Langue française Les Adverbes d`énonciation. Comment

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Les Adverbes d’énonciation. Comment les
dénir et les sous-classier ?
Christian Molinier
Langue française / Volume 2009 / Issue 161 / May 2012, pp 9 - 21
DOI: 10.3917/lf.161.0009, Published online: 09 May 2012
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Christian Molinier (2012). Les Adverbes d’énonciation. Comment les dénir et les
sous-classier ?. Langue française, 2009, pp 9-21 doi:10.3917/lf.161.0009
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LANGUE FRANÇAISE 161
9
Christian Molinier
Université de Toulouse-Le Mirail
CLLE-ERSS (CNRS)
Les Adverbes d’énonciation.
Comment les définir et les sous-classifier?
1. INTRODUCTION
La distinction
Adverbes de phrase
vs
Adverbes adjoints
ou
intégrés à la proposi-
tion
est devenue classique aujourd’hui. Tandis que les seconds portent sur le
verbe ou tel ou tel constituant auprès duquel ils jouent le rôle de modifieur, les
premiers portent sur la phrase prise globalement, à laquelle ils assignent des
commentaires de diverses sortes
1
. Dans l’ensemble des adverbes de phrase, une
fois isolés les adverbes conjonctifs – ou connecteurs, qui établissent un lien
entre la phrase où ils figurent et une ou des phrases du contexte gauche –, il
semble légitime de distinguer deux grandes classes d’adverbes, ceux qui
concernent l’acte d’énonciation et ceux qui concernent le contenu de l’énoncé.
Ainsi, pour R. Quirk et S. Greenbaum (1973 : 242), les premiers, dénommés par
ces auteurs « style disjuncts », sont « des adverbes qui véhiculent le commen-
taire du locuteur sur la forme de ce qu’il dit, définissant en quelque sorte sous
quelles conditions il parle », tandis que les seconds, dénommés par ces mêmes
auteurs « attitudinal disjuncts », « commentent le contenu de l’énoncé ». Cette
nouvelle distinction est à son tour largement admise et la classe des adverbes
1. Pour isoler l’ensemble des adverbes de phrase, on peut se fonder conjointement sur la propriété
de rejet de l’extraction dans
C’est … que
– qui indique qu’un constituant n’est pas sous la dépen-
dance du verbe, et sur la propriété d’admission en position détachée en tête de phrase positive ou
négative – qui indique la portée sur la phrase entière (Ch. Molinier et F. Levrier 2000). Ainsi,
Au
fond
,
Franchement
ou
Apparemment
sont des adverbes de phrase dans les phrases suivantes :
(Au fond + Franchement + Apparemment), cet homme est dangereux
puisque l’on a :
*C’est (au fond + franchement + apparemment) que cet homme est dangereux
(Au fond + Franchement + Apparemment), cet homme (n’) est (pas) dangereux.
10
Les marqueurs d’attitude énonciative
d’énonciation fait l’objet dans les études spécialisées de définitions proches les
unes des autres, du genre de celle de R. Quirk et S. Greenbaum. Pour C. Gui-
mier (1996 : 154), qui parle à leur propos d’adverbes allocutifs, un tel adverbe
est « apte à caractériser l’acte d’allocution ou les partenaires de cet acte, indivi-
duellement ou conjointement ». Pour O. Ducrot (1995 : 605), dans le cadre de sa
théorie de l’énonciation, plus spécifiquement, un adverbe d’énonciation « qua-
lifie l’énonciation dans laquelle l’énoncé est apparu » et l’auteur ajoute que de
tels adverbes « participent à une représentation de l’événement énonciatif à qui
ils attribuent tel ou tel caractère ». Cela étant, il est difficile de tracer des limites
précises à la classe et de les répartir en sous-classes cohérentes, comme le
montre H. Nølke (1993 : 87 et sq.).
