Histoire des États germaniques II : D’un empire à l’autre Premier cours : L’ère du « Despotisme éclairé » (1740-1790) Premier cours : 1 — Que reste-t-il de l’Empire? 2 — La Prusse de Frédéric II 3 — L’Autriche de Marie Thérèse et de Joseph II 4 — Et les autres... 1 — Que reste-t-il de l’Empire? • Les traités de Westphalie ont réduit les pouvoirs de l’empereur à celui d’un monarque constitutionnel, dirigeant symbolique d’une confédération d’États, lâche et sans grande puissance. • Mais l’empire continuera d’exister plus d’un siècle et demi après la guerre de Trente Ans. Malgré la montée en puissance de deux de ses composantes, malgré l’ingérence d’autres États, l’empire continue d’assurer une certaine cohésion politique. • Car à côté de l’empereur-président, d’autres institutions demeurent, dont le rôle n’est pas encore épuisé. C’est le cas du Reichstag et du Reichskammergericht, par exemple. • Et l’empereur, conserve certains pouvoirs d’influence. La guerre de succession d’Autriche témoigne par ailleurs de l’attrait symbolique que le titre continue d’exercer. • Ce dernier confondu avec la dynastie habsbourgeoise, Vienne utilise les ressources impériales pour poursuivre l’extension de son dans les Balkans. • Maître de l’anoblissement et de l’octroi du titre de Stand, l’empereur assure un équilibre en tant que garant de la sécurité des plus petits territoires, même si la possession du titre par Vienne implique des conflits d’intérêts potentiels. • Mais ils seront peu fréquents, l’expansion se faisant surtout hors des terres germaniques. • Appuyé par un vice-chancelier, l’empereur tente de diriger mais les ordonnances qu’il publie constituent davantage des directives que des lois et leur application est pratiquement déterminée par la volonté des Stände. • Évidemment, les petits sont plus « obéissants » que les plus puissants (Prusse et Saxe en tête). • À compter de 1663, le Reichstag devient une institution permanente, mais cette institutionnalisation va de pair avec une certaine marginalisation, car de simples diplomates succèdent aux princes qui jusqu’alors siégeaient. • Répartis en trois collèges, les délégués des 8 ou 9 princes-électeurs, des 137 princes et des 51 villes, sous la direction du prince-électeur archevêque de Mayence défendent avant tout les intérêts de leurs maîtres ou des territoires qu’ils représentent. • On note l’absence de représentation de la population au sein de ce « parlement » : les paysans en sont exclus, mais aussi les classes moyennes urbaines, car les villes sont représentées par les riches familles patriciennes. • L’inefficacité du Reichstag est aussi accentuée par les clivages religieux, les délégués se séparant en deux corps distincts (catholiques et protestants) lorsqu’une question religieuse est soulevée. • Le Reichskammergericht continue de fonctionner et permet d’éviter de nombreux conflits entre les Stände et d’assurer la survie des plus petits d’entre eux. • Comme ses membres sont nommés par le Reichstag, l’institution dispose d’une plus grande légitimité que le tribunal concurrent, le Conseil Aulique, dépendant trop directement de l’empereur. • Ces institutions centrales suffisent-elles pour que l’on puisse parler d’État? La question est débattue par les historiens, qui font remarquer qu’en l’absence de structures coercitives (police, armée impériale) dont l’autorité aurait été reconnue par les gouvernements des Stände, il est difficile de l’affirmer. • L’exemple des déclarations de « guerre impériale », qui voient les délégués manifester leur désir de défendre le Reich, tout en conservant le commandement de leurs propres forces en disent long sur le manque d’unité. • Les Reichkreise peuvent assurer une cohésion à l’intérieur de certaines régions, mais le développement de leur autonomie, compte tenu de leurs préoccupations propres, fait en sorte que les cercles deviennent eux aussi le lieu de manifestation des égoïsmes régionaux. • La faiblesse de ces institutions fait dire à Hegel au XIXe siècle que « L’Allemagne n’est plus un État ». • L’empire reste encore à cette époque une « sorte de maison commune », un laboratoire du fédéralisme. • Cette sorte d’unité nationale n’empêchera pas la confrontation entre les deux principaux pôles du monde germanique : l’Autriche habsbourgeoise et son challenger, le royaume de Prusse. 2 — La Prusse de Frédéric II 2.1 — Une personnalité hors-norme • Celui qui deviendra, par-devers lui, l’un des grands symboles de la germanité et peut-être le chef d’État allemand le plus important de l’histoire, n’avait que peu de choses en commun avec le roi-sergent. • Ami de Voltaire, intellectuel brillant et sensible, mais despote exigeant et parfois cruel, chef de guerre génial et opportuniste, Frédéric II a pesé lourdement sur son époque et sur le développement de l’Allemagne. • Les contradictions de Frédéric II tiennent autant à son itinéraire personnel qu’au contexte dans lequel s’est déployé son action. Frédéric II Hohenzollern (1712(1740)-1786) • Formé par un précepteur français, Frédéric II maitrisait mal l’allemand, qu’il méprisait, et s’exprimait en français. Il apprit aussi aux côtés de Charles Duhan de Jandun les mathématiques et l’histoire • Dès l’âge de six, son père le confia à deux militaires de carrière, pour que le fils suive ses traces et dès ce très jeune âge, il se vit confier la direction d’une compagnie de 130 hommes. • Frédéric se vit imposer aussi tout l’ascétisme du calvinisme, le roi-sergent voulant faire de son fils un second lui-même, avec de