Premier cours

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Histoire des États
germaniques II :
D’un empire à l’autre
Premier cours :
L’ère du « Despotisme
éclairé » (1740-1790)
Premier cours :
1 — Que reste-t-il de l’Empire?
2 — La Prusse de Frédéric II
3 — L’Autriche de Marie Thérèse et de
Joseph II
4 — Et les autres...
1 — Que reste-t-il de
l’Empire?
• Les traités de Westphalie ont réduit les pouvoirs de
l’empereur à celui d’un monarque constitutionnel,
dirigeant symbolique d’une confédération d’États, lâche
et sans grande puissance.
• Mais l’empire continuera d’exister plus d’un siècle et
demi après la guerre de Trente Ans. Malgré la montée
en puissance de deux de ses composantes, malgré
l’ingérence d’autres États, l’empire continue d’assurer
une certaine cohésion politique.
• Car à côté de l’empereur-président, d’autres institutions
demeurent, dont le rôle n’est pas encore épuisé. C’est le
cas du Reichstag et du Reichskammergericht, par
exemple.
• Et l’empereur, conserve certains pouvoirs d’influence. La
guerre de succession d’Autriche témoigne par ailleurs de
l’attrait symbolique que le titre continue d’exercer.
• Ce dernier confondu avec la dynastie habsbourgeoise,
Vienne utilise les ressources impériales pour poursuivre
l’extension de son dans les Balkans.
• Maître de l’anoblissement et de l’octroi du titre de Stand,
l’empereur assure un équilibre en tant que garant de la
sécurité des plus petits territoires, même si la
possession du titre par Vienne implique des conflits
d’intérêts potentiels.
• Mais ils seront peu fréquents, l’expansion se faisant
surtout hors des terres germaniques.
• Appuyé par un vice-chancelier, l’empereur tente de
diriger mais les ordonnances qu’il publie constituent
davantage des directives que des lois et leur application
est pratiquement déterminée par la volonté des Stände.
• Évidemment, les petits sont plus « obéissants » que les
plus puissants (Prusse et Saxe en tête).
• À compter de 1663, le Reichstag devient une institution
permanente, mais cette institutionnalisation va de pair
avec une certaine marginalisation, car de simples
diplomates succèdent aux princes qui jusqu’alors
siégeaient.
• Répartis en trois collèges, les délégués des 8 ou 9
princes-électeurs, des 137 princes et des 51 villes, sous
la direction du prince-électeur archevêque de Mayence
défendent avant tout les intérêts de leurs maîtres ou des
territoires qu’ils représentent.
• On note l’absence de représentation de la population au
sein de ce « parlement » : les paysans en sont exclus,
mais aussi les classes moyennes urbaines, car les villes
sont représentées par les riches familles patriciennes.
• L’inefficacité du Reichstag est aussi accentuée par les
clivages religieux, les délégués se séparant en deux
corps distincts (catholiques et protestants) lorsqu’une
question religieuse est soulevée.
• Le Reichskammergericht continue de fonctionner et
permet d’éviter de nombreux conflits entre les Stände et
d’assurer la survie des plus petits d’entre eux.
• Comme ses membres sont nommés par le Reichstag,
l’institution dispose d’une plus grande légitimité que le
tribunal concurrent, le Conseil Aulique, dépendant trop
directement de l’empereur.
• Ces institutions centrales suffisent-elles pour que l’on
puisse parler d’État? La question est débattue par les
historiens, qui font remarquer qu’en l’absence de
structures coercitives (police, armée impériale) dont
l’autorité aurait été reconnue par les gouvernements des
Stände, il est difficile de l’affirmer.
• L’exemple des déclarations de « guerre impériale », qui
voient les délégués manifester leur désir de défendre le
Reich, tout en conservant le commandement de leurs
propres forces en disent long sur le manque d’unité.
• Les Reichkreise peuvent assurer une cohésion à
l’intérieur de certaines régions, mais le développement
de leur autonomie, compte tenu de leurs préoccupations
propres, fait en sorte que les cercles deviennent eux
aussi le lieu de manifestation des égoïsmes régionaux.
• La faiblesse de ces institutions fait dire à Hegel au XIXe
siècle que « L’Allemagne n’est plus un État ».
• L’empire reste encore à cette époque une « sorte de
maison commune », un laboratoire du fédéralisme.
• Cette sorte d’unité nationale n’empêchera pas la
confrontation entre les deux principaux pôles du monde
germanique : l’Autriche habsbourgeoise et son
challenger, le royaume de Prusse.
2 — La Prusse de Frédéric II
2.1 — Une personnalité hors-norme
• Celui qui deviendra, par-devers lui, l’un des grands
symboles de la germanité et peut-être le chef d’État
allemand le plus important de l’histoire, n’avait que peu
de choses en commun avec le roi-sergent.
• Ami de Voltaire, intellectuel brillant et sensible, mais
despote exigeant et parfois cruel, chef de guerre génial
et opportuniste, Frédéric II a pesé lourdement sur son
époque et sur le développement de l’Allemagne.
• Les contradictions de Frédéric II tiennent autant à son
itinéraire personnel qu’au contexte dans lequel s’est
déployé son action.
Frédéric II Hohenzollern
(1712(1740)-1786)
• Formé par un précepteur français, Frédéric II maitrisait
mal l’allemand, qu’il méprisait, et s’exprimait en français.
Il apprit aussi aux côtés de Charles Duhan de Jandun
les mathématiques et l’histoire
• Dès l’âge de six, son père le confia à deux militaires de
carrière, pour que le fils suive ses traces et dès ce très
jeune âge, il se vit confier la direction d’une compagnie
de 130 hommes.
