Histoire des États germaniques II : D’un empire à l’autre Deuxième cours : Les terres germaniques et la Révolution française (1790-1815) Deuxième cours : 1 — Culture germanique au XVIIIe siècle 2 — Réactions et attitudes devant les événements français 3 — Les premières guerres 4 — Napoléon et les terres germaniques 5 — La participation germanique à la libération de l’Europe 6 — Les traités de Paris et le Congrès de Vienne 1 — Culture germanique au XVIIIe siècle 1.1 — L’Aufklarüng • La Révolution française est née idéologiquement de l’approche rationnelle portée par Voltaire, Montesquieu, Diderot et Rousseau et autres • Toute l’Europe est traversée au XVIIIe siècle par la remise en question des dogmes religieux au profit d’une approche logique basée sur l’observation • Dans les territoires germaniques, l’Aufklarüng partage de nombreuses caractéristiques avec les courants semblables, mais la situation particulière du monde germanique lui donne aussi ses spécificités. • Ici , le renouveau philosophique s’inscrit ici plus souvent à l’intérieur du christianisme qu’en opposition à celui-ci • Il privilégie en outre la logique et la métaphysique, peut-être parce que le courant est initié par des professeurs et des pasteurs. • Le théologien Christian Thomasius (1655-1728), considéré comme le père du mouvement en Allemagne,, se fit le défenseur de la tolérance religieuse et de la liberté de pensée. • Christian Wolff (1679-1754) poursuit la démarche et construit un système philosophique logique dans lequel l’ontologie joue un rôle fondamental, posant les bases de la discipline philosophique maitresse allemande. • Jusqu’en 1740, thomasisme et wolffisme dominent la philosophie, mais l’arrivée sur le trône de Prusse de Frédéric II renouvela l’esprit de l’Aufklärung en l’élargissant considérablement. • Admirateur de la pensée française, sceptique et agnostique, le roi-philosophe de Prusse s’entoure de personnalités éminentes et réorganise l’Académie de Berlin, alors que la tolérance religieuse et philosophique du roi permet l’évolution de la théologie protestante. • C’est pendant le règne de Frédéric II que s’impose à l’université de Königsberg Emmanuel Kant (1724-1804). • Pilier de l’épistémologie moderne, Kant remet en question par ses trois critiques le rationalisme propre au XVIIIe siècle, glissant vers une conception plus pessimiste des capacités et limites de la raison humaine. • Le rationalisme idéalisé subit finalement les assauts du romantisme naissant, avec le mouvement Sturm und Drang (Tempête et passion). • Cette « révolution littéraire », pour reprendre l’expression de Goethe (1749-1832), se veut une réponse aux « dérives » rationalistes, par un retour à l’émotion. • Surtout, promoteur sur le plan politique d’un « nationalisme impérial » s’opposant à l’éclatement de la nation allemande, il constitue l’une des premières sources de ce qui deviendra au siècle suivant un mouvement national des intellectuels en faveur de l’unification allemande. 1.2 — La rivalité culturelle russo-autrichienne • La rivalité entre Berlin et Vienne se manifeste aussi sur le plan artistique, symbole évocateur de l’importance prise par les choses de l’art et de l’esprit au XVIIIe siècle : la puissance des canons ne suffit plus pour faire d’un État une grande puissance et susciter le respect. • En Prusse, le roi lui-même donnait l’exemple et avant sa rupture avec Voltaire, toute l’Europe cultivée chantait les louanges du roi-philosophe, protecteur des arts et des sciences. Même après la guerre de Sept Ans, Frédéric continua à correspondre avec d’Alembert ou d’Holbach. • Frédéric s’employa à réunir une impressionnante collection de chefs-d’œuvre européens et à subventionner par ses commandes des peintres (des portraitistes, en particulier, comme le Français Antoine Pesne) de toute l’Europe. • Flutiste, Frédéric composa quelques pièces qu’il interprétait au sein de son petit orchestre de chambre. • Il s’attacha en outre les services de Carl-Emmanuel Bach, à défaut de pouvoir attirer le père et fit construire un opéra royal à Berlin dès 1742. • L’architecture ne fut pas en reste et si le palais de Sansoussi de Potsdam ne peut pas rivaliser avec le luxe de Versailles, son parc de 300 hectares, se compare avec les grands parcs d’Europe de l’époque. • Frédéric consacra des moyens importants pour faire de sa capitale une rivale de Vienne, sans pour autant y parvenir car il ne put attirer dans sa capitale l’élite culturelle germanique de l’époque • Car le cœur culturel de la germanité au XVIIIe siècle est Vienne. Même si d’autres villes importantes attirent peintres, auteurs et compositeurs, la capitale impériale jouit d’un statut particulier, surtout pour la musique. • Sur la question artistique, Joseph II a fait davantage que sa mère, celle-ci demeurant plutôt froide devant les « audaces » artistiques de l’époque. • Christoph Willibald Gluck (1714-1787) est le premier d’une longue série de musiciens et de compositeurs qui vont parvenir à faire de Vienne l’un des principaux centres de création musicale. • Ceux qui suivent Gluck n’ont guère besoin de présentation : Joseph Haydn (1732-1809), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), ou encore Ludwig von Beethoven (1770-1827). • Ces illustres compositeurs donnent naissance au classicisme viennois des opéras de Mozart qui, à côté de ses classiques en langue italienne, donne à l’opéra allemand ses premiers chefs-d’œuvre, dont l’Enlèvement au sérail et la Flute enchantée. • Même si Prusse et Autriche concentrent l’activité culturelle et créatrice de la période, il convient de ne pas limiter l’extraordinaire foisonnement artistique que connaissent les terres germaniques du XVIIIe siècle à ces deux grands phares. • Car les conditions économiques et sociales qui vont favoriser le développement des arts existent aussi dans de nombreux autres centres de moindre importance. • Parmi les autres centres culturels importants, il convient de souligner la ville de Weimar, lieu de prédilection de Goethe et l’une des nombreuses villes où Bach a officié en tant qu’organiste, sans oublier bien sûr la Bavière et sa flamboyante capitale, Munich. 