meilleures connaissances théoriques, cependant soigneusement sélectionnées. • Les relations entre le père et le fils se dégradèrent, Frédéric s’adonnant en cachette à la lecture d’ouvrages classiques et français et à partir de dix-huit ans, son père le fit surveiller presque en permanence par des officiers de son armée. • En 1730, l’héritier planifia sa fuite en Angleterre avec un ami, mais les deux hommes n’eurent pas le temps de passer à l’action et furent arrêtés et accusés de haute trahison. Le prince s’en tira, mais son amant fut exécuté sous ses yeux. • Frédéric rentra dans le rang, son père lui « pardonna » ses errances et à partir de 1734, Frédéric fut impliqué dans la direction de l’État, avant d’assumer la totalité du pouvoir en 1740, à la mort de son père, s’intitulant « roi de Prusse », signifiant qu’il n’entendait pas se soumettre,, au pouvoir impérial. • L’autre source des contradictions de Frédéric tient à l’opposition entre ses responsabilités et ses désirs de gouverner en s’appuyant sur les idées de l’époque. • Car le fait qu’il dispose d’un pouvoir politique sans partage l’incite à vouloir « contraindre ses sujets à être libres ». • Reprenant la discipline de fer de son père, l’aspect religieux en moins (si Frédéric n’était pas athée, il était à tout le moins agnostique), le roi de Prusse se montra tout au long de son règne de 46 ans aussi exigeant envers ses sujets qu’il le fût envers lui-même. • Cette rigueur n’empêchera pas Frédéric II de consacrer temps, énergie et argent au développement des arts et de la science dans son royaume, en plus de s’adonner personnellement à l’écriture, de jouer de la flûte et de se consacrer au mécénat. • Malgré ses succès militaires et ses réussites sociales, économiques et politiques, le roi de Prusse vieillit mal, la solitude imposée par son orientation sexuelle et la pesanteur morale du calvinisme en faisant un homme aigri assez tôt, devenu rapidement misanthrope. • Marié pour les convenances à une princesse apparentée aux Habsbourg, il mourut seul et sans enfant en 1786. 2.2 — Politique étrangère • Frédéric II ne tarda pas, dès 1740, à se lancer dans les aventures militaires dans l’espoir d’agrandir son domaine qui demeurait alors modeste, avec 120 000 kilomètres carrés, habités par 2,2 millions de personnes. • Les choses auraient été différentes sans la mort sans héritier mâle de l’empereur Charles, mais la « vacance » du trône habsbourgeois offrait une occasion magnifique au jeune roi de se manifester. • Pourquoi la Silésie, territoire dominé depuis de longs siècles par les Habsbourg, mais peuplé de nombreux Slaves, Polonais et Tchèques? • En 1738, Frédéric avait qualifié de « rapacité criminelle » le fait de s’emparer de territoires sur lesquels un État n’a aucun droit, mais il se justifie par les droits des Hohenzollern sur certaines provinces de Silésie. • Et c’est en effet la « rapacité » qui guide son action, car la Silésie est riche et prospère. • Faisant fi des recommandations de ses conseillers, Frédéric tenta son premier coup de dés en décembre 1740, envahissant sans déclaration de guerre le duché de Silésie et déclenchant ce qui devait devenir la Guerre de succession d’Autriche. • Quatre semaines suffirent aux armées prussiennes pour s’emparer de la majeure partie du duché. « Généreux », Frédéric II proposa la paix à l’Autriche de Marie-Thérèse, en échange de la cession de l’ensemble de la Silésie, mais celle-ci rejeta l’offre. • L’Europe se lança en ordre dispersé dans le conflit : Frédéric obtint l’appui de la France, ainsi que celui de la Bavière, dont le roi Charles-Albert prétend au trône impérial. En face, l’Autriche est soutenue par le Royaume de Grande-Bretagne et les Provinces-Unies. • La guerre s’étira jusqu’en 1748 et la paix d’Aix-laChapelle était elle-même considérée comme une simple trêve, Marie-Thérèse refusant d’admettre la perte de la Silésie et rêvant de revanche. • Frédéric se doutait de l’état d’esprit de la reine, mais avait besoin d’un répit, huit années de guerre ayant grandement affecté son armée et l’économie de son royaume. • À noter que cette période vit l’ajout d’un nouveau territoire à la Prusse, lorsqu’en 1744, le dernier prince de Frise orientale, Charles-Edzard, meurt sans en enfant et qu’en vertu d’anciens traités, Frédéric II en hérite. • Les années qui suivirent virent un renversement des alliances, la Prusse se rapprochant du Royaume-Uni et les deux États concluant en janvier 1756 un pacte de neutralité. • Louis XV réagit mal à cette trahison et accepta les avances de Vienne. Mai 1756 vit la fin de la vieille rivalité franco-autrichienne, avec la conclusion d’un pacte défensif entre Paris et Vienne. • Avec la conclusion d’un traité du même ordre entre Paris et Saint-Péterbourg (la Russie d’Élizabeth étant déjà alliée alors à l’Autriche), la table est alors mise pour l’éclatement de la guerre de Sept Ans (1756-1763). • C’est encore une fois Frédéric qui prit l’initiative des hostilités. Le 29 août 1756, à la tête de son armée, il envahit la Saxe, autre alliée de l’Autriche. Quelques jours suffirent pour qu’il s’empare de Dresde. • Cette « première guerre mondiale » devait s’étendre sur plus sept années et impliquer la majeure partie des puissances européennes sur des théâtres d’opérations en Europe, en Amérique et en Asie. • Dès 1757, l’audace de Frédéric semble se retourner contre lui : son armée est défaite par les forces autrichiennes, les Russes attaquent la Prusse orientale et les Français se portent aussi à l’offensive. Les