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Quelle école nous
prépare-t-on pour
demain ?
Nouvelle
évaluation
des enseignants
EPEP
Service
Minimum
d’Accueil
Maternelle
Évaluations
CE1 et CM2
Carte
scolaire
Agence nationale
de
remplacement
La multiplicité des
« nouveautés » donne une
impression de désordre et offre
peu de lisibilité…
Formation
initiale
Aide
personnalisée
Stages
RASED
Suppression
de postes
Il s’agit d’une stratégie de communication choisie.
Plutôt que d’annoncer clairement les transformations souhaitées, le pouvoir en place
modifie plusieurs paramètres du système scolaire…
Des modifications qui, au final, le transformeront en profondeur…
Tentons de mettre un peu d’ordre…
Désengagement de l’état
Suppression
de postes
Rentrée 2009
-13 500 postes
+20 000 élèves
Maternelle
Progressivement
remplacée par des
jardins d’éveil
payants
Aide personnalisée
26h24h
Soit près d’une
année scolaire
supprimée sur
toute une
scolarité
Suppression des
RASED
Externalisation,
médicalisation de la
prise en charge de
la difficulté scolaire
Formation
initiale
Suppression de
la rémunération
de l’année de
formation
initiale postconcours
Ce désengagement s’opère au « bénéfice » :
- des collectivités territoriales sans que les transferts de moyens soient assurés
- du secteur privé qui n’attend que cela pour réaliser des profits.
Ce désengagement est contraire à la notion même de service public qui veut que l’État
soit le garant de la qualité du service sur tout le territoire et pour tous les citoyens.
Si ce n’est plus l’état qui organise, régule le système éducatif, alors, qui ?
Mise en concurrence des établissements
Suppression
progressive de la
carte scolaire
Évaluations
CE1 et CM2
(Établissement Public d’Enseignement Primaire)
Publication des résultats
Les parents choisissent
librement l’école de leur
enfant.
Transformation des écoles
en EPEP
Les parents avertis peuvent
choisir une école
« performante ».
Les établissements disposent
de l’autonomie nécessaire
pour proposer une offre
alléchante et originale.
La formation des élèves est ainsi assimilée à une marchandise, les parents à des clients et
l’école à une entreprise.
On applique à l’école les règles simplistes du secteur privé marchand : on éduque, on forme des élèves
comme on fabrique, on vend des chaussures ou des yaourts…
Comme si on pouvait faire entrer toute la complexité d’un enfant dans
une grille d’évaluation.
Le marché, jeu de l’offre et de la demande, se substitue à l’état pour réguler les ouvertures et
fermetures d’écoles : c’est la fin du service public d’éducation…
service public qui redistribue un peu d’égalité dans une société de plus en plus duale…
Pourtant les dérives de ce système sont bien connues des pays qui le pratiquent…
Mise en concurrence des établissements
Les dérives
Clientélisme
Bachotage
On ne travaille plus pour l’épanouissement, le
développement de l’élève mais pour sa réussite
aux évaluations et la satisfaction de ses parents.
Les disciplines non évaluées sont délaissées
(disciplines artistiques, sportives…).
Sélection
Les élèves
susceptibles de faire
baisser les
statistiques sont
écartés.
Écoles à deux
vitesses
Les financements
publics récompensent
les établissements qui
« réussissent » : On
donne toujours plus
aux plus favorisés.
On espère compenser la diminution constante et programmée des moyens par la mise en
concurrence des établissements…
… mais aussi par une pression de plus en plus forte sur les enseignants…
Application des techniques de management du secteur privé…
Diviser pour mieux régner…
Inspection d’école
+ inspection
individuelle
+ entretien
individuel
d’évaluation
Primes suivant le poste occupé
(400€ pour les évaluations CE1 ou
CM2), suivant les heures
supplémentaires (stages) ou
suivant les performances
Introduction d’un
nouvel échelon
hiérarchique : le
directeur de
l’EPEP
Nouvelle
évaluation
Nouvelles
rémunérations
EPEP
On utilise la peur, celle qui empêche la
participation de beaucoup de salariés du
secteur privé aux mouvements sociaux…
Appel d’offre pour
repérer les leaders
d’opinion, les
lanceurs d’alerte…
Application d’une
politique répressive
dure déjà mise en
œuvre à l’encontre des
« désobéisseurs »
Surveillance
Répression
Mise au pas des enseignants
Service
Minimum
d’Accueil
Pour réduire
l’impact des
mouvements
sociaux
Baisse du pouvoir
d’achat
d’au moins 9% sur
les 25 dernières
années
Agence nationale de
remplacement
Création d’un « corps » de non
titulaires sous-payés malléables et
corvéables à merci
Précarisation du métier d’enseignant
Formation
initiale
BAC+5 pour
modifier la
catégorie sociale
dont seront issus
les enseignants
Étranglement
financier des
associations
éducatives
Celles qui
soutiennent l’école
publique et ses
valeurs
Désengagement de l’état
Mise en concurrence des établissements
Mise au pas des enseignants
Le libéralisme s’invite à l’école…
Le même libéralisme qui, appliqué aux marchés financiers, nous a plongés dans la crise
catastrophique que nous connaissons aujourd’hui.