2 — Réactions et attitudes devant les événements français • Entre 1790 et 1815, les événements de France déterminent les réactions et attitudes des puissances et des populations du continent, lesquelles varient en fonction des soubresauts de la Révolution française. • Il est impossible d’affirmer une attitude précise, car de l’enthousiasme manifeste au rejet catégorique, elles furent variées et ont grandement fluctué. • Le cas des dirigeants autrichiens est intéressant, parce que la reine de France est aussi la sœur des empereurs Joseph II et Léopold II (1790-1792), de même que la tante de François II (1792-1835). • Cela étant Joseph II, qui considérait le système politique français d’avant l’été 1789 comme étant archaïque ne manifeste pas trop d’émotions lors de l’annonce de la prise de la Bastille. • Mais l’annulation dans les derniers mois de son règne de plusieurs de ses réformes peut aussi être interprétée comme la manifestation d’une crainte grandissante devant les événements. • Son frère, beaucoup plus conservateur, voyait d’abord d’un bon œil le résultat des États généraux, mais l’inquiétude le gagna en juin 1791, après la tentative d’évasion du roi et La suspicion à l’endroit des Français d’Autriche s’accroit alors. • On craint alors la contagion, surtout dans les campagnes, car la condition paysanne demeure difficile. Mais même si en 1789 des jacqueries éclatent en Bohême et en Carniole, difficile d’affirmer qu’elles soient sont liées aux événements de France. • L’agitation croit au cours des années suivantes et en 1792, une pétition réclamant une représentation à la Diète laisse croire à une politisation grandissante d’autant plus que le paysan autrichien sait souvent lire. • Plus inquiétante est l’attitude de certains membres des classes intellectuelles, généralement urbaines, devant les expérimentations françaises. Cela étant, devant la radicalisation de la crise au cours de 1791 et 1792, la majorité de ces témoins sympathiques s’inquiète de la situation et de ses conséquences. • Reste une minorité de ces élites qui continue à voir dans les événements français un exemple à suivre. • Malgré leur faible nombre, leur présence au cœur des bureaucraties suscite l’inquiétude des pouvoirs en place et ces « jacobins » sont l’objet d’une surveillance attentive de la part des services de police. • L’ensemble des événements conduit à une radicalisation de la réponse conservatrice, dont la manifestation la plus évidente fut la déclaration de Pilnitz. • Le 27 août 1791, Léopold II et Frédéric-Guillaume II de Prusse se rencontrent à Pilnitz en Saxe pour évoquer le problème polonais et la guerre contre les Ottomans, mais la tentative de fuite de Louis XVI et le sort du roi de France s’impose comme sujets de discussion. • À l’issue de la rencontre, une déclaration commune fut publiée par les diplomaties des deux États, soulignant leur préoccupation quant aux événements de France et à la situation de Louis XVI. • Le texte affirme de même l’intention des monarques venir en aide au roi de France dans l’établissement « d’un gouvernement monarchique également convenable aux droits des souverains et au bien-être des Français », ce qui sera vu par Paris comme une ingérence inacceptable. 3 — Les premières guerres • Après Pilnitz, les parlementaires français considéraient la guerre inévitable, d’où leur décision de déclarer la guerre : autant alors se porter à l’offensive. • La première confrontation entre les forces françaises et celles de la Prusse et de l’Autriche eut lieu à Valmy en septembre, après que les premières eurent pris le contrôle d’une partie des Pays-Bas autrichiens. • La victoire française et le fait que la Prusse était préoccupée par la situation à l’est, en Pologne ( ce qui conduira au 2e partage de ce pays) incita celle-ci à retirer ses forces, témoignage éloquent de la faiblesse de la solidarité des États germaniques. • Après Valmy et la proclamation de la République, la France déclare la guerre à tout le continent et vient très près d’être écrasée au cours de l’année 1793. • Un sursaut national permet de vaincre les forces autrichiennes, humiliation qui va de pair avec l’exécution le 16 octobre 1793 de Marie-Antoinette. • La Prusse laisse tomber son allié (Berlin signe un armistice avec Paris fin 1994) pour s’assurer de sa part du territoire polonais. Le 3e partage aura lieu en 1795, et cette fois l’Autriche, malgré son implication dans la guerre avec la France, trouvera le moyen d’avoir sa part. Cracovie devient alors autrichienne. • Devant faire face pratiquement seule à l’armée de Bonaparte, l’Autriche est défaite dans une série de batailles en 1796 et 1797 et contrainte à la