La crise financière mondiale - ATTAC

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CYCLE DE FORMATION ATTAC
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LA CRISE FINANCIÈRE MONDIALE
Robert COBBAUT
Professeur émérite
Université de Louvain-la-Neuve
PLAN
• 1. MONNAIE ET FINANCE : UN SYSTÈME INTÉGRÉ
• 2. LA CRISE DES ‘SUBPRIMES’
• 3. LES DÉSORDRES DU CAPITALISME MONDIAL
1. MONNAIE ET FINANCE :
UN SYSTÈME INTÉGRÉ
LA MONNAIE EST DÉFINIE PAR SES FONCTIONS
• 1°) MÉDIUM DES ÉCHANGES
.
essentiel
(moyen de paiement)
• 2°) RÉSERVE DE VALEUR
• 3°) NUMÉRAIRE
essentiel
conventionnel
IL EXISTE UNE PLURALITÉ DE MONNAIES
Monnaie publique
- Émise par une autorité publique
(Banque Centrale)
- A « cours forcé »
•
CONTRAINTE DE CONVERTIBILITÉ
Monnaies privées
- Émises par les “intermédiaires financiers
monétaires” = banques de dépôt
LES FONCTIONS BANCAIRES 1
INDIVIDUELLEMENT :

ORGANISATIONS À BUT LUCRATIF EN COMPÉTITION
POUR VENDRE DES PRODUITS FINANCIERS

ORGANISATIONS HABILITÉES A “CRÉER” DE LA MONNAIE PAR LA DISPENSATION DE CRÉDIT
S’APPUYANT SUR LA
BANQUE CENTRALE

RÉGULATEUR DU SYSTEME BANCAIRE

POURVOYEUR DE LIQUIDITÉ COMME
PRÊTEUR EN DERNIER RESSORT
VISION COURANTE : LES DÉPÔTS FONT LES CRÉDITS
Actif
Passif
CRÉDITS
DÉPÔTS
MAIS
LES BANQUES PEUVENT PRÊTER PLUS QU’ELLES N’ONT DE DÉPÔTS
CRÉATION MONÉTAIRE
DANS CE CAS : LES CRÉDITS FONT LES DÉPÔTS
Actif
Passif
CRÉDIT A Z
cc de Z
Création « scripturale » de monnaie
POUR EFFECTUER DES PAIEMENTS
“Z” UTILISERA
 SOIT UNE MONNAIE PRIVÉE
 SOIT LA MONNAIE PUBLIQUE
CELA DÉPENDRA DU
DEGRÉ DE “BANCARISATION”
DE L’ÉCONOMIE
L’INFLATION
•
EST UN PHÉNOMÈNE ESSENTIELLEMENT MONÉTAIRE : PERTE DE
POUVOIR D’ACHAT DE L’UNITÉ MONÉTAIRE, QUI SE RÉPERCUTE
SUR TOUS LES RÉCEPTEURS DE REVENUS MONÉTAIRES
•
RÉSULTE DE CE QUE LE MONTANT DÉPENSÉ DU CRÉDIT - QUI
RESTE EN CICULATION - POUR ACCROÎTRE LA CAPACITÉ DE PRODUCTION DE BIENS ET DE SERVICES N’ENGENDRE PAS DANS TOUS
LES CAS UN “CASH FLOW” [(recette de vente) – (coût de production)]
SUFFISANT POUR REMBOURSER ET RÉMUNÉRER L’EMPRUNT. LA
FAILLITE DES ENTREPRISES INSOLVABLES N’EST PAS LA SEULE
CONSÉQUENCE DE CET ÉTAT DE FAIT.
•
DU POUVOIR D’ACHAT DEVENU EXCÉDENTAIRE PAR RAPPORT AU
VOLUME DE TRANSACTIONS ANTICIPÉ DEMEURE EN CIRCULATION,
CE QUI ENTRAÎNE UNE PERTE DE POUVOIR D’ACHAT DE TOUS LES
REVENUS MONÉTAIRES: IL Y A BIEN “SOCIALISATION DES PERTES”
LES FONCTIONS BANCAIRES 2
“COLLECTIVEMENT”
(CELA INCLUT LA BANQUE CENTRALE)
LES BANQUES EXERCENT UNE MISSION
DE SERVICE PUBLIC:
LE SERVICE DE PAIEMENT
(ASSURER LA CONTINUITÉ DE LA CHAÎNE DES PAIEMENTS)
DONT ELLES RETIRENT INDIVIDUELLEMENT UNE INFORMATION PRIVILÉGIÉE
SUR LEURS CLIENTS (CONNAISSANCE DU “MOUVEMENT DE FONDS”)
ÉVITER LA RUPTURE DE LA CHAÎNE DES PAIEMENTS EST VITAL :
LES BANQUES IMPORTANTES SONT “T.B.T.F.”