• Frédéric se vit imposer aussi tout l’ascétisme du
calvinisme, le roi-sergent voulant faire de son fils un
second lui-même, avec de meilleures connaissances
théoriques, cependant soigneusement sélectionnées.
• Les relations entre le père et le fils se dégradèrent,
Frédéric s’adonnant en cachette à la lecture d’ouvrages
classiques et français et à partir de dix-huit ans, son
père le fit surveiller presque en permanence par des
officiers de son armée.
• En 1730, l’héritier planifia sa fuite en Angleterre avec un
ami, mais les deux hommes n’eurent pas le temps de
passer à l’action et furent arrêtés et accusés de haute
trahison. Le prince s’en tira, mais son amant fut exécuté
sous ses yeux.
• Frédéric rentra dans le rang, son père lui « pardonna »
ses errances et à partir de 1734, Frédéric fut impliqué
dans la direction de l’État, avant d’assumer la totalité du
pouvoir en 1740, à la mort de son père, s’intitulant « roi
de Prusse », signifiant qu’il n’entendait pas se
soumettre,, au pouvoir impérial.
• L’autre source des contradictions de Frédéric tient à
l’opposition entre ses responsabilités et ses désirs de
gouverner en s’appuyant sur les idées de l’époque.
• Car le fait qu’il dispose d’un pouvoir politique sans
partage l’incite à vouloir « contraindre ses sujets à être
libres ».
• Reprenant la discipline de fer de son père, l’aspect
religieux en moins (si Frédéric n’était pas athée, il était à
tout le moins agnostique), le roi de Prusse se montra
tout au long de son règne de 46 ans aussi exigeant
envers ses sujets qu’il le fût envers lui-même.
• Cette rigueur n’empêchera pas Frédéric II de consacrer
temps, énergie et argent au développement des arts et
de la science dans son royaume, en plus de s’adonner
personnellement à l’écriture, de jouer de la flûte et de se
consacrer au mécénat.
• Malgré ses succès militaires et ses réussites sociales,
économiques et politiques, le roi de Prusse vieillit mal, la
solitude imposée par son orientation sexuelle et la
pesanteur morale du calvinisme en faisant un homme
aigri assez tôt, devenu rapidement misanthrope.
• Marié pour les convenances à une princesse apparentée
aux Habsbourg, il mourut seul et sans enfant en 1786.
2.2 — Politique étrangère
• Frédéric II ne tarda pas, dès 1740, à se lancer dans les
aventures militaires dans l’espoir d’agrandir son domaine
qui demeurait alors modeste, avec 120 000 kilomètres
carrés, habités par 2,2 millions de personnes.
• Les choses auraient été différentes sans la mort sans
héritier mâle de l’empereur Charles, mais la « vacance »
du trône habsbourgeois offrait une occasion magnifique
au jeune roi de se manifester.
• Pourquoi la Silésie, territoire dominé depuis de longs
siècles par les Habsbourg, mais peuplé de nombreux
Slaves, Polonais et Tchèques?
• En 1738, Frédéric avait qualifié de « rapacité criminelle »
le fait de s’emparer de territoires sur lesquels un État n’a
aucun droit, mais il se justifie par les droits des
Hohenzollern sur certaines provinces de Silésie.
• Et c’est en effet la « rapacité » qui guide son action, car
la Silésie est riche et prospère.
• Faisant fi des recommandations de ses conseillers,
Frédéric tenta son premier coup de dés en décembre
1740, envahissant sans déclaration de guerre le duché
de Silésie et déclenchant ce qui devait devenir la Guerre
de succession d’Autriche.
• Quatre semaines suffirent aux armées prussiennes pour
s’emparer de la majeure partie du duché. « Généreux »,
Frédéric II proposa la paix à l’Autriche de Marie-Thérèse,
en échange de la cession de l’ensemble de la Silésie,
mais celle-ci rejeta l’offre.
• L’Europe se lança en ordre dispersé dans le conflit :
Frédéric obtint l’appui de la France, ainsi que celui de la
Bavière, dont le roi Charles-Albert prétend au trône
impérial. En face, l’Autriche est soutenue par le
Royaume de Grande-Bretagne et les Provinces-Unies.
• La guerre s’étira jusqu’en 1748 et la paix d’Aix-laChapelle était elle-même considérée comme une simple
trêve, Marie-Thérèse refusant d’admettre la perte de la
Silésie et rêvant de revanche.
• Frédéric se doutait de l’état d’esprit de la reine, mais
avait besoin d’un répit, huit années de guerre ayant
grandement affecté son armée et l’économie de son
royaume.
• À noter que cette période vit l’ajout d’un nouveau
territoire à la Prusse, lorsqu’en 1744, le dernier prince de
Frise orientale, Charles-Edzard, meurt sans en enfant et
qu’en vertu d’anciens traités, Frédéric II en hérite.
• Les années qui suivirent virent un renversement des
alliances, la Prusse se rapprochant du Royaume-Uni et
les deux États concluant en janvier 1756 un pacte de
neutralité.
• Louis XV réagit mal à cette trahison et accepta les
avances de Vienne. Mai 1756 vit la fin de la vieille rivalité
franco-autrichienne, avec la conclusion d’un pacte
défensif entre Paris et Vienne.
• Avec la conclusion d’un traité du même ordre entre Paris
et Saint-Péterbourg (la Russie d’Élizabeth étant déjà
alliée alors à l’Autriche), la table est alors mise pour
l’éclatement de la guerre de Sept Ans (1756-1763).
• C’est encore une fois Frédéric qui prit l’initiative des
hostilités. Le 29 août 1756, à la tête de son armée, il
envahit la Saxe, autre alliée de l’Autriche. Quelques
jours suffirent pour qu’il s’empare de Dresde.
