la crise
politique déjà évoquées, le gouvernement abandonne la
politique de désobéissance en septembre 1923.
• Mais à long terme, la crise sera positive, car la France, qui
fait figure d’agresseur, est isolée, ce qui va obliger Paris à
revoir ses exigences.
• Dès la fin de 1923, Paris donne son accord à la renégociation
des modalités des versements des réparations et se montre
même ouverte à discuter du montant.
• C’est le premier succès du nouveau ministre des Affaires
étrangères, Gustav Stresemann, qui dominera la politique
étrangère jusqu’à sa mort en 1929 et c’est le problème des
réparations qui va d’abord le préoccuper.
• En 1924 est conclu le plan Dawes, conclu pour cinq ans qui,
sans fixer le montant des réparations, s’appuie sur le principe
de la capacité de payer de l’Allemagne, qui doit aussi pouvoir
développer son économie.
• Le plan, qui prévoit l’évacuation de la Ruhr et la création
d’une Banque Nationale indépendante dirigée par des
commissaires étrangers pour gérer les réparations, s’articule
autour du principe du caractère progressif des réparations,
passant de 1 milliard de marks la première année à 2,5
milliards de marks à la dernière année.
• Les sources des réparations sont de même identifiées, soit
certaines taxes : sur le transport et sur certains produits
comme l’alcool, le tabac et le sucre.
• De même, le plan prévoit une hypothèque obligatoire sur les
grandes entreprises et sur les chemins de fer de l’Allemagne,
qui doivent verser 6 % de la valeur de leurs actions chaque
année à une commission des réparations, dirigée depuis
Berlin par un commissaire américain.
• Au terme de l’entente, en 1929, l’Allemagne aura versé 7
milliards de marks. La perte de souveraineté que la
procédure impliquait était compensée aux yeux de
Stresemann par la possibilité de rétablir la confiance des
États de l’ouest envers l’Allemagne.
• Entre temps, Stresemann élabore à partir de 1924 sa
« politique de conciliation » visant à rétablir la confiance, afin
d’obtenir le plus rapidement possible la fin de la tutelle
internationale sur la Rhénanie.
• C’est dans cette optique que Stresemann accepte la
proposition de Londres de tenir une conférence sur la paix en
Europe, dans le but de réconcilier la France et l’Allemagne.
• La conférence de Locarno d’octobre 1925 permettra la
conclusion d’un certain nombre de traités, dont le pacte
rhénan, qui considère comme définitives les frontières
occidentales de l’Allemagne.
• Toute l’habileté de Stresemann apparait ici : par l’abandon de
l’Alsace-Lorraine, l’Allemagne fait montre de sa bonne
volonté dans l’espoir de convaincre ses interlocuteurs
occidentaux de revoir les frontières orientales. En outre, le
traité prévoit l’intégration de l’Allemagne à la SDN.
• Devant le retard de cette admission et la conclusion de
pactes de garanties entre la France, la Pologne et la
République tchèque, Stresemann, fait monter les enchères et
en 1926, l’Allemagne signe avec l’URSS le traité de Berlin qui
réaffirme les termes du traité de Rapallo...
• Cette pression porte fruit et en automne 1926, l’Allemagne
intègre la Société des Nations, d’où Berlin réclame dès lors
l’égalité des droits.
• Puis en 1928, Stresemann, lors des négociations du pacte
Briand-Kellog, proposera un plan définitif de règlement des
réparations, en échange de la reprise de contrôle de Berlin
sur la Rhénanie.
• C’est sur cette base qu’en 1929, une commission établira les
modalités pour le versement du reste des réparations, soit
des versements annuels de 1,6 à 2,4 milliards de mark
jusqu’en 1988, pouvant être suspendu pour deux ans en cas
de difficultés économiques.
• Même si en retour les hypothèques obligatoires sont levées
et que l’Allemagne récupère sa pleine souveraineté sur la
Rhénanie, l’acceptation du plan suscitera une levée de
boucliers menée par l’extrême-droite.
• Après la mort de Stresemann en octobre 1929, ses
successeurs tenteront de maintenir le cap de sa politique
dans le contexte troublé de la crise financière, accentué par
l’agitation de l’extrême-droite allemande.