LES AUTRES ÉTANT LE PLUS SOUVENT “T.S.T.S.”
LA POLITIQUE MONÉTAIRE
DEUX THÉORIES ALTERNATIVES
MONNAIE « EXOGÈNE »
“CURRENCY PRINCIPLE”
MONNAIE « ENDOGÈNE »
“BANKING PRINCIPLE”
ÉCONOMIE DE MARCHÉS PURS
&
NEUTRALITÉ DE LA MONNAIE
( le « voile des échanges »)
ÉCONOMIE DE PAIEMENTS
SOUS
CONTRAINTE MONÉTAIRE
(position minimum d’un compte = zéro)
RÉSERVE DE VALEUR
(composant de la fortune des agents)
MÉDIUM DES ÉCHANGES
(cycle création-destruction)
EXOGÈNE
LA BANQUE CENTRALE CRÉE LA
BASE MONÉTAIRE
QUI SE VOIT APPLIQUER UN
MULTIPLICATEUR (*)
ENDOGÈNE
« ANTÉVALIDATION »
PAR LE CRÉDIT
THÉORIE
QUANTITATIVE (*)
QUALITATIVE (ANTICIPATIONS)
RÉGULATION
« EX ANTE »
« EX POST »
(contrainte de CONVERTIBILITÉ)
TYPE
D’ÉCONOMIE
FONCTION
PRINCIPALE
DE LA
MONNAIE
OFFRE
DE
MONNAIE
THÉORIE QUANTITATIVE DE LA MONNAIE
• M x V = P x T
• M = stock de monnaie de base : variable exogène dépendant
exclusivement des décisions de l’autorité monétaire (Bq Centr.)
• V = vitesse de circulation de M : variable comportementale
caractérisée par une haute inertie ( ≈ constante )
• P = niveau général des prix
• T = transactions (en volume physique standardisé) : variable
exogène supposée déterminée uniquement par des facteurs
d’économie réelle
• SI CES HYPOTHÈSES SONT STRICTEMENT VÉRIFIÉES,
• LE SENS DE LA CAUSALITÉ EST :
M  P (interprétation)
2. LA CRISE DU CRÉDIT
DITE “ CRISE DES SUBPRIMES”
LES ORIGINES LOINTAINES DE LA CRISE
•
Depuis la fin des années 90, la croissance américaine était ‘boostée’ par les
dépenses de consommation, elles-mêmes ‘boostées’ par la politique monétaire de la Fed (‘Federal Reserve’, banque centrale des Etats-Unis), dont le
taux directeur – c’est-à-dire celui qui permet aux banques de se refinancer
– était maintenu à un niveau très bas. Ainsi, au moment de la mini-récession de 2001, ce taux a été abaissé à 1%, niveau hyper-bas auquel il a été
maintenu pendant près de trois ans.
•
Malgré cette politique fortement incitative au recours au crédit pour l’achat
de biens de consommation durables (voitures, équipements électro-ménagers et audio-visuels, etc.), la croissance de ces dépenses s’est fortement
ralentie. En effet, pour des raisons juridiques et techniques, ce type de crédit ne peut être garanti par un droit de suite sur les objets achetés, car il
s’agit de biens meubles. La décision d’octroi de crédit doit donc être basée
exclusivement sur une évaluation de la solvabilité du débiteur. L’état de
surendettement chronique d’une proportion très élevée des ménages américains était donc un frein à la croissance de ce type de produits financiers.
Il s’agissait par conséquent pour les institutions financières, aiguillonnées
par les exigences de rentabilité sur fonds propres de leur actionnariat, d’adopter un autre angle d’attaque.
