seuil maximal d’émissions annuelles induites par les
projets qu’ils nancent : au-delà de ce seuil les projets
ne sont pas nancés. Cette méthode permet également
de comparer l’impact carbone de deux projets concur-
rents répondants au même besoin. Par exemple les
émissions évitées par un projet de tramway par rap-
port à un projet de bus à haut niveau de service dépen-
dront fortement de la zone géographique d’implanta-
tion, du nombre de passagers transportés et du lieu de
fabrication du matériel roulant.
L’évaluation de l’empreinte carbone se fait en cohé-
rence avec la norme internationale ISO14064, avec
les règles du bilan carbone de l’ADEME et du référen-
tiel GHG Protocol. Elle évalue les émissions de GES
directes et indirectes du projet. Dans le cas d’un projet
greeneld autoroutier, par exemple, la méthode prend
en compte les émissions de GES induites par : la
construction de l’infrastructure – émissions liées à la
fabrication du bitume et du ciment, et à la combustion
du carburant utilisé par les engins de chantier notam-
ment ; l’exploitation de l’infrastructure – émissions
liées à la maintenance et à la consommation d’électri-
cité pour l’éclairage et les auvents de péage ; et l’usage
de l’infrastructure – émissions liées à la combustion
de carburant par les véhicules lourds et légers utilisant
l’autoroute.
Les émissions évitées par le projet se calculent comme
la différence entre les émissions de GES induites par le
projet et les émissions qui auraient été générées dans
un scénario de référence, représentant le plus souvent
la situation avant projet. Un projet de centrale éolienne,
par exemple, remplace une situation avant projet ca-
ractérisée par le contenu carbone moyen de l’électricité
dans le pays d’implantation : il permet donc d’éviter
des émissions de GES. Un projet de transport en com-
mun remplace une situation de référence caractérisée
par le mix des moyens de transport auparavant utilisés
par les futurs usagers du projet.
En comparant le total des émissions annuelles in-
duites par un projet par rapport à un autre projet ou
par rapport à un seuil maximal d’émissions, et en ana-
lysant si telle infrastructure permet d’éviter des émis-
sions de GES qui auraient été émises si le projet n’avait
pas existé, les acteurs nanciers sont ainsi capables de
réorienter leurs nancements des actifs les plus carbo-
nés vers les actifs contribuant à une décarbonation de
l’économie. Ils limitent ainsi leurs risques nanciers
liés aux enjeux du changement climatique. ●
Stabilité nancière4, Mark Carney, a déclaré que son
mandat de superviseur doit maintenant intégrer la
demande d’informations sur le management de ce
risque à tous les acteurs nanciers.
INVESTIR DANS DES INFRASTRUCTURES
RÉSILIENTES FACE AUX ENJEUX
DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Une grande part des trillions de dollars à investir
dans la décarbonation de l’économie doit être orientée
notamment vers le financement d’infrastructures
énergétiques, de transport et d’urbanisme. Il faut donc
pouvoir les distinguer méthodiquement selon leur
impact en termes de réduction des émissions de GES
mondiales.
Cette mesure de « l’impact carbone » d’un projet
d’infrastructure permet de piloter l’allocation de son
portefeuille d’actifs et des ses nancements vers les
projets les moins à risque carbone et contribuant le
plus à la décarbonation de l’économie ; elle permet
aussi de rendre compte de l’empreinte carbone de son
portefeuille d’actifs infrastructures, et donc de son
risque carbone, à ses actionnaires et clients.
Si le premier objectif est couvert par les banques de
développement, grâce à la méthodologie décrite dans
le paragraphe suivant, le second objectif de reporting
de l’impact carbone d’un portefeuille d’actifs infras-
tructure est encore peu couvert.
COMPTER LE CARBONE INDUIT ET ÉVITÉ
PAR LES PROJETS D’INFRASTRUCTURES
Engagée de longue date dans la cause climatique et
confronté à cette question, l’Agence Française du
Développement (AFD) a mis au point une méthodolo-
gie pour mesurer systématiquement les émissions de
GES induites et évitées par les projets d’infrastructures.
L’AFD peut maintenant évaluer la part de ses nan-
cements induisant des co-bénéces climatiques, qui
s’élève actuellement à 50%. Elle a en outre, au sein
d’un club de banques de développement (l’IDFC), dont
elle tient la vice-présidence, co-animé un groupe de
travail conduisant à l’établissement d’une dénition
d’un actif « climat » (c’est-à-dire contribuant à la ré-
duction des émissions de GES) acceptée par l’ensemble
de ces banques. Dès lors elles peuvent s’engager sur
des objectifs de part croissante de projets positifs pour
le climat. C’est un levier clef pour la lutte contre le
changement climatique : les banques de développe-
ment, à commencer par les multilatérales, inuencent
largement les décisions des acteurs privés qui co-in-
vestissent à leur côté.
La méthode consiste à évaluer, dès le début du pro-
cessus d’instruction des financements potentiels,
l’empreinte carbone des projets sur toute leur durée
de vie, et les émissions de GES évitées par ces projets
sur leur durée de vie.
Les acteurs financiers se servent de cette mesure
pour accepter de participer au nancement d’un pro
-
jet d’infrastructure. Certains acteurs ont inclus un
1. Issu d’une année de travaux présidés par
l’économiste Nicholas Stern et l’ancien président du
Mexique Felipe Calderon, voir La nouvelle économie
climatique, Les Petits matins, 2015
2. Voir http://montrealpledge.org/
3. http://unep.org/pdc/
4. http://www.bankofengland.co.uk/publications/
Pages/speeches/2015/844.aspx
FINANCE & GESTION JANVIER 2016
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Comment la nance prend-elle en compte l’environnement ?
DOSSIER