Suédois se joignent alors aux combats. • Malgré sa chance et son habileté qui lui permettent de sauver la situation en 1758, la position de Frédéric demeure fragile, mais les années passèrent sans qu’un vainqueur puisse s’imposer. • Les efforts pour faire plier Frédéric semblaient sur le point de porter fruit en 1761, alors que sa capitale était prise et pillée par les Russes. Malgré la reprise de la ville en octobre, Frédéric aurait sans doute été contraint à reconnaitre sa défaite sans l’aide de la Providence. • En janvier 1762, Élizabeth 1re décède, laissant le trône à Pierre III, germanophile et admirateur du roi de Prusse, qui s’empressa de conclure la paix dès mai 1762 et de redonner à son idole l’ensemble des terres occupées. • Son renversement rapide par son épouse ne changea rien à la nouvelle situation, la famille de Catherine II étant liée depuis longtemps aux Hohenzollern. • Abandonnée à l’est, pendant que les défaites de la France, s’accumulaient, Marie-Thérèse dut admettre alors sa défaite et le 15 février 1763, la Silésie rejoignait le royaume de Prusse, Frédéric s’étant en échange engagé à soutenir les prétentions au trône impérial du fils de Marie-Thérèse, Joseph. • Le prix à payer fut élevé, car aux pertes humaines (environ 500 000 morts, soldats et civils, soit 10 à 15 % de la population du Royaume) et aux destructions, s’ajoutaient la perte de confiance de l’Europe envers la Prusse et son souverain. • Si la paix de 1763 marque la fin des guerres menées par Frédéric, ce n’est pas pour autant la fin de l’expansion territoriale de la Prusse. • À l’est, le chaos polonais va servir de prétexte au dépeçage de l’ancien royaume des Piast. • Nulle action posée par les tenants du despotisme éclairé ne souligne mieux le caractère fallacieux de cette doctrine que la destruction de l’État polonais par les trois principaux ténors de cette dernière. • Frédéric II et Catherine II conclurent un accord en 1772 par lequel l’État polonais était amputé d’environ la moitié de sa superficie et l’Autriche se joignit à la curée. • La Prusse vengeait l’honneur des chevaliers teutoniques à Tannenberg 1415 et reprenait le contrôle de tout le littoral de la Baltique, jusqu’à Königsberg. Une continuité territoriale était alors établie entre la Prusse orientale et le Brandebourg. • 36 000 kilomètres carrés et deux millions d’habitants, polonais dans leur écrasante majorité, rejoignaient la Prusse à la pointe du fusil. 1er partage de la Pologne • La dernière décennie du règne de Frédéric II voit l’implication de la Prusse dans un autre conflit, celui de la Bavière, quand le dernier prince de la branche cadette des Wittelsbach meurt en décembre 1777. • Frédéric profita de la situation pour affaiblir les Habsbourg, prenant le parti du prince de Deux-Ponts, qui contestait les prétentions de Vienne sur la basse Bavière. • Grâce à la pression militaire de la Prusse et la médiation de la Russie, le conflit militaire fut évité et les prétentions de Vienne réduites au minimum par un traité en 1779. Outre la promesse d’hériter de certains territoires, Frédéric illustra alors sa puissance en même temps que l’affaiblissement des Habsbourg. • Sans la mort de Frédéric en 1786 et la Révolution française, qui contraignit les princes allemands à l’union, le règlement de compte entre Habsbourg et Hohenzollern aurait pu survenir plus tôt qu’en 1866... 2.3 — Politique intérieure • Une fois ses objectifs territorial, Frédéric II se « retira dans ses terres » et déploya une politique réformatrice remarquable dans de multiples domaines. • Après avoir pendant près de 25 ans semé la mort sur les champs de bataille de l’Europe, le roi de Prusse donnera à sa population plus de deux décennies de paix. • Il avait donné le ton dès son avènement sur le trône en interdisant le recours à la torture sur ses domaines, appliquant d’emblée les principes des Lumières. • Mais la légitimité dont dispose le roi de Prusse ne peut à souffrir du moindre doute et sa façon de gouverner en témoigne. Premier serviteur de l’État, il en est aussi le premier responsable. • De sorte que si le roi gouverne en s’appuyant sur un Cabinet royal, chapeautant le Directoire général, responsable des différents ministères, les membres de ce « gouvernement » ne disposent pas d’un réel pouvoir, se contentant d’être des exécutants. • La gestion du royaume de Prusse est facilitée par sa grande homogénéité ethnique. Si la politique expansionniste change un peu cette situation, l’ajout de la Silésie, puis de la Poméranie occidentale, provoquant l’inclusion dans les territoires prussiens de minorités slaves, la puissance du pouvoir central ne permettra pas le développement de mouvements centrifuges. • En 1740, Frédéric hérite du système politique absolutiste élaboré sous le règne paternel et ses réformes visent davantage à accroitre l’efficacité du système qu’à le modifier, par exemple, en luttant contre la corruption des officiers de l’État. • En ce qui concerne la gestion régionale, il n’eut guère de travail : les Stände des différentes provinces ayant été vidé de leur substance au profit d’un gouverneur nommé par le centre, dirigeant une Chambre de la Guerre et des domaines, chargés de l’administration, de la perception des impôts et bien sûr du recrutement militaire. • Périodiquement, le roi se rendait cependant lui-même dans ses différentes provinces pour s’assurer de l’exécution de ses ordres. • L’armée ne réclama pas de réformes importantes, simplement une mise à niveau du commandement et