La protection de l’environnement selon les entreprises qui ont pour leitmotiv l’écologie Alice Friser Chaire de responsabilité sociale et de développement durable UQAM Plan du cours 1. Gouvernance et politiques environnementales 2. Des entreprises vertes? 3. La gestion environnementale, les initiatives industrielles et la norme ISO 14 001 4. Présentation d’un cas: le commerce équitable et la grande entreprise 5. Discussion Le contenu de cette présentation est tiré en grande partie des ouvrages cités en référence • Si l’entreprise demeure encadrée par l’État à l’échelle nationale, l’entreprise n’a pas de visà-vis équivalent sur la scène internationale. • En ce qui concerne l’environnement, comment l’entreprise est-elle régulée? 1. Gouvernance et politiques environnementales De façon schématique, les gouvernements ont recours à quatre types de politiques publiques pour protéger l’environnement: • • • • L’action directe La réglementation Les instruments économiques L’exhortation 1.1. La réglementation • Le droit international de l’environnement fait face à la difficulté de concilier la protection des ressources communes et la souveraineté des États (Brunnée, 1994) • 5 sources de droit de l’environnement: le droit commun, les lois sur les ressources, les lois d’aménagement du territoire, les recours concernant les nuisances et les lois environnementales • 4 grands types de mesures juridiques de protection de l’environnement: la protection, le contrôle, la surveillance et la restauration. 1.1. La réglementation • Malgré la profusion de textes législatifs relatifs à l’environnement, celui-ci est loin d’être surréglementé. • La réglementation est parfois dense et innefficace. • Le droit de l’environnement est un droit jeune qu’il reste à développer. 1.2. Les instruments économiques • Mettre à profit la dynamique de marché pour atteindre des objectifs sociaux ou environnementaux • Avantages: flexibilité, transparence, prévention, compétitivité et décentralisation. 1.2. Les instruments économiques Instruments économiques Instruments non fiscaux Permis échangeables Consigne=système de réadaptation Instruments fiscaux Redevances sur les émissions Redevances d’utilisation Redevance sur les produits Incitatifs fiscaux Tiré de Gendron, 2004, p. 29. 1.2. Les instruments économiques • Inconvénients: nécessitent de lourdes infrastructures administratives, effet incitatif rare, efficacité mise en question (cas des taxes) opposition de certains industriels (exemple de la taxe de carbone et des compagnies pétrolières) 1.3. Les mesures volontaires • Un engagement du secteur privé à protéger l’environnement au delà des exigences juridiques (Conference Bard du Canada). • En plus d’améliorer l’image corporative, elles peuvent procurer un avantage concurrentiel, et réduire les coûts de conformité législative (New Direction Group, 1997) 2. Des entreprises vertes? • Les entreprises reconnaissent aujourd’hui la pertinence de la question environnementale. • Pourtant, seulement 50% d’entre elles ont mis en œuvre de véritables procédures ou des politiques de préservation de l’environnement. • ¼ des entreprises ont mis sur pied un cadre de gestion environnementale. 2.1. Les facteurs et acteurs de pression Partie prenante traditionnelle Actionnaires Prêteurs Clients Fournisseurs Contrainte Lois Gouvernement coûts Employés Marketing Coûts Opportunité Image publique Communauté Grand public Partie prenante non traditionnelle Typologie inspirée de la théorie des parties prenantes de Freeman (1984), tirée de Gendron (2004) 2.2. Les sources de pression Type de pression Facteur ou acteur de pression Juridique Réglementation environnementale Responsabilité juridique Économique ou financier Contrôle des coûts Gains d’efficacité Assurances Actionnaires Commercial Clients Normes internationales Fournisseurs Social Employés Communauté Public Groupes environnementaux Étude KPMG, 1994 et 1996, tirée de Gendron, C. 2004. 2.3. De la conformité au dépassement des normes en vigueur • En matière de performance environnementale, les secteurs primaires, secondaires et tertiaire ne sont pas sur un pied d’égalité. 