Le même libéralisme qui, en France et partout dans le monde depuis 30 ans, détruit les
services publics, « fabrique » de la pauvreté et de l’exclusion.
Le libéralisme qui veut aujourd’hui nous faire troquer nos valeurs républicaines d’égalité, de
solidarité, de fraternité contre de nouvelles valeurs :
individualisme, appât du gain, compétition, loi du plus fort.
Les mêmes causes produiront les mêmes effets à l’école.
ENSEMBLE, OSONS DIRE NON.
Fin du diaporama original
◊ Mais d'où proviennent toutes ces mesures ?
Et quelle cohérence les organise ? Surtout,
quels en sont les buts ?
> ces mesures résultent toutes de la mise en conformité
du système français d'éducation aux règles édictées
conjointement par l'U.E. et l'OCDE pour satisfaire les
exigences du "marché". Cette démarche remonte à la
conception même de l'espace européen. Elle s'est
dessinée puis affirmée et affinée au cours des textes et
actes relatifs à l'élaboration du "marché commun",
d'abord européen puis mondialisé, tels que le Traité de
Lisbonne
et des
le 'Processus
de Bologne'.
> Vous avez
doutes ? Moi
aussi, même si j'imaginais
qu'une telle démarche, suivie par tous nos derniers
gouvernements (droite et gauche confondues) devait bien
reposer sur une 'logique'
> ce travail de lecture, analyse des divers textes qui
jalonnent cette élaboration, des chercheurs l'ont fait.
Entre autres, Isabelle Bruno, Pierre Clément et
Christian Laval. Ils nous proposent leurs analyse et
conclusions dans un petit bouquin de 130 pages que tout
individu préoccupé par cette évolution se doit de lire : "La
grande mutation" (Editions Syllepse, 2010 ; 7€ ; )
> Je ne prétends pas résumer leur travail, simplement en
extraire quelques éléments qui s'imposent de plus en
plus dans le jargon politique et en résumer une définition.
Par exemple, quel sens donner à la notion de
"compétence" ? "Socle commun" ? "LLL" (# life long
learning ou apprentissage tout le long de la vie) ? Et
d'autres, encore assez peu lisibles : "employabilité",
"benchmarking" ?
> D'abord, comme Attac l'avait en son temps fait
remarquer, la notion de 'droit au travail' a été remplacée
dans le traité de Lisbonne par celle bien plus équivoque
de 'droit à l'emploi', qui implique que l'emploi est un
marché dont l'accès est subordonné à la notion
d'employabilité ou situation d'adéquation compétitive
d'un individu par rapport à une demande précise, définie
par un ensemble de 'compétences', acquises,
reconnues
au long de
la vie...
> et là, tout et
seentretenues
met en place.tout
Y compris
le rôle
de l'école,
qui n'est plus d'assurer à chacun un accès à la culture, à
l'autonomie par le savoir et le développement des outils
qui en permettent l'acquisition, le développement,
l'entretien. Non, l'école devient le pourvoyeur en temps
réel d'individus 'employables' donc disposant des
compétences définies par le 'marché' et jetables dès lors
que la demande diminue ou que leurs compétences
> Ci-dessous le tout début de la plaquette :
"Toute l'histoire européenne, dans ses moments les plus glorieux
comme dans ses heures les plus sombres, invite à redéfinir une
ambitieuse politique éducative destinée à édifier une citoyenneté
européenne, démocratique, sociale et laïque, qui manque encore.
Cette politique, au plein sens du terme, est inséparable d'une
ambition européenne visant à constituer une nouvelle réalité qui
manque elle aussi: un peuple européen conscient de ses
responsabilités mondiales, solidaire du destin commun de
l'humanité.
Ce qui prétend aujourd'hui au titre de politique européenne en
matière d'enseignement nous paraît aux antipodes d'un tel projet
éducatif démocratique. Pour le dire le plus directement possible,
nous avons affaire à une politique qui a pour effet de liquider les
bases humanistes de l'éducation européenne." (p .9)
"L’Union
Européenne (UE) est en train de construire un discours et de
mettre en place des dispositifs qui s'imposent à tous ses membres et
voudraient couvrir toutes les dimensions de la vie individuelle et collective.