de l’armement. La conscription établie sous le règne de son père mettait à sa disposition une force militaire importante (près de 100 000 hommes) et entraînée. • En matière de Justice,, les réformes de Frédéric sont véritablement à l’avant garde de ce qui se fait en Europe alors. • Ce domaine a occupé une part considérable du temps du roi, le système judiciaire étant constamment transformé et le résultat définitif sera publié après la mort du roi, en 1794, sous le nom de Code général des États prussiens • Outre l’uniformisation des pratiques sur l’ensemble de la Prusse, le Code est basé sur l’indépendance et la compétence de la justice et sur le principe de l’égalité de tous devant la loi. Évidemment, le pouvoir de dernière instance demeurait entre les mains du roi. • Le Code proclama le droit à l’instruction et des moyens financiers considérables furent consacrés à favoriser la diffusion des savoirs. • Les institutions d’enseignement primaire se multiplièrent et même si l’éducation demeurait religieuse, ces mesures permirent à la Prusse de disposer d’une population alphabétisée à plus de 50 % au tournant du siècle. • En matière religieuse, Frédéric fait preuve d’un progressisme remarquable et le Code qui officialise sa tolérance, s’inscrit ici dans les convictions personnelles du roi, qui considère que la pratique religieuse est une affaire privée. • Mais l’Église ne l’est pas et Frédéric utilisera son droit à nommer les évêques protestants, tout en surveillant les catholiques, sur lesquels son contrôle est moindre. • Néanmoins, il offrira sans problème l’asile aux Jésuites alors chassés fréquemment des terres occidentales de l’Europe, utilisant leurs connaissances pour consolider le système d’éducation. • En revanche, il demeura méfiant à l’endroit de la communauté juive, mais pour des raisons politiques (l’indépendance sociale et économique de celle-ci) plutôt que religieuses. 2.4 — Société et économie • Compte tenu des morts et des destructions de la guerre, on ne s’étonnera pas de constater l’attention particulière que le roi apporta au rétablissement économique de ses États. • Pour compenser les pertes humaines, Frédéric recourut à une immigration facilitée par sa tolérance religieuse. • Au cours de la période 1765-1786, plus de 300 000 nouveaux arrivants, provenant surtout d’autres États germaniques s’établirent en Prusse, effaçant dès le milieu des années 1770 l’essentiel des pertes humaines. • Le roi comprenait que le développement économique était nécessaire pour attirer les migrants et encouragea la colonisation intérieure, supervisant parfois lui-même les travaux de construction des infrastructures et d’irrigation destinés à accroitre les territoires cultivables. • L’intérêt que le roi portait à l’économie est bien illustré par la multiplication de ministères dédiés aux questions économiques et industrielles. • Le mercantilisme se manifeste en Prusse par un grand activisme économique, l’État participant à la création de manufactures œuvrant dans le textile, employant à la fin du règne plus de 150 000 ouvriers et responsable des deux tiers de la production industrielle du royaume. • Une Banque Royale de Berlin fut aussi établie en 1765 pour assurer les besoins en capitaux de ces industries naissantes. • La majeure partie des nouveaux établissements industriels apparaissent soit en Silésie (où les ressources en charbon et en métaux sont abondantes), soit dans la grande région de Berlin, qui se spécialise dans l’industrie du luxe (la porcelaine, en particulier). • Grâce à ses gains territoriaux, la Prusse contrôle le cours de l’Oder, qui vient s’ajouter à l’Elbe et l’accès à la Baltique relève pour l’essentiel de l’autorité de Frédéric, qui consacra des sommes importantes à l’entretien des voies navigables et à la construction de canaux. • Cet effort matériel visant à l’accroissement du commerce est soutenu par l’abolition des tarifs douaniers intérieurs (les octrois). • Cette politique économique interventionniste nécessite des revenus considérables et grèvent un trésor lourdement affecté par les coûts des guerres. • Les revenus provenant des terres de la couronne (25 % du territoire), même ajoutée à ceux générés par les industries d’État, ne suffisaient pas aux besoins. • La pression fiscale crût constamment au cours du règne, particulièrement grâce à la multiplication des impôts indirects, permettant aux recettes de l’État de doubler en un demi-siècle. • La politique agraire reste liée à la question sociale et tant que le servage n’est pas aboli, la gestion de l’agriculture échappe au pouvoir central. • Certes, les réformes judiciaires ont circonscrit et limité les pouvoirs des propriétaires terriens, mais Frédéric se gardera bien de remettre en question la principale assise de son pouvoir, la grande noblesse terrienne. D’où d’ailleurs l’exemption fiscale dont elle bénéficie. • Car outre son immense pouvoir économique (75 % des terres), la noblesse est nécessaire à Frédéric pour assurer la gestion de son royaume (les fonctionnaires sont en quasi-totalité nobles), mais aussi de son armée, où les nobles disposent du monopole du commandement. • De sorte que, dès l’âge de douze ans (âge d’entrée à l’école de Cadets) jusqu’à sa mort, pratiquement, le noble demeure au service de l’État. • Les villes se développent rapidement et bourgeoisie commerçante et industrielle se mêle à la masses des artisans, compagnons et ouvriers de l’industrie naissante, mais la très majorité de la population (entre 75 et 80 %) continue d’habiter