Une approche par les moteurs du développement Avril 2014 Plan Introduction Partie 1 : Les moteurs du développement du territoire Partie 2 : Dynamique économique du territoire Partie 3 : Le niveau de développement social du territoire Conclusion 2 Pourquoi recourir à l’analyse par les moteurs du développement ? 3 Pourquoi recourir à l’analyse par les moteurs du développement ? Rappels conceptuels Depuis une quinzaine d'années, les travaux développés par le chercheur Laurent Davezies ont permis de démontrer que les mécanismes du développement territorial répondaient à des logiques radicalement différentes de celles du développement macroéconomique. Alors qu’à l’échelle des nations, la variable clef du développement demeure le PIB, c'est-à-dire la création de richesses, au niveau local, c’est le revenu qui demeure la pierre angulaire. La relation croissance du PIB - croissance de l’emploi - réduction du chômage et de la pauvreté qui s’opère assez mécaniquement à l’échelle des nations (phénomène cependant de moins en moins évident et de plus en plus contesté par certains économistes) n’est pas nécessairement opératoire à des échelles géographiques plus fines. Il est fréquent d'observer des territoires bénéficiant d’une forte croissance de leur PIB et de l'emploi pâtir d’une détérioration manifeste de leur niveau de cohésion sociale (tel était le cas par exemple de la Communauté d'Agglomération du Pays Châtelleraudais dans la Vienne au début des années 2000). En d'autres termes, au niveau territorial, et pour reprendre le titre d'une étude réalisée par le chercheur sur le cas francilien, croissance ne signifie pas nécessairement développement. Effectivement, le niveau de développement d’un territoire dépend en réalité bien plus de sa capacité à capter de la richesse (revenu) qu’à seulement en produire (PIB). Or les modalités de captation du revenu ne se limitent pas à la seule exportation de biens et de services par son système productif compétitif. Mais aussi à de puissants mécanismes redistributifs, tant publics que privés, n’ayant aucun lien avec sa capacité productive. Laurent Davezies a classé ces mécanismes en trois composantes : l’économie résidentielle, l'économie publique et les transferts sociaux. En substance, un territoire se développe donc en deux temps. Dans un premier temps, en fonction de sa capacité à capter des revenus à l'extérieur de ses "frontières". Puis, dans un second temps, en fonction de son aptitude à redistribuer ces revenus sous la forme de dépenses de consommation courante dans son économie locale pour stimuler ce que Laurent Davezies qualifie de secteur d'activité domestique, l’Insee l’économie présentielle et la région Rhône Alpes, l’économie de proximité ; terminologie que nous privilégierons dans la suite de ce document. 4 Les moteurs du développement : éléments de définition Davezies, identifie donc quatre grands types de revenus « importés », qu’il qualifie de revenus basiques, en référence à la Théorie de la Base qui lui a servi de point d’appui pour conceptualiser son approche : Les revenus basiques productifs ou Base productive exportatrice ; Les revenus basiques publics ou Base publique; Les revenus basiques résidentiels ou Base résidentielle ; Les revenus basiques sociaux ou Base sociale. La Base productive exportatrice : composante mondialisée des économies locales Les revenus basiques productifs se composent des salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux et agricoles des actifs qui travaillent dans des secteurs d'activité "exportateurs", c'est-à-dire qui ont pour vocation de produire des biens et des services vendus à l'extérieur du territoire. Le choix de localisation des entreprises de ces secteurs d’activité est généralement guidé par la nécessité d'améliorer, dans une logique d'optimisation de l'offre, leur capacité de production. La qualité de la main d'œuvre, le coût du foncier et de l'immobilier, la pression fiscale, la densité du tissu industriel local constituent à ce titre des variables à forte influence. Elles exposent plus lourdement les territoires aux risques de délocalisation que les entreprises de du secteur domestique. La Base productive constitue en quelque sorte la dimension compétitive des économies locales et demeure la composante la plus soumise aux aléas économiques conjoncturels et aux mouvements de restructuration. Il est fondamental d'avoir à l'esprit que la Base productive conditionne l'existence même des trois autres Bases : sans croissance et création de valeur ajoutée, c'est effectivement tout l'équilibre du système national de redistribution inter-territoriale de richesses qui serait mis en péril. Les Base publique : un amortisseur de choc économique Les revenus basiques publics se composent des salaires des actifs résidant sur le territoire et travaillant dans la fonction publique d'État, Territoriale et Hospitalière. Assez peu sensible aux aléas économiques, la Base publique constitue un véritable amortisseur de choc pour les territoires en temps de crise. Il se pourrait que ce rôle se réduise dans les années à venir en raison de la volonté affichée par nos gouvernants de réduire le poids de la dette publique et d’assainir les comptes publics. Les activités publiques se localisent en règle générale plutôt en fonction de la densité de population. 