• Cette « première guerre mondiale » devait s’étendre sur
plus sept années et impliquer la majeure partie des
puissances européennes sur des théâtres d’opérations
en Europe, en Amérique et en Asie.
• Dès 1757, l’audace de Frédéric semble se retourner
contre lui : son armée est défaite par les forces
autrichiennes, les Russes attaquent la Prusse orientale
et les Français se portent aussi à l’offensive. Les
Suédois se joignent alors aux combats.
• Malgré sa chance et son habileté qui lui permettent de
sauver la situation en 1758, la position de Frédéric
demeure fragile, mais les années passèrent sans qu’un
vainqueur puisse s’imposer.
• Les efforts pour faire plier Frédéric semblaient sur le
point de porter fruit en 1761, alors que sa capitale était
prise et pillée par les Russes. Malgré la reprise de la ville
en octobre, Frédéric aurait sans doute été contraint à
reconnaitre sa défaite sans l’aide de la Providence.
• En janvier 1762, Élizabeth 1re décède, laissant le trône à
Pierre III, germanophile et admirateur du roi de Prusse,
qui s’empressa de conclure la paix dès mai 1762 et de
redonner à son idole l’ensemble des terres occupées.
• Son renversement rapide par son épouse ne changea
rien à la nouvelle situation, la famille de Catherine II
étant liée depuis longtemps aux Hohenzollern.
• Abandonnée à l’est, pendant que les défaites de la
France, s’accumulaient, Marie-Thérèse dut admettre
alors sa défaite et le 15 février 1763, la Silésie rejoignait
le royaume de Prusse, Frédéric s’étant en échange
engagé à soutenir les prétentions au trône impérial du
fils de Marie-Thérèse, Joseph.
• Le prix à payer fut élevé, car aux pertes humaines
(environ 500 000 morts, soldats et civils, soit 10 à 15 %
de la population du Royaume) et aux destructions,
s’ajoutaient la perte de confiance de l’Europe envers la
Prusse et son souverain.
• Si la paix de 1763 marque la fin des guerres menées par
Frédéric, ce n’est pas pour autant la fin de l’expansion
territoriale de la Prusse.
• À l’est, le chaos polonais va servir de prétexte au
dépeçage de l’ancien royaume des Piast.
• Nulle action posée par les tenants du despotisme éclairé
ne souligne mieux le caractère fallacieux de cette
doctrine que la destruction de l’État polonais par les trois
principaux ténors de cette dernière.
• Frédéric II et Catherine II conclurent un accord en 1772
par lequel l’État polonais était amputé d’environ la moitié
de sa superficie et l’Autriche se joignit à la curée.
• La Prusse vengeait l’honneur des chevaliers teutoniques
à Tannenberg 1415 et reprenait le contrôle de tout le
littoral de la Baltique, jusqu’à Königsberg. Une continuité
territoriale était alors établie entre la Prusse orientale et
le Brandebourg.
• 36 000 kilomètres carrés et deux millions d’habitants,
polonais dans leur écrasante majorité, rejoignaient la
Prusse à la pointe du fusil.
1er partage de la Pologne
• La dernière décennie du règne de Frédéric II voit
l’implication de la Prusse dans un autre conflit, celui de
la Bavière, quand le dernier prince de la branche cadette
des Wittelsbach meurt en décembre 1777.
• Frédéric profita de la situation pour affaiblir les
Habsbourg, prenant le parti du prince de Deux-Ponts,
qui contestait les prétentions de Vienne sur la basse
Bavière.
• Grâce à la pression militaire de la Prusse et la médiation
de la Russie, le conflit militaire fut évité et les prétentions
de Vienne réduites au minimum par un traité en 1779.
Outre la promesse d’hériter de certains territoires,
Frédéric illustra alors sa puissance en même temps que
l’affaiblissement des Habsbourg.
• Sans la mort de Frédéric en 1786 et la Révolution
française, qui contraignit les princes allemands à l’union,
le règlement de compte entre Habsbourg et
Hohenzollern aurait pu survenir plus tôt qu’en 1866...
2.3 — Politique intérieure
• Une fois ses objectifs territorial, Frédéric II se « retira
dans ses terres » et déploya une politique réformatrice
remarquable dans de multiples domaines.
• Après avoir pendant près de 25 ans semé la mort sur les
champs de bataille de l’Europe, le roi de Prusse donnera
à sa population plus de deux décennies de paix.
• Il avait donné le ton dès son avènement sur le trône en
interdisant le recours à la torture sur ses domaines,
appliquant d’emblée les principes des Lumières.
• Mais la légitimité dont dispose le roi de Prusse ne peut à
souffrir du moindre doute et sa façon de gouverner en
témoigne. Premier serviteur de l’État, il en est aussi le
premier responsable.
• De sorte que si le roi gouverne en s’appuyant sur un
Cabinet royal, chapeautant le Directoire général,
responsable des différents ministères, les membres de
ce « gouvernement » ne disposent pas d’un réel pouvoir,
se contentant d’être des exécutants.
• La gestion du royaume de Prusse est facilitée par sa
grande homogénéité ethnique. Si la politique
expansionniste change un peu cette situation, l’ajout de
la Silésie, puis de la Poméranie occidentale, provoquant
l’inclusion dans les territoires prussiens de minorités
slaves, la puissance du pouvoir central ne permettra pas
le développement de mouvements centrifuges.
• En 1740, Frédéric hérite du système politique absolutiste
élaboré sous le règne paternel et ses réformes visent
davantage à accroitre l’efficacité du système qu’à le
modifier, par exemple, en luttant contre la corruption des
officiers de l’État.
• En ce qui concerne la gestion régionale, il n’eut guère de
travail : les Stände des différentes provinces ayant été
vidé de leur substance au profit d’un gouverneur nommé
par le centre, dirigeant une Chambre de la Guerre et des
domaines, chargés de l’administration, de la perception
des impôts et bien sûr du recrutement militaire.
