k www.planseisme.fr Sismicité récente (Ubaye, Hautes-Pyrénées) – Arrêté « multifluide » du 5 mars 2014 – Base de données BCSF ZOOM : Catalogue de sismicité SI-HEX DOSSIER : Séismes vus du ciel Séisme de la vallée de l’Ubaye du 7 avril 2014 (Ml=5.3) Les caractéristiques du séisme Un important séisme est survenu le lundi 7 avril 2014 à 21h27 heure locale (19h27 heure GMT) à la limite entre les départements des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence, au niveau de la commune de Saint-Paul-sur-Ubaye, à une quinzaine de kilomètres au nord de Barcelonnette. Relativement superficiel, ce séisme a atteint une magnitude locale de 5,3 selon le Laboratoire de Détection Géophysique (LDG) du CEA et a été largement ressenti dans la région épicentrale ainsi que dans tout le quart sud-est du pays, en occasionnant uniquement des dégâts très mineurs dans la zone épicentrale. Il s’agit du séisme le plus important enregistré en métropole depuis une dizaine d’années, et le plus Enregistrement du séisme du 7 important dans les Alpes depuis le séisme d’Annecy du 15 avril 2014. (Source : BRGM) juillet 1996, de magnitude comparable mais qui était alors survenu dans une zone beaucoup plus peuplée. Depuis que les réseaux sismologiques du CEA permettent de surveiller la sismicité française, soit depuis 1962, seule une dizaine de séismes de magnitudes équivalentes ou supérieures a été enregistrée en Métropole. Selon les témoignages internet recueillis par le Bureau Central Sismologique Français (BCSF), des intensités préliminaires maximales de V sont relevées dans la zone épicentrale 1 . Contrairement à ce qu’aurait pu laisser supposer la magnitude importante de l’événement, les dommages induits par ce séisme demeurent très limités. On recense ainsi plusieurs chutes de cheminées ainsi que des fissures dans certains bâtiments de communes proches de l’épicentre. Cet important séisme a cependant généré une certaine inquiétude parmi la population. En effet les centres de secours des départements proches de l’épicentre ont reçu chacun plusieurs centaines d’appels. A plus grande distance, et bien qu’atténuées, les vibrations générées par le séisme ont été ressenties dans un rayon de près de 300 km autour de l’épicentre. Ainsi, les témoignages recueillis par le BCSF indiquent-ils une aire de perception du séisme allant depuis Lyon au nord, et jusqu’à Marseille au sud. Le séisme a par ailleurs été fortement ressenti en Italie 1 Ces intensités, issues de témoignages internet individuels, permettent une estimation préliminaire rapide de la sévérité de la secousse au sol ; elles sont à distinguer des intensités communales évaluées par le BCSF à partir des enquêtes macrosismiques et des analyses de terrain du Groupe d’intervention macrosismique (GIM). La Lettre du Plan Séisme – 2e trimestre 2014 1 k www.planseisme.fr dans le Piémont et la Lombardie, jusqu’à Milan. En particulier, ce séisme a donné lieu à de très nombreux témoignages le long de la Côte-d’Azur, avec des intensités variant de III à IV. Ces témoignages mettent en évidence des effets de directivité et de propagation préférentielle vers le sud similaires à ceux soulignés suite au séisme survenu en février 2012. Un précédent récent : le séisme du 26 février 2012 Le 26 février 2012, un séisme de magnitude locale établie à 4.5 par le LDG était survenu au même endroit. Egalement superficiel, ce séisme avait été largement ressenti dans la région épicentrale, sans générer de dégâts notables. Ce séisme avait fait l’objet d’un article dans la lettre du Plan Séisme du 2ème trimestre 2012. Ce séisme du 26 février 2012 a marqué le début d’une intense activité sismique dans la vallée de l’Ubaye qui a perduré jusqu’à l’événement majeur du 7 avril 2014. Ainsi le réseau régional de surveillance sismique SISMALP a fait état de plusieurs milliers de séismes détectés entre les deux événements, dont plusieurs dizaines ont été ressentis plus ou moins fortement par la population. Une crise sismique en essaim très surveillée La région de l’Ubaye présente une sismicité remarquable caractérisée par des crises sismiques dites « en essaim » qui se traduisent par une succession très localisée de séismes. Si après la survenue d’un séisme il est très fréquent d’observer pendant une période plus ou moins