5 Les moteurs du développement : éléments de définition La Base résidentielle : moteur majeur des économies locales Les revenus basiques résidentiels se composent des pensions de retraite, des dépenses touristiques marchandes et non marchandes (liées à la présence de résidents secondaires), des revenus des capitaux mobiliers et fonciers liés à la présence de leurs titulaires sur le territoire et des revenus dont bénéficient les actifs qui résident sur le territoire mais travaillent ailleurs (appelés revenus "dortoirs"). Le niveau et la dynamique de la Base résidentielle dépendent très largement des aménités des territoires (qualité du cadre de vie, ensoleillement, proximité de la mer ou de la montagne…). Au même titre que la Base publique, la Base résidentielle dépend de puissants mécanismes de redistribution inter-territoriaux. Pour les pensions de retraite, il s'agit d'un double mécanisme redistributifs à la fois intergénérationnel (conforme à notre système de répartition : les actifs actuels paient pour les "anciens") et géographique (par exemple, un actif ayant travaillé toute sa vie à Lille et qui s'installe pour sa retraite dans le sud de la France). Pour les revenus "dortoirs", il s'agit d'un mécanisme de transfert géographique lié aux migrations domicile-travail quotidiennes des actifs résidant qui travaillent en dehors du territoire. La Base sociale : un vecteur implicite de réduction des disparités spatiales Les revenus basiques sociaux (hors pensions de retraite qui sont intégrées dans la Base résidentielle) se composent des prestations sociales (ou transferts sociaux). Sont comptabilisés dans notre approche les transferts versés en espèces et en nature à des individus ou à des familles. Ces transferts ont pour vocation de réduire la charge financière que représente la protection contre divers risques. Outre la vieillesse et la survie (intégrée dans la Base résidentielle), elles sont associées à cinq grandes catégories de risques : la santé (prise en charge totale ou partielle de frais liés à la maladie, à l'invalidité, aux accidents du travail et aux maladies professionnelles) ; la maternité-famille (prestations liées à la maternité, allocations familiales, aides pour la garde d'enfants) ; la perte d'emploi (indemnisation du chômage) et les difficultés d'insertion ou de réinsertion professionnelle ; les difficultés de logement (aides au logement) ; la pauvreté et l'exclusion sociale (minimas sociaux : revenu minimum d'insertion -RMI, minimum vieillesse, etc.). Les transferts sociaux assurent une fonction explicite de réduction des inégalités sociales et implicite de réduction des disparités territoriales. En général, mais sans que cela soit strictement mécanique, plus leur part est élevée dans l'ensemble des revenus basiques, plus les problèmes sociaux rencontrés sur les territoires sont aiguës. 6 L’économie de proximité : éléments de définition L’économie de proximité : un gisement d’emplois considérable pour les territoires Les secteurs d’activité de l’économie de proximité se composent, par opposition à ceux de la Base productive exportatrice, de secteurs d'activité assez peu concurrentiels et peu exposés aux aléas conjoncturels (on l'appelle aussi à cet effet le secteur abrité). Tournés exclusivement vers la satisfaction des besoins des populations présentes, ces secteurs d'activité se localisent sur les territoires largement plus pour vendre que pour produire. Leur niveau de développement dépend préférentiellement de la propension à consommer localement des populations résidentes (actives et inactives) et des populations ponctuelles (touristes et résidents secondaires), que l'on peut regrouper sous le terme générique de population présente. L’économie de proximité présente de multiples avantages. Moins concentrée géographiquement que les secteurs d’activité concurrentiels et exportateurs de la Base productive exportatrice, ses secteurs d’activité se localisent plutôt en fonction de la densité présentielle et se répartissent de manière plus homogène sur le territoire national. Peu soumises aux risques de délocalisation, elles exposent moins les territoires à des chocs brutaux de réduction d'emplois. De