• Périodiquement, le roi se rendait cependant lui-même
dans ses différentes provinces pour s’assurer de
l’exécution de ses ordres.
• L’armée ne réclama pas de réformes importantes,
simplement une mise à niveau du commandement et de
l’armement. La conscription établie sous le règne de son
père mettait à sa disposition une force militaire
importante (près de 100 000 hommes) et entraînée.
• En matière de Justice,, les réformes de Frédéric sont
véritablement à l’avant garde de ce qui se fait en Europe
alors.
• Ce domaine a occupé une part considérable du temps
du roi, le système judiciaire étant constamment
transformé et le résultat définitif sera publié après la mort
du roi, en 1794, sous le nom de Code général des États
prussiens
• Outre l’uniformisation des pratiques sur l’ensemble de la
Prusse, le Code est basé sur l’indépendance et la
compétence de la justice et sur le principe de l’égalité de
tous devant la loi. Évidemment, le pouvoir de dernière
instance demeurait entre les mains du roi.
• Le Code proclama le droit à l’instruction et des moyens
financiers considérables furent consacrés à favoriser la
diffusion des savoirs.
• Les institutions d’enseignement primaire se multiplièrent
et même si l’éducation demeurait religieuse, ces
mesures permirent à la Prusse de disposer d’une
population alphabétisée à plus de 50 % au tournant du
siècle.
• En matière religieuse, Frédéric fait preuve d’un
progressisme remarquable et le Code qui officialise sa
tolérance, s’inscrit ici dans les convictions personnelles
du roi, qui considère que la pratique religieuse est une
affaire privée.
• Mais l’Église ne l’est pas et Frédéric utilisera son droit à
nommer les évêques protestants, tout en surveillant les
catholiques, sur lesquels son contrôle est moindre.
• Néanmoins, il offrira sans problème l’asile aux Jésuites
alors chassés fréquemment des terres occidentales de
l’Europe, utilisant leurs connaissances pour consolider le
système d’éducation.
• En revanche, il demeura méfiant à l’endroit de la
communauté juive, mais pour des raisons politiques
(l’indépendance sociale et économique de celle-ci) plutôt
que religieuses.
2.4 — Société et économie
• Compte tenu des morts et des destructions de la guerre,
on ne s’étonnera pas de constater l’attention particulière
que le roi apporta au rétablissement économique de ses
États.
• Pour compenser les pertes humaines, Frédéric recourut
à une immigration facilitée par sa tolérance religieuse.
• Au cours de la période 1765-1786, plus de 300 000
nouveaux arrivants, provenant surtout d’autres États
germaniques s’établirent en Prusse, effaçant dès le
milieu des années 1770 l’essentiel des pertes humaines.
• Le roi comprenait que le développement économique
était nécessaire pour attirer les migrants et encouragea
la colonisation intérieure, supervisant parfois lui-même
les travaux de construction des infrastructures et
d’irrigation destinés à accroitre les territoires cultivables.
• L’intérêt que le roi portait à l’économie est bien illustré
par la multiplication de ministères dédiés aux questions
économiques et industrielles.
• Le mercantilisme se manifeste en Prusse par un grand
activisme économique, l’État participant à la création de
manufactures œuvrant dans le textile, employant à la fin
du règne plus de 150 000 ouvriers et responsable des
deux tiers de la production industrielle du royaume.
• Une Banque Royale de Berlin fut aussi établie en 1765
pour assurer les besoins en capitaux de ces industries
naissantes.
• La majeure partie des nouveaux établissements
industriels apparaissent soit en Silésie (où les
ressources en charbon et en métaux sont abondantes),
soit dans la grande région de Berlin, qui se spécialise
dans l’industrie du luxe (la porcelaine, en particulier).
• Grâce à ses gains territoriaux, la Prusse contrôle le
cours de l’Oder, qui vient s’ajouter à l’Elbe et l’accès à la
Baltique relève pour l’essentiel de l’autorité de Frédéric,
qui consacra des sommes importantes à l’entretien des
voies navigables et à la construction de canaux.
• Cet effort matériel visant à l’accroissement du commerce
est soutenu par l’abolition des tarifs douaniers intérieurs
(les octrois).
• Cette politique économique interventionniste nécessite
des revenus considérables et grèvent un trésor
lourdement affecté par les coûts des guerres.
• Les revenus provenant des terres de la couronne (25 %
du territoire), même ajoutée à ceux générés par les
industries d’État, ne suffisaient pas aux besoins.
• La pression fiscale crût constamment au cours du règne,
particulièrement grâce à la multiplication des impôts
indirects, permettant aux recettes de l’État de doubler en
un demi-siècle.
• La politique agraire reste liée à la question sociale et tant
que le servage n’est pas aboli, la gestion de l’agriculture
échappe au pouvoir central.
• Certes, les réformes judiciaires ont circonscrit et limité
les pouvoirs des propriétaires terriens, mais Frédéric se
gardera bien de remettre en question la principale assise
de son pouvoir, la grande noblesse terrienne. D’où
d’ailleurs l’exemption fiscale dont elle bénéficie.
• Car outre son immense pouvoir économique (75 % des
terres), la noblesse est nécessaire à Frédéric pour
assurer la gestion de son royaume (les fonctionnaires
sont en quasi-totalité nobles), mais aussi de son armée,
où les nobles disposent du monopole du
commandement.
• De sorte que, dès l’âge de douze ans (âge d’entrée à
l’école de Cadets) jusqu’à sa mort, pratiquement, le
noble demeure au service de l’État.
