Manger les arbres

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"Sillon Romand, 30.04.1998 François Couplan"
Les arbres de nos forêts
peuvent se manger,
sans qu'il soit pour cela
nécessaire de posséder
des dents d'écureuil...
En voici la preuve :
Ce n'est pas à leur dure
écorce que nous allons
nous attaquer, mais au
délicat feuillage printanier
de quelques arbres. La salade nous sera fournie par le hêtre et par le tilleul. Leurs
toutes jeunes feuilles, encore translucides, sont tendres et délicieuses si on les cueille
avant qu'elles ne se développent. Leur saveur est tellement douce qu'elles peuvent
remplacer la classique laitue. Les feuilles du hêtre sont légèrement acidulées. Elles ne
sont tendres que peu de temps, puis elles prennent une consistance de plastique
caractéristique et sont trop dures pour être mangées. En Suisse romande, le hêtre
(terme d'origine germanique) est plus souvent nommé foyard, du nom latin de l'arbre,
Fagus, lui-même dérivé du grec phêgos qui signifie comestible.
Farine de tilleul
Les feuilles du tilleul sont
mucilagineuses et adoucissantes.
Leur infusion soulage les
inflammations intestinales et
combat les constipations. En
grandissant, elles durcissent mais
peuvent encore se consommer. Il
faut alors les faire sécher pour les
réduire en une poudre verte, que
l'on mélange à de la farine de blé pour faire des galettes et des gâteaux. Cette "farine
de tilleul" est très riche en protéines et en sels minéraux. Quant aux fleurs, leur infusion
aromatique, aux vertus sédatives, est bien connue car c'est l'une des rares tisanes à
être encore utilisées couramment de nos jours.Les fruits contiennent une huile grasse.
Le chimiste français Missa découvrit au XVIIIe siècle qu'en broyant et en malaxant les
fruits avec des fleurs de tilleul, on obtenait un produit dont l'arôme était très proche de
celui du chocolat. On tenta de commercialiser ce procédé en Prusse, mais le projet dut
être abandonné car ce "chocolat de tilleul" se conservait mal.
Attention à l'if
Pour agrémenter nos salades, nous aurons recours à trois
conifères. L'épicéa, souvent nommé à tort "sapin" ou
parfois "sapin rouge", possède un feuillage piquant
disposé tout autour du rameau comme un écouvillon, il est
planté un peu partout, en rangs serrés, mais n'est indigène
qu'en montagne, au-dessus de 1200 à1500 mètres. Le
véritable sapin, ou "sapin blanc", habituellement confondu
avec l'épicéa, a des feuilles étalées sur deux rangs dans
un seul plan. fi est natif dans les forêts de hêtre, mais on
l'en a fréquemment éliminé, sauf dans le Jura. Enfin, le
mélèze des montagnes possède un élégant feuillage qui
jaunit puis tombe en automne. Chez le sapin et l'épicéa, le
vert tendre des jeunes pousses printanières, fraîchement
écloses, tranche sur le manteau vert foncé de l'arbre. Leur saveur acidulée rappelle le
citron, qu'elles peuvent remplacer dans les salades. Leur agréable note aromatique est
appréciable dans bien d'autres plats. On en prépare aussi un sirop, délicieux et
rafraîchissant, contre les affections pulmonaires. Mais il n'y a pas besoin d'être malade
pour le déguster. Les tendres feuilles des conifères sont extrêmement riches en
vitamines C, tout comme le citron d'ailleurs. Mais évitez de les confondre avec celles
de l'if, qui, elles, sont mortelles. Les feuilles d'if sont étalées sur deux rangs, comme
celles du sapin mais elles sont aiguës (celles du sapin sont arrondies au sommet),
molles (celle du sapin sont souples) et d'un vert jaunâtre uni sur la face inférieure (chez
le sapin, elles sont décorées par-dessous de deux bandes blanchâtres). Le feuillage et
les graines de l'if renferment un alcaloïde extrêmement toxique. Sachez cependant que
la partie rouge du fruit, nommée "arille", est comestible. Elle est sucrée et
mucilagineuse, pas désagréable du tout à grapiller. Attention quand même: ne mâchez
pas la graine, prenez soin de la recracher.