surcroît, les compétences requises par les secteurs de l'économie de proximité couvrent un très large spectre de qualifications (allant du boulanger au médecin en passant par le chauffeur de taxi, l'artisan couvreur ou le pâtissier…). Ils demeurent ainsi beaucoup plus ouverts aux populations peu et pas qualifiées que les secteurs d'activité de la Base productive exportatrice. Les secteurs de proximité concentrent un volume d'emplois particulièrement significatif pour les territoires : 54 % des emplois en moyenne contre 46 % pour les secteurs d'activité concurrentiels de la Base productive (source Insee - Clap 2006). L’économie de proximité ne présente évidemment pas que des vertus. Sans doute plus que les secteurs d’activité concurrentiels, les secteurs d'activité qui la composent ont tendance à offrir des emplois à faibles niveaux de rémunération et/ou à statut précaire (temps partiel, CDD, emploi saisonnier). Si son dynamisme peut avoir une influence tout à fait positive sur le niveau de chômage des territoires, il peut également avoir un effet assez néfaste sur celui de la qualité de l'emploi. 7 Raccourci conceptuel La prolifération sémantique qui a succédé aux travaux de Laurent Davezies a généré et génère encore de nombreuses confusions qui peuvent avoir une incidence directe dans la compréhension des phénomènes et indirecte sur les choix opérationnels de l’acteur public. Il est pour ce motif impératif de revenir sur quelques définitions et d’avoir l’esprit bien au clair sur ces questions. Éclaircissement sémantique Économie résidentielle : • Définition : l’économie résidentielle est une économie de flux qui se compose de différents types de revenu qui viennent de l’extérieur (pensions de retraite, dépenses touristiques, revenus fonciers et « revenus dortoir », cf. supra) • Ressort : le développement de l’économie résidentielle dépend principalement du niveau d’aménité des territoires (ensoleillement, qualité environnementale, cadre de vie…) Économie domestique (Davezies) = Économie/Sphère présentielle (Insee) = Économie de proximité (Rhône Alpes) : • Définition : ces trois notions regroupent strictement la même chose, à savoir les secteurs d’activité dont le développement ne dépend que de la consommation locale (par opposition aux secteurs d’activité de la Base productive exportatrice) • Ressort : la propension à consommer localement des population présentes, en d’autres termes, la propension à redistribuer dans l’économie locale les différents types de revenus captés Ce qu’il faut absolument intégrer => Un territoire se développe en deux temps : • Temps 1 : en fonction de sa capacité à capter de la richesse en provenance de l’extérieur • Temps 2 : en fonction de sa capacité à redistribuer la richesse captée dans les circuits économiques locaux (économie de proximité) Ce qu’il ne faut ABSOLUMENT pas croire : • L’économie résidentielle et l’économie de proximité sont des notions qui renvoient à la même chose • Seule l’économie résidentielle stimule l’économie de proximité. Effectivement, même les transferts sociaux, comme par exemple des indemnités chômage, lorsqu’ils sont dépensés sur un territoire par leur titulaire pour acheter le pain ou le journal, contribuent à alimenter l’économie de proximité 8 Représentation simplifiée d’un système socio-économique local Consommation Source : D’après L. Davezies – CNAM 9 Pour une identification de son modèle de développement 10 La structure des moteurs du développement du territoire Un territoire marqué par une sur-représentation très nette de ses revenus productifs exportateurs… … et par une forte sousreprésentation de ses revenus publics, résidentiels et dans une moindre mesure sociaux La sous-représentation des revenus résidentiels est liée à un important déficit en revenus « dortoirs » symptomatique de la forte intégration socioéconomique du Grand Lyon Un modèle de développement de type « productif » 11 Le fonctionnement du système de consommation du territoire La problématique de la consommation, pourtant abondamment traitée à l'échelle macro-économique (tant par les experts que par les politiques publiques) et surtout fondamentale pour notre développement, est totalement mise de côté à l'échelon territorial. Aucune statistique n'existe sur le sujet au niveau des territoires. Pour cette raison, nous sommes contraints d’élaborer nous-mêmes les indicateurs nécessaires à son traitement et à son analyse. Nous avons élaborés trois indicateurs : le potentiel de captation : cet indicateur permet d'appréhender le degré d'attractivité d'un territoire à travers sa capacité à capter de la richesse à l'extérieur de son périmètre. Il est calculé en rapportant le volume total de revenus captés (revenus basiques) à la population