• Les villes se développent rapidement et bourgeoisie
commerçante et industrielle se mêle à la masses des
artisans, compagnons et ouvriers de l’industrie
naissante, mais la très majorité de la population (entre
75 et 80 %) continue d’habiter les campagnes, où la
structure sociale demeure médiévale.
• Le propriétaire continue d’exercer les fonctions
administratives et juridiques sur ses terres, en plus d’être
responsable de la nomination des « officiers » religieux
et scolaire, prêtres et instituteurs et reste le tuteur légal
d’une paysannerie « mineure » sur le plan légal.
• Une nuance doit cependant être faite concernant les
paysans de la Couronne, car en tant que propriétaire de
ceux-ci, le roi dispose d’une plus grande latitude et dès
les années 1770, il s’emploie à abolir progressivement le
servage sur ses terres et à affranchir ses paysans,
préférant utiliser l’exemple que la contrainte pour
résoudre le « problème agraire ».
• Malgré ces efforts, la structure sociale de la Prusse
demeure à la fin du XVIIIe siècle très semblable à ce
qu’elle a été depuis longtemps.
• Le bilan de Frédéric est sur ce plan ambigu, car ses
réformes ont pour l’essentiel consolidé et amélioré une
société qui demeure féodale, plutôt que favoriser
l’émergence d’une société moderne.
• Il a cependant semé de nombreuses graines qui
germeront au siècle suivant.
3 — L’Autriche de Marie
Thérèse et de Joseph II
3.1 — Évolution politique
• 1740 voit l’arrivée au pouvoir des deux principaux États
du monde germanique de deux personnalités également
remarquables, mais radicalement différentes.
• Marie-Thérèse n’était pas destinée à régner et n’a pas
été préparée. Malgré tout, son père parvint à assurer sa
succession à faisant admettre à l’Europe la possibilité
qu’une fille obtienne l’héritage habsbourgeois.
• Par sa « Pragmatique sanction » (1713) Charles VI veut
s’assurer que sa dynastie ne subisse pas le même sort
que la branche aînée des Habsbourg d’Espagne.
Marie-Thérèse (1717(1740)-1780) et
Joseph II (1741(1780)-1790) Habsbourg
• Charles VI s’éteint en 1740 et grâce aux concessions
qu’il a dû faire, sa fille peut accéder au trône, mais la
guerre ne sera pas évitée, les puissances européennes
reniant leurs engagements.
• Marie-Thérèse se retrouve à la tête de l’ensemble des
possessions habsbourgeoises, car en vertu de la
Pragmatique Sanction, les pays héréditaires avaient été
déclarés « un et indivisibles », faisant pour la première
fois des États habsbourgeois une sorte d’empire.
• Outre les terres autrichiennes, les possessions
habsbourgeoises comprennent la Hongrie, la Bohême, le
Brabant, le Limbourg, le Luxembourg, la Bourgogne, le
Milanais, la Toscane, la Transylvanie, ainsi que le duché
de Parme et de Plaisance. Entre autres.
• L’héritage est contesté, mais après 8 années de guerres,
le traité d’Aix-la-Chapelle de 1748 met fin au conflit et
permet à Marie-Thérèse de prendre possessions des
terres habsbourgeoises, Silésie en moins.
• La pragmatique sanction ne peut s’étendre à la
couronne impériale, celle-ci étant de la responsabilité
des princes-électeurs, lesquels n’envisagent pas de
laisser le titre impérial à une femme.
• Un consensus se dégagera en faveur de Charles de
Bavière, qui disposera du titre impérial jusqu’à sa mort
en 1745.
• À ce moment, les électeurs se rallieront à la candidature
de l’époux de Marie-Thérèse, François de Lorraine, qui
devient empereur, fondant la branche dynastique des
Habsbourg-Lorraine, qui conservera le titre impérial
jusqu’à la dissolution de l’empire en 1806.
• Marie-Thérèse devient ainsi impératrice consort du
Saint-Empire et par son caractère remarquable, elle
s’impose, bien plus que son époux, à la tête de l’empire
et c’est de son vivant, au cours des années 1760, que
l’on commencera à la nommer Marie-Thérèse la Grande.
• Très religieuse, Marie-Thérèse est aussi très instruite et
parle plusieurs langues, dont le français et l’espagnol.
• Accédant au trône à l’âge de 23 ans, elle saura
rapidement faire preuve de réalisme, tout en s’entourant
de conseillers expérimentés pour compenser son propre
manque d’expérience.
• Très rapidement, elle prend en grippe Frédéric II dont la
morale et le comportement sont aux antipodes de ceux
de cette fervente chrétienne.
• Pas de conflits avec son mari, avec qui elle aura 16
enfants. François s’intéressant surtout aux
développements techniques, il laisse son épouse
occuper tout l’espace politique
• Ainsi, lorsque François s’éteint en 1765, elle assumera
une « régence » dans laquelle elle maintiendra son
contrôle jusqu’à sa mort.
• Joseph II, le fils aîné du couple, sera confirmé en 1765
empereur et Marie-Thérèse abandonnera alors le titre.
Quant aux territoires autrichiens, Joseph II en est alors
déclaré corégent.
• Jusqu’en 1780, Joseph II consacrera beaucoup de
temps à voyager, périples qui lui fourniront de grandes
connaissances sur les puissances européennes, de
même que le désir de pousser plus avant les réformes
de sa mère.
• En 1780, à la mort de celle-ci, Joseph II assurera la
plénitude des pouvoirs de celle-ci. Se réclamant lui aussi
du despotisme éclairé, ce « roi en chapeau » veut briser
les résistances de la société d’ordre et conséquemment,
il se met rapidement la noblesse à dos.
• Refusant de souscrire aux traditions autrichiennes, il
gouvernera sans demander l’avis des Diètes, imposant
unilatéralement de nombreux décrets.