•
LES ORIGINES PROCHAINES DE LA CRISE
• Surfant sur la vague de hausse des prix de l’immobilier résidentiel,
dont certains commençaient pourtant à se demander s’il ne s’agissait pas d’une « bulle spéculative », des institutions financières décidèrent de se retourner sur le crédit hypothécaire qui permet que la
valeur de marché du bien financé constitue la garantie essentielle
du risque de crédit – en ciblant les ‘subprimes’ avec beaucoup d’
agressivité commerciale, notamment en accordant des franchises
de paiement pouvant aller jusqu’à 2 ans (mais les intérêts composés
courent).
•
Certes, ces professionnels n’ignoraient pas qu’un taux de sinistre
trop élevé porterait atteinte à tout le moins à leur liquidité, sinon
même à leur solvabilité. Mais, comme c’est le cas dans tous les
mouvements à caractère spéculatif, la plupart d’entre eux surestimaient lourdement le caractère durable de la vague de hausse des
prix, ainsi d’ailleurs que leur propre capacité de « sauter à temps du
train en marche ».
LA CIBLE : LES “SUBPRIMES”
• SUR LE MARCHÉ HYPOTHÉCAIRE DES USA :
• PRIME : contrat de prêt hypothécaire à un débiteur dont la
•
•
•
probabilité de défaut de paiement est très faible et
qui peut par conséquent bénéficier du taux d’intérêt le plus favorable (“prime rate” ou premier taux)
• SUBPRIME : contrat de prêt hypothécaire à un débiteur de
•
•
•
moindre solvabilité. Comme il présente un risque
de défaut plus élevé, il paiera un taux d’intérêt =
prime rate + risk premium (prime de risque)
LE MARCHÉ HYPOTHÉCAIRE AUX USA
•
FONDÉES SUR L’HYPOTHÈSE DE “MARCHÉS EFFICIENTS” (1) ET SUR
LES CROYANCES DANS LA DURABILITÉ DES MOUVEMENTS DE
HAUSSE DES PRIX, LES DÉCISIONS DE CRÉDIT AU LOGEMENT SONT
PRISES SUR LA BASE DE LA VALEUR DE MARCHÉ DU GAGE HYPOTHÉCAIRE, SANS PRISE EN CONSIDÉRATION DE LA SOLVABILITÉ DU
DÉBITEUR
•
CE TYPE DE “CULTURE FINANCIÈRE” A INDUIT CHEZ LES MÉNAGES
AMÉRICAINS DES PRATIQUES DE “GESTION ACTIVE” DE LEUR ENDETTEMENT :
•
- EMPRUNT INITIAL ÉGAL AU COÛT TOTAL DE L’ACHAT OU DE LA
CONSTRUCTION, VOIRE DAVANTAGE
•
- PRATIQUE DU “CASH OUT” : APRÈS UNE HAUSSE SUFFISANTE DE
L’INDICE DES PRIX, CONCLUSION D’UN NOUVEL EMPRUNT D’UN
MONTANT SUPÉRIEUR AU PRÉCÉDENT; L’EXCÉDENT DE CASH OBTENU PERMETTANT D’EFFECTUER DES ACHATS AU COMPTANT OU
D’EFFACER UN SOLDE SUR CARTE DE CRÉDIT (ENDETTEMENT INVISIBLE)
L’HYPOTHÈSE (indûment transformée en thèse)
DE MARCHÉS ‘EFFICIENTS’ 1
• Un marché financier est dit ‘efficient’ lorsque
les prix pratiqués pour les actifs financiers
sont une estimation non biaisée de la “vraie”
valeur économique des actifs réels sous-jacents
• Sur des tels marchés, toute information nouvelle est répercutée rapidement et adéquatement dans les prix.