Ce discours et ces dispositifs relèvent d'une rationalité économique dont le
principe est la concurrence et dont le modèle est l'entreprise. Il s'agit de
remplacer l'État social et éducateur tel qu'il s'est construit au 20e siècle par
l'État "actif" dont la norme d'intervention est celle de la compétition
généralisée entre les individus, les entreprises, les pays.
Ce néolibéralisme européen, en s'attaquant aux édifices institutionnels et
aux solidarités sociales des pays membres, est un péril pour la démocratie.
Lorsqu'il étend transformer l'éducation des jeunes, il constitue une menace
très sérieuse pour le lien social, et tout particulièrement pour le lien
intergénérationnel.
Ce livre ne vise pas tant à démontrer ce qu'aurait d'illégitime une
intervention des institutions européennes dans le domaine encore
officiellement national de l'éducation des citoyens, qu'à mettre au jour la
nature de cette intervention, ses principes, ses méthodes, ses objectifs,
ainsi que les résistances et les contradictions auxquelles elle se heurte.."
(pp. 9-10)
"[...] Tout est là : quelle relation voulons-nous entre les peuples d'Europe,
quel lien voulons-nous qui nous attachent les uns aux autres ? La guerre
économique des entreprises et des individus sur le grand marché ou la
coopération, l'entraide, la solidarité, qui feraient de la culture et de
l'éducation l'un des principaux vecteurs de l'Europe Une ?
Est-ce donc cette Europe des savoirs et de la culture qui s'édifie
aujourd'hui ? N'en voit-on pas les prémices avec les programmes
Erasmus, Leonardo, Socrates, Lingua, qui facilitent les échanges entre
étudiants. [...] Peut-être. Mais se limiter à ces images heureuses d'un
espace universitaire ouvert et libre serait s'aveugler sur une grande partie
de la réalité présente et se tromper sur la nature du processus en cours. La
politique éducative européenne actuelle n'est pas un retour à l'humanisme
des fondements, lequel reviendrait, en quelque sorte, réclamer ses droits
historiques après la grande parenthèse de la construction des Étatsnations. Elle renvoie plutôt à un nouveau modèle de référence, celui de
l'école néolibérale ou de la nouvelle école capitaliste. Ce modèle n'est pas
strictement européen, il est mondial, porté par les grandes organisations
économiques et financières internationales, relayé par les États nationaux."
"Si l'Europe innove peu en la matière, elle agit, et elle constitue surtout un
levier puissant qu'utilisent des gouvernements nationaux en mal de
légitimité pour imposer des solutions que les peuples refusent ou
pourraient refuser s'ils les connaissaient mieux.
Le point fondamental tient à ce que l'Europe se construit selon une norme
suprême, qui n'est pas toujours clairement énoncée: la logique de marché
étendue à tous les domaines. C'est à l'aune de cette norme que toutes les
autres politiques prennent sens. C'est encore à partir d'elle que l'on peut
comprendre le caractère bien peu démocratique de la "gouvernance
européenne". La construction européenne vise à organiser un ordre social
nouveau régi par le principe de la concurrence. Son postulat est double.
Dans un monde organisé par la concurrence, il faut être compétitif. Pour
être compétitif, il faut vivre dans un environnement concurrentiel et y être
préparé. L'éducation est enjointe de contribuer à cette transformation des
sociétés et des hommes qui les habitent afin de les rendre aptes et
conformes à l'ordre concurrentiel." [pp 10-12]
"[…] La politique éducative a pour fonction de former le nouvel homme
européen adapté au projet de l'Union et considéré comme un "avantage
comparatif" dans la compétition mondiale. Un homme compétitif, c'est
d'abord un homme qui vit dans la concurrence et qui s'est doté des
compétences pour l'affronter. Compétitivité, concurrence, compétence:
voilà le triangle dans lequel il conviendra désormais de penser l'homme
européen réduit à devenir une ressource économique, un matériel
productif, un "capital humain".
L'actuel projet éducatif de l'UE veut faire du système éducatif un instrument
au service de la compétitivité, il a pour principe l'instrumentalisation de
l'homme au service de l'économie.