• Même si un grand nombre de ses réformes seront
annulées par lui-même quelque temps avant sa mort, la
déstabilisation de l’édifice politique causée par son
réformisme provoquera une monté du conservatisme
sous le règne de son frère Léopold II, qui lui succèdera à
sa mort en 1790.
3.2 — Politique intérieure
• L’absolutisme autrichien n’est pas comparable à ce que
l’on peut voir ailleurs en Europe : poids des traditions,
éclatement du territoire et diversité linguistique, culturelle
et religieuse font en sorte que le pouvoir du roi autrichien
est bien moins étendu que de Catherine II ou de
Frédéric II.
• Chaque « pays » des Habsbourg possède ses propres
institutions, dont une Diète, où se retrouvent représentés
les trois ordres : le clergé, la noblesse, mais aussi le
« tiers état », dont la représentation varie d’un pays à
l’autre. Dans certains cas, des paysans peuvent même y
être représentés.
• Les prérogatives de ces Diètes sont variables d’un pays
à l’autre : la Diète hongroise, par exemple, dispose de
l’initiative législative, alors que celle de Bohême voit ses
compétences limitées aux questions fiscales.
• Avant les réformes de Marie-Thérèse, les pouvoirs
exécutifs demeurent peu centralisés et sont représentés
par des Conseils de Lieutenance, où siègent les nobles
les plus puissants.
• Représentants à de la Diète et de la Couronne, ils ont la
responsabilité de faire appliquer des directives, avec
lesquelles ils ne sont pas toujours d’accord.
• La compétition entre le pouvoir central et les Diètes
régionales fait en sorte que les décisions nécessitent de
longues négociations et leur application demeure
difficile.
• Il fallut donc s’atteler à une rationalisation, un « coup
d’État administratif », pour casser les résistances
régionales et accroitre les moyens financiers de l’État en
centralisant la fiscalité et en établissant dans chacun des
« pays » des administrations chargées de cette question.
• Pour chapeauter ces structures régionales, les vieilles
institutions font place à des institutions plus modernes,
comme le Conseil d’État, chargé de superviser la
direction politique et financière des territoires.
• La centralisation passe aussi par l’uniformisation du
système de poids et mesures, de même que par
l’introduction d’une monnaie unique.
• Une « représentation royale », nommée par le Conseil
assure alors dans chacun des États l’exécution des
directives du gouvernement, sauf en Bohême et en
Hongrie, où les institutions locales conservent une plus
grande autonomie.
• La réforme judiciaire, par la mise en place d’une Cour de
cassation, voit l’émergence d’une véritable distinction
entre pouvoirs et judiciaire. De même, une Cour
Suprême et un ministère de la Justice sont mis sur pied.
• En 1769, le Code Thérésien uniformise les règles
juridiques, en profitant pour éliminer certains délits
moyenâgeux comme la sorcellerie.
• La torture sera abolie en 1776, puis Joseph II imposera
une révision complète du Code pénal en 1787.
• L’ouverture d’esprit de Joseph IIse manifeste entre
autres par l’égalité des filles et des garçons en matière
d’héritage, le droit au divorce pour les non-catholiques,
l’interdiction de la discrimination envers les mères
célibataires et les « maisons de naissance » de Vienne
et de Prague.
• La modernisation de d’État réclamant des compétences
que seul un système d’éducation moderne peut
apporter, dès les années 1750, Marie-Thérèse s’emploie
à réformer l’université de Vienne, pour la rendre plus
attractive, entre autres en bonifiant les salaires des
professeurs.
• En ce qui concerne l’instruction élémentaire, MarieThérèse fait œuvre pionnière, considérant l’instruction de
la jeunesse des deux sexes comme condition du
développement de la nation.
• Graduellement entre 1768 et 1780, les écoles
paroissiales seront confiées à des commissions
provinciales, afin d’en exclure le clergé.
• Concession à une société plus conservatrice, l’école
secondaire demeure cependant fermée aux filles. Si
jusqu’en 1786, l’instruction n’est pas obligatoire, elle le
devient alors par décret de Joseph II.
• On tente une uniformisation de l’enseignement en
imposant un même programme à l’échelle des terres des
Habsbourg, mais l’ouverture à la diversité demeure, car
les manuels sont imprimés dans toutes les principales
langues de l’empire et distribués gratuitement aux
familles qui ne peuvent en assumer le coût.
• Marie-Thérèse ne s’est pas risquée à remettre en
question la puissance du clergé catholique, mais Joseph
II n’a pas les mêmes scrupules.
• Il est d’autant plus avisé de réduire cette influence
catholiques que son empire est devenu encore plus multi
religieux avec le rattachement de la Galicie et
l’expansion coloniale dans les terres balkaniques.
• Sans renier le catholicisme, Joseph II n’apprécie guère
les « relents moyenâgeux » de la pratique religieuse de
son siècle, pas plus qu’il n’apprécie de partager son
pouvoir avec Rome.
• Ce refus d’un partage de l’autorité spirituelle s’illustre par
une politique radicale à l’endroit des monastères et des
ordres religieux.
• Si Marie-Thérèse a montré la voie à son fils en imposant
aux congrégations des limitations à l’admission de
nouveaux membres, Joseph II ira beaucoup plus loin.
• En 1782, une Commission des Affaires ecclésiastiques
est chargé de gérer les biens sécularisés des
monastères dont la fermeture est ordonnée pour cause
d’inutilité, seules les institutions religieuses qui occupent
des fonctions éducatives ou caritatives ont le droit de
poursuivre leurs activités :
• Dès 1783, 700 monastères sont supprimés et à Vienne,
les deux tiers des institutions sont sécularisés.