2.3. De la conformité au dépassement des normes en vigueur « L’écologie stratégique » de Gendron (2001) • Une première explication : les entreprises anticipent une progression des normes environnementales. • Une seconde explication: les entreprises participent au processus de réglementation et celui-ci fait partie intégrante de leur stratégie compétitive. • Dans les deux cas, l’environnement est en train de devenir un véritable élément stratégique et un élément de positionnement marketing. 2.4. Le niveau d’engagement des entreprises québécoises (CSMOIE, 1995) 2.4. Le niveau d’engagement des entreprises québécoises • Selon les résultats de plusieurs enquêtes, de 50% à 95% des entreprises ont adopté une politique environnementale. • Le tiers des entreprises du Québec produisent des rapports de performance. • Du tiers à la moitié des entreprises ont mis sur pied un comité environnemental 2.5. Les stratégies environnementales des entreprises 1. L’entreprise marginale Dimensions/ Stratégies organisation Opérations Communications Politique Mission Marginale Pas de responsable Mauvaise image publique Poursuites Pas de référence à l’environnement Équipement désuet Exemple de stratégie marginale: Tioxide Canada INC. Devant le refus de TIOXIDE CANADA INC. De réaliser le programme d’assainissement des eaux (PAE) approuvé en 1986, le ministère de l’Environnement du Québec ordonnait à la compagnie de cesser de rejeter toute substance polluante dans le fleuve à compter du 15 juin 1992. En mai 1993, à la suite d’une poursuite d’Environnement Canada, la cour condamnait TIOXIDE CANADA INC. en vertu de la Loi sur les pêches, à verser une amende de quatre millions de dollars, dont trois millions doivent être consacrés à des projets de restauration du milieu. Depuis la fermeture de la section “ noire ” en 1993, l’entreprise se conforme à toutes les exigences du PAE concernant les rejets liquides dans le fleuve. 2.5. Les stratégies environnementales des entreprises 2. L’entreprise conforme Dimensions/ Stratégies organisation Opérations Communications Politique Mission Conforme Comité, fonction env. Système de gestion minimal Responsabilités et maîtrise opérationnelle Image neutre Position neutre La majorité des entreprises optent pour cette stratégie Exemple: Vidéotron Mission faisant référence à la conformité aux lois et règlements 2.5. Les stratégies environnementales des entreprises 3. L’entreprise leader Dimensions organisation Opérations /Stratégies Communications Politique Mission Leader Bonne image publique Position avantageuse Ententes et projets pilotes avec les pouvoirs publics Mission faisant référence à l’excellence en env. Système de gestion élaboré, comité et fonction env. Modernisation technologique De plus en plus d’entreprises optent pour cette stratégie Exemple: The Body shop, Le Cirque du Soleil, Alcoa, Danone 2.5. Les stratégies environnementales des entreprises 4. L’entreprise écologique Dimensions organisation Opérations /Stratégies Communications Politique Mission Écologique Éducation du public Pression sur les pouvoirs publics pour une protection accrue de l’ env. Mission et raison d’être axées sur la protection de l’env. et les principes de développement durable Fusion entre Application du la fonction principe de env. et la précaution mission de l’entreprise Exemple: organisations de commerce équitable 3. La gestion environnementale • « L’ensemble des activités de management qui déterminent la politique environnementale, les objectifs et les responsabilités, et qui les mettent en œuvre par des moyens tels que la planification des objectifs environnementaux, la mesure des résultats et la maîtrise des effets sur l’environnement » (NF X 30200). • La gestion de l’environnement est du ressort des pouvoirs publics. 3.1.Le système de gestion environnementale « L’ensemble de l’organisation des responsabilités, des procédures, des processus et des moyens nécessaires pour mettre en œuvre la politique environnementale » (NF X 30200) 3.2. Les initiatives industrielles Quelques initiatives de gestion environnementale dans la foulée desquelles s’inscrit l’adoption de la norme ISO 14 001: • Les principes CERES et la Global Report Initiative • La Charte des entreprises pour un développement durable • Le Global Compact • Le programme de Gestion responsable • EMAS II (Éco-Audit, SMEA) 3.3. ISO 14 001 http://www.youtube.com/watch?v=J7Fak8QI6 Ww&feature=related ISO 14 001 • La norme ISO 14 001 s’adresse à tous les organismes qui cherchent à mettre en œuvre, maintenir, améliorer leur système de gestion, s’assurer de la conformité de leur système et