Ce qui a pour conséquence de miner l'ensemble de l'édifice institutionnel
qui a permis, non sans des luttes séculaires acharnées contre les pouvoirs
établis, de constituer un espace autonome favorable au développement de
la pensée libre .." [p. 13]
"[…] Désormais, dit-on, la connaissance constitue une dimension clé de la
stratégie économique, elle en est même l'axe majeur. C'est ce que l'on a baptisé
"l'économie de la connaissance" dont l'Europe se veut, depuis le Conseil
européen de Lisbonne en l'an 2000, le leader mondial.." [p 15]
"[…] Au début des années 1990, la Commission publie une série de
"mémorandums" qui insistent sur la nécessité de l'élévation des qualifications
pour accroître le dynamisme du grand marché intérieur, qui prônent l'accès plus
large à l'enseignement supérieur, qui vantent l'importance des réseaux
d'enseignement à distance, qui insistent sur la mobilité et la flexibilité de la maind’œuvre. C'est là toute la philosophie du Livre blanc de Jacques Delors publié en
1993, Croissance, compétitivité et emploi. Les défis et les pistes pour entrer dans
le XXIe siècle; bientôt suivi en 1995 du Livre blanc Enseigner et apprendre. Vers
la société cognitive. C'est alors que se forme dans le discours institutionnel le
maillage solide de concepts comme ceux de "société cognitive" et d' "économie
de la connaissance", de notions comme celle de "capital humain" ou de
"compétence", ou encore de problématique plus ancienne comme celle de l'
"apprentissage tout au long de la vie" (LLL ou 'life long learning'). Ce véritable
système conceptuel va guider l'action communautaire dans un cadre cohérent.
Tout est alors en place, sur le plan discursif du moins, pour fonder une politique
éducative proprement européenne dont l'objectif principal sera de fournir à
l'échelle du marché unique les "ressources humaines" adaptées à la "nouvelle
économie de la connais-sance".." [p 25-26]
"[…] Il s'agit (donc) pour l'Union de construire la "société cognitive" ou l'
"économie de la connaissance". Le Livre blanc de la Commission de 1995
[…] définissait ainsi l'objectif à atteindre : "la société du futur sera une
société qui saura investir dans l'intelligence, où l'on enseigne et où l'on
apprend, où chaque individu pourra construire sa propre qualification, en
d'autres termes, une société cognitive". Ce document rédigé en commun par
les services communautaires de l'éducation et de l'emploi va servir de base
théorique à la stratégie de Lisbonne, (qui) donnera la formule clé de cette
rationalité générale: il s'agit de faire de l'Europe "l'économie de la
connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde", ce qui
passe par la constitution d'un "espace européen de l'éducation et de la
formation tout au long de la vie".
Trois dimensions majeures et complémentaires définissent le nouveau
paradigme européen de la connaissance.
Sur le plan conceptuel, nous avons affaire à une instrumentalisation radicale
du savoir, selon une version ultra-utilitariste assez inédite dans l'histoire des
idées.." [pp 33-34]
"Sur le plan institutionnel, nous aurions affaire si ce modèle de référence
devait venir à se réaliser complètement à une subordination totale des
établissements scolaires, universitaires et des centres de recherche, qui
devraient tous être régis par le principe économique général de la
concurrence et ordonnés aux impératifs de compétitivité. Sur le plan de
l'organisation interne et de la régulation des systèmes scolaires, sont mis en
place des outils spécifiques qui relèvent de ce que Michel Foucault a
caractérisé comme la gouvernementalité proprement néolibérale, et qui
visent à organiser un "environnement" et des systèmes d'incitation
susceptibles d'engendrer des comportements et des subjectivités orientés
vers la concurrence, la performance, le gain personnel. La stratégie mise en
œuvre par les réformes successives consiste désormais à favoriser
l'accumulation d'un 'capital humain individuel tout au long de la vie' afin que
la hausse des compétences qui en découlera engendre une augmentation
de la croissance potentielle européenne et une plus grande compétitivité
mondiale. Conformément à l'individualisme concurrentiel qui sous-tend cette
stratégie, l'investissement de chacun dans sa propre éducation, considérée
comme une accumulation de biens personnels, privatifs et rentables,
conduit, comme par une "main invisible" à l'augmentation de la compétitivité
économique nationale et européenne.." [p. 34]
"L'éducation est ainsi devenue synonyme de formation du "capital humain"
indispensable à l'économie compétitive. Cette conception de l'éducation est
solidaire d'une théorie de la connaissance. "L'économie de la connaissance"
implique une redéfinition strictement économique de la connaissance. Celleci est projetée dans le discours européen sous la forme d'un triangle, dont
les sommets sont la recherche, l'enseignement et l'innovation.." [pp 10-12]
"[…] L'investissement dans l'éducation et la formation est un facteur
déterminant en matière de compétitivité, de croissance durable et d'emploi
dans l'Union et constitue de ce fait un préalable pour atteindre les objectifs
économiques, sociaux et environnementaux que l'UE s'est fixés à Lisbonne.