• Dès 1781, Joseph II met fin au monopole catholique en
autorisant luthériens, calvinistes et orthodoxes à
disposer de leurs propres lieux de culte, avec certaines
limitations.
• Et par une suite de patentes, Joseph II supprime pour
une bonne part les mesures discriminatoires imposées à
la nombreuse communauté juive et même si ils ne sont
toujours pas considérée égaux, les Juifs ont désormais
le droit d’avoir leurs propres écoles.
3.3 — Économie et société
• Le mercantilisme autrichien, qui porte le nom de
caméralisme, adapte à une réalité territoriale éclatée les
bases de la théorie mercantiliste (attirer les capitaux,
importer le moins possible, exporter le plus possible).
• Pour y parvenir, il faut tendre vers l’autosuffisance et
accroitre la production.
• D’où une lutte menée contre les corporations d’artisans,
jalouses de leur privilège de production et dès 1740, les
premières mesures en ce sens sont prises, autorisation
étant donné aux paysans de s’adonner au tissage du
coton. D’autres autorisations dans d’autres domaines
suivront tout au long du règne.
• Sur le plan commercial, la période voit l’unification du
territoire et en 1775, Bohême et Autriche sont intégrées
dans un espace commercial commun.
• Notons le maintien d’un tarif douanier élevé sur les
échanges commerciaux de la Hongrie avec le reste de
l’empire, qui s’explique par des raisons politiques plutôt
qu’économique.
• Un certain décollage industriel se manifeste, mais de
façon inégale sur le territoire : si Bohême, Moravie,
Basse-Autriche et territoires italiens voient un
accroissement de l’activité artisanale et industrielle, le
reste des territoires demeure à l’écart du mouvement.
• Par rapport à la Prusse, l’Autriche accumule au cours de
la période sur le plan industriel un retard considérable
qu’elle ne pourra jamais vraiment rattraper.
• L’économie des terres autrichiennes demeure agricole,
les terres non germaniques, constituant par ailleurs la
majorité des possessions habsbourgeoises, étant en
général moins urbanisées et moins développées que les
territoires peuplés de germanophones.
• La difficulté de mener la réforme agraire est accentuée
par la complexité ethnique de l’empire : aux problèmes
économiques, sociaux et juridiques posés par toute
réforme agraire s’ajoute ici la question nationale.
• Car, en Galicie occidentale, par exemple, si la majorité
des propriétaires sont Polonais, la quasi-totalité des
paysans sont Ukrainiens. Des problèmes semblables
existent aussi ailleurs, comme dans le nord de la
Hongrie (l’actuelle Slovaquie).
• Mais Marie-Thérèse et Joseph sont conscients de la
nécessité pour des raisons économiques, fiscales
morales et militaires de remettre en question la structure
féodale de l’économie agraire. Mais ils devront procéder
prudemment et à petite dose.
• Dès le début des années 1750, une certaine liberté de
commerce est octroyée aux paysans autrichiens et deux
décennies plus tard, celle-ci est étendue à l’ensemble
des terres habsbourgeoises.
• Les redevances que devaient verser les paysans à leur
seigneur sur leur production artisanale sont abolies .
• Des protections juridiques sont accordées à la
paysannerie au cours des années 1760, alors que le
nombre de jours de corvée est limité à deux par semaine
(avant d’être supprimé complètement sur les terres de la
Couronne), et que les terres communales deviennent
protégées des saisies abusives.
• Si la condition économique de la paysannerie s’améliore
sous Marie-Thérèse, son statut juridique demeure
difficile. C’est pourquoi Joseph, plus radical (et moins
pragmatique), s’emploiera à abolir le servage.
• Le 1er novembre 1781, le servage est aboli sur les terres
de la couronne, mais Joseph se refuse à tenter
d’imposer cette mesure sur toutes les terres
habsbourgeoises, ayant espoir que l’exemple soit suivi
par les grands propriétaires terriens.
• Dès l’année suivante, le monopole de la noblesse sur les
terres est aboli, sans pour autant contraindre les
propriétaires qui émancipent leurs paysans à céder
celle-ci.
• Mais sur les terres de la couronne, le droit d’usage est
pratiquement transformé en droit de propriété.
• Diverses mesures visent à limiter les corvées et à inciter
les propriétaires à vendre (à monétiser) les droits
seigneuriaux, mais il faudra attendre 1848 pour que les
corvées soient officiellement abolies sur l’ensemble des
territoires habsbourgeois.
• Pour compenser les pertes financières encourues par
l’abandon du servage, stimuler l’initiative économique
individuelle et mettre fin aux privilèges fiscaux de la
noblesse et surtout du clergé, Joseph met en place dans
les années 1780 une réforme fiscale majeure et institue
un impôt par capitation payable par tous les propriétaires
en fonction de la valeur de cette propriété.
• Cette dernière réforme, radicale, sera cependant
rapidement remise en question après la mort de Joseph
II et l’arrivée sur le trône de son frère plus conservateur
sans doute sous la pression de la noblesse et du haut
clergé.
• Car l’égalité fiscale imposée par la réforme remettait la
structure traditionnelle de la société, basée sur le
maintien des privilèges des ordres. Mais malgré tout, la
table est mise à l’abolition totale du servage, qui
surviendra en 1848.
3.4 — Politique étrangère
• La politique étrangère de Marie-Thérèse et de son fils
est dominée par la rivalité avec la Prusse.
• De la guerre de Succession d’Autriche à celle de
Bavière, Vienne trouve constamment Berlin sur son
chemin, celle-ci dernière cherche l’affrontement avec la
puissance habsbourgeoise.
• Cette pression constante entraîne des modifications à la
politique étrangère de Vienne.