paix par le traité de Campo-Formio, qui met fin à la première coalition antifrançaise. • L’Autriche cède alors les Pays-Bas à la France, en échange de territoires sur l’Adriatique, accentuant le déplacement du centre de gravité autrichien loin des terres germaniques. • En 1798, alors que Bonaparte est en Égypte et que le gouvernement français favorise l’émergence de « républiques sœurs » sur les territoires voisins, le RoyaumeUni parvient à susciter une 2e coalition à laquelle se joint l’Autriche, la Russie, la Turquie et la Suède, plus d’autres petits territoires allemands. • À noter que la Prusse (dirigé depuis 1797 par FrédéricGuillaume III, qui a succédé à son père) demeure une fois de plus à l’écart. • Les défaites de l’Autriche la contraignent à une paix humiliante à Lunéville le 9 février 1801, par laquelle Vienne reconnait l’extension des frontières françaises jusqu’au Rhin, c’est-à-dire l’abandon à Paris de territoires relevant de l’autorité impériale. • La France s’enfonce alors profondément dans les terres germaniques et commence la réorganisation territoriale de ces derniers. Traité de Lunéville • Mais la poursuite d’une guerre larvée entre Paris et Londres suscite une 3e coalition à laquelle se joint l’Autriche (devenu empire autrichien en 1804), mais toujours pas la Prusse, • Celle-ci se voit contrainte, après la défaite autrichienne d’Austerlitz, à signer avec la France le traité de Schönbrunn, qui permet à Berlin de s’approprier le Hanovre en échange d’une extension des territoires germaniques alliés à la France. • Quant à l’Autriche, elle poursuit sa retraite et en plus d’abandonner la Dalmatie, elle doit verser des réparations qui la laissent affaiblie, au point où elle restera à l’écart de la 4e coalition antifrançaise. • De plus, François II, tirant les conséquences de la création de la Confédération du Rhin, proclame le 6 août 1806 la dissolution du Saint-Empire. • La création de la Confédération du Rhin suscite la colère de Berlin, qui se ligue avec le Royaume-Uni, la Suède et la Russie contre Bonaparte. • Après sa défaite lors de la bataille de la Iéna (octobre 1806), puis celle de son allié russe à Eylau (février 1807), la Prusse est à son tour contrainte à une paix douloureuse à Tilsitt. • La Prusse perd la moitié de son territoire et de sa population (soit 5 millions de personnes), les territoires détachés étant annexés par le royaume de Westphalie, le duché de Saxe, ainsi que par la Russie. • La Prusse, désormais hors jeu, doit payer de lourdes réparations, s’engager à rejoindre le blocus contre le Royaume-Uni et limiter son armée à 50 000 hommes. • Cela n’empêcha pas Vienne de relancer la guerre, les défaites françaises en Espagne semblant marquer alors le début du déclin de la puissance de Bonaparte. • L’Autriche se porte à l’offensive en avril 1809, croyant profiter de la situation pour remettre en question ses pertes précédentes. • Malgré certaines victoires, cette 5e coalition ne fut pas plus heureuse que les précédentes et dès octobre 1809, Vienne est à nouveau contraint à signer la paix. • Pa le second traité de Schönbrunn l’Autriche perd 3 millions d’habitants par la cession de différents territoires soit à l’empire français, soit à son allié bavarois. • En plus des réparations et limitations aux forces armées (fixées à 150 000 hommes), le traité pava la voie au mariage de Bonaparte avec Marie-Louise d’Autriche, le premier croyant ainsi s’assurer de la fidélité de la couronne autrichienne. • Ainsi prit fin la première phase de la confrontation des territoires germaniques, qui combattirent au nom de la tradition, de l’ordre et de l’Europe de la Renaissance, et de la France bonapartiste, héraut de l’Europe moderne et de l’ordre social nouveau. • Une fois de plus, la France infligeait au monde germanique une leçon militaire, conséquence de son incapacité séculaire à transformer sa puissance économique en puissance politique et à transcender ses clivages régionaux au bénéfice d’une véritable unité politique. • Mais cette fois, la leçon portera fruit, même si avant de parvenir à cette unité, les élites politiques du monde germanique devront s’atteler à un sérieux examen de conscience. 4 — Napoléon et les terres germaniques 4.1 — La Confédération du Rhin • L’un des impacts les plus importants de la Révolution française sur le monde germanique concerne son organisation territoriale. • Même si c’est l’empereur François II qui décide de mettre fin au Reich, il a été poussé dans cette direction par les redécoupages territoriaux menés par Bonaparte après ses campagnes victorieuses. • Après l’échec de la tentative de la création de républiques sœurs en Belgique et sur la rive gauche du Rhin, Napoléon opta pour l’extension des frontières de la France au-delà de ces zones, qui furent alors découpées en départements et intégrées à la France. Confédération du Rhin • L’Autriche fut dédommagée en 1797 de ses pertes par des terres en Italie, mais les changements sur la rive gauche du Rhin furent plus importants, car ils touchaient le cœur du Saint-Empire : la ville de Mayence, par exemple, devint une ville française. • Pour compenser les pertes des princes allemands, Napoléon annexa évêchés et abbayes d’empires aux principautés laïques environnantes, pour beaucoup protestantes. • Le pouvoir politique du catholicisme dans l’ouest des terres germaniques fut ainsi détruit en même temps que la reichskirche. • À