les campagnes, où la structure sociale demeure médiévale. • Le propriétaire continue d’exercer les fonctions administratives et juridiques sur ses terres, en plus d’être responsable de la nomination des « officiers » religieux et scolaire, prêtres et instituteurs et reste le tuteur légal d’une paysannerie « mineure » sur le plan légal. • Une nuance doit cependant être faite concernant les paysans de la Couronne, car en tant que propriétaire de ceux-ci, le roi dispose d’une plus grande latitude et dès les années 1770, il s’emploie à abolir progressivement le servage sur ses terres et à affranchir ses paysans, préférant utiliser l’exemple que la contrainte pour résoudre le « problème agraire ». • Malgré ces efforts, la structure sociale de la Prusse demeure à la fin du XVIIIe siècle très semblable à ce qu’elle a été depuis longtemps. • Le bilan de Frédéric est sur ce plan ambigu, car ses réformes ont pour l’essentiel consolidé et amélioré une société qui demeure féodale, plutôt que favoriser l’émergence d’une société moderne. • Il a cependant semé de nombreuses graines qui germeront au siècle suivant. 3 — L’Autriche de Marie Thérèse et de Joseph II 3.1 — Évolution politique • 1740 voit l’arrivée au pouvoir des deux principaux États du monde germanique de deux personnalités également remarquables, mais radicalement différentes. • Marie-Thérèse n’était pas destinée à régner et n’a pas été préparée. Malgré tout, son père parvint à assurer sa succession à faisant admettre à l’Europe la possibilité qu’une fille obtienne l’héritage habsbourgeois. • Par sa « Pragmatique sanction » (1713) Charles VI veut s’assurer que sa dynastie ne subisse pas le même sort que la branche aînée des Habsbourg d’Espagne. Marie-Thérèse (1717(1740)-1780) et Joseph II (1741(1780)-1790) Habsbourg • Charles VI s’éteint en 1740 et grâce aux concessions qu’il a dû faire, sa fille peut accéder au trône, mais la guerre ne sera pas évitée, les puissances européennes reniant leurs engagements. • Marie-Thérèse se retrouve à la tête de l’ensemble des possessions habsbourgeoises, car en vertu de la Pragmatique Sanction, les pays héréditaires avaient été déclarés « un et indivisibles », faisant pour la première fois des États habsbourgeois une sorte d’empire. • Outre les terres autrichiennes, les possessions habsbourgeoises comprennent la Hongrie, la Bohême, le Brabant, le Limbourg, le Luxembourg, la Bourgogne, le Milanais, la Toscane, la Transylvanie, ainsi que le duché de Parme et de Plaisance. Entre autres. • L’héritage est contesté, mais après 8 années de guerres, le traité d’Aix-la-Chapelle de 1748 met fin au conflit et permet à Marie-Thérèse de prendre possessions des terres habsbourgeoises, Silésie en moins. • La pragmatique sanction ne peut s’étendre à la couronne impériale, celle-ci étant de la responsabilité des princes-électeurs, lesquels n’envisagent pas de laisser le titre impérial à une femme. • Un consensus se dégagera en faveur de Charles de Bavière, qui disposera du titre impérial jusqu’à sa mort en 1745. • À ce moment, les électeurs se rallieront à la candidature de l’époux de Marie-Thérèse, François de Lorraine, qui devient empereur, fondant la branche dynastique des Habsbourg-Lorraine, qui conservera le titre impérial jusqu’à la dissolution de l’empire en 1806. • Marie-Thérèse devient ainsi impératrice consort du Saint-Empire et par son caractère remarquable, elle s’impose, bien plus que son époux, à la tête de l’empire et c’est de son vivant, au cours des années 1760, que l’on commencera à la nommer Marie-Thérèse la Grande. • Très religieuse, Marie-Thérèse est aussi très instruite et parle plusieurs langues, dont le français et l’espagnol. • Accédant au trône à l’âge de 23 ans, elle saura rapidement faire preuve de réalisme, tout en s’entourant de conseillers expérimentés pour compenser son propre manque d’expérience. • Très rapidement, elle prend en grippe Frédéric II dont la morale et le comportement sont aux antipodes de ceux de cette fervente chrétienne. • Pas de conflits avec son mari, avec qui elle aura 16 enfants. François s’intéressant surtout aux développements techniques, il laisse son épouse occuper tout l’espace politique • Ainsi, lorsque François s’éteint en 1765, elle assumera une « régence » dans laquelle elle maintiendra son contrôle jusqu’à sa mort. • Joseph II, le fils aîné du couple, sera confirmé en 1765 empereur et Marie-Thérèse abandonnera alors le titre. Quant aux territoires autrichiens, Joseph II en est alors déclaré corégent. • Jusqu’en 1780, Joseph II consacrera beaucoup de temps à voyager, périples qui lui fourniront de grandes connaissances sur les puissances européennes, de même que le désir de pousser plus avant les réformes de sa mère. • En 1780, à la mort de celle-ci, Joseph II assurera la plénitude des pouvoirs de celle-ci. Se réclamant lui aussi du despotisme éclairé, ce « roi en chapeau » veut briser les résistances de la société d’ordre et conséquemment, il se met rapidement la noblesse à dos. • Refusant de souscrire aux traditions autrichiennes, il gouvernera sans demander l’avis des Diètes, imposant unilatéralement de nombreux décrets. • Même si un grand nombre de ses réformes seront annulées par lui-même quelque temps avant sa mort, la déstabilisation de l’édifice politique causée par son réformisme provoquera une monté du conservatisme sous le règne de son frère Léopold II, qui lui succèdera à sa mort en 1790. 