longue une succession de secousses de moindre importance dites « répliques », les essaims de séismes se distinguent par le fait que la magnitude des séismes observés ne suit aucune évolution claire et que l’on ne sait pas, au cours de la crise, si la magnitude maximale de cette crise a été atteinte. Il est ainsi impossible de prévoir précisément la manière dont va évoluer la crise sismique en cours. Afin d’obtenir une meilleure visibilité de cette crise sismique, et dans le but de mieux comprendre le phénomène de sismicité en essaim, sept stations sismologiques temporaires ont été déployées dans la région épicentrale conjointement par les équipes de l’université de Grenoble (SISMALP, ISTerre) et de GéoAzur. « Essaims de séismes » de la haute vallée de l'Ubaye de 2003-2004 (en blanc), de 2012-2014 (en rose) et depuis le 7 avril 2014 (en rouge) (Source : SISMALP) Un retour d’expérience essentiel Ce type d’événement étant relativement rare sur le territoire métropolitain, plusieurs missions d’expertise complémentaires ont été organisées pour acquérir un retour La Lettre du Plan Séisme – 2e trimestre 2014 2 k www.planseisme.fr d’expérience. En particulier une mission du BCSF a été conduite du 14 au 16 avril afin de recenser précisément les effets du séisme et d’en fournir une carte d’intensité précise. Une mission post-sismique de l’Association Française de Génie Parasismique (AFPS) a également été menée sur place du 22 au 23 avril comme après chaque événement majeur pouvant apporter des enseignements vis-à-vis de la connaissance du risque sismique en France : cette mission s’est pour sa part concentrée sur le dégât à l’habitat individuel et au petit collectif. Une démarche de retour d’expérience est menée à l’initiative de la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) de la région PACA, sur les thématiques suivantes : le comportement des populations, l’information et la communication, les traces du séisme sur le terrain (notamment mouvements de terrain), les dommages et dysfonctionnements, les conséquences économiques et la gestion de crise. Un exercice de crise sismique (exercice RICHTER-04) avait été organisé en octobre 2013 dans le département des Alpes-de-Haute-Provence par le Ministère de l’Intérieur et la Préfecture, avec l’appui du BRGM. A cette occasion, les autorités avaient notamment eu à gérer les conséquences d’un séisme présentant de fortes similitudes avec celui survenu le 7 avril dernier, tant par sa localisation que par sa magnitude (cf. Infolettre du 4e trimestre 2013). La démarche de REX permettra donc d’évaluer également l’apport des exercices de gestion de crise de type RICHTER à la gestion opérationnelle de séismes. Séisme de Lourdes (29/04/2014, Ml=4.7) Le 29 avril 2014, un séisme de magnitude 4.7 selon le LDG est survenu dans le département des Hautes-Pyrénées non loin de la ville de Lourdes. D’intensité épicentrale IV à V, ce séisme a été largement ressenti dans un rayon d’une trentaine de kilomètres autour de l’épicentre, et n’a généré que de très légers dégâts. Arrêté « multifluide » du 5 mars 2014 L'arrêté du 5 mars 2014, définissant les modalités d'application du chapitre V du titre V du livre V du code de l'environnement et portant règlement de la sécurité des canalisations de transport de gaz naturel ou assimilé, d'hydrocarbures et de produits chimiques, a été publié au Journal officiel du 25 mars 2014. Cet arrêté inclut, à ses articles 9 et 32, les règles parasismiques applicables aux tronçons de canalisations de transport « à risque spécial » nouveaux et existants. Il entrera en vigueur le 1er juillet 2014 (à l'exception des dispositions relatives à la maîtrise de l'urbanisation, entrées en vigueur le lendemain de la publication) et abrogera à cette date le précédent arrêté "multifluide" (arrêté du 4 août 2006 portant règlement de la sécurité des canalisations de transport de gaz combustibles, d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés et de produits chimiques). BD-MFC : base de données macrosismiques françaises contemporaines du BCSF Afin de permettre un accès facilité aux intensités macrosismiques évaluées pour tous les séismes ayant affecté significativement le territoire national depuis 1996, le BCSF a La Lettre du Plan Séisme – 2e trimestre 2014 3 k