De même, il est essentiel de renforcer les synergies et la complémentarité
entre l'éducation et d'autres domaines d'action tels que l'emploi, la
recherche et l'innovation et la politique macroéconomique." Mais mieux
encore, ou de façon plus crue, l'association de grands patrons européens a
formulé ainsi la manière dont il fallait regarder désormais l'éducation:
"L'éducation doit être considérée comme un service rendu au monde
économique." [pp 35-36]
"Le concept d'"apprentissage tout au long de la vie" (Life long learning, LLL),
développé par l'OCDE, est au centre du paradigme économique de la
connaissance. II implique, selon certains de ses promoteurs, la nécessité
d'une refonte du système d'enseignement: ce dernier ne doit plus être
regardé comme une institution formelle dont l'action ne concernerait qu'une
classe d'âge. Les "travailleurs cognitifs" doivent apprendre tout au long de
leur existence pour répondre aux constants changements technologiques et
entretenir leur "employabilité", ce qui suppose d'organiser des parcours
d'apprentissage continu et des dispositifs d'"activation de l'emploi" afin qu'ils
soient incités à recycler en permanence leurs compétences."
"Plus encore, l'apprentissage doit se confondre le plus possible avec le
travail, lequel devient "apprenant". Si, avec le thème de la formation tout au
long de la vie, on pouvait croire à un retour des grands idéaux de l'otium
antique, on a en réalité affaire à l'exact opposé. L'apprentissage est une
dimension du travail, comme le travail est une dimension de la formation, ce
qu'atteste la prédominance de catégories hybrides comme celles de
compétences qui appartiennent autant au champ éducatif qu'au champ de la
production. " [pp 36-37]
"[…] Ce processus continu de formation-évaluation ne se confond pas avec
la définition institutionnelle de l'enseignement et de la formation professionnelle. La formation doit se faire au travers de multiples apprentissages, dans
les situations les plus variées. Les institutions "formelles" qui dispensent
traditionnellement cette éducation ne sont que des "partenaires" possibles et
parmi d'autres de la formation du "capital humain". Les "formes
d'apprentissage à vie" doivent se succéder ou s'enchevêtrer de façon à la
fois souple et complexe dans une "structure de l'offre de formation"
diversifiée. Cette combinaison passe par "l'ouverture de l'école" aux
entreprises."
"Le Mémorandum européen sur l'éducation et la formation tout au long de la
vie (octobre 2000) a développé la notion de "lifewide learning", c'est-à-dire
d'"apprentissage embrassant tous les aspects de la vie". Il définissait
plusieurs modes d'acquisition des savoirs possibles: l'éducation formelle
(l'école), l'éducation non formelle (l'expérience professionnelle) et
l'éducation informelle (l'expérience sociale)." [p. 38]
"On voit par là que cette dé-spécialisation peut aller de pair avec une mise
en marché d'une grande partie de l'appareil de formation pour mieux
répondre à une demande diversifiée et variable. Le secteur formel de la
formation initiale doit doter le jeune d'un "paquet de compétences de base"
ou d'un "socle de compétences clés", selon les expressions employées par
la Commission européenne, qui ne prend sens que par rapport au
processus continu d'apprentissage à vie. Il ne s'agit pas seulement de définir
un niveau minimal d'employabilité, il s'agit également de donner aux jeunes
la capacité d'"apprendre à apprendre" dans les contextes productifs et les
situations sociales variables dans lesquels il se trouvera. L'apprentissage à
vie suppose la mise en place de dispositifs nouveaux comme le "livret
individuel des compétences", en complément voire à la place des diplômes,
jugés trop rigides et trop dépendants des institutions formelles. "
"Le livret ou portefeuille de compétences, ouvert à la naissance de l'enfant,
pourra suivre "l'apprenant" tout au long de sa vie et enregistrer de façon à
les objectiver les compétences de base négociables sur le marché
(marketable skills), mesurant ainsi son adaptabilité à ses besoins et
définissant avec précision sa valeur productive aux yeux de l'employeur. "
[pp. 38-39]
"L'employabilité comme entreprise de soi-même. Le nouveau paradigme
éducatif participe d'une conception de la formation de la main-d’œuvre qui
répond à trois exigences: la remise dans le circuit de l'emploi des travailleurs
inadaptés, la flexibilité de l'emploi, la mobilité intra-européenne des
travailleurs...
