Pourquoi l’enfance
Se confronter au monde de l’enfance n’est pas nouveau pour moi, bien que jusqu’à ce jour je n’aie jamais
monté de spectacle spécifiquement pour un âge ou un autre, même si certains ont été largement ouverts
au jeune public ; par exemple L’ O d y s s é e, la nuit d’après Homère, dans un autre registre, à l’opéra : La
Cenerentola de Rossini et Les Amours de Bastien et Bastienne de Mozart.
Et que ce soit avec Shakespeare, Molière, Novarina, Claudel, Rabelais, Homère (pour ne citer qu’eux), dans
tous mes travaux, l’enfance est au cœur de mes investigations.
C’est de là que se nourrit mon imaginaire, de là que mon désir très fort de faire du théâtre a pris racine, de
cet endroit d’où les émotions les plus violentes émergent. Et quand le jeu et la fantaisie s’en mêlent, des
champs de perceptions et de questionnements, qu’on croyait perdus pour toujours, s’ouvrent devant nous.
On refait le monde, avec une joie indéfectible, malgré l’inquiétude qui nous taraude… On vainc la mort, les
monstres et tout ce qui nous terrorise dans le noir.
Dans mon enfance, j’ai été nourrie de contes, d’histoires de pirates interminables que mon grand-père
me racontait, et inventait jour après jour. Et il me semble que je les ai vécues en vrai, ces aventures
extraordinaires.
Il y a dans ces récits, dans ces « il était une fois », des territoires immenses, des trésors à déterrer, avec des
violences inouïes qui vous surprennent là où on ne les attendait pas, et qui éveillent des secrets endormis.
Et personne n’ignore à quel point les contes, dans toute leur splendeur et leur cruauté, aident les enfants à
passer le gué, à s’aventurer dans la forêt profonde, à vaincre leurs peurs, à exercer leur propre violence…
et sans doute à grandir. Et au fond, la morale des « grands » est plus d’une fois mise en doute, et en tout
cas, si elle apparaît à la fin ce n’est pas ce qui importe le plus. L’essentiel c’est le chemin à parcourir.
Le théâtre est là pour que même devenus adultes, ils soient encore tout nourris de ce qui les a si fort animés
dans leurs désirs, leurs souhaits les plus inavouables, qu’ils affrontent la réalité, tout pleins de la force et du
désir qui les entraînaient au pays des ogres et des fées, malgré la peur énorme qui les assaillait.
Alors me mettant à l’œuvre c’est à tous que je m’adresse : aux enfants, aux parents, aux grands-parents, à
tous ceux qui voudraient retrouver cette intensité de vie éprouvée dans nos jeunes années.
J’y apporterai tout le soin qu’un tel projet réclame.
Je sais que ces nouvelles investigations sur les traces de La Belle et la Bête, par l’excitation que déjà elles
font naître en moi, me réservent des merveilles à explorer ; et pour le moment, j’y vais sur la pointe des
pieds, une lanterne à la main…