résidante. Plus l'indicateur est important, plus cela signifie que le potentiel de captation est élevé. l'effet multiplicateur : cet indicateur permet d'appréhender le degré de redistribution des revenus captés à l'extérieur d'un territoire dans son économie locale ; autrement dit la propension à consommer localement. Il est calculé en rapportant le volume total de revenus captés à l'extérieur (revenus basiques) au nombre d'emplois de l'économie de proximité. Exprimé en euros, l'effet multiplicateur peut se lire comme le volume de revenus basiques nécessaire pour la création d'un emploi de proximité supplémentaire. Attention : contrairement au potentiel de captation, plus le montant exprimé par l'effet multiplicateur est important, plus cela signifie qu'il est faible et inversement. le taux de couverture en emplois de proximité : cet indicateur permet de mesurer la densité en emplois de proximité sur un territoire donné. Il est calculé en rapportant le nombre d'emplois de proximité à la population résidante. Du fait de leur robustesse partielle, ces indicateurs ne doivent pas être interprétés isolement mais toujours dans le cadre d'une double mise en perspective avec une moyenne de référence et les uns aux autres. Ce n'est qu'en procédant de la sorte que leur analyse peut permettre d'appréhender les effets de la consommation en matière d’emploi sur les territoires. 12 Le fonctionnement du système de consommation du territoire Un territoire qui se caractérise par un potentiel de captation de richesses légèrement supérieur à la moyenne des CU françaises … … et une bonne propension à redistribuer la richesse captée dans l’économie locale (cf. l’effet multiplicateur) Combinaison qui se traduit par une densité en emplois de proximité supérieure à la moyenne des CU françaises (cf. le taux de couverture) Un système de consommation qui fonctionne de manière plutôt efficace grâce à un bon potentiel de captation de richesses et un bon effet multiplicateur 13 Analyse de la structure de spécialisation du tissu productif 14 Mise en perspective de la dynamique de l’emploi salarié privé durant la « grande récession » Un territoire qui pâtit d’une légère diminution de l’emploi salarié privé sur l’ensemble de la période en raison d’une forte exposition aux chocs économiques de 2008-2009 et dans une moindre mesure de 2011-2012 et ce en dépit d’une forte capacité de rebond en 2009-2010 et 2010-2011 Le tissu productif doit ses performances de créations d’emplois salariés privés mitigées à une orientation sectorielle clairement défavorable dont les effets négatifs ont été atténués par son dynamisme propre 15 La structure de spécialisation économique du territoire Un territoire qui présente une orientation économique assez diversifiée, c’est à dire à la fois dans des secteurs industriels (Production et distribution d’eau…, Industrie manufacturière) et de services à haute valeur ajoutée (Information et communication) On notera que le poids relatif du secteur Commerce, réparation… apparaît conforme à ce qui s’observe en moyenne au niveau national On relèvera cependant la très nette sous-représentation des secteurs des services à haute valeur ajoutée Activités financières et d’assurance et plutôt tournée vers la satisfaction des ménages tels que Hébergement et restauration, Arts, spectacles et activités récréatives ainsi que Santé humaine et action sociale L’orientation économique du territoire, marquée par une forte spécialisation dans les secteurs de l’industrie et de production à caractère hautement concurrentiel, contribue à fortement exposer le territoire et son système productif aux retournements de conjoncture, ce en dépit de sa relative diversification 16 Dynamique de l’emploi par grands secteurs d’activité 12 secteurs d’activité ont enregistré une diminution de leurs effectifs salariés entre 2008 et 2012, dont 7 à des rythmes supérieurs à ceux observés en moyenne au niveau national. On notera la violence des chocs subis par les secteurs Industrie manufacturière et Activités de services et de soutien (activités d’externalisation) depuis 2008 : ils ont perdu respectivement – 5 113 et – 1 003 emplois salariés privés A contrario, 9 secteurs d’activité ont enregistré une progression de leurs effectifs salariés durant la période. Parmi ces secteurs, 8 ont enregistré des performances de création d’emplois supérieures aux tendances nationales (nous ne tenons pas compte ici du secteur Agriculture, sylviculture… dont le volume demeure tout à fait marginal compte tenu du champ observé : l’emploi salarié privé). On relèvera parmi les progressions d’emplois les plus importantes celles des secteurs Santé humaine et action sociale, Hébergement et restauration et Activités spécialisées, scientifiques et