O. Meunier, C. Hernandez & M. Bientz
Généralités
L’encéphalite japonaise est une affection due à un F l a v i v i -
rus, transmise à l’homme par la piqûre de moustiques
vecteurs du genre Culex. Les hôtes de base du virus sont les
jeunes oiseaux sauvages vivant sur les étendues d’eau, dont la
virémie importante constitue une pre m i è r e amplification virale.
Le virus est ensuite transmis par l’interm é d i a i re des mous-
tiques aux porcs, qui permettent une deuxième étape d’am-
plification et constituent un réservoir viral plus proche des
habitations humaines (2, 9, 10, 12, 14, 15). Ce cycle enzootique
explique la transmission à l’homme essentiellement en zone
rurale, pendant les périodes de fortes précipitations favorables
à la multiplication des moustiques (2, 10).
La zone géographique touchée par l’encéphalite japonaise com-
p rend la Chine, la Corée, le Japon, le Sud-est asiatique, le sous-
continent indien et probablement l’ensemble de la Nouvelle
G u i n é e; les trente dern i è res années ont vu l’extension de la
maladie hors de la zone d’endémie classique, sous forme d’épi-
démies parmi des populations non immunisées (7, 10).
Les moustiques vecteurs piquent de la tombée du soir au
m a t i n; la piqûre, douloureuse, ne passe pas inaperçue (2). On
considère que 1 à 3% des moustiques sont porteurs du virus
en zone d’endémie (5, 7). L’infection n’est symptomatique
que dans 1 cas sur 50 à 1 cas sur 1000. Elle se manifeste sous
la forme d’une méningo-encéphalite fébrile évoluant dans
25 % des cas vers le décès du patient et responsable, chez 25
à 50 % des survivants, de séquelles neuro-psychiatriques plus
ou moins sévères (7, 10, 12). L’incubation serait d’une à deux
semaines (1, 12, 14).
En zone d’endémie classique, où le contact avec le virus se
fait précocement dans la vie de l’individu, la forme clinique de
la maladie s’observe essentiellement chez les jeunes enfants qui
constituent la population non immunisée, avec une incidence
annuelle de 10 à 100 pour 100000 habitants (7, 14). Les cas à
l’âge adulte s’observent davantage dans les terr i t o i res nou-
vellement touchés par le virus, parmi les voyageurs ou les
expatriés et dans les pays où la vaccination dans l’enfance,
systématique mais parfois non poursuivie à l’âge adulte,
repousse de plusieurs années le pic d’incidence de la maladie
(7, 10, 14).
La vaccination
Plusieurs vaccins ont été élaborés en Asie contre l’encé-
phalite japonaise, généralement pour un usage limité aux
besoins nationaux: vaccins inactivés produits sur cerveaux de
souris le plus souvent, vaccins inactivés et vaccins vivants atté-
nués produits sur cultures cellulaires en Chine par exemple (7,
9, 10, 14). D’autres, conçus notamment à partir de protéines
recombinantes ou de virus génétiquement modifiés, sont à
l’étude (10).
Seuls les vaccins de fabrication japonaise, dont l’efficacité a été
démontrée depuis plusieurs décennies par des enquêtes à
grande échelle en zone d’endémie (7, 14), sont distribués au
plan international. Le vaccin disponible en France est le vac-
cin BIKEN®, correspondant à la souche Nakayama, distri-
bué sous la dénomination commerciale JEVAX® par Av e n t i s
Pasteur MSD; il n’a pas reçu l’Autorisation de mise sur le
m a rché en France, mais est disponible cependant dans le cadre
d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nomina-
tive délivrée par l’Agence française de sécurité sanitaire des pro-
duits de santé. À l’heure actuelle, la demande passe
o b l i g a t o i rement par un centre de vaccinations intern a t i o n a l e s
dont le médecin pose l’indication vaccinale, remplit les for-
mulaires d’ATU et commande le vaccin. Le délai maximum
pour l’obtention des doses est de 20 jours.
La primo-immunisation est assurée par trois injections sous-
cutanées à J0, J7 et J30; la dernière dose doit être administrée
au moins 10 jours avant le départ pour assurer une réponse
i m m u n i t a i r e efficace avant le voyage et perm e t t re de faire face
à une éventuelle manifestation allergique tardive (1, 5, 12).
Une injection de rappel doit être effectuée deux ans après (3)
(le service médical de l’ambassade de France assure dans cer-
tains pays - en Chine notamment - la vaccination des ressor-
tissants français). La vaccination est possible chez l’enfant à
partir de 1 an mais, entre 1 et 3 ans, seule la moitié de la dose
doit être injectée (3).
Des réactions secondaires locales ont été signalées dans 1 à
3 0 % des cas et des réactions générales, selon les auteurs,
dans 1 à 20 % (3). Ces manifestations sont généralement
bénignes, mais des phénomènes allergiques allant de l’urt i c a i re
au choc anaphylactique ont été décrits chez des patients
adultes (2, 7, 9, 14) initialement en Occident, puis en Répu-
blique de Corée et parmi les forces armées des États-Unis
d’Amérique stationnées au Japon (7). Ces réactions surv i e n-
draient dans 0,1 % des cas, jusqu’à dix jours après l’injec-
tion d’une dose vaccinante (5, 6), et pourraient être liées à la
gélatine utilisée pour stabiliser le vaccin (7); l’hypothèse selon
laquelle seuls certains lots de vaccins seraient concernés n’a
pas été à ce jour confirmée (3, 7). Ces doutes imposent de
repenser l’indication de la vaccination chez des patients aux
antécédents atopiques sévères, en mettant en balance les béné-
fices et les risques liés au voyage (12).
Les contre-indications citées par le fabricant (The Research
Foundation for Microbial Diseases of Osaka University) sont
l’hypersensibilité prouvée ou suspectée à des protéines de
rongeurs ou d’origine neuronale et l’hypersensibilité au mer-
thiolate (conservateur couramment utilisé dans l’industrie
pharmaceutique). Une réaction de type allergique à la suite
d’une injection est une contre-indication pour les injections
suivantes. Il n’est pas recommandé, en l’absence d’inform a t i o n s
sur l’innocuité du vaccin, de l’administrer aux enfants de
moins de un an ainsi qu’aux femmes enceintes ou allaitantes.
Indication de la vaccination contre
l’encéphalite japonaise pays par pays
Les indications précises de la vaccination contre l’encé-
phalite japonaise sont difficiles à cern e r, la zone de trans-
mission de l’infection s’élargit, couvrant actuellement le
sous-continent indien, une partie du continent asiatique et
des archipels de l’Asie du Sud-est, et les données épidémio-
logiques locales sont souvent très fragmentaires. La maladie
évolue volontiers selon le mode de petites épidémies en période
des pluies ou de la mousson mais l’irrigation, notamment
pour la culture du riz, favorise la multiplication des mous-
tiques à tout moment de l’année (4).
On peut néanmoins définir schématiquement trois zones géo-
graphiques différentes du point de vue épidémiologique (10,
11) (figure n° 1):
- zone endémique: tropicale, elle se situe au sud du 15ème
parallèle nord. Les cas cliniques d’encéphalites y sont peu
nombreux, liés à la pullulation des vecteurs dans les rizières
au moment de la saison des pluies, qui constitue la période de
transmission ;
- zone endémo-épidémique: subtropicale, appro x i m a t i v e-
ment comprise entre le 15ème et le 23ème parallèles nord. La
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