L'employabilité renvoie bien sûr à la capacité pour le salarié de vendre sa
force de travail. Mais elle comporte une signification spécifique. C'est à
chacun d'assumer individuellement la mise à jour de cette capacité, c'est à
chacun d'en supporter les coûts, d'en porter la responsabilité. Elle est
inséparable de la notion de marché." [p 39]
"[…] Comme le montre Alain Supiot en décomposant le mot, "l'employabilité
consiste, au sens étymologique, à plier les hommes dans les besoins des
marchés". Et c'est bien d'ailleurs ce qu'indique la définition qu'en donne la
Commission: "Une personne est employable quand elle possède les
caractéristiques, qualifications, ou compétences négociables sur le marché
(marketable skills), qui sont considérées sur le marché du travail comme des
conditions nécessaires à l'embauche."" [p 39]
"L'employabilité et l'apprentissage à vie sont des notions complémentaires,
qui concordent très bien avec les caractéristiques du nouveau capitalisme.
Celui-ci suppose que les individus se prennent en main pour se former en
permanence sous l'incitation du marché de l'emploi flexibilisé. Là encore,
c'est même par une sorte de "main invisible" d'un genre nouveau que
s'harmoniseront les intérêts privés et l'intérêt général: "Pour l'individu,
apprendre tout au long de sa vie, c'est développer sa créativité, son esprit
d'initiative, et sa capacité d'adaptation - qualités qui contribuent à l'épanouissement personnel, à l'accroissement des gains et à l'emploi, ainsi qu'à
l'innovation et à la productivité. Les qualifications et les compétences de la
main-d’œuvre sont un facteur déterminant pour tous les résultats économiques.» Protection individuelle contre le risque du chômage et capacité
d'innovation des entreprises convergent naturellement. Ce nouveau paradigme est aussi lié à une conception du gouvernement du sujet productif qui
doit être "responsabilisé" en matière d'apprentissage, condition pour lui d'un
bon parcours professionnel et d'une plus grande sécurité face à l'emploi." ...
"...Ce nouveau paradigme s'articule avec les conceptions néolibérales du
'Workfare', visant à rendre "actif" le chômeur et, plus généralement, le salarié
constamment exposé au risque du chômage par inadaptation de ses
compétences. L'apprentissage à vie apparaît à cet égard comme une
obligation de survie sur le marché du travail flexibilisé." [pp 40-41]
"Qu'est-ce qui est en jeu ? Si l'Europe veut avoir l'économie et la société - basées
sur les connaissances - la plus compétitive au monde, le développement des
compétences est essentiel." Le rapport d'évaluation rédigé conjointement par les
organisations patronales et syndicales européennes exprime le niveau de
consensus qui règne parmi les "partenaires sociaux" pour transformer les
systèmes de formation dans le sens d'une adaptation toujours plus étroite des
cursus aux besoins des entreprises afin de réduire le chômage..."
"… Selon le Mémorandum sur l'éducation et la formation, "l'optimisation de l'employabilité" des salariés suppose que tout actif soit le sujet de son propre apprentissage, qu'il soit "entrepreneur de lui-même" selon la formule typiquement néolibérale. L'école ou l'Université n'ont plus à lui dicter son cursus, c'est à lui de
définir son parcours selon le principe du libre choix dans un contexte
concurrentiel: "La volonté individuelle d'apprendre et la diversité de l'offre, telles
sont les ultimes conditions indispensables à une mise en œuvre réussie de
l'éducation et la formation tout au long de la vie." Et le Mémorandum ajoute: "Au
sein des sociétés de la connaissance, le rôle principal revient aux individus euxmêmes. Le facteur déterminant est cette capacité qu'a l'être humain de créer et
d'exploiter des connaissances de manière efficace et intelligente, dans un
environnement en perpétuelle évolution." Derrière des propos triviaux, on
retrouve la manière proprement néolibérale du gouvernement des sujets
immergés dans un espace de concurrence. Le sujet est conduit à se
responsabiliser et à calculer les avantages et les coûts de son apprentissage
"En tant que futur "travailleur cognitif", l'"apprenant-entrepreneur" doit développer
ses propres capacités d'information sur le marché des formations et ses propres
compétences de calcul de rentabilité de ses investissements éducatifs. Mais il
doit pouvoir compter sur des "techniques de soi" qui remplacent les formes trop
ouvertement prescriptives de l'institution autoritaire. Si c'est le sujet qui doit savoir
ce qui est bon pour lui, pour désirer aller de lui-même dans une direction
déterminée, il est en droit de recevoir l'aide d'informateurs, de guides, de coachs
qui l'aideront à se conduire au mieux dans la compétition. "Le Mémorandum
compare ainsi le métier d'orientateur à celui d'un courtier en Bourse: "Le futur rôle
des professionnels de l'orientation et du conseil pourrait être décrit comme un
rôle de 'courtage'. Gardant présents à l'esprit les intérêts du client, le 'courtier en
orientation' est capable d'exploiter et d'adapter un vaste éventail d'informations
qui l'aident à décider de la meilleure voie à suivre à l'avenir." "
On remarquera que les dispositifs formels de l'éducation s'en trouvent
profondément changés. La transmission des savoirs ne prime plus, c'est la
formation de l'individu flexible, habitué à s'orienter par lui-même dans un univers
de choix permanent et de compétition, à s'informer des opportunités qui se
présentent à lui. Par un glissement significatif, la connaissance est assimilée à
une "information utile". Les réformes des systèmes scolaires et universitaires
centrées sur l'"orientation active" sont des bons indices de cette mutation censée
préparer les futurs salariés à leur "responsabilisation" individuelle sur le marché
du travail. " [pp 42-43]
"Pour [Gary Becker] économiste néoclassique américain, le "capital humain" est
un bien privé procurant un revenu. Il est constitué d'un ensemble de ressources
propres que l'individu cherche à accroître tout au long de son existence pour
augmenter sa productivité, ses revenus et d'autres avantages personnels. Selon
l'OCDE, le "capital humain" rassemblerait "les connaissances, les qualifications,
les compétences et caractéristiques individuelles qui facilitent la création du bienêtre personnel, social et économique.