3.2 — Politique intérieure • L’absolutisme autrichien n’est pas comparable à ce que l’on peut voir ailleurs en Europe : poids des traditions, éclatement du territoire et diversité linguistique, culturelle et religieuse font en sorte que le pouvoir du roi autrichien est bien moins étendu que de Catherine II ou de Frédéric II. • Chaque « pays » des Habsbourg possède ses propres institutions, dont une Diète, où se retrouvent représentés les trois ordres : le clergé, la noblesse, mais aussi le « tiers état », dont la représentation varie d’un pays à l’autre. Dans certains cas, des paysans peuvent même y être représentés. • Les prérogatives de ces Diètes sont variables d’un pays à l’autre : la Diète hongroise, par exemple, dispose de l’initiative législative, alors que celle de Bohême voit ses compétences limitées aux questions fiscales. • Avant les réformes de Marie-Thérèse, les pouvoirs exécutifs demeurent peu centralisés et sont représentés par des Conseils de Lieutenance, où siègent les nobles les plus puissants. • Représentants à de la Diète et de la Couronne, ils ont la responsabilité de faire appliquer des directives, avec lesquelles ils ne sont pas toujours d’accord. • La compétition entre le pouvoir central et les Diètes régionales fait en sorte que les décisions nécessitent de longues négociations et leur application demeure difficile. • Il fallut donc s’atteler à une rationalisation, un « coup d’État administratif », pour casser les résistances régionales et accroitre les moyens financiers de l’État en centralisant la fiscalité et en établissant dans chacun des « pays » des administrations chargées de cette question. • Pour chapeauter ces structures régionales, les vieilles institutions font place à des institutions plus modernes, comme le Conseil d’État, chargé de superviser la direction politique et financière des territoires. • La centralisation passe aussi par l’uniformisation du système de poids et mesures, de même que par l’introduction d’une monnaie unique. • Une « représentation royale », nommée par le Conseil assure alors dans chacun des États l’exécution des directives du gouvernement, sauf en Bohême et en Hongrie, où les institutions locales conservent une plus grande autonomie. • La réforme judiciaire, par la mise en place d’une Cour de cassation, voit l’émergence d’une véritable distinction entre pouvoirs et judiciaire. De même, une Cour Suprême et un ministère de la Justice sont mis sur pied. • En 1769, le Code Thérésien uniformise les règles juridiques, en profitant pour éliminer certains délits moyenâgeux comme la sorcellerie. • La torture sera abolie en 1776, puis Joseph II imposera une révision complète du Code pénal en 1787. • L’ouverture d’esprit de Joseph IIse manifeste entre autres par l’égalité des filles et des garçons en matière d’héritage, le droit au divorce pour les non-catholiques, l’interdiction de la discrimination envers les mères célibataires et les « maisons de naissance » de Vienne et de Prague. • La modernisation de d’État réclamant des compétences que seul un système d’éducation moderne peut apporter, dès les années 1750, Marie-Thérèse s’emploie à réformer l’université de Vienne, pour la rendre plus attractive, entre autres en bonifiant les salaires des professeurs. • En ce qui concerne l’instruction élémentaire, MarieThérèse fait œuvre pionnière, considérant l’instruction de la jeunesse des deux sexes comme condition du développement de la nation. • Graduellement entre 1768 et 1780, les écoles paroissiales seront confiées à des commissions provinciales, afin d’en exclure le clergé. • Concession à une société plus conservatrice, l’école secondaire demeure cependant fermée aux filles. Si jusqu’en 1786, l’instruction n’est pas obligatoire, elle le devient alors par décret de Joseph II. • On tente une uniformisation de l’enseignement en imposant un même programme à l’échelle des terres des Habsbourg, mais l’ouverture à la diversité demeure, car les manuels sont imprimés dans toutes les principales langues de l’empire et distribués gratuitement aux familles qui ne peuvent en assumer le coût. • Marie-Thérèse ne s’est pas risquée à remettre en question la puissance du clergé catholique, mais Joseph II n’a pas les mêmes scrupules. • Il est d’autant plus avisé de réduire cette influence catholiques que son empire est devenu encore plus multi religieux avec le rattachement de la Galicie et l’expansion coloniale dans les terres balkaniques. • Sans renier le catholicisme, Joseph II n’apprécie guère les « relents moyenâgeux » de la pratique religieuse de son siècle, pas plus qu’il n’apprécie de partager son pouvoir avec Rome. • Ce refus d’un partage de l’autorité spirituelle s’illustre par une politique radicale à l’endroit des monastères et des ordres religieux. • Si Marie-Thérèse a montré la voie à son fils en imposant aux congrégations des limitations à l’admission de nouveaux membres, Joseph II ira beaucoup plus loin. • En 1782, une Commission des Affaires ecclésiastiques est chargé de gérer les biens sécularisés des monastères dont la fermeture est ordonnée pour cause d’inutilité, seules les institutions religieuses qui occupent des fonctions éducatives ou caritatives ont le droit de poursuivre leurs activités : • Dès 1783, 700 monastères sont supprimés et à Vienne, les deux tiers des institutions sont sécularisés. • Dès 1781, Joseph II met fin au monopole catholique en autorisant luthériens, calvinistes et orthodoxes à disposer de leurs propres lieux de culte, avec certaines limitations. • Et par une suite de patentes, Joseph II supprime pour une bonne part les mesures discriminatoires imposées à la nombreuse communauté juive et même si ils ne sont toujours pas considérée égaux, les Juifs ont désormais le droit d’avoir leurs propres écoles. 