• Dans ce contexte, Hoover proposera un moratoire sur les
réparations, avant de suggérer, en 1932, l’abandon de cellesci, après un ultime paiement de 3 milliards de marks.
• Après la guerre, la RFA s’engagea à rembourser après la
réunification les prêts contractés dans les années 1920
auprès de divers gouvernements et banques internationales
pour s’acquitter du paiement des réparations.
• C’est sur la base de l’égalité des droits que l’Allemagne
défendra en 1932 son droit à réarmer si les autres États
refusent de le faire. La conférence avortant, Berlin
consédrera ne plus être contraint par les limitations militaires
du traité de Versailles.
• Ainsi, à la veille de l’arrivée au pouvoir d’Hitler, les grands
objectifs que s’était fixés Stresemann sont atteints
:
l’Allemagne a récupéré sa souveraineté territoriale, n’a plus
les mains liées par les réparations et s’est imposé comme
interlocuteur de plein droit.
5 — La crise finale et l’arrivée au
pouvoir du NSDAP
5.1 — Hitler et le NSDAP
• Hitler est né le 20 avril 1889 dans la petite ville autrichienne
de Braunau-sur-l’Inn, à proximité de Linz. Après la fin de ses
études scolaires, il part pour Vienne, où il tentera sans
succès de rejoindre l’Académie des beaux-arts.
• De 1908 à 1913, miséreux et toujours à Vienne, il vit de petits
boulots et de la vente de ses aquarelles. C’est de cette
époque que date la formation de son caractère et de
certaines de ses lubies, Hitler supportant mal l’idée de vivre
plus difficilement que les « sous-hommes » slaves, et surtout
que les Juifs, qu’il prend rapidement en haine.
• Au cours de cette période, Hitler lit certains classiques de la
philosophie
allemande,
s’intéresse
aux
publicistes
pangermanistes et antisémites et développe une haine
tenace à l’endroit de l’empire des Habsbourg, auquel il
reproche de faire obstacle à l’union des Allemands.
• En 1913, Hitler s’installe à Munich pour échapper au service
militaire en Autriche, mais quand éclate la Première Guerre
mondiale, il s’engage dans l’armée bavaroise, où il fait
preuve de réelles aptitudes et obtient la Croix de fer de
première classe.
• L’armistice le met hors de lui et il partage le point de vue des
nationalistes au sujet du « coup de poignard dans le dos ».
Toute son énergie sera consacrée à partir de 1933 à venger
l’honneur national et à châtier les coupables de l’infamie de
1918.
• Après avoir passé encore une année dans l’armée, Hitler la
quitte pour se consacrer à sa carrière politique naissante au
sein du NSDAP, un petit parti extrémiste bavarois.
• Peu à peu, la verve d’Hitler aidant, la situation du pays attire
au parti un grand nombre de sympathisants. Hitler prend
alors lentement le contrôle de l’organisation, à qui il donne
ses emblèmes et son service d’ordre.
• En Bavière les autorités font preuve de peu d’enthousiasme à
appliquer les mesures d’exception décrétées par Berlin pour
garantir la sécurité de la république. Les nazis se
rapprochent alors de certaines autorités bavaroises dont
certaines songent à une marche sur Berlin.
• La situation incite à Hitler à se montrer plus agressif et le 8
novembre, Hitler et ses alliés rassemblent leurs hommes et
profitant d’une réunion politique des principales autorités de
Bavière dans une brasserie, tente un coup d’État.
• Hitler parvint d’abord à s’emparer des chefs politiques du
land et à se proclamer chef d’un gouvernement national,
mais la résistance inattendue de la police fait échouer son
coup de force.
• Condamné à une peine de prison de 5 ans, il élaborera alors
son programme politique, exposé dans son ouvrage « Mon
combat ».
• Au sortir de prison, alors que son parti est en proie à la
division, il reprend son rôle de chef, avec une stratégie
claire : au lieu d’essayer de prendre le pouvoir par un coup
de force, il décide qu’il vaut mieux y parvenir légalement.
• Les premières années furent difficiles, car, la situation
économique du pays s’améliorait, les tensions internationales
s’apaisaient et Hitler continuait de faire peur, au point où les
autorités bavaroises lui interdisent de prendre la parole en
public sur le territoire du land.