l’exception de l’Autriche, de la Bavière et de quelques petits territoires, les catholiques allemands étaient désormais minoritaires partout. • Couvents, monastères et monuments catholiques furent en bonne partie saisis ou détruits. • Des possessions autrichiennes ou bavaroises sur le Rhin furent cédées au grand-duché de Bade, dont le grand-duc avait épousé Stéphanie de Beauharnais, la belle-fille de Bonaparte. • Puis les villes libres et des centaines de micro-états de la petite noblesse changèrent de mains ou furent fusionnés à quelques grands États. • Le résultat de ces découpages, menées depuis Ratisbonne, puis depuis Paris, fut la création dans l’ouest de l’Allemagne de seize États qui, à partir de 1806, furent regroupés au sein de la Confédération du Rhin, et la disparition consécutive de plus de 1000 États, principautés et seigneuries, jusqu’alors indépendants. • Ironiquement, de ce fait, Napoléon facilita l’union des territoires germaniques qui sera réalisée par la Prusse quelques décennies plus tard, union qui constituera à partir de 1870 le principal adversaire de la France. • Au cours de l’année suivante s’ajoutent à cet ensemble 23 autres États. Dès lors, à l’exception de la Prusse, de l’Autriche et de quelques autres, tous les États de l’ancien Empire sont inclus dans la Confédération. • En 1810, la Confédération du Rhin compte 15 millions d’habitants répartis sur 35 États, ce qui constitue un bassin de population important, qui sera mis à contribution sur le plan économique et militaire. • La Confédération est avant tout conçue comme une alliance militaire destinée à contrer le revanchisme prussien ou autrichien et à mobiliser ressources et hommes pour la guerre. • Outre le contexte (les guerres qui se poursuivent), la faiblesse des structures centrales s’explique par la diversité de ces États, dont la grande majorité manque d’unité interne, constitués qu’ils furent par une puissance étrangère peu soucieuse d’homogénéité. • La Confédération aurait dû se doter d’une constitution, mais les différents États confédérés préférèrent conserver une large souveraineté. • Bonaparte privilégia donc la nomination à la tête de certains d’entre-deux de membres de sa famille chargés de « prêcher par l’exemple », en appliquant les méthodes et les principes de la France. • Il fallut aussi détruire les structures administratives particulières (comme les Diètes) dans chacun des États, pour y imposer par des normes communes. • Cela concerne autant le mode de gouvernance que les principes sous-jacents : abolition des ordres professionnels, des privilèges de la noblesse, établissement de la liberté de commerce, etc. • Les États furent divisés en départements et des gouvernements modernes étaient chargés d’appuyer un roi ou un duc, généralement nommé par l’empereur. • Dans les États plus au sud, ou l’influence française était plus forte, les dirigeants allèrent jusqu’à mettre en place une sorte de représentation nationale des Conseils du régime bonapartiste • Même s’ils étaient dépourvu de pouvoir réel, ces Conseils permettaient une certaine communication entre gouvernements et élites nationales. • Cette tutelle administrative française, en rupture avec les traditions des différents territoires de l’Allemagne occidentale, permis l’émergence de formes de gouvernement modernes qui à son tour a favorisé l’émergence d’une conscience nationale germanique. 4.2 — L’Autriche • L’Autriche est sortie affaiblie de sa lutte contre la France. Les défaites subies par Vienne témoigne de l’arriération de certaines structures sociales, qui l’a rendue incapable de lutter. • Dès le début du siècle, la question de la modernisation de l’empire autrichien est soulevé par certains membres de l’élite politique, mais le très conservateur François II refuse de recourir aux armes de l’adversaire et reste convaincu de la supériorité du modèle aristocratique. • Les défaites auraient dû provoquer une prise de conscience au sommet de l’État, mais l’empereur choisira la fuite en avant, espérant un retournement de la situation en Europe lui permettant de reprendre les territoires perdus. De sorte que peu d’actions seront entreprises pour moderniser le pays. • Diverses propositions sont faites par l’archiduc Carl pour moderniser l’État (comme l’octroi d’une forme de représentation parlementaire), mais elles remettaient en question la domination de la noblesse et seront rejetées. • Les réformateurs les plus audacieux parviendront à faire accepter le principe d’un État de droit et diverses réformes de 1803 à 1811 aboutiront à la mise en place d’un code de loi et d’une procédure judiciaire unique, basée sur la séparation des pouvoirs politique et judiciaire. • Même cette réforme porte la marque du conservatisme impérial, car si tous les citoyens sont considérés comme étant égaux devant la loi, ce titre de citoyen ne s’applique pas ni aux paysans, nu aux juifs • De même, par la refonte du système d’éducation, on reconnait l’importance du savoir, mais pour que l’éducation ne provoque pas de contestation politique, l’administration scolaire retourne entre les mains de l’Église. • Malgré tout, la scolarisation s’accélère, bien que l’accès demeure variable selon les régions : si les territoires germaniques s’alphabétisent rapidement, cela est moins vrai des populations balkaniques. • En 1809, l’Autriche se dote d’une défense territoriale pouvant mobiliser rapidement, à