3.3 — Économie et société • Le mercantilisme autrichien, qui porte le nom de caméralisme, adapte à une réalité territoriale éclatée les bases de la théorie mercantiliste (attirer les capitaux, importer le moins possible, exporter le plus possible). • Pour y parvenir, il faut tendre vers l’autosuffisance et accroitre la production. • D’où une lutte menée contre les corporations d’artisans, jalouses de leur privilège de production et dès 1740, les premières mesures en ce sens sont prises, autorisation étant donné aux paysans de s’adonner au tissage du coton. D’autres autorisations dans d’autres domaines suivront tout au long du règne. • Sur le plan commercial, la période voit l’unification du territoire et en 1775, Bohême et Autriche sont intégrées dans un espace commercial commun. • Notons le maintien d’un tarif douanier élevé sur les échanges commerciaux de la Hongrie avec le reste de l’empire, qui s’explique par des raisons politiques plutôt qu’économique. • Un certain décollage industriel se manifeste, mais de façon inégale sur le territoire : si Bohême, Moravie, Basse-Autriche et territoires italiens voient un accroissement de l’activité artisanale et industrielle, le reste des territoires demeure à l’écart du mouvement. • Par rapport à la Prusse, l’Autriche accumule au cours de la période sur le plan industriel un retard considérable qu’elle ne pourra jamais vraiment rattraper. • L’économie des terres autrichiennes demeure agricole, les terres non germaniques, constituant par ailleurs la majorité des possessions habsbourgeoises, étant en général moins urbanisées et moins développées que les territoires peuplés de germanophones. • La difficulté de mener la réforme agraire est accentuée par la complexité ethnique de l’empire : aux problèmes économiques, sociaux et juridiques posés par toute réforme agraire s’ajoute ici la question nationale. • Car, en Galicie occidentale, par exemple, si la majorité des propriétaires sont Polonais, la quasi-totalité des paysans sont Ukrainiens. Des problèmes semblables existent aussi ailleurs, comme dans le nord de la Hongrie (l’actuelle Slovaquie). • Mais Marie-Thérèse et Joseph sont conscients de la nécessité pour des raisons économiques, fiscales morales et militaires de remettre en question la structure féodale de l’économie agraire. Mais ils devront procéder prudemment et à petite dose. • Dès le début des années 1750, une certaine liberté de commerce est octroyée aux paysans autrichiens et deux décennies plus tard, celle-ci est étendue à l’ensemble des terres habsbourgeoises. • Les redevances que devaient verser les paysans à leur seigneur sur leur production artisanale sont abolies . • Des protections juridiques sont accordées à la paysannerie au cours des années 1760, alors que le nombre de jours de corvée est limité à deux par semaine (avant d’être supprimé complètement sur les terres de la Couronne), et que les terres communales deviennent protégées des saisies abusives. • Si la condition économique de la paysannerie s’améliore sous Marie-Thérèse, son statut juridique demeure difficile. C’est pourquoi Joseph, plus radical (et moins pragmatique), s’emploiera à abolir le servage. • Le 1er novembre 1781, le servage est aboli sur les terres de la couronne, mais Joseph se refuse à tenter d’imposer cette mesure sur toutes les terres habsbourgeoises, ayant espoir que l’exemple soit suivi par les grands propriétaires terriens. • Dès l’année suivante, le monopole de la noblesse sur les terres est aboli, sans pour autant contraindre les propriétaires qui émancipent leurs paysans à céder celle-ci. • Mais sur les terres de la couronne, le droit d’usage est pratiquement transformé en droit de propriété. • Diverses mesures visent à limiter les corvées et à inciter les propriétaires à vendre (à monétiser) les droits seigneuriaux, mais il faudra attendre 1848 pour que les corvées soient officiellement abolies sur l’ensemble des territoires habsbourgeois. • Pour compenser les pertes financières encourues par l’abandon du servage, stimuler l’initiative économique individuelle et mettre fin aux privilèges fiscaux de la noblesse et surtout du clergé, Joseph met en place dans les années 1780 une réforme fiscale majeure et institue un impôt par capitation payable par tous les propriétaires en fonction de la valeur de cette propriété. • Cette dernière réforme, radicale, sera cependant rapidement remise en question après la mort de Joseph II et l’arrivée sur le trône de son frère plus conservateur sans doute sous la pression de la noblesse et du haut clergé. • Car l’égalité fiscale imposée par la réforme remettait la structure traditionnelle de la société, basée sur le maintien des privilèges des ordres. Mais malgré tout, la table est mise à l’abolition totale du servage, qui surviendra en 1848. 