L’HYPOTHÈSE (indûment transformée en thèse)
DE MARCHÉS ‘EFFICIENTS’ 2
•
C’EST SUR LA BASE D’UNE TELLE CROYANCE :
• - 1°) que s’est fait jour la ‘doctrine’ de la ‘valeur actionnariale’
qui fait au dirigeants le devoir imprescriptible de maximiser la
‘shareholder value added’ (SVA) (*), valeur ajoutée au profit des
actionnaires, considérés comme les propriétaires de la firme
•
(*) souvent appelée plus « pudiquement » Economic Value Added (EVA)
• - 2°) qu’a été mis en place un régime d’auto-régulation : règles de conduite édictées par les seuls professionnels et
sanctionnées uniquement par le marché
• - 3°) qu’ont été élaborés des modèles de gestion du risque de
crédit fondés exclusivement sur la valeur du gage ou du ‘collatéral’ et ne tenant plus aucun compte d’une estimation de
la solvabilité du débiteur des revenus
•
• - 4°) que de nombreuses banques s’estiment en droit d’affirmer
a posteriori qu’elles ont en l’occurrence fait tout ce qu’elles
pouvaient et devaient faire (déni de responsabilité)
LE PROCÉDÉ TECHNIQUE : LA “TITRISATION” 1
• Les dispensateurs initiaux du crédit hypothécaire étaient
bien décidés à ne pas porter eux-mêmes la majeure partie du risque de crédit. Ils eurent pour cela recours à la
technique dite de
•
“TITRISATION”
• dont le mécanisme essentiel consiste à mettre un ensemble de crédits dans un ‘pool’ qui est ‘déchargé’
(offloaded) dans un ‘véhicule spécial d’investissement’
(Special Investment Vehicle) ou ‘conduit’ (conduct).
•
On notera que ce ‘passage’ (pass through) entraîne une
modification de la nature juridique de la créance : seul le
droit aux revenus du ‘pool’ est transféré au « conduit »,
les titulaires du droit de suite hypothécaire étant toujours
les créanciers initiaux.
LE PROCÉDÉ TECHNIQUE : LA “TITRISATION” 2
• L’actif du bilan du « conduit », qui est une entité juridique distincte du créancier initial, même s’il en est une filiale à 100%,
consiste dans le droit au revenu du ‘pool’, que le ‘conduit’ doit
acheter au créancier initial. Quant au passif de ce même bilan,
il comporte, d’une part, les fonds propres de cette entité – toujours très faibles – et, d’autre part, une très importante dette
ordinaire [1] « titrisée » par le moyen d’un CDO (‘collateralized
[2] debt obligation’ ).
•
•
[1] C’est-à-dire non assortie d’une garantie formelle, bien que le caractère
hypothécaire du contrat initial accroisse la probabilité que le créancier primaire rentre dans ses fonds.
[2] Ce terme juridique anglo-saxon signifie que les revenus engendrés par
le ‘pool’ (les paiements des débiteurs hypothécaires), quel qu’en soit en fait
le montant, sont affectés au service (paiement des intérêts et remboursement) de la dette (‘debt obligation’) ainsi créée. C’est donc abusivement que
la plupart des commentateurs de presse le traduisent par l’expression
« titres garantis par des créances ». L’expression anglaise est quant à elle
plus exacte (‘mortgage backed securities’). À côté des risques financiers, il
existe donc un « risque de traduction ».
LE PROCÉDÉ TECHNIQUE : LA “TITRISATION” 3
• Cette dette est donc divisée en un grand nombre de
titres qui sont vendus à des investisseurs institutionnels
(fonds communs de placement, fonds de pension, compagnies d’assurance, …).
• Quand les crédits ‘titrisés’ sont de « bons risques », cette
pratique n’a rien de critiquable en soi ; au contraire, elle
contribue à donner au marché plus de profondeur, de
liquidité et de flexibilité.
• Elle présente cependant dans tous les cas l’inconvénient
de permettre aux créanciers initiaux d’ évacuer « hors
bilan » une part de leurs crédits (souvent d’ailleurs les
plus risqués) et de se soustraire ainsi indûment à l’obligation « prudentielle » de couvrir partiellement ceux-ci
en fonds propres, conformément aux règles internationales édictées par le « Comité de Bâle ».