côté des forces armées régulières, plus de 700 000 hommes. • Cette Landwehr permettra à l’Autriche de contourner les dispositions du traité de Schönbrunn de 1809 et jouera un rôle important à partir de 1812-1814. • À partir de 1809, l’un des initiateurs de la 5e coalition, devenu ministre des Affaires étrangères et chancelier d’Empire, présidera aux destinées du gouvernement autrichien, jusqu’en 1848 : Klemens von Metternich. • Conservateur, mais pragmatique, il comprend après 1809 la nécessité de s’entendre avec la France et c’est lui qui se fait le promoteur du mariage de Marie-Louise et de Napoléon. • À partir de ce moment, l’empereur se soumet aux conseils de Metternich et les réformateurs sont écartés. • Sur le plan économique, la situation de l’Autriche est très difficile : aux coûts directs de la guerre s’ajoutent les réparations exigées par la France et les pertes territoriales et humaines. • De sorte que la couronne doit recourir à l’emprunt local et étranger et le service de la dette finira par provoquer la banqueroute de l’État en 1811. • Mais l’habileté de Metternich va permettre à l’Autriche de retrouver une certaine place en Europe, au détriment de son rôle de centre du monde germanique. • Se méfiant du nationalisme, autant parce qu’il s’agit de l’un des éléments à la base des guerres révolutionnaires que parce qu’il comprend la nature multiethnique de l’empire, Meternich laissera le terrain libre pour que l’autre puissance germanique reprenne le flambeau de l’unité allemande. 4.3 — La Prusse • Frédéric-Guillaume III eut aussi d’abord le réflexe de ne rien changer et de ne pas s’inspirer de la France révolutionnaire, vecteur de catastrophes. • Mais après le traité de Tilsitt, le roi de Prusse compris que des choses devaient changer et consentit à laisser à d’autres le travail de modernisation. • De 1806 à 1822, la Prusse comptere sur deux hommes d’exception, le baron Heinrich Friedrich Karl von Stein et le prince Karl August von Hardenberg, pour opérer le nécessaire redressement de l’État prussien. • Le premier ne sera ministre qu’un peu plus d’une année, mais c’est lui qui lancera le processus, le second n’ayant plus qu’à poursuivre sur la voie tracée par son prédécesseur. • Le projet de von Stein s’appuyait sur un constat : l’État prussien a failli par égoïsme. • Égoïsme envers les autres États allemands, de l’Autriche au premier chef, qui a permis de maintenir la Prusse en paix mais a favorisé la consolidation française. L’affaiblissement de l’Autriche consentit par la Prusse a finit par se retourner contre elle. • Cet égoïsme de l’État avait par ailleurs entrainé la rupture du lien entre dirigeants et population. • La comparaison avec la France était ici instructive, car son nouveau système politique avait réussi à refonder la légitimité de l’État auprès de la population, en impliquant celle-ci. • Si Stein était un homme des Lumières, c’était aussi un baron. L’élan populaire français suscitait chez lui une grande méfiance et il considérait dangereux de suivre cette voie. • Il fallait donc remettre en question le divorce entre État et société, sans mettre en danger le système, en favorisant la participation, non de toutes les classes sociales, mais d’un nombre suffisant de strates sociales pour assurer la stabilité. • Même si les campagnes ne sont pas encore agitées des passions que celles qui se manifestèrent en France, Stein devait se dire qu’il valait mieux débuter « par le haut » un processus inévitable, avant qu’il ne se manifeste d’une façon incontrôlable « par le bas », afin de sauvegarder l’essentiel : la monarchie et le pouvoir des grands propriétaires terriens. • Sur la base de ces constats, Stein va engager la Prusse dans un processus radical de transformation qui va constituer la base de la puissance prussienne, puissance qui permettra à Berlin de reprendre le flambeau de l’unité nationale. • Il fallait commencer par la question agraire. Pas de « nuit du 4 août 1789 » ici, mais une réforme en profondeur, destinée à préserver les bases de la puissance de la noblesse. • Le texte de la réforme sociale et juridique publié en octobre 1807 proclame l’abolition graduelle du servage sur toutes les terres prussiennes avant le 11 novembre 1810 : à cette date, toute la population de Prusse sera considérée comme étant libre. • Le problème de cette réforme, c’est qu’elle impose aux paysans le rachat des terres, de même que celui des droits féodaux, comme la corvée. • Comme la moitié des terres exploitées par un paysan revenait à son propriétaire, de nombreuses parcelles devenaient trop petites pour être rentables et étaient rachetées par les grands propriétaires. • La réforme permit l’apparition de petits et moyens exploitants terriens, mais favorisa la consolidation des grands domaines agricoles. Le modèle est donc très différent de celui de la France révolutionnaire, qui, grâce à la vente des biens nationaux, vit la multiplication des petites exploitations. • Autre élément fondamental du décret d’octobre 1807 : la libéralisation des activités économiques et la suppression des guildes. Dès lors, tout citoyen de Prusse, noble, bourgeois ou paysan, disposait du droit de se livrer à toutes les formes d’activités économiques, selon ses capacités et ses désirs. • Ces deux éléments eurent de profondes conséquences économiques et démographiques et la consolidation des grandes propriétés terriennes permit le