www.planseisme.fr récemment mis en ligne sa base de données macrosismique contemporaine. Dénommée BDMFC, celle-ci est accessible à l'adresse www.franceseisme.fr/donnees/BD-MFC et donne accès à plus de 48.138 observations issues de 247 séismes. Consultable par recherche géographique ou chronologique, BD-MFC permet à la fois la visualisation cartographique des données et leur téléchargement. Cette nouvelle base de données BD-MFC vient donc utilement compléter la base de données SISFRANCE qui couvre pour sa part la période historique. La Lettre du Plan Séisme – 2e trimestre 2014 4 k www.planseisme.fr Zoom sur... SI-Hex : le catalogue BCSF-LDG de la sismicité instrumentale de la France métropolitaine Par Michel Cara2, Yves Cansi3 et Antoine Schlupp2 Le catalogue de Sismicité Instrumentale de l’Hexagone 1962-2009 est le résultat principal du projet collaboratif SI-Hex, conduit de 2009 à 2013, par le BCSF, agissant pour le compte de sept Observatoires des Sciences de l’Univers (OSU CNRS/INSU – Universités), ainsi que par le Laboratoire de Détection Géophysique (LDG) du CEA (CEA-DAM/DASE). Le projet SI-Hex a eu pour objet de créer un catalogue unifié de la sismicité de la France métropolitaine sur la période 1962-2009, proposant la meilleure information possible sur la localisation des hypocentres et sur la magnitude. La période couverte débute donc en 1962, l’année où le CEA a implanté le premier réseau sismique permanent sur le territoire métropolitain. Ce catalogue BCSF-LDG version 2014 a vocation à être amélioré et complété au fur et à mesure de l’apport de nouvelles informations, en le complétant notamment pour les séismes postérieurs à 2009. Trois questions ont été examinées avec un soin particulier lors du projet SI-Hex: celle de la localisation précise des épicentres, celle de la discrimination entre séismes naturels et séismes artificiels, et enfin celle de la réévaluation complète et harmonisée des magnitudes. Localisation L’objectif étant de fournir la meilleure localisation possible, le travail a porté sur deux axes majeurs. D’une part, tous les évènements ont été relocalisés par une méthode unique à partir de la fusion de tous les temps d’arrivées disponibles issus des observatoires français (LDG, RéNaSS, Sismalp, OMP, Géo-Azur) et ceux des pays frontaliers via le CSEM (Centre sismologique euro-méditerranéen) et l’ISC (International seismological centre). Ces localisations portent le label « localisation SI-Hex ». Le calcul prend en compte le modèle 1D de vitesses sismiques dit « Haslach simplifié » qui est utilisé par le BCSF-RéNaSS à l’EOST. D’autre part, pour chaque séisme, la meilleure localisation a été sélectionnée parmi les localisations disponibles (localisation SI-Hex ou celle réalisée par des observatoires ou issue de travaux particuliers). Le catalogue précise l’auteur de chaque localisation. Le catalogue BCSF-LDG présente ainsi les solutions les plus précises possibles pour tous les évènements identifiés par le processus de fusion de données. En dehors des séismes anciens relocalisés au LDG, les solutions préférentielles concernent la partie récente du catalogue, de 1980 à 2004 dans le domaine armoricain, depuis 1978 dans les Pyrénées, 1989 dans les Alpes et 2001 dans la zone méditerranéenne. La même procédure sera appliquée à la région nord-est à partir du catalogue régional EOST à la prochaine révision du catalogue BCSF-LDG. 2 EOST, Université de Strasbourg 3 CEA, DAM/Ile de France, Bruyères-le-Châtel La Lettre du Plan Séisme – 2e trimestre 2014 5 k www.planseisme.fr Ce catalogue couvre la France métropolitaine et la zone économique exclusive en mer (ZEE), avec un élargissement de 20 km hors frontières. Magnitude La magnitude retenue dans le projet SI-Hex est la magnitude de moment, notée Mw. C’est le standard international actuel pour les études d’aléa sismique. Mw se substitue à la magnitude locale de Richter et à ses nombreuses variantes ML. Basée sur une analyse à basse fréquence des signaux sismiques, Mw peut différer notablement de ML qui traduit les amplitudes maximales des ondes sismiques enregistrées sur des réseaux de stations le plus souvent équipés de vélocimètres 1 Hz. Les magnitudes Mw issues du projet SI-Hex sont généralement plus faibles que les ML calculées par le LDG depuis 