• Cette situation ne dura pas, et avec la crise de 1929, son
audience recommença à croitre, comme en font foi les
statistiques de vente de Mein Kampf et le nombre de
membres payant cotisation au parti : 27 000 en 1925, 72 000
en 1927 et 178 000 en 1929.
• Ce développement de la puissance du parti fait en sorte que
des hommes puissants, comme Hugenberg, commencent à
s’intéresser à lui en tant qu’arme dans leur lutte contre le
gouvernement et la gauche en général.
• Après une certaine hésitation, car l’anticapitalisme était
encore important pour de nombreux membres du parti, Hitler
se laissa convaincre d’une alliance avec ces forces par des
promesses de financement.
• Grâce à ces fonds, il remet le parti en pleine santé financière
et lui donne les moyens de ses ambitions à l’échelle fédérale.
C’est à ce moment que survint le Krach boursier de 1929.
L’économie allemande, très exposée, reçut de plein fouet les
conséquences de l’événement.
• C’est ainsi qu’entre 1930 et 1932, la gravité de la crise va
favoriser l’appui populaire aux partis extrémistes, de droite
comme de gauche, et entrainer l’affaiblissement des forces
libérales et du système de Weimar.
• Mais c’est surtout à l’extrême droite que profite la mort lente
des forces politiques libérales.
• Bien sûr, l’appui populaire des communistes augmente aussi,
mais celui accordé aux nazis est encore plus important.
• Plus encore, les milieux économiques et politiques de
l’Allemagne se méfient beaucoup plus des communistes que
des nazis, surtout depuis que ceux-ci ont abandonné une
bonne part de leur discours anticapitaliste.
5.2 — L’effondrement économique
• Toutes les économies sont frappées par les répercussions du
krach de 1929, mais les symptômes varient d’un pays à
l’autre
• Les banques allemandes, comptant sur une bonne
croissance solide, surinvesti les fonds étrangers dans des
opérations à long terme et ne sont pas en mesure de les
mobiliser rapidement en cas de crise.
• La structure du secteur bancaire allemand, très concentrée,
est aussi en cause, car il n’y a pas de distinction entre
banques de dépôt et banques d’investissements.
• L’épargne de la population est largement investie et les
institutions ne conservent en général que 5 % en fonds de
couverture. Ici aussi, les capitaux sont donc difficilement
mobilisables.
• Les banques allemandes sont donc surexposées à cause du
risque extérieur et du risque intérieur et lorsque les
investisseurs étrangers retirent leurs fonds en même temps
que les épargnants d’Allemagne, elles sont menacées de
faillite, contraignant la Reichsbank à venir à leur secours et
ses réserves s’évaporent rapidement.
• La crise de surproduction constitue l’autre facette de la crise
en Allemagne, car la contraction de la demande et
l’effondrement des prix frappent le secteur industriel et les
exportations s’effondrent de plus de 60 % entre 1930 et
1932, suivi par la production : celle de charbon se contracte
de 40 %, celle des voitures de 50 %, celle de l’acier de 60 %
en deux ans à peine.
• De nombreuses entreprises sont alors contraintes au dépôt
de bilan, et comme le secteur bancaire et le secteur industriel
en Allemagne sont étroitement liés, la faillite des premières
entraine la faillite des seconds.
• Le contexte politique n’aidera pas non plus, car la montée en
puissance des forces extrémistes qui favorise une diminution
de la confiance et accélère la fuite des capitaux.
• Ces courants puisent leur force dans la détresse de la
population, car l’effondrement bancaire et industriel la frappe
violemment : alors que le pays ne comptait que 600 000
chômeurs en 1928, en décembre 1931, ils sont déjà plus de
6 millions, chiffre catastrophique auquel il convient d’ajouter 8
millions d’autres travailleurs en chômage partiel.
• Si les ouvriers et les jeunes de 15 à 25 ans sont les premiers
touchés, les faillites bancaires, qui détruisent l’épargne des
classes moyennes, constituent aussi un facteur puissant de
radicalisation politique de la société.
• Enfin, l’effondrement des recettes, l’augmentation des
dépenses liés aux allocations chômages et les plans de
secours élaboré par le gouvernement vont faire gonfler le
déficit public et exploser le niveau de la dette.
• Le gouvernement intervient de différentes façons,
expérimentant des remèdes parfois pires que les maux.