• Elle remet en question les alliances traditionnelles,
obligeant Vienne à chercher appui contre les adversaires
de l’expansionnisme prussien, quitte à pactiser avec
l’ennemi héréditaire.
• L’entente de Berlin et de Londres pousse Louis XV à
remettre en question la rivalité qui l’oppose aux
Habsbourg et en 1756 est signé un traité d’alliance.
• C’est la raison pour laquelle la France combattra aux
côtés de Vienne pendant la guerre de Sept Ans.
• La manifestation la plus spectaculaire de ce
retournement d’alliance surviendra en 1770, alors que le
Dauphin de France, Louis XVI, épousera MarieAntoinette
• Autre modification substantielle, Berlin occupant de plus
en plus l’espace germanique, les Habsbourg devront
trouver un dérivatif à l’impérialisme de Frédéric II et
poursuivre leur expansion en direction sud et est, soit à
l’extérieur du monde germanique, affaiblissant d’autant
la prétention des Habsbourg à diriger ce monde.
• Dès avant Marie-Thérèse, l’affaiblissement turc incite la
puissance autrichienne à « occuper le vide » qui se créé
sur sa frontière sud-est. Mais après les victoires qui ont
vu les Ottomans battre en retraite, ces territoires
demeurent peu attachés aux institutions autrichiennes.
• D’où la politique de colonisation, qui connaît une
accélération sous Marie-Thérèse, alors qu’entre 1760 et
1770, plus de 10 000 familles catholiques s’installent sur
les confins sud-orientaux de l’empire, attirées par les
privilèges et les congés fiscaux offerts.
• Une autre vague surviendra sous le règne de Joseph II,
l’ensemble de ces déplacements modifiant la structure
sociale et démographique de la population des Balkans,
avec pour conséquence éventuelle la montée d’un
sentiment anti autrichien qui aura de funestes suites au
début du XXe siècle.
• Autre conséquence de cette poussée démographique, le
développement de la rivalité entre Vienne et SaintPéterbourg dans la zone, même si pour encore un
siècle, les deux capitales excluent une confrontation
directe, favorisant plutôt un partage en zone d’influence.
• Pour le reste, la politique étrangère de Vienne est assez
passive au cours de ce demi-siècle, même s’il convient
de ne pas oublier le rôle joué par l’Autriche dans la
destruction de la Pologne, Vienne obtenant par le
partage de 1772 80 000 kilomètres carrés, peuplés de
2,5 millions d’habitants (Polonais, Ukrainiens et Juifs)
venant complexifier la déjà confuse situation
démographique de l’empire habsbourgeois.
4 — Et les autres...
• Le « Saint-Empire romain de la nation Germanique » au
milieu du XVIIIe siècle est encore constitué, hormis la
Prusse et l’Autriche, de près de 350 autres États, dont le
rôle, conséquence de la domination des deux principales
puissances et de leur petitesse, s’efface peu à peu.
• Mais plus de la moitié de la population germanique
demeure encore soumise à d’autres autorités que celles
de Berlin et de Vienne.
• Il convient doncde ne pas négliger leur importance en
tant que foyers de développement économique,
démographique et culturel.
• La Bavière continue de constituer le principal opposant à
l’hégémonie autrichienne dans le monde du catholicisme
germanique.
• Dirigée jusqu’en 1777 par le prince-électeur Maximilien
III Joseph, représentant du despotisme éclairé, qui se
consacrer au développement de son État,
particulièrement au plan culturel.
• L’importance de l’État bavarois dans l’équilibre des
forces en Europe est mise en évidence par le conflit
entourant la succession de la couronne bavaroise, avec
laquelle Vienne aurait pu prendre un sérieux ascendant
en tant que meneur du monde germanique. D’où la
réaction résolue de Berlin et de son allié russe.
• La Saxe des Wettin continue d’avoir un certain rôle
politique, mais la montée en puissance de sa voisine
prussienne limite ses ambitions.
• Cela étant, le fait que la maison de Saxe contrôlera le
trône polonais une bonne partie du XVIIIe siècle donne
une idée du prestige dont elle dispose encore. Ici aussi,
le « despotisme éclairé » est la règle de la gouvernance.
• Le Hanovre forme un autre centre de pouvoir important,
ne serait-ce que parce que son prince est aussi, et
surtout, le roi d’Angleterre.
• Sur le plan international, sa voix compte plus que celle
de beaucoup des autres maîtres de territoires
germaniques, mais par la force des choses, le prince de
Hanovre visite peu son fief, laissant le pouvoir réel entre
les mains d’un chancelier.
• Quant aux nombreux territoires occidentaux, sur le Rhin
et plus à l’est, leur faible importance régionale les rend
dépendants de leurs relations avec les grands États de
l’empire et les autres puissances européennes.
• Les systèmes politiques qu’on y trouve varient en
fonction de différentes caractéristiques, comme l’étendu
du territoire, le degré d’urbanisation et surtout du maître
de celui-ci, seigneur laïc ou ecclésiastiques.
• D’une façon générale, les populations vivant sur les
territoires relevant des autorités religieuses connaissent
une plus grande autonomie politique que celles des
territoires laïques, ou le mode de gouvernement
demeure typique de la période, avec de nombreuses
variantes entre la tyrannie et le despotisme éclairé.
• Économiquement, la situation de ces territoires est très
variée, les villes situées sur le Rhin bénéficiant de
l’expansion économique observée ailleurs, grâce au
développement de l’artisan, aux débuts de
l’industrialisation et surtout au contrôle des voies
commerçantes.
• Par contre, les territoires sur lesquels l’agriculture
continue de dominer se développent plus lentement.
• Cependant, ici aussi, entre le maintien d’un système
féodal intégral et l’émancipation relative de certains
paysans, les fluctuations sont importantes.
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