techniques qui ont créé respectivement 1 647 et 1 807 emplois salariés privés 17 Dynamique de l’emploi par sphère : un tissu productif en mutation Le tissu productif du territoire présente une singularité tout à fait contre intuitive : alors qu’en 1975, la part des emplois de la sphère présentielle dans l’ensemble de l’emploi demeurait supérieure aux moyennes de comparaison, elle est devenue, malgré une sensible augmentation, inférieure à celles-ci en 2010 Cette transformation relative (c’est-àdire au regard des moyennes) du tissu productif local est liée à une progression modérée des emplois de la sphère présentielle entre 1975 et 2010 combinée à une certaine stabilité de l’économie non présentielle dans des contextes, il faut le souligner, clairement défavorables. La mutation du tissu productif lyonnais – matérialisée par le poids croissant de l’économie présentielle - semble ainsi s’être opérée bien plus en raison de la stabilité de l’économie non présentielle sur longue période qu’en raison d’une dynamique spécifique de la consommation 18 Dynamique des emplois de « proximité » : une approche « segmentée » de la sphère présentielle La lecture de la structure de spécialisation du tissu productif que nous donne la grille de lecture proposée par l’Insee à partir du découpage en sphères présentielle et non présentielle recèle un certain nombre de biais. Effectivement, il existe tout une gamme de secteurs d’activité dont le marché peut potentiellement être local et extérieur au territoire. C’est ce que nous appelons les secteurs « mixtes » (cf. en annexe la liste des secteurs d’activité classés comme mixte). Or il est intéressant de travailler sur les secteurs mixtes à double titre : d’une part leur identification implique mécaniquement une diminution de la sphère présentielle (au sens de l’Insee) et d’autre part, elle nous permet d’identifier les potentialités de montée en gamme des tissus productifs locaux (c’est-à-dire des secteurs d’activité dont le marché pourrait s’étendre du local vers l’extérieur) L’application de cette nouvelle grille de lecture nous permet d’observer que le poids des secteurs d’activité « mixtes » apparaît sensiblement supérieur à ce que l’on peut observer en moyenne aux niveaux régional et national. Les emplois de la sphère non présentielle « pure » apparaissent également légèrement sur-représentés, contrairement à ceux de la sphère non présentielle « pure ». Le poids de ces trois catégories d’emplois nous donne deux indications intéressantes. D’une part, sur le caractère « hybride » du tissu productif du Grand Lyon, que met clairement en lumière le poids des emplois « mixtes », et qui suggère que son système productif dispose d’un fort potentiel de « montée en gamme » sur un certain nombre de secteurs d’activité. D’autre part, sur le caractère résolument concurrentiel et fortement exposé aux aléas conjoncturels du tissu productif. 19 Dynamique des emplois de « proximité » : une décomposition en trois fonctions Si l’économie de proximité reste une économie largement centrée sur des activités de service, un certain nombre de ses secteurs d’activité n’en demeurent pas moins spécialisés dans des activités de production et des activités que nous avons appelé « service de production » (par exemple les activités de réparation qui sont au départ des activités de service mais nécessitent un acte de production). La décomposition des secteurs de proximité en trois fonctions nous permet d’observer que la part des secteurs de proximité de production du territoire demeure sensiblement inférieure aux moyennes régionale et de province contrairement aux emplois présentiels de service. On notera que les secteurs d’activité présentiels de production ont plutôt très bien résisté entre 2008 et 2012 dans un contexte régional lui aussi plutôt résilient (+ 1,4 %) et national clairement à la baisse (- 2,5 %). Les secteurs présentiels de prestation de service ont quant à eux enregistré une progression assez rapide 20 Le dynamisme des secteurs d’activité de l’économie de proximité : le palmarès des secteurs les plus dynamiques et les plus en difficulté 21 Une approche synthétique 22 Les effets du modèle de développement sur la qualité de l’emploi La part des actifs occupés du territoire qui occupent un emploi à temps partiel demeure conforme à la moyenne de province et sensiblement inférieure à la moyenne régionale La proportion d’actifs en contrat « précaire » sur le territoire demeure en revanche légèrement supérieure aux moyennes de comparaison ce malgré une part d’actifs en CDD plutôt conforme aux moyennes Un territoire affecté par une précarisation des conditions salariales liée à la sur-représentation de certains types de contrat plutôt instables (intérim et emploi en