Mais le capital humain ne se définit pas tant par la nature précise de ses composantes, que par la manière dont le marché valorise certains atouts possédés
par les individus. C'est la logique de la valeur qui sélectionne, hiérarchise, codifie
et façonne les atouts en question : qualifications acquises dans le système de formation ou dans l'expérience professionnelle, mais aussi âge, sexe, beauté physique, couleur de peau, civilité, manière d'être et de penser, état de santé, etc.."
"Le "capital humain", comme le terme veut l'indiquer, est un stock cumulable, du
fait des connaissances pratiques qui le constituent et qui peuvent augmenter par
les apprentissages et l'expérience professionnelle. C'est ce que les économistes
entendent signifier quand ils le définissent comme "le stock de connaissances valorisables économiquement et incorporées aux individus". L'effort en vue d'accumuler du "capital humain" dépend entièrement du taux de rendement espéré.
C'est ce gain qui est l'élément décisif du choix d'investissement. " [pp 43-44]
"Selon cette conception radicale de l'homme économique, le financement de
l'investissement doit dépendre des gains attendus. En fonction de l'importance relative de ces derniers, le financement doit être réparti entre l'État,
l'entreprise et l'individu."
[…] On voit par là que l'usage de cette notion participe d'une conception
réductrice de la formation essentiellement considérée comme source de
gains individuels pour le salarié et de gains de productivité pour l'entreprise.
En ce sens, elle est strictement homologue à l'usage qui est fait de l'innovation dans le champ de la recherche.
"Cette notion de "capital humain" est omniprésente dans le discours
européen et elle a une portée structurante pour l'organisation institutionnelle
des systèmes éducatifs. La conception du "capital humain" développée par
l'OCDE et la Commission européenne dans les années 1990 est une
version dure de la notion, alors que - par un quiproquo soigneusement
entretenu - le discours politique à l'adresse de l'extérieur continue de laisser
penser qu'il n'est question que d'"investissement dans le savoir", en
particulier d'origine publique, ce qui a permis par exemple l'adhésion des
syndicats européens. " [pp 44-45]
"Du berceau à la tombe, le nouveau travailleur européen doit augmenter son
"capital" personnel en "compétences", afin de maintenir en état et surtout
d'accroître son "employabilité". Mais dire les choses ainsi, c'est encore
concevoir le rapport salarié "à l'ancienne". Le travailleur doit précisément
convertir sa subjectivité de salarié en une subjectivité de capitaliste dont les
actifs sont ses propres compétences qu'il doit rentabiliser sur le marché de
l'emploi. C'est la conception qui inspire "l'éducation tout au long de la vie" et
la réforme de l'Université.
Les conséquences pratiques les plus visibles de cette conception sont
l'augmentation assez générale en Europe comme ailleurs des droits d'inscription universitaire.
Dans un contexte de contrainte budgétaire, l'OCDE, la Banque mondiale et
la Commission ont pressé les gouvernements à solliciter beaucoup plus les
sources privées de financement des ménages et des entreprises.
La tendance générale est à la privatisation accrue d'un financement
supporté de plus en plus par les familles et les étudiants." [p 45]
"Les notions que nous venons d'analyser gravitent toutes autour d'un noyau
central : la "compétence". Le discours de l'école et sur l'école a été envahi par
cette notion proliférante et polysémique. Elle imprègne tous les discours,
toutes les analyses. Même la connaissance et les savoirs ne peuvent plus
être réfléchis en dehors d'elle. Si l'on peut la comprendre dans des sens
différents et si elle peut s'inscrire dans des contextes de pensée et d'action
distincts, la notion est aujourd'hui utilisée selon une conception strictement
économique de l'éducation qui relève d'un utilitarisme étroit.
