La salamandre tachetée
Autrefois, en Bretagne, on ne la nommait pas afin d’être certain qu’elle n’interprète pas ces
paroles comme un appel. C’est que l’animal était diabolique, que par son venin ou son regard, il
provoquait la mort ! La salamandre, comme les hommes, a souffert des religions et croyances.
Au Moyen Age, tuer une salamandre rapportait des jours
d’indulgence. Plus tard, François 1er en fit son emblème dont la devise
disait ceci : « Je m’en nourris et je l’éteins ». On parle ici du feu dont
l’animal est censé éteindre les mauvais et attiser les bons. Pour
certains, la bête vient des flammes de l’enfer, pour d’autres, moins
nombreux, c’est un gardien désigné par Dieu, qui habite le feu ou il
puise vie et protection. On peut penser que toutes ces croyances
viennent du fait que l’animal trouvait refuge l’hiver parmi les
fagots près de l’âtre ; le foyer allumé, il fuyait la chaleur et paraissait
alors sortir des flammes pour l’habitant effrayé… Aujourd’hui encore,
on dit souvent d’elle qu’elle est capable d’inoculer un violent venin et
que la toucher s’avère dangereux. De tout ceci, rien de vrai
évidemment. En fait, sa peau sécrète effectivement une substance
vénéneuse mais qui ne pose problème qu’à celui qui l’ingère, à
savoir un éventuel prédateur.
Rien à voir avec un quelconque démon donc. D’humeur débonnaire, reconnaissable à sa peau noire
luisante et parsemée de taches dorées, la salamandre est le plus grand de nos amphibiens (jusqu’à 20
cm). Sa reproduction originale en fait un cas particulier dans la famille. Tout d’abord, l’accouplement est
terrestre et a lieu de mars à septembre. Huit mois plus tard, la femelle met bas de huit à soixante
larves pourvues de branchies qu’elle dépose dans des eaux
calmes, fraîches et oxygénées (zones de source, fontaines,
lavoirs ou fossés forestiers). Le développement larvaire durera
de deux à sept mois après quoi, l’animal métamorphosé quittera
définitivement l’eau et changera son mode de respiration qui
deviendra pulmoné et cutané. Il atteindra la maturité sexuelle entre
trois et six ans et si la chance lui sourit, son espérance de vie le
mènera jusqu’à l’âge de vingt ans ! Son quotidien consiste à
passer les journées à l’abri d’une souche, d’une racine ou
d’une pierre, et de sortir la nuit en quête de proies diverses :
lombrics, araignées, larves d’insectes, gastéropodes… Ses conditions préférées ne sont pas celles
de nos touristes : un temps doux (une dizaine de degrés) et humide, voir pluvieux. La Bretagne devrait
lui convenir…
La salamandre tachetée recherche principalement les zones boisées de feuillus ou mixtes. En
revanche, elle évite les boisements sujets aux expansions de crues ; au contraire de ses cousins, la
natation n’est vraiment pas son fort. Son gîte, qu’elle rejoint après chaque tournée nocturne, n’est
jamais très éloigné de l’habitat aquatique utilisé pour la mise bas.
Aujourd’hui, les monocultures de résineux, le trafic routier et les pollutions de l’eau constituent les
principaux dangers pour cette espèce protégée. Pour observer ce joyau de nos sous-bois, cet
automne, munissez-vous de bottes, d’un ciré et d’une lampe. Le dîner terminé, aventurez-vous
dans les sous-bois, un soir de doux crachin. Vous rencontrerez alors à coup sur le « gentil
dragon des souches », et vous ne le regretterez pas.
Substance vénéneuse : Il s’agit d’un alcaloïde appelé salamandrine et qui ne cause au pire que des
irritations des muqueuses chez l’homme (particulièrement malchanceux). Ce venin ne peut être inoculé.
Met bas : Au contraire de ces cousins amphibiens, la salamandre ne pond pas d’œufs. Elle est
ovovivipare, l’éclosion est donc interne.