apprentissage ou stage) 23 Analyse synthétique du fonctionnement du marché du travail local Un taux de chômage qui dépasse la moyenne de province en 2010 et qui demeure structurellement supérieur au taux observé dans la région La diminution du taux de chômage entre 1999 et 2010 est exclusivement liée à un rythme de croissance de la population active supérieur à celui des chômeurs Un territoire marqué par un taux de chômage structurellement supérieur à la moyenne régionale et supérieure à la moyenne de province depuis 2010 24 Analyse synthétique du fonctionnement du marché du travail local La progression du nombre de demandeurs d’emploi (DEFM) du territoire entre 2001 et 2010 est très nettement supérieure aux moyennes de comparaison (+ 21,9 % contre + 16 % en région Rhône Alpes et 8,5 % en province) Ce en raison de leur augmentation très rapide entre 2001-2005 et en dépit de leur intense diminution entre 2005-2007 et de leur progression plutôt inférieure aux moyennes depuis la dernière crise économique 25 Un territoire marqué par un niveau de revenu sensiblement supérieure aux moyennes de comparaison 26 Un territoire marqué par une structure sociale très inégalitaire et une forte intensité de la pauvreté Le revenu médian du territoire demeure sensiblement supérieur à la moyenne de province et même régionale Le revenu des 10 % les plus pauvres demeure en revanche sensiblement inférieur aux moyennes, ce qui suggère que la pauvreté demeure plus intense sur le territoire qu’en moyenne en province (i.e. que les « pauvres » demeurent plus pauvres qu’en moyenne) A contrario, le revenu des catégories les plus aisées (du 6ème décile au 9ème décile) demeure sensiblement supérieur aux moyennes L’indice de Gini est révélateur d’un niveau d’inégalités de revenu élevé et largement supérieur aux moyennes régionale et de province. Inégalités de revenu tirées vers le haut ici en raison à la fois du niveau de revenu des plus riches et du niveau de pauvreté des plus pauvres Un profil social typiquement métropolitain marqué par la coprésence de populations extrêmement riches et de populations extrêmement pauvres 27 28 Un modèle de développement hyper-concurrentiel à forte portée inégalitaire Le modèle de développement de la CU du Grand Lyon présente un profil de type « productif » assez caractéristique des grandes métropoles françaises. Effectivement, le poids des revenus productifs exportateurs dans l’ensemble des revenus captés par le territoire apparaît comme sensiblement supérieur à la moyenne des CU françaises, ce qui en fait clairement une des principales locomotives productives du pays. Son orientation très productive altère même le poids de ses revenus publics, en règle générale assez nettement sur-représentés parmi les moteurs du développement des grandes agglomérations françaises en raison de leur fonction de pôle administratif. Les transferts sociaux et plus encore l’économie résidentielle, en raison de la faiblesse des revenus « dortoirs » et en dépit d’une légère sur-représentation des pensions de retraite et des dépenses touristiques, apparaissent aussi sous-représentés localement. Le système de consommation du territoire se caractérise par un mode de fonctionnement relativement optimal marqué par un potentiel de captation de richesses supérieur à la moyenne des CU françaises - symptomatique de la forte attractivité du territoire – et un fort effet multiplicateur qui génère une densité en emplois de proximité supérieure à la moyenne des CU. L’agglomération lyonnaise apparaît bien à cet égard comme un véritable pôle de consommation à l’échelle de la région. La CU du Grand Lyon a semble-t-il plutôt bien résisté à la dernière récession économique. Entre 2008 et 2012, ses pertes d’emplois salariés se sont élevées à « seulement » - 0,2 % dans un contexte régional il est vrai en stagnation et en revanche largement défavorable au niveau national (- 1,5 %). Cette relativement bonne résistance du tissu productif local, malgré la violence de la crise, est le produit du dynamisme spécifique des entreprises locales, ce malgré une orientation sectorielle plutôt défavorable (le système productif local demeure plutôt spécialisé dans des secteurs d’activité qui enregistrent des pertes d’emplois au niveau national). L’analyse sur le temps long de la structure du tissu productif local suggère que celle-ci a connu une évolution significative depuis 1975. En effet, alors qu’à cette date, l’économie présentielle apparaissait déjà majoritaire dans le tissu productif de l’agglomération (contrairement à ce que l’on pouvait observer en moyenne à l’échelle régionale et de province) et sur-représentée au regard des moyennes, son poids a certes progressé en 2010 mais leur demeure cette fois-ci inférieur. Ce en raison d’une progression modérée des emplois de la sphère présentielle au regard des tendances observées sur la période combinée à une très légère progression des emplois de la sphère non présentielle (dans des contextes tant régional que national très défavorables). Cette combinaison suggère que, au regard des tendances générales qui s’observent à l’échelle de la région et de la province, les forces productives concurrentielles qui structurent le tissu productif local sont largement montée en puissance entre 1975 et 2010 sans pour autant que la fonction de pôle de consommation de l’agglomération ne soit réellement altérée. 