1962, le RéNaSS depuis 1980, ou les réseaux Sismalp et OMP sur les périodes plus récentes. Les M w des plus gros séismes du catalogue SI-Hex sont calculées à partir des signaux originaux du LDG. Après l’arrivée principale des ondes P et S, les sismogrammes présentent une « coda » résultant de la diffusion multiple des ondes sismiques dans la croûte et dont l’amplitude va en décroissant avec le temps. Cette coda a des propriétés de stabilité remarquables d’un séisme à un autre et d’une station sismique à une autre. Elle est peu sensible à la distance épicentrale, peu sensible à l’orientation et à la nature de la faille sismique à l’origine du séisme et enfin, peu sensible à la profondeur du foyer. L’autre très grand intérêt de la coda est que son amplitude est mesurable sur les anciens enregistrements sur papier des réseaux de surveillance sismique. Cette technique, mise au point dans le cadre d’une thèse du projet SIGMA-EDF, a été utilisée systématiquement pour attribuer une magnitude Mw aux séismes de magnitude ML-LDG supérieure à 4. Pour les plus petites magnitudes des lois de conversion entre ML et Mw ont été utilisées. Discrimination La discrimination entre événements naturels et artificiels a constitué une autre action centrale du projet SI-Hex et s’est appuyée sur une approche Carte de la Sismicité Instrumentale de l’Hexagone 1962multicritères. A terre, les tirs de 2009 illustrant le catalogue BCSF-LDG version 2014. (source : CNRS / CEA). carrières ont été éliminés dans la mesure du possible à partir d’une analyse spatio-temporelle du catalogue, notamment à partir d’une liste de carrières potentiellement susceptibles de générer des ondes sismiques. Les évènements miniers ont été éliminés à partir de la connaissance des zones d’activités par les observatoires régionaux. Enfin, une analyse systématique de signaux par analyse La Lettre du Plan Séisme – 2e trimestre 2014 6 k www.planseisme.fr spectrale a permis d’identifier un nombre important d’explosions marines dans l’Atlantique et la Méditerranée. La qualité de la discrimination varie dans le temps et selon les régions en fonction des données disponibles, il est donc possible qu’il reste des évènements d’origine artificielle dans le catalogue BCSF-LDG version 2014. Avec de nouvelles magnitudes Mw, les localisations les plus précises et une discrimination permettant de nettoyer le catalogue des évènements sismiques d’origine artificielle, le catalogue BCSF-LDG issu du projet SI-Hex contient 38.027 séismes dont les épicentres sont localisés sur le territoire métropolitain et la zone économique exclusive en mer, chacun étant associé à une magnitude de moment Mw. Ce catalogue contribuera à faciliter les études et les recherches sur l’aléa et le risque sismique en France métropolitaine et pourra servir de base au calage des magnitudes des séismes historiques. Le catalogue ainsi que la carte associée a été mis en ligne en mars 2014 sur le site www.franceseisme.fr. Copropriété du CNRS et du CEA, la version 2014 du catalogue BCSF-LDG a impliqué la contribution des OSU suivants : EOST (Strasbourg), IUEM (Brest), OCA (Nice-Sophia Antipolis), OMP (Toulouse), OPGC (Clermont Ferrand), OSUG (Grenoble), et OSUNA (Nantes). Le projet SI-Hex a bénéficié du soutien financier de la direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE ; conventions MEDDE-CNRS-CEA n°2100474508 et MEDDE-CNRS n°0007147). La Lettre du Plan Séisme – 2e trimestre 2014 7 k www.planseisme.fr Dossier Séismes vus du ciel Qu’elles soient récoltées à bord d’un petit engin volant ou d’un satellite à des centaines de kilomètres de la surface du globe, les observations de la Terre depuis le ciel constituent une aide précieuse pour gérer les épisodes de crise sismique ou pour améliorer la connaissance des phénomènes qui en sont à l’origine. Observer les séismes depuis l’espace La Terre tremble. En quelques minutes, ce 12 janvier 2010, des milliers de bâtiments s’écroulent à Haïti. Pour dégager les survivants des décombres, il faut agir vite. Une vue d’ensemble est nécessaire pour savoir quelles sont les infrastructures endommagées, quelles routes sont praticables, où passer, quels sont les quartiers les plus durement touchés, où sont les points d’eau accessibles, etc. Les satellites qui scrutent la