développement du capitalisme agraire, les propriétaires disposant des ressources pour moderniser leur exploitation. • S’ensuivit un accroissement de la production, clé de l’explosion démographique et le développement de grandes fortunes capitalistiques permit à la grande noblesse de conserver sa puissance politique, grâce à sa nouvelle puissance économique. • Les réformes vont aussi conduire à des vagues migratoires : certains paysans libérés par l’abolition du servage vont rester dans les campagnes pour devenir des salariés agricoles, mais d’autres, devenus inutiles par la modernisation des exploitations, vont alimenter les flux migratoires et au cours du XIXe siècle, des millions de personnes quitteront les campagnes pour s’établir dans les villes et fournir ainsi la base ouvrière nécessaire au décollage industriel. • Parmi ces immigrants, un grand nombre choisira d’aller plus loin, dans d’autres territoires germaniques, dans d’autres pays d’Europe, ou en Amérique. • Pour favoriser aussi ce capitalisme urbain et industriel, il était nécessaire de permettre une certaine autogestion des villes, sans remettre en question l’autorité centrale, par le biais de conseils municipaux élus. • On élargit aussi la participation de la population en rétablissant, en 1815 des Diètes provinciales où siégeaient représentants du clergé, de la noblesse, de la bourgeoisie et parfois même de la paysannerie (dans les provinces occidentales). • Ces Diètes ne disposaient pas de pouvoirs législatifs, mais avaient des pouvoirs de gestions locales importants. • Le développement économique et la décentralisation réclamaient à leur tour des modifications au système d’éducation, afin de favoriser la participation de tous. • Tous les citoyens devaient pouvoir lire et écrire, maîtriser les bases de l’arithmétique et disposé d’une instruction civique, morale et religieuse, ces connaissances étant dispensées par les écoles des villes et des campagnes, souvent dirigés par le clergé. • Au niveau intermédiaire, le gymnase devait permettre aux classes supérieures d’obtenir une formation classique et pour les membres les plus capables ou les plus fortunés, d’accéder au 3e niveau de formation, celui de l’université laïque. • Celle de Berlin fut fondée en 1811 et attira les plus grands esprits de l’époque. Johann Fichte en fut le premier recteur. • Pour contourner la limitation de 40 000 soldats imposée par le traité de Tilsitt L en réduisant la durée de service, on parvint à ne pas dépasser cette limite, tout en formant plus de 200 000 soldats. On créa aussi une Landwehr qui servit d’armée de réserve et qui fut activée en 1813. • Le corps des officiers demeurant noble, la « démocratisation » de l’armée ne remit pas en question la domination des élites dans les forces armées. • Mentionnons aussi l’émancipation progressive de la communauté juive de Prusse, à laquelle furent étendus les devoirs et les droits des autres citoyens, faisant d’eux des membres à part entière de la société. • Plusieurs membres de cette communauté de quelques dizaines de milliers de personnes s’intégrèrent à la société, au point de jouer des rôles culturels, économiques et éventuellement politiques importants. Ne mentionnons ici que l’œuvre d’Heinrich Heine (1797-1856). • Mais leur activisme provoqua le développement d’un courant antisémite auprès des élites conservatrices, pour qui la communauté juive devint le symbole par excellence des réformes et des changements socio-économique abhorrés. • Pour couronner cette modernisation, il aurait fallu donner à la population une certaine participation ou représentation dans les affaires de l’État. • Mais Frédéric-Guillaume III se refusa à franchir ce pas, craignant qu’à l’image de ce qui s’était passé en France, on en vienne de la représentation à l’insurrection. • La Prusse devra donc attendre 1848 pour avoir son parlement. D’ici là, le système demeura strictement absolutiste. • Stein et Hardenberg réussirent donc le tour de force de moderniser la société et l’économie du pays, sans remettre en question sa structure politique. • Malgré leurs insuffisances, qui deviendront évidentes au début du siècle suivant, leurs réformes permettront à la Prusse de s’imposer bientôt comme le principal centre de la puissance du monde germanique. 4.4 — La montée du nationalisme • Au fur et à mesure des victoires napoléoniennes et de l’accroissement de la pression économique et militaire se fait jour un rejet par certaines franges de la population, qui contribuera à former le socle d’une conscience nationale moderne. • Dans les premières années des guerres napoléoniennes, les populations des territoires « occupés » ou de l’empire autrichien, soumis à l’humiliation nationale, restent dans l’ensemble calme. • Mais le démantèlement de la Prusse et de l’Autriche, les difficultés liées aux réquisitions exigées par la puissance tutélaire et à l’obligation de participer au blocus continental finirent par indisposer une part de plus en plus importante de la population, surtout compte tenu du monopole du commerce que l’empire français finit par s’octroyer. • Mais le mécontentement se traduit peu en opposition, sans doute à cause de l’absence d’unité politique des terres germaniques. • On compte des cas isolés, comme ce libraire de Nuremberg, arrêté et fusillé pour avoir écrit, publié et diffusé un pamphlet contre Napoléon, ou encore celui du major prussien von Schill, qui