la démontrer. • fournit un guide de gestion. • Le système de gestion environnementale promu peut être intégré à d’autres exigences (celles contenues dans ISO 9000 par exemple) • Elle n’a pas pour but de modifier les obligations des entreprises face à l’environnement. • Elle cherche à éviter que des barrières commerciales ne s’élèvent sous prétexte de protéger l’environnement. ISO 14 001 « La composante du système de management global qui inclut la structure organisationnelle, les activités de planification, les responsabilités, les pratiques, les procédures, les procédés et les ressources pour élaborer, mettre en œuvre, réaliser, passer en revue et maintenir la politique environnementale » (ISO 14 001, définitions, art.3.5) ISO 14 001 • La norme ISO 14 001 s’inspire de la roue de Deming: ISO 14 001 • • • • • Le système de gestion que propose la norme comporte 5 étapes. L’entreprise doit: Adopter une politique sur l’environnement et s’engager à se conformer aux lois et règlements en vigueur. Planifier et mettre un programme précis de gestion. Appliquer son système de gestion. Contrôler et surveiller. Faire réviser les résultats du système de gestion par la direction. ISO 14001: limites • La norme insiste sur l’engagement à la conformité, pas à la conformité en tant que telle. • L’auto-déclaration qu’autorise la norme n’a pas la même valeur qu’une certification par un tiers. • la norme a été adoptée dans une perspective d’échange commercial, ce n’est donc pas une mesure de protection de l’environnement. Elle constitue néanmoins un outil indispensable à l’amélioration de la performance environnementale des entreprises. 4. Le commerce équitable et la grande entreprise Une stratégie de niche ou le début d’un réel engagement pour l’environnement? 4.1. Le commerce équitable Un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect dans le but de parvenir à une plus grande équité dans le commerce international. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions d'échanges et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs salariés, en particulier ceux du Sud. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consommateurs) s'engagent activement à appuyer les producteurs, à sensibiliser l'opinion publique et à mener campagne pour des changements dans les règles et les pratiques du commerce international conventionnel. (FINE, 2001) 4.1. L’objectif stratégique du commerce Equitable Travailler délibérément avec des producteurs et des travailleurs marginalisés afin de les aider à passer d’une position de vulnérabilité à la sécurité et à l’autosuffisance économique ; Donner plus de poids aux producteurs et aux travailleurs en tant que parties prenantes de leurs organisations ; Jouer activement un plus grand rôle dans l’arène mondiale pour parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. FINE, 2001 4.1. Le commerce équitable, fonctionnement Sud Producteurs Coopératives de producteurs Importateurs FLO-I et FLO-cert Nord Consommateurs Détaillants Titulaires de licence (transformateurs) TransFair Canada Schéma tiré de http://www.transfair.ca/fr/commerceequitable/base/ 4.1. Les critères du commerce équitable Critères génériques destinés aux producteurs: Exigences minimales et exigences progressives Les petits producteurs: aspect démocratique de l’organisation. Les travailleurs dans les plantations et les industries: respect des standards de l’OIT, de la santé et des normes environnementales. Critères spécifiques destinés aux producteurs: La qualité du produit, le processus de production, le prix, le maintien de la sécurité alimentaire par la diversification des cultures… Critères destinés aux organisations du Nord: Achat direct, juste prix, paiement à l’avance, engagement à long terme. 4.1. Un commerce équitable, deux filières La filière intégrée: sensibilisation Des magasins 100% équitable: des organisations d’artisanat certifiées FTO et des aliments certifiés FLO-I. La filière labellisée: consommation Des produits équitables vendus en grande distribution, et certifiés par FLO-I. 4.1. Un petit business qui monte Près d’un million de producteurs et travailleurs concernés. Fin 2001, on recensait 224 organisations de producteurs, réparties sur plus de 57 pays en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. En 2006, on en comptait déjà 569. Au Nord, 21 pays détiennent la licence équitable. De nouveaux produits sont désormais certifiés équitables : le coton, les fleurs, le vin, les cosmétiques, les meubles. D’autres, plus connus, tels que le café, le cacao, les bananes ou encore le thé ont connu une croissance sans précédent. Des villes sont aussi certifiées équitable. De nouvelles marques proposant des produits labellisés émergent régulièrement. 