planète depuis l’espace sont appelés à la rescousse. Comme pour la plupart des séismes importants, la charte internationale « espace et catastrophes majeures » est actionnée. Créée en 1999 à l’initiative des agences spatiales européenne (ESA) et française (CNES), cette charte rassemble aujourd’hui 15 membres. Son objectif ? Fournir gratuitement aux organismes autorisés, comme la protection civile par exemple, des images satellites, lorsqu’une catastrophe d’origine naturelle ou humaine survient. Depuis son démarrage opérationnel en 2000, cette charte internationale a été activée à 407 reprises dont 46 pour des séismes. Si nécessaire, les agences spatiales peuvent être amenées à modifier la trajectoire de leurs satellites afin de faire pointer leurs yeux sur la zone concernée. Et en quelques heures à peine, des services de cartographie rapide sont mobilisés pour réaliser une série de cartes sur lesquelles pourront s’appuyer les services de secours. « Avant de recevoir les images liées à la crise, nous faisons des cartes de référence avec les informations basiques dont nous disposons grâce aux précédents passages des différents satellites », explique Claire Huber, ingénieure d’étude spécialisée en traitement d’images au SERTIT (SErvice Régional de Traitement d’Image et de Télédétection). Cela permet d’avoir un état zéro de la situation en termes d’infrastructures, de réseaux routier, ferré, hydrographique, etc., en particulier dans les zones reculées où il n’existe pas de cartes de type IGN mises à jour régulièrement. Le SERTIT est en effet en mesure d’exploiter les données issues de la vingtaine de satellites d’observation de la Terre des agences spatiales européennes, américaines ou japonaises notamment, et ce, quels que soient leur résolution ou le type de capteurs, radar, optique ou infrarouge disponibles. Une fois que les premières données post-séismes arrivent dans le service de cartographie rapide mobilisé, différents documents peuvent être produits, en concertation avec les La Lettre du Plan Séisme – 2e trimestre 2014 8 k www.planseisme.fr services autorisés. « On ne fait pas toujours les mêmes cartes, le choix des produits que nous réalisons est le fruit d’un échange avec les utilisateurs finaux », confirme Carlos Uribe, ingénieur d’étude spécialisé en traitement d’images au SERTIT. C’est cet organisme, installé à Strasbourg, qui a été mobilisé lors du tremblement de Terre haïtien de magnitude 7.1. « Le SERTIT intervient en priorité lorsque la demande de déclenchement de la charte provient de France, ou lorsque le CNES est désigné ‘project manager’ », rappelle Carlos Uribe. La mission de la charte prend fin lorsque la notion d’urgence n’est plus jugée pertinente. Alors, les images acquises par les satellites des différentes agences spatiales redeviennent payantes et sont à commander dans le cadre de projets bien spécifiques. Des drones de terrain Si elles permettent de se faire une bonne idée des zones impactées, les cartes issues d’images satellites ne sont cependant pas toujours suffisantes sur le terrain. Il est parfois nécessaire d’avoir des informations en temps réels pour affiner les opérations de sauvetage. C’est pourquoi, l’armée chinoise par exemple, utilise de petits engins volants munis de caméra. En France, l’association « pompiers de l’urgence internationale » (PUI) a mis au point son propre drone. « C’est un moyen complémentaire de localisation des victimes ensevelies et cela permet de guider les équipes », explique le colonel Philippe Besson, président de l’association. « Quand on est au pied d’un immeuble effondré, il n’est pas toujours évident d’imaginer comment était la structure au départ, poursuit le pompier, une vue aérienne peut nous aider. » En outre, un peu de recul permet de repérer les zones potentiellement dangereuses mais invisibles pour le personnel de secours progressant au sol, comme une crevasse profonde derrière un obstacle ou un mur menaçant de s’effondrer. L’engin de 50 centimètres de diamètre pour 2 kg environ, est équipé d’un système de communication radio, d’un GPS et d’une caméra de type «Gopro» placée sous son «ventre». Il est doté de six moteurs branchés sur batteries rechargeables lui garantissant une autonomie de 15 à 20 minutes. « Il nous faut moins d’une minute