entraina une partie de ses soldats dans des actions sans conséquence. • Mais on ne compte qu’un soulèvement d’envergure avant 1813, celui d’Andreas Hofer qui souleva une partie du Tyrol, détaché de l’Autriche et soumis à la Bavière et à son maître français. • En 1809, les partisans de Hofer tinrent tête aux armées bavaroises et françaises, parvenant à s’emparer d’Innsbruck, pour y installer un gouvernement provisoire, mais la lutte était inégale et Hofer, capturé et exécuté, entra dans la légende en tant que symbole bien isolé de la lutte nationale. • Cette passivité, peut-être à mettre sur le compte du luthérianisme, pour qui l’insurrection contre le maître politique est illégitime, n’empêche pas la montée d’un sentiment d’humiliation, même parmi ceux qui, dans un premier temps, avaient porté un regard positif sur l’aventure révolutionnaire française. • Ainsi, tout ce que représente alors la Révolution française suscite un fort sentiment de rejet chez les élites. • Le nationalisme allemand moderne qui prend alors forme se définit par opposition au nationalisme français : le caractère politique de la nation française, basé sur l’idée d’un contrat social, se voit opposé le caractère historique du volk allemand, assemblé non par la volonté des individus, mais par des processus historiques séculaires. • De même, les concepts et institutions de la Révolution française (parlementarisme, démocratie, constitution) auront pendant très longtemps en Allemagne mauvaise presse. • Après les guerres, les terres allemandes chercheront à se doter d’institutions capables d’allier modernité et tradition historique que l’on veut croire complètement distinctes de celle de l’ennemi français. • C’est à définir ce particularisme allemand que s’emploient pendant la guerre es plus grands noms de la philosophie allemande que sont Kant, Fichte, puis Schelling et Hegel. • Mais à côté des aspects universaux de ces doctrines, on voit poindre, surtout chez Hegel, une sorte de sentiment de supériorité d’un modèle allemand mi-historique, mimythologique qui va peser lourdement sur le développement ultérieur du nationalisme allemand. • De ce point de vue, l’aventure impériale française aura des conséquences en Europe jusqu’au XXe siècle. 5 — La participation germanique à la libération de l’Europe • La paix de Tilsitt pour Napoléon n’était qu’une trêve pour permettre à ses forces de récupérer : tant que le RoyaumeUni n’était pas vaincu, la guerre se poursuivrait. • De son côté, la Russie, très affectée par le blocus continental, ne pouvait pas continuer à suivre une politique qui l’affaiblissait. La reprise de la guerre était inévitable. • Napoléon, contrôlant alors la quasi-totalité de l’Europe continentale, mit sur pied sa Grande Armée, composée de soldats provenant de tous les États européens. • Si les estimations sont variables, on évalue qu’un minimum de 100 000 soldats des différents territoires germaniques participa à la campagne de Russie, sur un total de 600 000 hommes. • Le sort de ces soldats ne fut pas différent de celui des hommes d’autres nationalités et après la prise de Moscou, la retraite et le passage de la Bérézina, il ne restait plus de ce nombre que quelques milliers. • Von Stein, chassé de Berlin en 1808 par le roi avait trouvé refuge auprès d’Alexandre à Saint-Péterbourg et c’est lui qui parvint à le convaincre de poursuivre la lutte au-delà du Niémen. • Voyant le sort des armes se retourner contre la France, les deux principaux États germaniques, la Prusse, puis en août 1813, l’Autriche, se joignent à l’avancée des troupes russes, formant ainsi, avec le Royaume-Uni, le Portugal et la Suède une 6e coalition antifrançaise. • Le sursaut se concrétisera de façon remarquable lors de la bataille de Leipzig, où a coalition continentale inflige une défaite à Napoléon, qui y perd le quart de ses forces et doit se replier sur le Rhin, laissant la majorité des territoires germaniques aux mains des armées coalisées. • La retraite de Napoléon ne s’arrêta pas là et il est alors contraint d’abandonner les territoires du Rhin, laissant en garnison des dizaines de milliers de soldats qui ne pourront que retarder l’avancée des forces de la coalition, auxquelles se joignent des soldats de certains autres territoires germaniques, jusque là alliés à la France napoléonienne. • Puis le combat se déplace en France et jusqu’en avril 1814, l’empereur tente de résister. Malgré certaines victoires, l’armée impériale recule et au début d’avril 1814 les troupes russes entrent à Paris. Bonaparte abdique et à la suite du traité de Paris du 30 mai 1814, il est contraint à l’exil. • Le retour de l’empereur provoquera la naissance d’une 7e coalition et lors de la bataille de Waterloo le 18 juin 1815, les troupes du général prussien Blücher portent le coup de grâce à ce qui restait de l’armée française. • Défait, Bonaparte est cette fois exilé sur l’île de SainteHélène, où il meurt le 5 mai 1821. • Au cours des deux dernières années de guerre, et même si ce sont les forces russes qui ont constitué jusqu’en 1814 le fer de lance de la coalition, la contribution des États germaniques, particulièrement les armées prussiennes et autrichiennes fut fondamentale, car à elles seules, les armées russes n’auraient pu libérer l’Europe. • Mais cette contribution fut le fait des États et des forces armées régulières et à quelques exceptions près, les populations ne participèrent