La "compétence" est définie comme une capacité à réaliser une tâche à l'aide
d'outils matériels et/ou d'instruments intellectuels. Elle se définit donc par un
aspect pratique, opérationnel, à la différence de la notion rivale de connaissance. […] La "compétence" ne s'apprend pas nécessairement comme la
connaissance. Elle ne suppose même pas une institution scolaire et universitaire spécifique. Elle est donc particulièrement adaptée au paradigme de
l'apprentissage à vie et à la diversité de ses modalités. En ce sens, elle
participe non seulement à la domination de la logique économique, mais elle
contribue aussi à la désinstitutionnalisation des instances de formation, et ce
d'autant qu'elle est étroitement connectée avec l'exigence de flexibilité
demandée aux travailleurs dans la "société de l'information" [p 46]
"Ce point est évidemment essentiel et permet de mieux comprendre la portée
des réformes en cours dans le système éducatif et la nature des illusions
qu'elles véhiculent.
Dans le discours européen, les "compétences de base" traduisent le mot
anglais 'skills'. À ce dernier est généralement ajouté l'adjectif 'marketable',
que l'on a traduit plus haut par "négociables sur le marché". Ce qui signifie
que, selon ce discours, c'est le marché de l'emploi qui doit désormais dicter
aux institutions scolaires et universitaires les contenus et les formes
d'apprentissage dans la mesure même où le marché est la finalité
normalisante de toute action éducative.
On peut penser que cette désinstitutionnalisation à laquelle le discours
dominant des compétences conduit va encore aggraver la perte de légitimité
de l'école et des savoirs formalisés qu'elle continue à vouloir transmettre. On
peut penser que l'école va même être le vecteur de contenus qui n'ont plus
rien à voir avec sa fonction historique tant la notion de "compétence" est
polysémique. Mais on doit se rappeler que, pour les promoteurs des réformes
européennes, la seule instance disciplinante qui puisse légitimement conduire
désormais les individus est le marché lui-même. [p 47]
"C'est par référence au marché de l'emploi, lui-même lié aux autres marchés,
que les individus vont s'orienter dans les différentes voies d'études, qu'ils
seront incités à investir dans leur formation, qu'ils développeront des
"motivations" pour élever leur niveau de compétences. D'où la radicalité,
encore trop peu perçue, de ce discours des "compétences" que beaucoup
d'enseignants reprennent à leur compte, souvent avec de bonnes intentions
pédagogiques, sans prendre conscience qu'il est en train de miner l'institution
scolaire et universitaire en détruisant les fondements historiques de sa
légitimité.
Car le système éducatif est désormais conçu comme une annexe institutionnelle du marché de l'emploi, dont les agents ont pour mission d'"accompagner individuellement" les élèves dans leur "orientation active", d'exercer
vis-à-vis d'eux un coaching et un monitoring qui les amèneront à "optimiser
leur potentiel" en vue de leur intégration, la seule dès lors qui vaille, dans le
monde de l'entreprise.
II s'agira essentiellement pour l'institution scolaire d'apprendre aux apprenants la compétence suprême, la méta-compétence: celle de "se vendre" aux
employeurs.." [p 45]
"La conséquence sur l'enseignement ne se fera pas attendre longtemps:
dilatation prévisible des "missions" de l'enseignant pour assurer ce monitoring
personnalisé; extension du champ d'action de l'école à tout élément individuel
qui peut prendre de la valeur sur le marché du travail (comportement, profil
psychologique, apparence physique, etc.); déperdition des savoirs qui ne
pourront prouver leur efficacité auprès des employeurs.
Le système éducatif, comme instance annexe du marché de l'emploi, n'en
perdra pas forcément sa place dans les institutions de socialisation. Mais son
rôle ne sera plus le même. Il est sans doute appelé à jouer un rôle
normalisateur essentiel puisqu'en préparant les jeunes à l'entreprise, il se
chargera d'une part d'inculquer la nouvelle norme par de nouveaux dispositifs
d'"orientation active" et d'"accompagnement individuel", et il aura d'autre part
une fonction éminente de contrôle social en enregistrant minutieusement,
trimestre après trimestre, les évolutions personnelles, les "potentialités", le
profil psychologique, les écarts à la norme sociale, tous éléments régulièrement consignés dans le livret des compétences qui suivra l'apprenant tout
au long de sa vie." [p 48]
J'arrête ici le pillage de cette plaquette. Elle explore d'autres
champs (Univer- ité, droit à l'éducation, laïcité, traités, Stratégie
de Lisbonne...) : à vous.
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