• Sa première réaction, avant même l’effondrement du secteur
bancaire, alors que Brüning (zentrum) occupe le poste de
chancelier, c’est le recours à l’austérité budgétaire.
• Refusant de dévaluer le reichsmark, Brüning doit recourir à la
déflation en comprimant les dépenses (diminution des
salaires des fonctionnaires, réduction des allocations de
chômage et augmentation des impôts), ce qui accentue la
contraction du marché intérieur.
• Pour compenser l’effet de l’effondrement des exportations et
maintenir
une
balance
commerciale
positive,
le
gouvernement impose de lourdes restrictions aux
importations, rendant difficile l’approvisionnement en matière
première de certains secteurs industriels, contraints de cette
façon à réduire la production.
• La cohabitation des classes dirigeantes de l’économie et de
la politique entraine l’adoption de mesures favorisant le grand
capital au détriment de la population.
• Car pendant que les aides de l’État à celles-ci sont réduites,
Berlin vole au secours des grandes entreprises, qui voient
leur fardeau fiscal allégé.
• De même, il investit massivement dans le sauvetage des
banques par le biais de prêts, si bien qu’à la fin de 1931, on
estime que le gouvernement contrôle 60 % du secteur
bancaire du pays. Il créé alors une institution spécifique
(l’Akzept) pour gérer son implication dans le secteur.
• Et puisque le secteur industriel allemand est étroitement lié
aux banques, l’État se retrouve alors propriétaire et
gestionnaire d’une part importante des capacités industrielles
du pays, en complète contraction avec les dogmes libéraux
de l’équipe au pouvoir alors...
• Cette situation sera pour Hitler fort avantageuse lorsqu’il
prendra le contrôle de l’État, car il n’aura même pas besoin
de nationaliser la production, les grands industriels ayant de
toute façon les mains liées par leur dépendance financière à
l’État...
5.3 — L’effondrement de la république
• Parallèlement à la crise économique se déroule une crise
institutionnelle qui lui est liée, sans en être complètement
dépendante, car elle commence dès le début de 1930.
• Elle est liée à la question du plan Young, contesté par
l’extrême-droite, qui multiplie les manifestations contre le
gouvernement de Müller qui, depuis la mort de Stresemann,
se retrouve sur la sellette, le parti populaire allemand se
rapprochant alors de la droite.
• De même, devant les premières manifestations de la crise
économique, les élites économiques du pays voient d’un
mauvais œil le maintien d’un gouvernement socialiste.
• Fin mars 1930, Müller est contraint à la démission parle
Hindenburg qui, sous les conseils de ses collaborateurs
ultraconservateurs, confie au centriste Brüning le soin de
former un gouvernement clairement orienté à droite.
• Comme il est incapable d’obtenir l’appui du DNVP
d’Hugenberg, il est mis en minorité en juillet et demande au
président de dissoudre le Reichstag.
• Les élections qui suivent voient la déconfiture des partis
républicains de droite et la victoire des forces extrémistes : le
NSDAP d’Hitler, réunissant 19 % des voix, parvient à faire
élire 107 députés et devient le 2e parti du Reichstag.
• À gauche, même si le SPD parvient avec 24 % des voix et
143 députés à demeurer le premier parti, son appui fléchi au
bénéfice du KPD (13 % pour 77 sièges).
• De sorte que le 2e et le 3e parti du parlement sont désormais
des partis antirépublicains et les prémisses de la
confrontation KPD-NSDAP sont posées.
• C’est au cours de cette campagne qu’Hitler devient un
homme politique d’envergure fédérale, sa tournée électorale
sur tout le territoire financée par Hugenberg lui permettant
alors d’élargir son audience.
Élections de 1930
• Brüning pourra compter jusqu’en 1931 sur les socialistes
pour se maintenir au pouvoir, le SPD devant appuyer les
politiques anti-ouvrières de ce dernier pour éviter son
effondrement, provoquant une désertion de ses appuis.
• Il est contraint à ce choix par la réaction de l’extrême-droite
devant le succès du NSDAP, car en 1931, Hugenburg réunit
à Harzburg toute l’opposition d’extrême-droite pour élaborer
un programme réclamant le départ de Brüning et de
nouvelles élections.