Châtaignes et glands en purée
A propos de graines, celles de plusieurs arbres sont
comestibles, à commencer par le châtaignier. Les
châtaignes formaient depuis des temps reculés la base de
l'alimentation dans les montagnes siliceuses du sud de
l'Europe. Les châtaignes fraîches étaient bouillies, grillées,
cuites avec des légumes et parfois un peu de viande,
incorporées à des gâteaux ou réduites en purée. Séchées,
on les moulait en farine dont on préparait des bouillies. La
"pulenta" corse (à ne pas confondre avec la polenta de
maïs de l'Italie du Nord), au goût de chocolat est fameuse.
Les chênes sont peut-être les plus connus de nos arbres, même s'ils ont disparu en
grande partie du Plateau, où ils formaient jadis la base des forêts. Mais pourquoi les
glands qu'ils produisent en abondance ne sont-ils pas utilisés? C'est que leur amande,
riche en protéines et en amidon, renferme aussi beaucoup de tanin. Celui-ci lui donne
une saveur amère et astringente et les rend immangeables. Fort heureusement, le
tanin est soluble dans l'eau bouillante. Il suffit d'écorcer les glands, et de les faire
bouillir, hachés ou non, dans plusieurs eaux successives jusqu'à ce que tout le tanin ait
été éliminé. L'eau est alors claire (elle était précédemment d'un beau brun chocolat) et
toute l'amertume a disparu de l'amande. La purée obtenue, très nutritive, sert de base
à de délicieux pâtés végétaux ou à diverses tartes et gâteaux. Si la purée de glands
est encore astringente, l'adjonction de lait ou d'œufs l'adoucira, leurs protéines se
combinant au tanin des glands pour le neutraliser. il est intéressant de savoir que la
bouillie de glands représentait la nourriture principale des Indiens de Californie. D'autre
part, on retrouve en Europe des traces de la consommation régulière de glands dans
de nombreux sites préhistorique.
Graine de hêtre
Proche parent des chênes et du châtaignier, le hêtre, que
nous avons déjà rencontré, fournit lui aussi des graines
comestibles. Ses faines triangulaires, renfermées dans
une coque caractéristique couverte de poils ligneux,
étaient autrefois fort appréciées. Leur amande contient en
effet une huile comestible d'excellente qualité. L'huile de
faine se bonifie même en vieillissant, alors que la plupart
des huiles rancissent. S'il est un peu compliqué d'en
extraire l'huile, ne négligeons pas pour autant ces graines
à saveur douce. On déconseille cependant de manger en
trop grandes quantités les faines crues car il est arrivé que
leur consommation excessive provoque des maux de tête.
Le mieux est de les faire légèrement griller pour en rehausser l'arôme, puis de les
employer comme condiment dans les légumes ou les céréales, ou bien dans les
gâteaux et les desserts à la façon des amandes. Du printemps à l'automne, les bois
proposent aux gourmets curieux des menus méconnus.
Pâté de glands
Préparez les glands comme indiqué dans le texte pour obtenir une purée
dépourvue d'amertume.
Mélangez à cette purée un peu de beurre et d'huile d'olive, des olives hachées,
qulques oignons coupés fins, de l'ail écrasé et un peu de sel.Parfumez de baies
de genièvre écrasées.
Mettez le pâté dans un moule et faites cuire qulque temps à four moyen, au bain
marie. Ce pâté est meilleur froid. Il se conserve facilement plusieurs jours.
Hum...A tester !
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© Christian Aubert 1997-2000, dernière modification : le mercredi 15 mars 2000
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