pour changer de batteries; nous disposons de nombreuses recharges, l’autonomie n’est donc pas une limite », précise Philippe Besson. Le drone est piloté par un opérateur depuis une sorte de petit écran : c’est le pupitre de commande. « On peut le relier à un second écran de sorte qu’un autre opérateur puisse être entièrement dédié à l’analyse des images », poursuit le colonel. Le pilotage de l’engin demande en effet une certaine concentration et a nécessité un apprentissage sur simulateur. A terme, ce drone pourra être équipé de divers capteurs comme un outil de détection de gaz par exemple. Disponible depuis septembre 2013, le drone mis au point avec l’aide d’un bénévole spécialiste du modélisme, n’a pas encore été La Lettre du Plan Séisme – 2e trimestre 2014 Drone conçu par l’association PUI pour la reconnaissance des zones sinistrées par les séismes (source : PUI) 9 k www.planseisme.fr employé en conditions réelles. L’espace au service de la Science Au-delà de l’aide à la gestion de crise, les données récoltées depuis le ciel et l’espace permettent de faire avancer la connaissance. Une image satellite peut être exploitée pour extraire la topographie d’une zone par exemple et permettre de construire des modèles numériques de terrain précis. Elle contribue ainsi à la réalisation de cartes d’aléas ou à l’étude de la vulnérabilité des bâtiments en repérant leur hauteur ou la distance qui les séparent. Et ce n’est pas tout. En observant la Terre depuis l’espace, les chercheurs tentent de comprendre les mécanismes à l’origine des mouvements du sol. A l’aide de méthodes de télédétection, les données optiques, infrarouges ou radars peuvent révéler la position de failles actives en profondeur en couplant ces observations avec de la modélisation numérique. Depuis la parution de l’article « The displacement field of the Landers earthquake mapped by radar interferometry » de Didier Massonnet et al., dans la célèbre revue à comité de lecture Nature en 1993, les méthodes de télédétection sont de plus en plus utilisées. C’est à l’issue du séisme de Landers aux Etats-Unis, survenu un an plus tôt, que les auteurs ont, pour la première fois, utilisé l’interférométrie radar pour mesurer un champ de déplacement et en construire une image. Cette technique, appelée inSAR (radar à synthèse d’ouverture interférométrique) consiste à calculer la différence de phase entre les signaux radars envoyés au sol par le capteur à bord du satellite, avant et après un tremblement de Terre. « Cette différence de phase est proportionnelle au déplacement du sol », explique Marcello de Michele, spécialiste en télédétection au BRGM. Déplacement généré par le séisme italien de l’Aquila du 6 avril 2009, mesuré par interférométrie radar, et identification de la faille responsable du séisme. (Source : BRGM, ENS) Une deuxième méthode dite de « corrélation d’images » utilise des données optiques comme celles qui sont acquises par les satellites SPOT. Là, c’est la différence de position entre un pixel avant et après le séisme, qui est mesurée. Cette technique, utilisée avec des images du satellite Landsat 8, a permis de mettre en évidence un décalage de plus de 10 mètres en surface, produit par le séisme de septembre 2013 au Pakistan (étude BRGM/IPGP en cours). Cette approche permet d’obtenir une cartographie fine et exhaustive sur toute la longueur d’une faille de plus de 100 km, et ainsi de mieux caractériser le comportement mécanique de la rupture. Pourquoi décider d’utiliser une méthode plutôt qu’une autre ? C’est souvent la disponibilité des données qui fait office de choix, car tous les satellites n’ont pas embarqué les mêmes La Lettre du Plan Séisme – 2e trimestre 2014 10 k www.planseisme.fr capteurs à leur bord. « Ces deux méthodes sont complémentaires, remarque cependant Marcello de Michele, et si l’on couple les deux on peut reconstituer un déplacement en 3D. » Ces techniques utilisant des données satellites sont particulièrement pertinentes lorsqu’une mission de terrain est difficilement envisageable, en particulier dans les zones de conflit ou dans celles où des reliques de guerres passées, comme des mines, sont encore présentes. C’est le cas notamment au Mozambique, où le séisme de février 2006 n’a pas fait de victimes mais présentait un