• Dans ce contexte, les élections présidentielles des mars
1932 verront l’ensemble des forces pro-républicaines de
gauche comme de droite se rallier à la candidature de
Hindenburg à sa propre succession, le SPD préférant
appuyer le vieux maréchal que le candidat du KPD.
• Le simple fait qu’Hindenburg ait eu besoin d’un second tour
pour être élu avec 53 % des voix illustre la baisse de
popularité du système dans l’opinion publique.
• Arrivé deuxième avec de 37 % des voix, Hitler s’impose
comme un élément incontournable du monde politique.
• À noter que le chef du KPD ne parvient à obtenir que 10 %
des voix.
• Brüning se maintient au pouvoir grâce à l’appui du président
et en juin 1932, sous la pression des grands propriétaires
terriens menacés par sa réforme agraire, il est contraint à la
démission.
• Se refusant à appeler Hitler à la chancellerie, Hindenburg
décide de gouverner lui-même en s’appuyant sur ses
collaborateurs et nomme von Papen à la chancellerie.
• Formant un cabinet des « Barons », von Papen tente de
domestiquer les « modérés » de l’extrême-droite en allant
chasser sur leurs terres par un programme très à droite, la
dissolution du Reichstag, une diminution de l’aide à la
population et un plan de relance très favorable à la grande
industrie.
• Préférant l’original à la copie, la population donne au NSDAP
ses meilleurs résultats lors des élections de juillet 1932, qui
se déroulent dans un contexte de crise sociale aiguë, où
nazis et communistes s’affrontent dans les rues.
• Avec 37 % des voix et 230 sièges, le NSDAP devient le
premier parti du Reichstag. Alors que le SPD (22 % pour 133
sièges) perd des plumes au profit du KPD (14 % pour 89
sièges), les partis de la droite traditionnelle sont littéralement
laminés, seul le zentrum parvenant à résister tant bien que
mal à la vague brune (12 % pour 75 sièges).
• Hitler exigeant la chancellerie pour entrer au gouvernement,
Papen, qui dispose d’à peine 40 voix au parlement et alors
que le pays est le théâtre de grèves multiples et que la paix
sociale est remise en cause par les actions violentes du
NSDAP, tolérées par les forces de l’ordre, convainc
Hindenburg de dissoudre à nouveau le parlement.
• Les élections de novembre donnent partiellement raison à
von Papen, car le NSDAP recule pour la première fois depuis
1928, peut-être signe d’un rejet d’une part de la population
des méthodes violentes de ce dernier.
• S’il demeure premier parti du Reichstag, ses appuis glissent
à 33 % pour 196 députés. Mais comme la poussée du KPD
se poursuit (17 % pour 100 députés), ces résultats sont
encore plus inquiétants pour l’équipe dirigeante.
• Dans ce contexte, après avoir été chassé du pouvoir au profit
d’un autre conseiller du président, le colonel von Schleicher,
qui tente à son tour de domestiquer l’extrême-droite, à
nouveau sans succès, von Papen élabore la combinaison
politique qui sera fatale à la république.
• Car puisque le NSDAP semble perdre de son influence et
que les communistes menacent, pourquoi ne pas proposer à
Hitler de former un gouvernement de coalition avec les autres
forces de droite?
Élections de 1932
• Von Papen et Hitler se rencontrent le 4 janvier 1933 et
mettent au point un projet de gouvernement, qui verrait Hitler
devenir chancelier, appuyé par von Papen en tant que vicechancelier, croyant ainsi pouvoir contrôler Hitler.
• Après avoir convaincu Hugenberg et son DNVP, von Papen
présente son projet au président.
• Celui-ci, après consultations, approuve le projet et convoque
Hitler et c’est ainsi que le 30 mars 1933, Adolphe Hitler
accepte de devenir le chancelier de la république.
• À noter que contrairement à ce qui est souvent répété,
l’arrivée au pouvoir du NSDAP n’est pas le fruit de la colère
des masses, mais plutôt celui de la peur et de la crédulité
d’élites qui n’avaient jamais vraiment d’ailleurs été très
attachées au système de Weimar.
• D’une certaine façon, ceux qui reprochaient aux « criminels
de novembre » leur trahison de 1918 se vengent alors d’eux
sur leur rejeton...
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