4.2. Quand la grande distribution joue la carte de l’équitable Après tout, le CE s’oppose aux défauts du système économique actuel …que la gande distribution représente: − Pratiques syndicales douteuses. − Surconsommation. − Objectif du prix le plus bas pour garantir son monopole au détriment du bien-être des producteur. Alors…. Quels sont les avantages et les inconvénients d’une telle alliance, pour le CE comme pour la grande entreprise en général (grande distribution et grande entreprise comme Nescafé)? Et la grande entreprise s’emmêle A côté d’un produit équitable, un produit conventionnel paraît inéquitable… Alors la grande entreprise passe à l’offensive… En discréditant le mouvement équitable L’argument de Nestlé (What can be done?, 2003) Le commerce équitable empêcherait la régulation naturelle du marché, c’est-à-dire que les producteurs les moins performants soient incités à changer d’activité afin de réduire la surproduction à l’origine de la dépression des prix. http://Nestlé.com/pdf/english/coffee.pdf En déployant des initiatives similaires 1. Des mesures philanthropiques en réponse à la prime du CE: Kraft Cares, « Plan de parrainage » chez Second Cup, « Coffee Kids » chez Van Houtte, « Nature et Communauté » chez Chiquita. 2. Une réponse au système d’achat direct du CE: Nestlé installe des points d’achat dans les 11 pays où elle opère ses usines de transformation pour acheter le café directement aux producteurs voisins. (D’après Fridell, Hudson et Hudson) 3. Une réponse au soutien technique du CE: Nestlé, Pocter & Gamble, Chiquita offrent désormais des formations techniques permettant de hausser la qualité des produits, et le prix offert. 4. En s’associant à des certifications reconnues Chiquita: « Better Banana Project », normes SA 8000, Rainforest Alliance. Nesté: Partner’s Blend est certifié équitable. Procter & Gamble: Mountain Moonlight est certifié équitable. Van Houtte et Starbucks offrent du café équitable. Initiatives parallèles entre la grande entreprise et le CE: le label Utz Kapeh développé par Solidaridad se veut une certification responsable, pas équitable (respect des règles de l’OIT et de l’environnement, transparence, mais pas de prix juste). Lutte pour s’accaparer la définition de la qualité sociale des produits: les producteurs 100% CE veulent à présent un nouveau logo. Prolifération des logos qui sèment le doute chez le consomateur. L’avenir du commerce équitable 1.Le CE devrait-il se féliciter de son incursion dans la grande distribution? Ou devrait-il craindre pour sa survie? Les deux? 2.Suffit-il à la grande entreprise d’offrir des produits équitables pour être responsable? Conclusion • Les entreprises se préoccupent de l’environnement et plusieurs ont mis en œuvre des procédures leur permettant de mieux gérer les conséquences de leurs activités sur l’environnement. • On peut penser que la dynamique économique va jouer en faveur de l’écologie. • Mais pour parler d’entreprises partenaires du développement durable, il faut revoir la pertinence des activités de l’entreprise en regard d’une société qui pourrait être écologique. 6. Discussion • Que pensez-vous de l’alliance de la grande entreprise et de la cause sociale et environnementale? • Quel rôle la crise économique selon vous aurat-il sur la préoccupation des entreprises pour la RSE et le DD? Pensez-vous que cette tendance est bien partie pour durer? • Que pensez-vous de l’aspect volontaire et de la nature légalement non contraignante des normes? • Quelle place les entreprises sont-elles en train d’accorder à la protection de l’environnement? • Quel cadre légal les entreprises sont-elles en train d’ériger en prenant de telles initiatives? Références • Gendron, C. 2004. La gestion environnementale et la norme ISO 14 001. Les Presses de l’Université de Montréal, 347p. • Gendron, C. 2001. « Des entreprises vertes? ». Revue Possibles, volume 25, numéro 1, hiver 2001. • Gendron, C. et al. 2009. Quel commerce équitable pour demain? Éditions Écosociété, 228p.