3.4 — Politique étrangère • La politique étrangère de Marie-Thérèse et de son fils est dominée par la rivalité avec la Prusse. • De la guerre de Succession d’Autriche à celle de Bavière, Vienne trouve constamment Berlin sur son chemin, celle-ci dernière cherche l’affrontement avec la puissance habsbourgeoise. • Cette pression constante entraîne des modifications à la politique étrangère de Vienne. • Elle remet en question les alliances traditionnelles, obligeant Vienne à chercher appui contre les adversaires de l’expansionnisme prussien, quitte à pactiser avec l’ennemi héréditaire. • L’entente de Berlin et de Londres pousse Louis XV à remettre en question la rivalité qui l’oppose aux Habsbourg et en 1756 est signé un traité d’alliance. • C’est la raison pour laquelle la France combattra aux côtés de Vienne pendant la guerre de Sept Ans. • La manifestation la plus spectaculaire de ce retournement d’alliance surviendra en 1770, alors que le Dauphin de France, Louis XVI, épousera MarieAntoinette • Autre modification substantielle, Berlin occupant de plus en plus l’espace germanique, les Habsbourg devront trouver un dérivatif à l’impérialisme de Frédéric II et poursuivre leur expansion en direction sud et est, soit à l’extérieur du monde germanique, affaiblissant d’autant la prétention des Habsbourg à diriger ce monde. • Dès avant Marie-Thérèse, l’affaiblissement turc incite la puissance autrichienne à « occuper le vide » qui se créé sur sa frontière sud-est. Mais après les victoires qui ont vu les Ottomans battre en retraite, ces territoires demeurent peu attachés aux institutions autrichiennes. • D’où la politique de colonisation, qui connaît une accélération sous Marie-Thérèse, alors qu’entre 1760 et 1770, plus de 10 000 familles catholiques s’installent sur les confins sud-orientaux de l’empire, attirées par les privilèges et les congés fiscaux offerts. • Une autre vague surviendra sous le règne de Joseph II, l’ensemble de ces déplacements modifiant la structure sociale et démographique de la population des Balkans, avec pour conséquence éventuelle la montée d’un sentiment anti autrichien qui aura de funestes suites au début du XXe siècle. • Autre conséquence de cette poussée démographique, le développement de la rivalité entre Vienne et SaintPéterbourg dans la zone, même si pour encore un siècle, les deux capitales excluent une confrontation directe, favorisant plutôt un partage en zone d’influence. • Pour le reste, la politique étrangère de Vienne est assez passive au cours de ce demi-siècle, même s’il convient de ne pas oublier le rôle joué par l’Autriche dans la destruction de la Pologne, Vienne obtenant par le partage de 1772 80 000 kilomètres carrés, peuplés de 2,5 millions d’habitants (Polonais, Ukrainiens et Juifs) venant complexifier la déjà confuse situation démographique de l’empire habsbourgeois. 4 — Et les autres... • Le « Saint-Empire romain de la nation Germanique » au milieu du XVIIIe siècle est encore constitué, hormis la Prusse et l’Autriche, de près de 350 autres États, dont le rôle, conséquence de la domination des deux principales puissances et de leur petitesse, s’efface peu à peu. • Mais plus de la moitié de la population germanique demeure encore soumise à d’autres autorités que celles de Berlin et de Vienne. • Il convient doncde ne pas négliger leur importance en tant que foyers de développement économique, démographique et culturel. • La Bavière continue de constituer le principal opposant à l’hégémonie autrichienne dans le monde du catholicisme germanique. • Dirigée jusqu’en 1777 par le prince-électeur Maximilien III Joseph, représentant du despotisme éclairé, qui se consacrer au développement de son État, particulièrement au plan culturel. • L’importance de l’État bavarois dans l’équilibre des forces en Europe est mise en évidence par le conflit entourant la succession de la couronne bavaroise, avec laquelle Vienne aurait pu prendre un sérieux ascendant en tant que meneur du monde germanique. D’où la réaction résolue de Berlin et de son allié russe. • La Saxe des Wettin continue d’avoir un certain rôle politique, mais la montée en puissance de sa voisine prussienne limite ses ambitions. • Cela étant, le fait que la maison de Saxe contrôlera le trône polonais une bonne partie du XVIIIe siècle donne une idée du prestige dont elle dispose encore. Ici aussi, le « despotisme éclairé » est la règle de la gouvernance. • Le Hanovre forme un autre centre de pouvoir important, ne serait-ce que parce que son prince est aussi, et surtout, le roi d’Angleterre. • Sur le plan international, sa voix compte plus que celle de beaucoup des autres maîtres de territoires germaniques, mais par la force des choses, le prince de Hanovre visite peu son fief, laissant le pouvoir réel entre les mains d’un chancelier. • Quant aux nombreux territoires occidentaux, sur le Rhin et plus à l’est, leur faible importance régionale les rend dépendants de leurs relations avec les grands États de l’empire et les autres puissances européennes. • Les systèmes politiques qu’on y trouve varient en fonction de différentes caractéristiques, comme l’étendu du territoire, le degré d’urbanisation et surtout du maître de celui-ci, seigneur laïc ou ecclésiastiques. • D’une façon générale, les populations vivant sur les territoires relevant des autorités religieuses connaissent une plus grande autonomie politique que celles des territoires laïques, ou le mode de gouvernement demeure typique de la période, avec de nombreuses variantes entre la tyrannie et le despotisme éclairé. • Économiquement, la situation de ces territoires est très variée, les villes situées sur le Rhin bénéficiant de l’expansion économique observée ailleurs, grâce au développement de l’artisan, aux débuts de l’industrialisation et surtout au contrôle des voies commerçantes. • Par contre, les territoires sur lesquels l’agriculture continue de dominer se développent plus lentement. • Cependant, ici aussi, entre le maintien d’un système féodal intégral et l’émancipation relative de certains paysans, les fluctuations sont importantes.