LA “NOTATION” (RATING) DES DETTES
• LES DETTES COTÉES OU QUI FONT L’OBJET DE TRANSACTIONS DE ‘GRÉ À GRÉ’ (Over The Counter) ORGANISÉES PAR
DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES DOIVENT FAIRE L’OBJET
D’UNE
• ‘NOTATION’ (Rating), C’EST-À-DIRE D’UNE ÉVALUATION DE LA
QUALITÉ DU DÉBITEUR ÉTABLIE PAR UNE FIRME SPÉCIALISÉE (Agence de notation – Rating Agency)
•
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•
SUPPOSÉE INDÉPENDANTE
IL Y A EN GÉNÉRAL 9 NIVEAUX DE NOTATION :
AAA
AA
A
BBB
BB
B
CCC
CC
C
L’ “ABUS DANS L’EXAGÉRATION” : LE “TRANCHING”
•
•
•
LE BILAN-TYPE D’UN “CONDUIT” :
Actif
Passif
P
arterre 1 : A A A  LIBOR + 25 bp
POOL : B B B  LIBOR + 200 bp
P
arterre 2 : A A  LIBOR + 50 bp
Mezzanine 1
Mezzanine 2
: B B  LIBOR + 250 bp
: C C  LIBOR + 300 bp
Fonds propres : zéro dividende
•
•
•
•
Les tranches les plus risquées sont SUBORDONNÉES aux tranches
moins risquées
LIBOR = London Interbank Offering Rate
= ‘prime rate’ de référence du marché interbancaire
1 bp
= 1 ‘basis point’ = 1 ‘point de base’ = 1/100 de %
• Les tranches supérieures ont priorité sur les tranches de moindre
rang et sont donc moins risquées que celles-ci. Elles obtiennent
ainsi une meilleure « notation » (‘rating’) et, par conséquent un taux
d’intérêt plus bas.
• L’hypothèse de travail implicite est que les prix de l’immobilier continueront à monter et que, par conséquent, l’exécution des gages
hypothécaires, même en vente forcée, permettra de récupérer la
quasi-totalité des dettes impayées et que le taux de sinistres plus
important des ‘subprimes’ n’affectera jamais que les tranches inférieures.
• Les tranches supérieures, elles, pourront par conséquent être
rémunérées à un taux à peine supérieur au taux de base, de telle
sorte que le « conduit » réalisera année après année un ‘spread’,
différence positive entre ce que lui rapporte le ‘pool’ de créances et
le montant total qu’il doit servir à ses obligataires.
• Dans le compte de résultats consolidé du groupe, ce ‘spread’
viendra s’ajouter au profit réalisé par l’entité en charge du crédit
hypothécaire proprement dit.
L’EFFONDREMENT DU CHÂTEAU DE CARTES
• LE SUCCÈS DE CE SCÉNARIO “AGRESSIF” ÉTAIT SUBORDONNÉ À DEUX CONDITIONS LIÉES :
• - 1°) LA POURSUITE INDÉFINIE DE LA HAUSSE DES PRIX DE
L’IMMOBILIER RÉSIDENTIEL
• - 2°) LA PERSISTANCE D’UN DIFFÉRENTIEL DE RISQUE IM-
PORTANT ENTRE LES DIFFÉRENTES TRANCHES DES ‘CDO’,
DE TELLE SORTE QUE LE TAUX DE SINISTRES DES ‘SUBPRIMES’, BIEN QUE PLUS IMPORTANT, N’EN AFFECTE JAMAIS QUE LES TRANCHES INFÉRIEURES
OR,
• La tendance haussière du marché immobilier résidentiel américain s’est inversée au cours du 3ème trimestre de 2007. À fin
janvier 2008, la chute de l’indice était de l’ordre de 20% et la
majorité des spécialistes considèrent aujourd’hui que ce niveau est encore significativement trop élevé. C’est, bien entendu, ce retournement qui fut le signal déclencheur de la crise.
• Quand l’indice des prix se met à chuter, le taux de défaillances s’accroît de manière plus que proportionnelle car les débiteurs primaires sont pris en tenaille par la dévalorisation de
leur gage et le hausse des charges de leurs contrats à taux variable, de telle sorte que le degré de risque des ‘CDO’ tend à
devenir homogène. Nombre de tranches supérieures, surtout
quand elles sont très ‘épaisses’, sont ou seront, dans un futur
plus ou moins proche(1), affectées plus ou moins sérieusement.
•
(1) Le 1er paiement sur les derniers contrats conclus mi-2007 avec une franchise de paiement de 2 ans ne devra avoir lieu que mi-2009.