intérêt scientifique car situé à l'extrémité sud du rift africain. Ces méthodes sont également utiles lorsqu’il n’y a pas d’instrumentation au sol de type GPS. A Haïti, les rares points GPS dans le secteur n’étaient pas suffisants pour obtenir une image exhaustive du sous-sol et comprendre le phénomène. Grâce à l’interférométrie radar, l’université de Purdue aux Etats-Unis a mis en évidence que la faille à l’origine du séisme avait affleuré en mer. Cette faille qui a rompu en 2010 n’était donc pas celle que l’on soupçonnait initialement. De la même manière, une collaboration entre l’École normale supérieure, le BRGM, l’Institut de physique du globe de Paris et le laboratoire grenoblois ISTerre a permis de mieux appréhender la tectonique de la zone vierge de toute instrumentation à proximité de la faille, où s’est produit le séisme de mai 2008 au Sichuan en Chine. « Nous avons observé qu’une partie de la rupture sismique s’est produite en profondeur », raconte Marcello de Michele. Dans tous les cas, c’est une meilleure compréhension des phénomènes qui est en jeu. L’Europe a bien pris conscience de l’utilité de ces méthodes, au point d’y consacrer un programme entier. L’ESA vient en effet de mettre en orbite le premier satellite de sa constellation Sentinelle, doté de deux capteurs radar à synthèse d’ouverture, dont l’un des objectifs est de surveiller les zones tectoniques actives. La Lettre du Plan Séisme – 2e trimestre 2014 11 k www.planseisme.fr Questions/Réponses : Producteur de la valeur ajoutée aux images 3 questions à Carlos Uribe et Claire Huber, ingénieurs d’étude spécialisés en traitement d’images satellites au SERTIT (SErvice Régional de Traitement d’Image et de Télédétection) Quel est le rôle du SERTIT ? Né il y a 26 ans à l’Université de Strasbourg, le SERTIT a pour vocation d’extraire et de mettre en forme de l’information à partir de données produites par les systèmes d’observation de la Terre. Le SERTIT est un producteur de la valeur ajoutée aux images. Concrètement, nous produisons à partir d’images satellites notamment, des cartes qui sont des outils d’aide à la décision. Et ce, que ce soit pour la gestion des ressources naturelles telles que l’eau ou le bois par exemple, ou en cas de crise lors de catastrophes naturelles ou industrielles, à travers le service de cartographie rapide. Comment fonctionne ce service de cartographie rapide ? C’est une organisation certifiée ISO 9001 qui permet de mobiliser l’équipe d’experts dans les plus brefs délais, 7 jours sur 7, toute l’année. Le SERTIT peut ainsi intervenir dans l’urgence et délivrer des premières cartes au plus tard 6 heures après réception des images. Depuis 12 ans que ce service existe, il y a eu 120 interventions et environ 1200 produits cartographiques réalisés. Ce service peut être mobilisé pour des événements partout dans le monde. En particulier, à chaque fois que la France envoie des renforts. C’est le cas par exemple, après le passage du cyclone Haiyan aux Philippines fin 2013, lors du tsunami de 2011 au Japon ou en 2010, lors du séisme d’Haïti. Concrètement, comment s’est déroulé cette intervention à Haïti ? Juste après que la charte internationale « espace et catastrophes majeures » a été déclenchée, nous avons réalisé un premier type de produit permettant d’estimer le pourcentage de dégâts par quartier à Port-au-Prince. Nous avons été très attentifs aux besoins de la sécurité civile. Nous avons par exemple réalisé une carte des points d’eau, qui peuvent être des piscines par exemple, afin que la sécurité civile puisse repérer les sources potentielles et les utiliser avec les systèmes de purification qu’elle transportait. Nous avons spontanément décidé de faire une carte des zones de rassemblement des personnes afin que la sécurité civile sache où aller. Nous avons aussi regardé les effets domino, comme les glissements de terrain ou les fuites d’hydrocarbures. En moyenne 10 personnes ont travaillé 10 jours d’affilée, 10 heures par jour et nous avons produit une quinzaine de cartes. Pour aller plus loin k k k k Site internet du SERTIT Les satellites SPOT du CNES, et pour les plus jeunes Les satellites Sentinelle et pour les plus jeunes Le résumé de l’article de Didier Massonet et al. La Lettre du Plan Séisme – 2e trimestre 2014 12