29 Une analyse plus fine de la structure économique du territoire illustre relativement bien le relatif état d’équilibre dans lequel se trouve le tissu productif de la CU du Grand Lyon. Le poids tout à fait significatif de ce que nous appelons les secteurs d’activité « mixtes » (secteurs d’activité dont le marché peut potentiellement être local et extérieur au territoire) est effectivement assez symptomatique de la fonction duale assumée par le Grand Lyon : celle de locomotive productive et de pôle de consommation. Ce qui constitue un avantage décisif dans l’hypothèse ou l’un de ces puissants vecteurs de développement viendrait à subir un ralentissement. Le fonctionnent socio-économique général de la CU du Grand Lyon, synthétisé par son modèle de développement, est générateur d’une précarité relativement élevée et d’un fonctionnement de son marché du travail plutôt défaillant. Effectivement, si la proportion d’actifs occupés en contrat à temps partiel demeure conforme à la moyenne de province, celle des actifs en contrat instable apparaît en revanche sensiblement supérieure aux moyennes. Enfin, le taux de chômage demeure lui aussi sensiblement supérieure à ces moyennes en 2010 en dépit d’une légère diminution depuis 1999. Diminution il faut le préciser liée au seul facteur démographique : c’est la forte progression de la population active qui a permis d’atténuer les effets de l’augmentation du nombre de chômeurs sur la période. La progression de la demande d’emploi durant les années 2000 est le fruit notamment de sa très forte progression durant les premières années de ralentissement économique de la décennie (2001-2005) et durant la dernière récession (2008-2010), ce en dépit d’une diminution plus intense qu’en moyennes lors de la reprise des années 2005-2007. Au final, ces modalités de fonctionnement génèrent un niveau de cohésion sociale que l’on pourrait qualifier d’ambiguë et de typiquement métropolitain. Si le niveau de revenu médian de la population locale demeure certes très élevé ainsi que celui des catégories sociales les plus aisées, les catégories les plus pauvres, particulièrement le 1er décile (les 10 % les plus pauvres), présentent un niveau de revenu excessivement faible. Telle est la grande singularité des territoires métropolitains : présenter toutes les caractéristiques du territoire « riche » mais pourtant affecté par la présence de populations extrêmement pauvres. D’où une structure sociale profondément inégalitaire marquée à la fois par une très forte intensité de la pauvreté (le niveau de pauvreté des plus pauvres) et l’extrême richesse des plus riches. Le modèle de développement métropolitain de la CU de Lyon apparaît certes très fortement générateur de richesses (tant en termes de création de valeur que de revenu) mais aussi de fragmentations. Sujet abondamment traité par la littérature et les diverses analyses du fait métropolitain. A la lecture de ces quelques chiffres, deux questions fondamentales semblent donc se poser pour le Grand Lyon. La première est une équation à résoudre très complexe en ces temps de mondialisation : comment maintenir le niveau de performance du tissu productif d’une des agglomérations les plus compétitives du pays et qui joue un rôle décisif dans la croissance de notre nation ? Cette problématique constitue historiquement une des préoccupations centrales des acteurs du territoire. 30 La seconde est tout aussi complexe : comment réduire les effets négatifs des forces de fragmentions sous-jacentes au processus de métropolisation et inhérentes au modèle de développement hyper-productif de l’agglomération ? Bien qu’il n’y ait évidemment pas de réponse toute faite à ce type de problème, la dynamisation de l’économie de proximité à l’échelle du territoire pourrait constituer un levier tout à fait efficace pour contribuer à atteindre un tel objectif. Ce pour au moins 3 raisons. D’une part, les métiers de l’économie de proximité restent plus ouverts que ceux des secteurs concurrentiels aux populations à faible niveau de qualification. D’autre part, ils peuvent se déployer de manière relativement homogène