LE CARACTÈRE “SYSTÉMIQUE” DU RISQUE 1
• LES CONDITIONS DE POSSIBILITÉ DE LA
•
DISSÉMINATION DU RISQUE
•
1°) CONDITION STRUCTURELLE : la sphère financière est la seule à être
vraiment ‘globalisée’, c’est-à-dire non seulement ‘mondialisée’ mais aussi
homogénéisée dans ses produits, ses modes d’évaluation et ses procédures
•
2°) CONDITION TECHNIQUE : la titrisation
•
3°) CONDITION ORGANISATIONNELLE : l’‘industrie’ de la gestion d ’actifs est maintenant composée d’une chaîne d’intermédiaires ‘ensembliers’
spécialisés chacun dans un ‘style’ de gestion, si bien que la majorité des
produits proposés aux investisseurs sont, dans le cas le plus simple ,
des ‘fonds de fonds’ et bien souvent des compositions en cascade. Il est
dans ce cas pratiquement impossible d’estimer le risque de portefeuilles
mixant divers ‘CDO’ (*) avec d’autres produits financiers complexes.
•
(*) Eux-mêmes régis par des contrats complexes dont il peut d’ailleurs s’avérer impossible de se procurer le texte, car ce sont des contrats privés.
LE CARACTÈRE “SYSTÉMIQUE” DU RISQUE 2
•
•
À CET EFFET DE COMPOSITION S’AJOUTE UN
EFFET DE CONTAGION
• La liquidité, et peut-être même la solvabilité de nombreuses banques étant incertaine, toutes les banques hésitent à utiliser leurs
liquidités temporairement excédentaires à effectuer des prêts, même à très court terme, aux autres banques. Il y a donc une crise
systémique induite du marché interbancaire (‘credit crunch’) qui
rend indispensable, pour éviter ce qui pourrait devenir une paralysie totale du système financier, les interventions de substitution de la
Banque Centrale des USA (Federal Reserve ou Fed) et de la
Banque Centrale Européenne (BCE). Les tentatives de sauvetage
des banques en défaut de paiement seront, comme à chaque fois,
financées par un prélèvement sur les ressources collectives.
LES PISTES DE SOLUTION
• Hypothèse de travail :
•
persistance d’un système « multi-devises »
• Quatre changements essentiels :
• - Un prêteur international en dernier ressort disposant de ressources suffisantes
• - Un droit des faillites unifié à l’échelle mondiale
• - Une autorité budgétaire capable de socialiser les pertes
• - Un ensemble cohérent d’entités de réglementation et de supervision, considérant notamment la notation comme un bien
public et empêchant une titrisation sans garde-fous
3. LES DÉSORDRES DU CAPITALISME MONDIAL
« Le fait de régler le problème de la crise du crédit
ne résoudra pas la crise économique mondiale »
Tommaso PADOA SCHIOPPA
Ministre italien des Affaires Étrangères
Éminent spécialiste d’économie financière
Au Financial Times le 14 avril 2008
3.1. LES ASPECTS MACRO-ÉCONOMIQUES
• 3.1.1. À propos des marchés financiers, il y a lieu de distinguer
• CYCLE MONÉTAIRE (jusqu’en 1999) :
•
Haut degré d’utilisation des capacités productives, de telle sorte que
les hausses de coût des facteurs sont répercutées dans le prix (expression de la valeur sociale relative) des biens et services
• CYCLE RÉEL (jusqu’en 1999) :
•
Capacités de production excédentaires dans de nombreux secteurs :
l’âpreté de la concurrence y empêche les firmes de répercuter dans
les prix des biens et services la hausse du coût des facteurs, et même
à réduire leurs marges plus que proportionnellement. La rentabilité
des actifs financiers, en particulier des actions, devient beaucoup
plus difficile à garantir.
•
•
•
•
Exceptions
- prix spéculatifs : matières premières (pétrole, minerais, céréales …)
- effets massifs de substitution : biens alimentaires – biocarburants
- produits de luxe : quand l’inégalité de revenus s’accroît …
3.1.2. LES INTERACTIONS DE LA FINANCE ET DE
L’ÉCONOMIE RÉELLE
•
Les banques centrales (BC) considèrent que leur mission ne comprend pas la régulation des prix des actifs financiers qui est du ressort
exclusif des marchés financiers (ils sont ‘efficients’ !). La plupart, dont
la BCE, se bornent à (tenter de) juguler l’inflation
•
En régime monétaire, la baisse de l’inflation n’a pas d’effet majeur autre que psychologique, la diminution de l’aversion vis-à-vis du risque,
dont la rémanence est toutefois élevée
•
En cycle réel, les BC vont demeurer passives devant une dynamique
d’emballement du crédit privé liée à une accumulation d’actifs financiers tant que celle-ci n’a pas d’effets sur les prix des biens et des
services non financiers, au lieu d’adapter d’emblée une conduite proactive visant à contrer ce phénomène.