On posera donc simplement et informellement, en nous référant aux formes
les plus représentatives de la classe (
franchement
,
honnêtement
,
concrètement
,
etc.), que les adverbes d’énonciation servent au locuteur à rendre compte de
conditions particulières de la production de l’énoncé et qu’ils constituent une
forme de manifestation particulière du locuteur dans l’énoncé.
Nous proposerons ici un inventaire et un classement des adverbes d’énon-
ciation en partant de l’ensemble, préalablement constitué, des adverbes de
phrase, et en usant de traits de différenciation par rapport aux classes voisines,
pour délimiter notre classe des adverbes d’énonciation.
Par adverbe
2
, nous entendons les formes monolexicales traditionnelles
(cf.
franchement
,
honnêtement,
etc
.)
, mais aussi des groupes prépositionnels figés à
degrés divers (cf.
en toute honnêteté
,
entre nous,
etc
.)
ou encore des phrases plus ou
moins figées utilisées en incise (cf.
autant que je sache, si j’ai bonne mémoire,
etc
.
).
Pour circonscrire la classe, on peut dans un premier temps recourir aux pro-
priétés suivantes, non exclusives l’une de l’autre, qui mettent en évidence la
portée de l’adverbe sur le dire du locuteur :
Possibilité pour l’adverbe d’entrer dans une paraphrase dans laquelle il qua-
lifie un verbe de parole placé dans une phrase supérieure :
Honnêtement, cet homme est dangereux
= Je te dis honnêtement que cet homme est dangereux
– Présence dans des formes syntaxiquement complexes de substantifs tels
que
mots, termes, propos
, ou de verbes tels que
parler
ou
dire
:
(En deux mots + Soit dit entre nous), cet homme est dangereux
– Possibilité de paraphrases mettant en jeu des substantifs tels que
mots,
termes, propos
, ou de verbes tels que
parler
ou
dire
:
En clair, cet homme est dangereux
= En termes clairs, cet homme est dangereux
2. Cf. la notion d’adverbe généralisé de M. Gross 1990.
LANGUE FRANÇAISE 161
11
Les Adverbes d’énonciation
On isole ainsi essentiellement des adverbes concernant le locuteur en tant
que personne morale ou la formulation de l’énoncé par ce même locuteur.
On peut encore comprendre dans la classe des adverbes d’énonciation des
formes incluant presque toujours un morphème de première personne dont
l’objet est d’indiquer la part d’engagement du locuteur dans l’information qu’il
transmet, celle-ci pouvant être le résultat d’un jugement subjectif (cf.
à mon avis
,
à mon sens
,
à mon sentiment
etc
.
), être donnée sous toute réserve (cf.
autant que je
sache
,
à ma connaissance
,
sauf erreur de ma part
, etc.), ou être seulement relayée (cf.
à ce que j’ai entendu dire
,
à ce qu’il paraît,
etc
.
).
Certaines formes, de type reformulatif notamment, cf
. en bref, en résumé, en
conclusion,
etc., répondent à la fois à la définition des adverbes conjonctifs ils
établissent un lien avec le contexte gauche –, et à la définition des adverbes
d’énonciation – ils concernent la formulation de l’énoncé. Dans la mesure où les
adverbes conjonctifs sont isolés en priorité dans l’ensemble des adverbes de
phrase, ces adverbes relèvent donc des conjonctifs.
Nous étudierons successivement les trois sous-classes majeures qui se déga-
gent dans l’ensemble des adverbes d’énonciation : les adverbes qui concernent
la disposition psychologique ou morale du locuteur vis-à-vis de l’interlocuteur
(§2), les adverbes concernant la formulation de l’énoncé (§3), les adverbes
concernant la source de l’information (§4).