pas aux combats. • Le rôle des « chasseurs de Lützow », compagnies formées de soldats volontaires, s’il a été exalté par une certaine tradition historique, fut beaucoup plus moral que réel. • Car il n’y eut pas de soulèvement populaire en appui aux forces régulières pour chasser les troupes de l’occupant. • Les soldats des de la Confédération germanique restèrent fidèles à leur souverain et ne se joignirent aux forces coalisées que lorsque leurs maîtres le firent eux-mêmes. • Pas d’emportement national donc, la population, sans doute excédée par les difficultés économiques espère simplement que la guerre prendra fin rapidement. • Cette absence d’enthousiasme populaire témoigne aussi que la perception d’une identité nationale allemande demeure, sauf exception, limitée au milieu intellectuel. • La tradition historiographique germanique a grossi l’implication des populations dans la lutte pour libérer le sol germanique, alors qu’à peine une dizaine de milliers de volontaires se sont engagés militairement. • Malgré leur faible nombre, le fait qu’il s’agissait pour beaucoup d’étudiants, d’intellectuels d’artistes va donner à leurs actions une forte résonance et favoriser la diffusion de l’idée nationale. 6 — Les traités de Paris et le Congrès de Vienne • Le plus important événement diplomatique du XIXe siècle eut lieu à Vienne, du 18 septembre 1814 au 9 juin 1815, brièvement interrompu par le retour de l’empereur. Le congrès est réuni suivant les dispositions du traité de Paris signé le 30 mai 1814. • Ce premier traité entre la France et ses vainqueurs se montrait assez généreux, laissant à la France le contrôle des territoires germaniques qu’elles avaient conquis avant janvier 1792. • Mais l’épisode des Cent-Jours et la défaite de Waterloo incitèrent les vainqueurs à se montrer moins généreux et par un le 2e traité signé de Paris, la France se vit ramené à ses frontières de 1789. • Le traité lui permit tout de même de conserver les territoires alsaciens et lorrains conquis au XVIIe siècle, alors que Prusse, Bavière et Pays-Bas obtiennent la rétrocession de certains territoires. • Entre-temps, le Congrès de Vienne, qui marque le retour de l’Autriche au cœur des jeux diplomatiques de l’Europe devint la vitrine de la victoire de l’Ordre ancien sur le monde nouveau, dont la France s’était fait le chantre. • Les travaux ne se limitèrent pas à la question de la France et prétendaient fonder un nouvel ordre européen, afin d’assurer la paix sur le continent. La question était de savoir sur quels principes fonder cet ordre. • Derrière la fête à laquelle sont conviés les représentants de l’Europe monarchiste (200 princes et membres des dynasties régnantes), les représentants des véritables puissances victorieuses (Autriche, Prusse, Royaume-Uni et Russie) se réservent les discussions sérieuses. • La victoire n’a pas fait taire les contradictions des alliés, particulièrement celles de la Prusse et de l’Autriche, cette dernière voyant d’un mauvais œil la restauration, et même l’augmentation de la puissance, à laquelle aspire Berlin. • Par exemple, pour compenser ses pertes des territoires polonais, Berlin réclama du congrès l’agrandissement de son territoire aux frais du royaume de Saxe qui devait être punis pour être resté longtemps aux côtés de Bonaparte. • Vienne s’y opposait, de crainte que ce changement n’entraine un développement trop grand de la puissance de sa rivale. • À l’issu des travaux, l’acte final du Congrès, comprenant plus de 300 pages, redéfinissait les frontières de nombreux États et posait les bases de leurs interrelations. • Le Congrès entérinait la création de la Confédération germanique, structure lâche englobant la majorité des territoires peuplés par des populations de langue allemande. La confédération germanique • Cette Confédération comprenait 39 États, incluant la partie germanique de l’empire autrichien, cinq royaumes (Prusse, Bavière, Saxe, Wurtemberg et Hanovre), douze principautés, sept grands duchés et quatre villes libres (Brême, Hambourg, Frankfort et Lübeck). • La Prusse obtenait la rétrocession de l’essentiel de la Silésie, une partie de la Saxe, des provinces rhénanes, ainsi que de la Westphalie, mais avec la résurrection du Hanovre, son territoire se trouva coupé en deux, deux provinces à l’ouest, six autres provinces à l’est. • L’Autriche récupérait la majeure partie des territoires perdus et recevait des compensations en Dalmatie et en Vénétie pour la perte de la Belgique et du Luxembourg, qui rejoignirent les Provinces-unis pour former le Royaume-Uni des Pays-Bas. • La Confédération laissait à l’extérieur de ses frontières une partie de la Prusse et une majorité des terres relevant de l’empire habsbourgeois. L’empire autrichien en 1815 • La vision de Metternich avait triomphé : au lieu de frontières basées sur le principe de l’État national (qui aurait pu permettre la naissance d’un État allemand unifié), le Congrès de Vienne remit en place l’Europe dynastique d’avant la révolution, subordonnant le droit des peuples à celui des trônes. • Prusse et Autriche s’entendaient pour qu’il n’y ait pas d’unification des terres germaniques, car si une telle chose devait survenir, elle se ferait nécessairement au détriment de l’une d’elles. • Loin de résoudre la question nationale allemande, le Congrès de Vienne a tenté de l’enterrer. Rien d’étonnant à ce que celle-ci ressurgisse un demi-siècle plus tard.