•
Quand la confiance dans la valeur des engagements financiers va jusqu’à provoquer un ‘credit crunch’, cette situation, jointe aux déséquilibres structurels qu’on va évoquer, engendre un mouvement déflatoire (récession) qui, joint aux facteurs inflatoires évoqués plus haut, est
de nature à provoquer la ‘stagflation’, c’est-à-dire la coexistence de la
stagnation (croissance nulle ou très faible) et de l’inflation.
3.2. L’ABSENCE DE COORDINATION DES POLITIQUES
ÉCONOMIQUES ET SOCIALES :
L’INCOMPATIBILITÉ DES RÉGIMES DE CROISSANCE
• LE TRAIT MAJEUR :
• « … la globalisation financière a détruit l’État keynésien. Le néo-libéralisme dont elle est issue a inversé
la hiérarchie entre le marché et le politique. (…)
Cette inversion des valeurs sert surtout de justification aux États néo-libéraux pour mener des politiques de privatisation de la protection sociale au
nom d’un universalisme qui nie la spécificité des
modèles sociaux.
•
•
•
Michel AGLIETTA et Laurent BERREBI
“Désordres dans le capitalisme mondial”
Paris, O. Jacob, 2007, p. 399
3.2.1. LES ÉTATS UNIS
•
Hyper-réactivité aux marchés
•
Politique monétaire proactive
mais limitée à l’interne
•
Avènement d’une société
inégalitaire posée en modèle
universel
•
Blocage de la mobilité sociale
•
Flexibilité, un peu de flexicurité
Endettement (extérieur) public
et privé très important et à risque croissant ( chute du $)
Une seule chose est certaine :
cette faculté d’endettement
n’est pas illimitée
•
Insuffisance de l’épargne
•
“Twin deficits” :
•
•
•
•
- budget de l’État
- dépenses militaires
- dégrèvements fiscaux
•
•
- balance commerciale
3.2.2. L’UNION EUROPÉENNE :
3.2.2.1. LES DÉFICIENCES POLITIQUES
• La structure politique : l’UE n’est pas un État fédéral, mais un
“marché commun”, ce qui entraîne de multiples défauts de coopération
• Hétérogénéité des modèles sociaux et donc des politiques sociales
• Insuffisance sinon absence de coordination des politiques économiques et budgétaires. La Banque Centrale Européenne, déjà fortement limitée par l’étroitesse de sa mission (régulation de
l’inflation) ne possède aucun repère clair pour la définition de
sa politique monétaire
• Absence d’un socle minimal d’harmonisation fiscale :
distorsions de concurrence et dévaluations déguisées (TVA)
3.2.2.2. UNE “CROISSANCE MOLLE”
3.3. LES PAYS ÉMERGENTS D’ASIE : LA CHINE
•
FORTE CROISSANCE MAIS EXTRAVERTIE (‘boostée’ par un sousévaluation volontaire du change par raport au $) : des réformes
structurelles coordonnées visent à détourner progressivement les
produits vers une demande intérieure elle aussi restructurée (*) afin
de devenir à moyen terme le moteur de la croissance
•
LE “PARAVENT CHINOIS” : après couverture des besoins énergétiques et alimentaires, il demeure un important surplus net d’épargne
que les USA ‘importent’ sous la forme de capitaux qui s’investissent
pour partie en titres financiers liquides et sont pour l’autre partie
transformés en exportations d’investissements directs en Chine (°), ce
qui laisse un déficit courant de la balance des paiements.
•
(*) L’excès de main d’œuvre rurale à mobiliser vers l’industrie et les services urbains est
estimé à quelque 200 millions de travailleurs
•
(°) Les créances de la Chine aux USA sont un ‘collatéral’ de l’investissement direct des
entreprises américaines qui opèrent à des transferts de technologie
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