2. ADVERBES CONCERNANT LA DISPOSITION PSYCHOLOGIQUE
OU MORALE DU LOCUTEUR VIS-À-VIS DE L’INTERLOCUTEUR
On peut regrouper ces adverbes selon diverses rubriques sémantiques :
– L’adverbe permet au locuteur d’engager sa franchise, son honnêteté, sa
sincérité, autant de qualités premières normalement requises de tout locuteur
3
.
Le locuteur se rend ainsi plus persuasif, plus digne de confiance, plus crédible
auprès de son interlocuteur, comme le montre l’ajout de l’adverbe à la phrase
de base dans l’exemple suivant :
(Franchement + Honnêtement + Sincèrement), cet homme est dangereux
Nous avons dans cette rubrique les formes suivantes, en relation syntaxique
de paraphrase pour la plupart d’entre elles :
franchement, honnêtement, sincèrement, sérieusement
franchement parlant, honnêtement parlant, sincèrement parlant, sérieusement parlant
à franchement parler
en toute (franchise + honnêteté + sincérité)
3. Cela apparaît clairement par le fait qu’un adverbe de manière du type de
fourbement
(
Il a parlé
fourbement
) est inconcevable en tant qu’adverbe d’énonciation.
12
Les marqueurs d’attitude énonciative
pour être (franc + honnête + sincère + sérieux)
sans mentir
On notera les traits de figement suivants : seul
franchement
entre dans la
structure
à Adj-ment parler,
les formes suivantes en effet ne sont pas utilisées :
*A (honnêtement + sincèrement + etc.) parler, je suis déçu
Le
N =
:
sérieux
n’entre pas dans la structure
en tout N
:
*
En tout sérieux, il n’y a pas de temps à perdre
Toutes les formes
Adj-ment
et
en tout N
sont admises en tant que modifieur
de manière d’un verbe (
Je lui ai parlé (franchement + en toute franchise)),
mais
alors
que les formes en
– ment
utilisées en tant que modifieur d’un verbe
admettent les paraphrases
de (façon + manière) Adj
ainsi que
avec N
, ces para-
phrases sont exclues pour l’adverbe d’énonciation :
*
(De manière franche + Avec franchise), elle est à plaindre
On observera que la possibilité d’adjonction du gérondif
parlant
à la forme
en –
ment
pour former une unité synonyme (
franchement = franchement parlant
)
concerne aussi les adverbes de point de vue (
(Juridiquement = Juridiquement par-
lant), cet homme est responsable
), mais c’est là un trait isolé de la classe des
adverbes de point de vue, clairement identifiable par ailleurs et nettement dis-
tincte de la classe des adverbes d’énonciation.
L’ensemble de ces formes – à l’exception de celles qui présentent la structure
Pour être Adj
–, sont admises dans une phrase interrogative. Le locuteur
demande alors à l’interlocuteur d’engager sa franchise, son honnêteté,
etc
., dans
la réponse à sa question.
Notons pour terminer que la présence de telles formes dans l’énoncé ne
garantit pas l’honnêteté, la franchise,
etc
. du locuteur. Un locuteur peu très bien
dire :
Sans mentir, vous êtes le phénix des hôtes de ces bois
ou
Sans mentir, j’ai rare-
ment entendu une interprétation de cette qualité,
sans être nécessairement sincère.
– L’adverbe indique que le locuteur s’exprime au nom de la vérité ou de la
réalité. C’est le cas pour les trois adverbes suivants :
réellement, vraiment, véritablement
dans des phrases du type suivant :
(Réellement + Vraiment + Véritablement), je ne m’attendais pas à cela
Il convient de distinguer ces adverbes des modaux, qui statuent sur la
vérité, le degré de certitude ou d’évidence de la proposition qu’ils accompa-
gnent, et ce d’une façon parfaitement objective :
(Nécessairement + Incontestablement + Probablement + De toute évidence + etc.), le
sage est heureux
Contrairement aux modaux,
vraiment, réellement
et
véritablement
adverbes
d’énonciation sont toujours accompagnés d’une intonation « affective », et ils
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