à l’intérieur de l’agglomération et favoriser ainsi un rapprochement entre offre et demande d’emploi. Enfin, et dans une optique qui dépasse la seule question de la cohésion sociale, l’économie de proximité apparaît comme une économie « support » de l’économie concurrentielle qui peut favoriser non seulement l’amélioration du cadre de vie de ses actifs – et rendre par effet indirect plus attractif le territoire sur les populations à haut niveau de qualification dont elle a besoin – et assumer un certain nombre d’actes de service et de production externalisés par cette dernière afin de la rendre plus compétitive. En d’autres termes, la dynamisation de l’économie de proximité s’inscrit dans trois registres à la fois : celui de la cohésion sociale, de l’attractivité du territoire et même celui de la compétitivité du tissu productif. Deux axes stratégiques fondamentaux se dessinent ainsi à la lecture des enjeux soulevés par ce diagnostic du point de vue de l’économie de proximité : favoriser l’essor de l’économie de proximité sur l’ensemble du territoire de l’agglomération de façon à stimuler les créations d’emplois dans des secteurs d’activité plus ouverts aux populations les moins qualifiées encourager la « montée en gamme » de certains secteurs d’activité de l’économie de proximité afin d’asseoir leur rôle de fonction support des segments mondialisés et concurrentiels du système productif lyonnais 31 32 Annexe I Les secteurs des sphères présentielle et non présentielle reclassés comme « mixtes » 33 Liste des secteurs d’activité « mixtes » 34 Liste des secteurs d’activité « mixtes » (suite) 35 Liste des secteurs d’activité « mixtes » (suite) 36 Liste des secteurs d’activité « mixtes » (fin) 37 Annexe II Les secteurs de l’économie de proximité décomposés par fonction 38 Liste des secteurs présentiels de production 39 Liste des secteurs d’activité présentiels de service 40 Liste des secteurs d’activité présentiels de service (suite) 41 Liste des secteurs d’activité présentiels de service (suite) 42 Liste des secteurs d’activité présentiels de service de production 43 Annexe III Concepts sur les revenus fiscaux par unité de consommation 44 Le revenu fiscal correspond à la somme des ressources déclarées par les contribuables sur la déclaration des revenus, avant tout abattement. Il ne correspond pas au revenu disponible. Le revenu fiscal comprend ainsi les revenus d'activité salariée et indépendante, les pensions d'invalidité et les retraites (hors minimum vieillesse), les pensions alimentaires reçues (déduction faite des pensions versées), certains revenus du patrimoine ainsi que les revenus sociaux imposables : indemnités de maladie et de chômage (hors RMI). Le niveau d’observation du revenu fiscal que nous avons retenu est l’unité de consommation (plutôt que le ménage ou la personne). L’unité de consommation est un système de pondération attribuant un coefficient à chaque membre du ménage et permettant de comparer les niveaux de vie de ménages de tailles ou de compositions différentes. Avec cette pondération, le nombre de personnes est ramené à un nombre d'unités de consommation (UC). La médiane est la valeur qui partage une distribution en deux parties égales. Ainsi, pour une distribution de revenus, la médiane est le revenu au-dessous duquel se situent 50 % des revenus. C'est de manière équivalente le revenu au-dessus duquel se situent 50 % des revenus. La médiane constitue un indicateur plus fiable que la moyenne. Le premier décile est le revenu au-dessus duquel se situent 90 % des revenus. Le 1er décile concentre ainsi les 10 % des ménages (exprimés en unités de consommation) les plus pauvres. Le neuvième décile est le revenu au-dessous duquel se situent 90 % des revenus. Le 9ème décile concentre ainsi les 10 % des ménages (exprimés en unités de consommation) les plus riches. Le niveau d’inégalités sociales, c’est-à-dire entre habitants, est appréhendé à partir d’un indice de Gini. L’indice de Gini est un indice d’inégalités appliqué dans le cas présent au revenu fiscal par unité de consommation (cf. supra). L’indice de Gini varie entre 0 et 1. Il est égal à 0 dans une situation d'égalité parfaite où tous les revenus seraient égaux. A l'autre extrême, il est égal à 1 dans la situation la plus inégalitaire possible, celle où tous les revenus sauf un seraient nuls. Entre 0 et 1, l'inégalité est d'autant plus forte que l'indice de Gini est élevé. Une baisse de l'indice de Gini observée entre deux dates indique une diminution globale des inégalités. A l'inverse, une élévation de l'indice reflète une augmentation globale des inégalités. . 45 Olivier Portier – OPC Péniche Joeta – 26 Quai Georges Gorse 92 100 Boulogne Billancourt Mob : 06 63 19 06 79 Mail : [email protected] 46